Mots clés
1 Actes des institutions – Directives – Exécution par les États membres – Nécessité d’assurer l’efficacité des directives – Obligations des juridictions nationales
(Traité CE, art. 5 et 189, al. 3)
2 Politique sociale – Travailleurs masculins et travailleurs féminins – Accès à l’emploi et conditions de travail – Égalité de traitement – Directive 76/207 – Refus de l’employeur de fournir des références après la cessation de la relation de travail – Principe du contrôle juridictionnel effectif – Portée
(Directive du Conseil 76/207, art. 6)
Sommaire
1 L’obligation des États membres, découlant d’une directive, d’atteindre le résultat prévu par celle-ci ainsi que leur devoir, en vertu de l’article 5 du traité, de prendre toutes mesures générales ou particulières propres à assurer l’exécution de cette obligation s’imposent à toutes les autorités des États membres, y compris, dans le cadre de leurs compétences, les autorités juridictionnelles. En appliquant le droit national, et notamment les dispositions d’une loi qui ont été spécialement introduites en vue d’exécuter une directive, la juridiction nationale est tenue d’interpréter son droit national dans toute la mesure du possible à la lumière du texte et de la finalité de la directive pour atteindre le résultat visé par l’article 189, paragraphe 3, du traité.
2 L’article 6 de la directive 76/207, relative à la mise en oeuvre du principe de l’égalité de traitement entre hommes et femmes en ce qui concerne l’accès à l’emploi, à la formation et à la promotion professionnelles, et les conditions de travail, oblige les États membres à introduire dans leur ordre juridique interne les mesures nécessaires pour assurer une protection juridictionnelle au travailleur dont l’employeur refuse, après la cessation de la relation de travail, de fournir des références en réaction à une action en justice introduite en vue de faire respecter le principe de l’égalité de traitement au sens de cette même directive.
Le principe d’un contrôle juridictionnel effectif consacré par l’article 6, principe qui se trouve à la base des traditions constitutionnelles communes aux États membres et qui a également été consacré par l’article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, serait privé de l’essentiel de son efficacité si la protection qu’il confère n’incluait pas les mesures qu’un employeur pourrait être amené à prendre en réaction à une action en justice engagée par un salarié en vue d’assurer le respect du principe de l’égalité de traitement. En effet, la crainte de pareilles mesures contre lesquelles aucun recours juridictionnel ne serait ouvert risquerait de dissuader les travailleurs s’estimant lésés par une discrimination de faire valoir leurs droits par voie juridictionnelle et, partant, serait de nature à compromettre gravement la réalisation de l’objectif poursuivi par la directive.
Parties
Dans l’affaire C-185/97,
ayant pour objet une demande adressée à la Cour, en application de l’article 177 du traité CE, par l’Employment Appeal Tribunal, London (Royaume-Uni), et tendant à obtenir, dans le litige pendant devant cette juridiction entre
Belinda Jane Coote
et
Granada Hospitality Ltd,
une décision à titre préjudiciel sur l’interprétation de la directive 76/207/CEE du Conseil, du 9 février 1976, relative à la mise en oeuvre du principe de l’égalité de traitement entre hommes et femmes en ce qui concerne l’accès à l’emploi, à la formation et à la promotion professionnelles, et les conditions de travail (JO L 39, p. 40),
LA COUR,
composée de MM. G. C. Rodríguez Iglesias, président, H. Ragnemalm et R. Schintgen, présidents de chambre, G. F. Mancini, J. C. Moitinho de Almeida (rapporteur), J. L. Murray, D. A. O. Edward, J.-P. Puissochet, G. Hirsch, P. Jann et K. M. Ioannou, juges,
avocat général: M. J. Mischo,
greffier: Mme D. Louterman-Hubeau, administrateur principal,
considérant les observations écrites présentées:
– pour Mme Coote, par Mme Dinah Rose, barrister, mandatée par Mme Pauline Matthews, Principal Legal Officer, Equal Opportunities Commission,
– pour le gouvernement du Royaume-Uni, par Mme Lindsey Nicoll, du Treasury Solicitor’s Department, en qualité d’agent, assistée de Mme Sarah Moore, barrister,
– pour la Commission des Communautés européennes, par Mme Marie Wolfcarius et M. Xavier Lewis, membres du service juridique, en qualité d’agents,
vu le rapport d’audience,
ayant entendu les observations orales de Mme Coote, du gouvernement du Royaume-Uni et de la Commission, à l’audience du 19 février 1998,
ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 2 avril 1998,
rend le présent
Arrêt
Motifs de l’arrêt
1 Par ordonnance du 20 novembre 1996, parvenue à la Cour le 12 mai 1997, l’Employment Appeal Tribunal, London, a posé, en vertu de l’article 177 du traité CE, deux questions préjudicielles sur l’interprétation de la directive 76/207/CEE du Conseil, du 9 février 1976, relative à la mise en oeuvre du principe de l’égalité de traitement entre hommes et femmes en ce qui concerne l’accès à l’emploi, à la formation et à la promotion professionnelles, et les conditions de travail (JO L 39, p. 40, ci-après la «directive»).
