Cet arrêt deviendra définitif dans les conditions définies à l’article 44 § 2 de la Convention. Il peut subir des retouches de forme.
En l’affaire Anagnostopoulos c. Grèce,
La Cour européenne des Droits de l’Homme (première section), siégeant en une chambre composée de :
MmeF. Tulkens, présidente,
MM.C.L. Rozakis,
P. Lorenzen,
MmesN. Vajić,
S. Botoucharova,
MM.A. Kovler,
V. Zagrebelsky, juges,
et de M. S. Nielsen, greffier adjoint de section,
Après en avoir délibéré en chambre du conseil les 24 janvier 2002 et 13 mars 2003,
Rend l’arrêt que voici, adopté à cette dernière date :
PROCÉDURE
1. A l’origine de l’affaire se trouve une requête (no 54589/00) dirigée contre la République hellénique et dont un ressortissant américain, M. Dionysios Anagnostopoulos (« le requérant »), a saisi la Cour le 3 janvier 2000 en vertu de l’article 34 de la Convention de sauvegarde des Droits de l’Homme et des Libertés fondamentales (« la Convention »).
2. Le requérant est représenté devant la Cour par Me G. Dimitrakopoulos, avocat à Athènes. Le gouvernement grec (« le Gouvernement ») est représenté par le délégué de son agent, M. S. Spyropoulos, assesseur auprès du Conseil juridique de l’Etat, et Mme V. Pelekou, auditeure auprès du Conseil juridique de l’Etat.
3. Le requérant alléguait en particulier une violation de l’article 6 § 1 de la Convention, en relation avec la procédure dans laquelle il était partie civile et où les accusés, déférés en jugement, n’ont pas été jugés pour cause de prescription survenue en raison du comportement des autorités de poursuite.
4. La requête a été attribuée à la deuxième section de la Cour (article 52 § 1 du règlement). Au sein de celle-ci, la chambre chargée d’examiner l’affaire (article 27 § 1 de la Convention) a été constituée conformément à l’article 26 § 1 du règlement.
5. Le 1er novembre 2001, la Cour a modifié la composition de ses sections (article 25 § 1 du règlement). La présente requête a été attribuée à la première section ainsi remaniée (article 52 § 1).
6. Par une décision du 24 janvier 2002, la chambre a déclaré la requête partiellement recevable.
7. Tant le requérant que le Gouvernement ont déposé des observations écrites sur le fond de l’affaire (article 59 § 1 du règlement).
EN FAIT
I. LES CIRCONSTANCES DE L’ESPÈCE
8. Le requérant est né en 1945 et réside à Athènes.
9. En 1991, un collaborateur du requérant lui apporta une traite de laquelle il ressortait qu’il avait déposé la somme de 8 000 000 drachmes (GRD) sur le compte d’une société anonyme (représentée par le requérant) auprès d’une agence de la Banque Nationale de Grèce. Toutefois, quelques jours plus tard, le directeur de la banque informa le requérant que la traite était fausse et que, par conséquent, la banque considérait que cette somme n’avait jamais été déposée sur le compte susmentionné. Le requérant émit alors deux chèques personnels afin de couvrir la somme et invita la banque à lui rendre le faux chèque. La banque lui répondit que le chèque était perdu. Le requérant introduisit alors une action contre la banque, par laquelle il demandait la restitution du chèque ou le paiement du montant correspondant. Les parties ne donnent pas d’autres informations quant à l’issue de cette action.
10. De son côté, la banque porta plainte contre le requérant pour usage de faux. Le requérant fut convoqué devant le magistrat instructeur huit mois plus tard. Ayant eu accès au dossier, le requérant constata que certaines pièces, notamment le chèque susmentionné, étaient fausses ; en effet, sur le dos du chèque figurait un faux tampon de la société représentée par le requérant et une fausse signature de celui-ci. Les parties n’indiquent pas quel fut l’aboutissement de cette plainte.
11. Le 10 janvier 1994, le requérant porta plainte contre certains employés de la banque pour faux et usage de faux. Il se constitua aussi partie civile et sollicita GRD 15 000 pour dommage moral.