2 Ces questions ont été posées dans le cadre d’un litige opposant Mme Coote à son ancien employeur privé, Granada Hospitality Ltd (ci-après «Granada»), au sujet du refus de ce dernier de fournir des références à des employeurs potentiels de Mme Coote.
La directive
3 Conformément à son article 1er, paragraphe 1, la directive «vise la mise en oeuvre, dans les États membres, du principe de l’égalité de traitement entre hommes et femmes en ce qui concerne l’accès à l’emploi, y compris la promotion, et à la formation professionnelle ainsi que les conditions de travail et, dans les conditions prévues au paragraphe 2, la sécurité sociale. Ce principe est dénommé ci-après `principe de l’égalité de traitement’».
4 L’article 5, paragraphe 1, de la directive énonce:
«L’application du principe de l’égalité de traitement en ce qui concerne les conditions de travail, y compris les conditions de licenciement, implique que soient assurées aux hommes et aux femmes les mêmes conditions, sans discrimination fondée sur le sexe.»
5 Conformément à l’article 6 de la directive, «Les États membres introduisent dans leur ordre juridique interne les mesures nécessaires pour permettre à toute personne qui s’estime lésée par la non-application à son égard du principe de l’égalité de traitement au sens des articles 3, 4 et 5 de faire valoir ses droits par voie juridictionnelle après, éventuellement, le recours à d’autres instances compétentes.»
6 Selon l’article 7 de la directive, «Les États membres prennent les mesures nécessaires pour protéger les travailleurs contre tout licenciement qui constituerait une réaction de l’employeur à une plainte formulée au niveau de l’entreprise ou à une action en justice visant à faire respecter le principe de l’égalité de traitement.»
La réglementation nationale
7 Le Sex Discrimination Act (loi britannique relative à la discrimination fondée sur le sexe, ci-après le «SDA»), qui a transposé en droit britannique les dispositions de la directive, énonce en son article 4:
«(1) Une personne (ci-après l’`auteur de la discrimination’) opère une discrimination à l’encontre d’une autre personne (ci-après la `victime’) dans toutes les circonstances pertinentes aux fins de toute disposition de la présente loi s’il traite la victime moins favorablement qu’il ne traite ou traiterait une autre personne dans les mêmes circonstances, et agit ainsi parce que la victime
(a) a intenté une action contre l’auteur de la discrimination ou toute autre personne en vertu de la présente loi ou de l’Equal Pay Act 1970 (loi britannique de 1970 sur l’égalité des rémunérations), ou
…»
8 L’acte de discrimination n’est illicite que s’il est commis dans l’un des cas visés aux parties II et IV du SDA, la partie II concernant la discrimination opérée dans le cadre d’une relation d’emploi. A cet égard, l’article 6 dispose:
«1. Il est interdit à tout employeur, lorsqu’il est question de pourvoir un emploi dans un établissement en Grande-Bretagne, d’opérer une discrimination à l’encontre d’une femme
a) quant aux dispositions prises aux fins de déterminer à qui l’emploi doit être proposé, ou
b) quant aux conditions dans lesquelles cet emploi est proposé à la femme, ou
c) en refusant ou en s’abstenant délibérément de lui proposer cet emploi.
2. Il est interdit à tout employeur d’opérer une discrimination à l’encontre d’une femme qu’il emploie dans un établissement en Grande-Bretagne
a) dans la façon de lui ouvrir l’accès à des possibilités de promotion, de transfert ou de formation ou à tout autre avantage, facilité ou service, ou en refusant ou en omettant délibérément de lui donner accès à ces possibilités, ou
b) en la licenciant, ou en lui faisant subir tout autre préjudice.»