12. Les employés de la banque furent convoqués devant le magistrat instructeur en 1998, à savoir quatre ans après l’introduction de la plainte et cinq ans après les faits incriminés (voir paragraphe 13 ci-dessous). Selon le requérant, après la fin de leur audition, le magistrat instructeur transmit le dossier au procureur aux fins de poursuite, mais sans inviter le requérant à contresigner la clôture de l’examen préliminaire, en méconnaissance des dispositions pertinentes du code de procédure pénale.
13. Par une décision no 101.127/1998, le procureur près le tribunal correctionnel d’Athènes décida de déférer les employés devant le tribunal correctionnel pour être jugés du délit de faux commis en juin 1993. Le 20 mai 1998, ceux-ci interjetèrent appel contre cette décision, devant le procureur près la cour d’appel d’Athènes qui infirma cette décision.
14. Suite à cette décision, le procureur près le tribunal correctionnel d’Athènes introduisit l’affaire devant la chambre d’accusation du tribunal correctionnel afin que celui-ci décide du renvoi des accusés en jugement.
15. Le 21 décembre 1998, la chambre d’accusation du tribunal correctionnel d’Athènes conclut (décision no 5885/1998) que, comme les infractions incriminées avaient été commises par les employés en juin 1993, elles étaient couvertes par la prescription prévue aux articles 111, 112 et 113 du code pénal.
16. Le 16 juin 1999, le requérant interjeta appel contre la décision no 5885/1998 devant la chambre d’accusation de la cour d’appel d’Athènes. Le 19 octobre 1999, celle-ci confirma la décision précitée ; elle releva que les infractions étaient prescrites même avant l’introduction de l’affaire devant la chambre d’accusation de première instance et que celle-ci avait à juste titre mit fin à la poursuite pénale des accusés (décision no 2401/1999).
II. LE DROIT INTERNE PERTINENT
17. Les dispositions pertinentes du code pénal se lisent ainsi :
« Article 111
1. L’acte punissable disparaît avec la prescription.
(…)
3. Les délits sont prescrits après cinq ans.
(…) »
« Article 112
Le délai de prescription court à compter du jour de la commission de l’acte punissable. »
« Article 113
Le délai de prescription est reporté aussi longtemps que la poursuite pénale ne peut pas commencer ou continuer conformément à la loi.
Le délai de prescription est reporté pendant la période où la procédure est en cours et jusqu’à ce que la décision condamnant l’accusé devienne définitive. (…) »
Les dispositions pertinentes du code civil se lisent ainsi :
« Article 261
La prescription est interrompue par l’introduction d’une action en justice. La prescription ainsi interrompue commence à nouveau à partir du dernier acte de procédure accompli par les parties ou par le tribunal ».
« Article 270
Lorsque la prescription est interrompue, le laps de temps écoulé n’entre pas en ligne de compte ; une nouvelle prescription commence à partir de la fin de l’interruption (…) »
18. L’interruption de la prescription, qui s’effectue avec l’introduction d’une action, s’effectue aussi avec la constitution de partie civile, compte tenu que cette constitution de partie civile s’analyse en une introduction d’action au sens de l’article 261.
19. Selon l’article 65 du code de procédure pénale, la juridiction pénale ne se prononce pas sur la partie civile lorsqu’elle décide de ne pas poursuivre ou lorsqu’elle acquitte l’accusé pour quelque motif que ce soit. Dans ces cas, qui comprennent aussi la cessation des poursuites pénales pour cause de prescription, la partie civile ne perd pas son droit à réparation, car il peut saisir les juridictions civiles. Celles-ci examineront le bien fondé de l’affaire sans qu’elles soient liées par la décision des juridictions pénales. La juridiction pénale peut aussi renvoyer la partie civile devant les juridictions civiles, si elle estime la prétention non liquidée et si la demande dépasse le montant de GRD 15 000. Enfin, la partie civile peut se désister devant les juridictions pénales et poursuivre son action devant les juridictions civiles.
20. Par une loi n o 2408/1996, ces infractions furent qualifiées de délit (si la somme incriminée était inférieure à GRD 25 000 000) et la période de prescription se réduisit automatiquement à cinq ans.