Le litige au principal
9 Il ressort de l’ordonnance de renvoi que Mme Coote a été employée par Granada de décembre 1992 à septembre 1993. En 1993, elle a intenté contre Granada une action en justice pour cause de discrimination fondée sur le sexe, au motif qu’elle aurait été licenciée en raison de sa grossesse. Cette action a fait l’objet d’une transaction et la relation de travail de Mme Coote avec Granada a pris fin d’un commun accord le 7 septembre 1993.
10 En juillet 1994, Mme Coote, à la recherche d’un nouvel emploi, a eu recours à deux agences de placement. Elle estime que les difficultés rencontrées pour trouver un emploi s’expliquent par le fait que Granada n’aurait pas fourni de références à l’une de ces agences de placement, ce que Granada, pour sa part, conteste.
11 Mme Coote a alors intenté un nouveau recours contre Granada devant l’Industrial Tribunal, Stratford, en faisant valoir qu’elle aurait été lésée par le refus de Granada de fournir des références à l’agence de placement. L’intéressée a prétendu que ce refus constituait une réaction à l’action en justice qu’elle avait précédemment intentée contre son ex-employeur.
12 Ce recours a été rejeté aux motifs que la prétendue discrimination avait eu lieu après la fin de la relation d’emploi avec Granada et que le préjudice allégué était, de toute façon, né après cette date. En effet, selon l’Industrial Tribunal, le SDA devait être interprété en ce sens qu’il n’interdit que les mesures de représailles dont les effets préjudiciables se manifestent au cours de la relation d’emploi. La juridiction de première instance a indiqué qu’elle ne prenait pas cette décision sans regret, celle-ci laissant l’intéressée sans aucune voie de recours.
13 Mme Coote a interjeté appel de ce jugement devant l’Employment Appeal Tribunal. Dans son ordonnance de renvoi, cette juridiction rappelle que, en vertu de l’article 4 du SDA, il y a discrimination, notamment, si une personne est traitée moins favorablement que d’autres parce qu’elle a intenté une action sur la base du SDA; par ailleurs, l’acte de discrimination commis par l’employeur n’est illégal que dans les circonstances prévues à la partie II du SDA.
14 A cet égard, la juridiction de renvoi précise qu’il a été jugé que le Race Relations Act 1976 (loi de 1976 sur les relations entre les races), qui contient des dispositions semblables aux articles 4 et 6 du SDA, ne couvre que les discriminations intervenues pendant le rapport de travail concerné, de sorte qu’il n’appréhende pas les cas dans lesquels un employeur fait subir un préjudice à un de ses anciens employés. L’Industrial Tribunal aurait fait application de cette jurisprudence pour rejeter le recours de Mme Coote.
15 La juridiction nationale s’interroge toutefois si, eu égard à la directive, le SDA, contrairement au Race Relations Act 1976, ne doit pas être interprété en ce sens qu’il interdit non seulement les mesures de représailles qui se traduisent par un comportement préjudiciable au cours de la relation d’emploi, mais encore celles qui sont décidées ou qui produisent des effets préjudiciables après que la relation de travail a pris fin.
16 Dans ces conditions, l’Employment Appeal Tribunal a décidé de surseoir à statuer pour poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes:
«1) La directive du Conseil 76/207/CEE, relative à la mise en oeuvre du principe de l’égalité de traitement entre hommes et femmes en ce qui concerne l’accès à l’emploi, à la formation et à la promotion professionnelles, et les conditions de travail, oblige-t-elle les États membres à introduire dans leur ordre juridique interne les mesures nécessaires pour permettre à une partie s’estimant lésée de faire valoir ses droits en justice lorsque les conditions suivantes sont réunies:
i) la requérante (l’appelante) était employée par la partie intimée;
ii) pendant la durée de son emploi, l’appelante a intenté contre la partie intimée une action pour cause de discrimination fondée sur le sexe, qui a fait l’objet d’une transaction;
iii) à l’issue de sa période d’emploi, l’appelante s’est efforcée en vain de trouver un emploi à plein temps;
iv) la partie intimée, en refusant, quand elle y a été invitée, de fournir des références destinées à des employeurs potentiels, a été à l’origine des difficultés de l’appelante à trouver un emploi ou y a contribué;
v) l’employeur a pris la décision de refuser de fournir des références après la fin de la période d’emploi de l’appelante;
vi) le motif, ou un des motifs fondamentaux du refus de l’employeur de fournir des références à l’appelante était que cette dernière avait engagé contre lui une procédure pour cause de discrimination fondée sur le sexe?