EN DROIT
I. SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L’ARTICLE 6 § 1 DE LA CONVENTION
21. Le requérant allègue une violation de l’article 6 § 1 de la Convention, en relation avec la procédure dans laquelle il était partie civile et où les accusés, déférés en jugement, n’ont pas été jugés pour cause de prescription survenue en raison du comportement des autorités de poursuite. La Cour a examiné ce grief sous l’angle de la notion d’accès à un tribunal, garanti par l’article 6 § 1 qui, dans sa partie pertinente, dispose :
« Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement (…) par un tribunal (…), qui décidera (…) des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil (…) »
22. Le Gouvernement souligne que le droit individuel de la partie civile qui entre dans le champ d’application de l’article 6 § 1 de la Convention est la prétention civile introduite devant la juridiction pénale. Le fait que la partie civile appuie l’accusation n’élargit pas l’objet du procès pénal et ne crée pas pour la partie civile un droit de voir l’accusé sanctionné pénalement. La décision de la chambre d’accusation, selon laquelle les infractions incriminées étaient couvertes par la prescription, n’a pas entraîné la perte des prétentions civiles du requérant contre les accusés, car celui-ci avait le droit d’introduire une action civile devant les juridictions civiles. Le requérant avait donc un accès entier et effectif à un tribunal pour réclamer la somme qu’il avait sollicitée lors de la constitution de partie civile et pour toute autre somme qu’il souhaitait revendiquer conformément à la réserve qu’il avait émise au moment de la constitution de la partie civile.
23. Le Gouvernement souligne aussi que la constitution de partie civile du requérant, le 10 janvier 1994, le prononcé de la décision no 5885//1998, le 21 décembre 1998, l’appel du requérant du 16 juin 1999 et la décision no 2401/1999 du 19 octobre 1999, forment des « actes de procédure », qui ont interrompu à chaque fois la prescription de la créance. Par conséquent, la créance du requérant n’est pas encore prescrite et ne le sera pas avant le 20 octobre 2004.
24. Selon le Gouvernement, le requérant pouvait également, s’il avait constaté un retard dans la procédure pénale, se désister de la partie civile et introduire une action devant les juridictions civiles.
25. Le Gouvernement s’appuie également dans la décision de la Cour dans l’affaire Stokas c. Grèce (no 51308/99) du 29 novembre 2001, par laquelle la Cour avait déclaré irrecevable une requête, au motif que la décision de la juridiction pénale constatant la prescription de l’infraction, n’avait pas d’incidence sur les créances civiles du requérant déjà soumises devant les juridictions civiles, qui n’étaient nullement liés par la décision des juridictions pénales.
26. Le requérant soutient que l’attitude des autorités judiciaires compétentes était délibérée, car les accusés étaient employés d’une banque contrôlée par l’Etat. Il en veut pour preuve le fait que l’instruction de la plainte portée contre lui fut très rapide. Il souligne en outre qu’avant 1996, les infractions de faux et d’usage de faux étaient qualifiées de crime, quel que soit le montant incriminé, et prescrites au bout de quinze ans. Toutefois, par une loi n o 2408/1996, ces infractions furent qualifiées de délit (si la somme incriminée était inférieure à GRD 25 000 000) et la période de prescription se réduisit automatiquement à cinq ans.
27. Le requérant soutient également qu’en vertu des articles 65 et 66 du code de procédure pénale, la juridiction pénale est obligée de statuer sur la partie civile lorsque le montant sollicité ne dépasse pas GRD 15 000 et ne peut pas envoyer l’affaire devant les juridictions civiles.
28. La Cour rappelle que la Convention ne garantit pas un droit à des poursuites pénales comme telles. L’article 6 garantit entre autres aux justiciables, un droit d’accès aux tribunaux afin de voir juger toutes contestation sur leurs droits et obligations de caractère civil. Tel est le cas par exemple, lorsqu’un particulier se constitue partie civile dans le cadre d’une procédure pénale. En l’espèce, s’il est clair que le requérant, en portant plainte contre les employés de la banque, entendait déclencher l’action publique, la Cour note que celui-ci avait assorti sa plainte d’une demande d’indemnisation : il sollicitait GRD 15 000 pour dommage moral.
29. Le 21 décembre 1998, la chambre d’accusation du tribunal correctionnel jugea que les infractions commises par les employés de la banque étaient déjà prescrites. La chambre d’accusation de la cour d’appel confirma cette décision. Il résulte de ces deux décisions que la demande d’indemnisation du requérant ne peut plus être examinée par les juridictions pénales.
30. La Cour en convient avec le Gouvernement qu’il était loisible au requérant d’introduire en même temps que sa plainte, ou même plus tard, une action en indemnisation devant les juridictions civiles, auquel cas nul problème d’accès à un tribunal ne serait posé.
31. Toutefois, la Cour attache un poids particulier aux circonstances suivantes : les faits incriminés ont eu lieu en juin 1993. Le magistrat instructeur a convoqué les accusés quatre ans après que le requérant avait introduit sa plainte contre eux (le 10 janvier 1994) et cinq ans après la date du délit et le procureur les a envoyés en jugement en 1998, de sorte que les délits étaient déjà couverts par la prescription quinquennale de l’article 111 du code pénal. La Cour note de surcroît qu’entre-temps et suite à l’entrée en vigueur d’une nouvelle loi en 1996, l’infraction incriminée avait reçu une qualification délictuelle au lieu de criminelle qu’elle revêtait antérieurement, ce qui a réduit la période de la prescription de l’action publique. Enfin, selon l’article 65 du code de procédure pénale, les juridictions pénales sont obligées d’examiner la constitution de partie civile, si la procédure se termine par un arrêt de condamnation, et ne peuvent renvoyer l’affaire devant les juridictions civiles que lorsque la créance n’est pas liquidée et le montant ne dépasse pas GRD 15 000.
32. A cet égard, la Cour estime que lorsque l’ordre juridique interne offre un recours au justiciable, tel le dépôt d’une plainte avec une constitution de partie civile, l’Etat a l’obligation de veiller à ce que celui-ci jouisse des garanties fondamentales de l’article 6. En l’espèce, le requérant avait introduit une demande d’indemnisation pour un montant de GRD 15 000, ce qui constitue une somme que les juridictions pénales examinent dans tous les cas sans être obligées de renvoyer aux juridictions civiles. Le requérant avait donc une espérance légitime d’attendre que les tribunaux statuent sur cette demande d’indemnisation, que ce soit de manière favorable ou défavorable. Le retard avec lequel les autorités des poursuites ont traité le dossier, ce qui a entraîné la prescription des infractions incriminées et, par conséquent, l’impossibilité pour le requérant de voir statuer sur sa demande d’indemnisation, a privé ce dernier d’un droit d’accès à un tribunal. A cet égard, la Cour estime que l’on ne saurait exiger d’un justiciable d’attendre que sa créance soit prescrite par la faute des autorités judiciaires et d’introduire par la suite une action devant les juridictions civiles afin de solliciter à nouveau la somme symbolique qu’il avait réclamée devant les juridictions pénales.
33. Enfin, la Cour estime que la présente affaire ne saurait être assimilée à l’affaire Stokas c. Grèce invoquée par le Gouvernement, car dans cette dernière le requérant avait saisi à la fois les juridictions pénales et les juridictions civiles, ce qui n’était pas le cas en l’espèce.
34. Par conséquent, la Cour conclut qu’il y a eu violation de l’article 6 § 1 de la Convention.
II. SUR L’APPLICATION DE L’ARTICLE 41 DE LA CONVENTION
35. Aux termes de l’article 41 de la Convention,
« Si la Cour déclare qu’il y a eu violation de la Convention ou de ses Protocoles, et si le droit interne de la Haute Partie contractante ne permet d’effacer qu’imparfaitement les conséquences de cette violation, la Cour accorde à la partie lésée, s’il y a lieu, une satisfaction équitable. »
A. Dommage et frais et dépens
36. Pour dommages matériel et moral, le requérant demande la somme de GRD 182 500 000, qui s’analyse comme suit : GRD 112 500 000 pour pertes de revenus, consécutives au fait qu’il a été obligé de cesser son activité professionnelle ; les sommes qu’il a dû verser pour avoir prétendument fait des chèques sans provisions ainsi que les contributions à la sécurité sociale grecque, d’un montant de GRD 20 000 000; GRD 50 000 000 pour diffamation.
37. Pour frais et dépens, le requérant sollicite GRD 4 000 000, en particulier pour honoraires d’avocats, frais de téléphone et frais de voyage entre la Grèce et les Etats-Unis.
38. Le Gouvernement souligne que les demandes du requérant n’ont pas de lien de causalité avec la violation de l’article 6 § 1, ne sont pas réelles et dénuées de fondement.