2) La directive du Conseil 76/207/CEE, relative à la mise en oeuvre de l’égalité de traitement entre hommes et femmes en ce qui concerne l’accès à l’emploi, à la formation et à la promotion professionnelles, et les conditions de travail, oblige-t-elle les États membres à introduire dans leur ordre juridique interne les mesures nécessaires pour permettre à toute personne de faire valoir ses droits en justice lorsque les circonstances exposées au point 1 ci-dessus sont réunies, à cette réserve près que:
i) la partie intimée a pris la décision de refuser de fournir des références avant la fin de la période d’emploi de l’appelante; mais
ii) le ou les refus effectifs de fournir des références a/ont eu lieu après l’achèvement de la période d’emploi de l’appelante?»
17 Il y a lieu de préciser d’emblée que, conformément à une jurisprudence constante depuis l’arrêt du 26 février 1986, Marshall (152/84, Rec. p. 723, point 48), une directive ne peut pas par elle-même créer d’obligations dans le chef d’un particulier, en l’occurrence un employeur privé, et ne peut donc pas être invoquée en tant que telle à son encontre.
18 Toutefois, il ressort également d’une jurisprudence constante depuis l’arrêt du 10 avril 1984, Von Colson et Kamann (14/83, Rec. p. 1891, point 26), que l’obligation des États membres, découlant d’une directive, d’atteindre le résultat prévu par celle-ci ainsi que leur devoir en vertu de l’article 5 du traité CE de prendre toutes mesures générales ou particulières propres à assurer l’exécution de cette obligation s’imposent à toutes les autorités des États membres y compris, dans le cadre de leurs compétences, les autorités juridictionnelles. Ainsi qu’il ressort des arrêts de la Cour du 13 novembre 1990, Marleasing (C-106/89, Rec. p. I-4135, point 8), et du 16 décembre 1993, Wagner Miret (C-334/92, Rec. p. I-6911, points 20 et 21), en appliquant le droit national, et notamment les dispositions d’une loi qui, comme en l’occurrence, ont été spécialement introduites en vue d’exécuter la directive, la juridiction nationale est tenue d’interpréter son droit national dans toute la mesure du possible à la lumière du texte et de la finalité de la directive pour atteindre le résultat visé par l’article 189, paragraphe 3, du traité.
19 Dans ces conditions, il y a lieu de comprendre les questions préjudicielles en ce sens que la juridiction nationale cherche à savoir, aux fins de l’interprétation des dispositions nationales de transposition de la directive, si celle-ci oblige les États membres à introduire dans leur ordre juridique interne les mesures nécessaires pour assurer une protection juridictionnelle au travailleur dont l’employeur refuse, après la cessation de la relation de travail, de fournir des références en réaction à une action en justice introduite en vue de faire respecter le principe de l’égalité de traitement au sens de la directive.
20 A cet égard, il convient de rappeler que l’article 6 de la directive impose aux États membres d’introduire dans leur ordre juridique interne les mesures nécessaires pour permettre à toute personne qui s’estime lésée par une discrimination «de faire valoir ses droits par voie juridictionnelle». Il découle de cette disposition que les États membres sont tenus de prendre des mesures qui soient suffisamment efficaces pour atteindre l’objet de la directive et de faire en sorte que les droits ainsi conférés puissent être effectivement invoqués devant les tribunaux nationaux par les personnes concernées (voir, notamment, arrêts Von Colson et Kamann, précité, point 18; du 15 mai 1986, Johnston, 222/84, Rec. p. 1651, point 17, et du 2 août 1993, Marshall, C-271/91, Rec. p. I-4367, point 22).
21 Le contrôle juridictionnel imposé par cet article est l’expression d’un principe général de droit qui se trouve à la base des traditions constitutionnelles communes aux États membres et qui a également été consacré par l’article 6 de la convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, du 4 novembre 1950 (voir notamment arrêt Johnston, précité, point 18).
22 En vertu de l’article 6 de la directive, interprété à la lumière du principe général précité, toute personne a droit à un recours effectif devant une juridiction compétente contre les actes dont elle estime qu’ils portent atteinte à l’égalité de traitement entre hommes et femmes prévu par la directive. Il appartient aux États membres d’assurer un contrôle juridictionnel effectif sur le respect des dispositions applicables du droit communautaire et de la législation nationale destinée à mettre en oeuvre les droits prévus par la directive (arrêt Johnston, précité, point 19).