39. La Cour estime avec le Gouvernement qu’il n’existe aucun lien de causalité entre le dommage matériel réclamé et la violation constatée. En ce qui concerne le préjudice moral, elle estime que le constat de violation constitue une satisfaction équitable suffisante. Quant aux frais et dépens, la Cour note que les observations déposées par le requérant semblent être rédigées par lui-même et non par son avocat et que les prétentions concernant les frais de voyage et de téléphone ne sont pas étayées ; par conséquent, elle ne lui alloue aucune somme à ce titre.
PAR CES MOTIFS, LA COUR
1. Dit, par cinq voix contre deux, qu’il y a eu violation de l’article 6 § 1 de la Convention ;
2. Dit, par cinq voix contre deux, que le constat d’une violation fournit en soi une satisfaction équitable suffisante pour le dommage moral subi par le requérant ;
3. Rejette, par cinq voix contre deux, la demande de satisfaction équitable pour le surplus.
Fait en français, puis communiqué par écrit le 3 avril 2003 en application de l’article 77 §§ 2 et 3 du règlement.
Søren NielsenFrançoise Tulkens
Greffier adjointPrésidente
Au présent arrêt se trouve joint, conformément aux articles 45 § 2 de la Convention et 74 § 2 du règlement, l’exposé de l’opinion séparée dissidente de M. Lorenzen et Mme Vajić.
F.T.
S.N.
OPINION DISSIDENTE DE M. LE JUGE LORENZEN
ET DE Mme LA JUGE VAJIĆ
Nous ne pouvons souscrire à l’avis de la majorité selon lequel il y a eu violation de l’article 6 § 1 de la Convention, pour les raisons suivantes.
La majorité conclut que le droit d’accès du requérant à un tribunal a été méconnu parce qu’il lui a été impossible d’obtenir une décision sur sa demande d’indemnisation pour dommage moral dans le cadre de la procédure pénale à laquelle il a été mis un terme pour cause de prescription. L’article 6 § 1 de la Convention garantit à tout requérant le droit de voir statuer un tribunal sur une prétention de nature patrimoniale dans un délai raisonnable, mais ne lui garantit pas un droit d’obtenir une décision dans toute procédure particulière de son choix. Le droit grec offrait au requérant d’autres solutions que celle consistant à faire valoir sa prétention en tant que partie civile à la procédure pénale, puisqu’il aurait pu tout aussi bien engager une procédure contre les employés de la banque devant les juridictions civiles. Selon les informations fournies par le Gouvernement, il lui est toujours loisible d’obtenir une décision sur sa demande par cette voie, puisque celle-ci ne sera pas prescrite avant le 20 octobre 2004. Cela étant, il nous paraît difficile de conclure que l’intéressé pouvait raisonnablement être considéré comme étant dans l’impossibilité d’obtenir une décision d’un tribunal sur sa prétention.
Le fait que la prescription de la procédure pénale ait résulté d’une longue instruction judiciaire comprenant une période d’inactivité de plus de quatre ans ne saurait induire une autre conclusion. Ainsi, la Cour a constamment réaffirmé dans sa jurisprudence que même de très longues périodes d’inactivité dans une procédure judiciaire ne pouvaient être assimilées à un défaut d’accès effectif à un tribunal. Dans l’arrêt Matos e Silva Lda et autres c. Portugal du 16 septembre 1996, la Cour – allant à l’encontre de l’avis de la Commission – a déclaré catégoriquement : « (…) La circonstance que les procédures traînent ne concerne pas l’accès à un tribunal. Les difficultés rencontrées sont donc de déroulement et non d’accès » (§ 64). Sur le fondement de cette conclusion, d’autres affaires similaires à la présente espèce ont été traitées comme ayant trait à un problème de durée de procédure, et non à une question d’accès à un tribunal (voir l’arrêt très récent Textile Traders Limited c. Portugal du 27 février 2003). Cette jurisprudence peut bien évidemment être modifiée mais, à notre sens, pareille modification relèverait d’une Grande Chambre.
Dans les circonstances de l’espèce, nous aurions été disposés à conclure à la violation de l’article 6 § 1 de la Convention en raison de la durée de l’instruction pénale, mais le grief n’a été déclaré recevable que dans la mesure où il avait trait à l’accès à un tribunal.