23 Ainsi que la Cour l’a également précisé (arrêt du 2 août 1993, Marshall, précité, point 34), l’article 6 de la directive représente un élément indispensable pour atteindre l’objectif fondamental de l’égalité de traitement entre hommes et femmes, qui, comme il ressort d’une jurisprudence constante (voir, notamment, arrêt du 30 avril 1996, P./S., C-13/94, Rec. p. I-2143, point 19), constitue l’un des droits fondamentaux de la personne humaine, dont la Cour est tenue d’assurer le respect.
24 Or, le principe d’un contrôle juridictionnel effectif consacré par l’article 6 de la directive serait privé de l’essentiel de son efficacité si la protection qu’il confère n’incluait pas les mesures que, comme en l’espèce au principal, un employeur pourrait être amené à prendre en réaction à une action en justice engagée par un salarié en vue d’assurer le respect du principe de l’égalité de traitement. En effet, la crainte de pareilles mesures contre lesquelles aucun recours juridictionnel ne serait ouvert risquerait de dissuader les travailleurs s’estimant lésés par une discrimination de faire valoir leurs droits par voie juridictionnelle et, partant, serait de nature à compromettre gravement la réalisation de l’objectif poursuivi par la directive.
25 Dans ces conditions, on ne saurait admettre l’argument du gouvernement du Royaume-Uni selon lequel les mesures prises par un employeur à l’encontre d’un salarié en réaction à une action en justice introduite en vue de faire respecter le principe de l’égalité de traitement ne relèvent pas du champ d’application de la directive, lorsque ces mesures interviennent après la cessation de la relation de travail.
26 Il est vrai que, comme le souligne encore le gouvernement du Royaume-Uni, l’article 7 de la directive oblige expressément les États membres à prendre les mesures nécessaires pour protéger les travailleurs contre le licenciement décidé par l’employeur en réaction à une action en justice visant à faire respecter le principe de l’égalité de traitement.
27 Toutefois, contrairement à ce que soutient ce même gouvernement, eu égard à l’objectif poursuivi par la directive, qui est de parvenir à une égalité des chances effective entre hommes et femmes (arrêt du 2 août 1993, Marshall, précité, point 24), et au caractère fondamental du droit à une protection juridictionnelle effective, on ne saurait, en l’absence d’une indication claire en sens contraire, déduire de l’article 7 de la directive l’intention du législateur de limiter la protection du travailleur contre les mesures décidées par l’employeur à titre de représailles au seul licenciement, qui, tout en constituant une mesure d’une gravité particulière, n’en constitue pas pour autant la seule mesure pouvant efficacement dissuader un travailleur d’user de son droit à une protection juridictionnelle. Parmi de telles mesures dissuasives figurent, notamment, celles qui, comme en l’espèce au principal, interviennent en réaction à une action introduite contre l’employeur et sont destinées à entraver les démarches du travailleur licencié dans sa recherche d’un nouvel emploi.
28 Dans ces conditions, il y a lieu de répondre à la juridiction nationale que l’article 6 de la directive oblige les États membres à introduire dans leur ordre juridique interne les mesures nécessaires pour assurer une protection juridictionnelle au travailleur dont l’employeur refuse, après la cessation de la relation de travail, de fournir des références en réaction à une action en justice introduite en vue de faire respecter le principe de l’égalité de traitement au sens de la directive.
Décisions sur les dépenses
Sur les dépens
29 Les frais exposés par le gouvernement du Royaume-Uni et par la Commission, qui ont soumis des observations à la Cour, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement. La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction nationale, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens.
Dispositif
Par ces motifs,
LA COUR,
statuant sur les questions à elle soumises par l’Employment Appeal Tribunal, London, par ordonnance du 20 novembre 1996, dit pour droit:
L’article 6 de la directive 76/207/CEE du Conseil, du 9 février 1976, relative à la mise en oeuvre du principe de l’égalité de traitement entre hommes et femmes en ce qui concerne l’accès à l’emploi, à la formation et à la promotion professionnelles, et les conditions de travail, oblige les États membres à introduire dans leur ordre juridique interne les mesures nécessaires pour assurer une protection juridictionnelle au travailleur dont l’employeur refuse, après la cessation de la relation de travail, de fournir des références en réaction à une action en justice introduite en vue de faire respecter le principe de l’égalité de traitement au sens de cette même directive.