ARRÊT DE LA COUR (troisième chambre)
11 juin 2009 (*)
«Pourvoi – Recours en indemnité – Règlements (CEE) nos 517/72 et 684/92 – Transports internationaux de voyageurs effectués par autocars et autobus – Conditions d’engagement de la responsabilité extracontractuelle de la Communauté – Délai de prescription»
Dans l’affaire C‑335/08 P,
ayant pour objet un pourvoi au titre de l’article 56 du statut de la Cour de justice, introduit le 21 juillet 2008,
Transports Schiocchet – Excursions SARL, établie à Beuvillers (France), représentée par Me D. Schönberger, avocat,
partie requérante,
l’autre partie à la procédure étant:
Commission des Communautés européennes, représentée par M. J.-F. Pasquier et Mme N. Yerrell, en qualité d’agents, ayant élu domicile à Luxembourg,
partie défenderesse en première instance,
LA COUR (troisième chambre),
composée de M. A. Rosas, président de chambre, MM. J. Klučka, U. Lõhmus, Mme P. Lindh et M. A. Arabadjiev (rapporteur), juges,
avocat général: M. M. Poiares Maduro,
greffier: M. R. Grass,
vu la procédure écrite,
vu la décision prise, l’avocat général entendu, de juger l’affaire sans conclusions,
rend le présent
Arrêt
1 Par son pourvoi, Transports Schiocchet – Excursions SARL (ci-après «TSE») demande l’annulation de l’ordonnance du Tribunal de première instance des Communautés européennes du 19 mai 2008, Transports Schiocchet – Excursions/Commission (T-220/07, ci-après l’«ordonnance attaquée»), par laquelle celui-ci a rejeté comme irrecevable son recours tendant à obtenir réparation du préjudice qu’elle allègue avoir subi en raison de diverses illégalités prétendument commises par les institutions communautaires.
Le cadre juridique
La convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales
2 La convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, signée à Rome le 4 novembre 1950 (ci-après la «CEDH»), prévoit à son article 13, intitulé «Droit à un recours effectif»:
«Toute personne dont les droits et libertés reconnus dans la présente Convention ont été violés a droit à l’octroi d’un recours effectif devant une instance nationale, alors même que la violation aurait été commise par des personnes agissant dans l’exercice de leurs fonctions officielles.»
La réglementation communautaire
3 L’article 46 du statut de la Cour de justice, applicable à la procédure devant le Tribunal en vertu de l’article 53, premier alinéa, du même statut, dispose:
«Les actions contre les Communautés en matière de responsabilité non contractuelle se prescrivent par cinq ans à compter de la survenance du fait qui y donne lieu. La prescription est interrompue soit par la requête formée devant la Cour, soit par la demande préalable que la victime peut adresser à l’institution compétente des Communautés. Dans ce dernier cas, la requête doit être formée dans le délai de deux mois prévu à l’article 230 du traité CE et à l’article 146 du traité CEEA; les dispositions de l’article 232, deuxième alinéa, du traité CE et de l’article 148, deuxième alinéa, du traité CEEA, respectivement, sont, le cas échéant, applicables.»
4 Aux termes de l’article 8 du règlement (CEE) n° 517/72 du Conseil, du 28 février 1972, relatif à l’établissement de règles communes pour les services réguliers et les services réguliers spécialisés effectués par autocars et par autobus entre les États membres (JO L 67, p. 19):
«1. L’examen d’une demande de création d’un service régulier ou d’un service régulier spécialisé a pour but de déterminer si la desserte du trafic objet de la demande n’est pas déjà assurée d’une façon satisfaisante, tant du point de vue qualitatif que du point de vue quantitatif, par les services existants de transport de voyageurs.
2. Lors de l’examen visé au paragraphe 1, sont notamment pris en considération:
a) les besoins de transport actuels et prévisibles que le requérant envisage de satisfaire;
b) pour les services réguliers, la situation du marché des transports de voyageurs dans les zones intéressées.
3. Lors de l’examen visé au paragraphe 1, peuvent également être prises en considération les possibilités d’organisation d’un service correspondant par les entrepreneurs qui exercent déjà leurs activités dans les zones intéressées.»
Les antécédents du litige
5 Il ressort des points 1 à 14 de l’ordonnance attaquée que, en substance, les faits à l’origine du litige sont les suivants.
6 TSE est une entreprise française de transports par autobus qui exploite depuis 1976 des services réguliers spécialisés d’autobus entre la France et le Luxembourg, dans le cadre du règlement n° 517/72, puis du règlement (CEE) n° 684/92 du Conseil, du 16 mars 1992, établissant des règles communes pour les transports internationaux de voyageurs effectués par autocars et autobus (JO L 74, p. 1), qui a abrogé et remplacé le règlement n° 517/72 avec effet au 1er juin 1992. Elle assure notamment des services de transport de travailleurs sur plusieurs lignes entre les lieux de résidence de ces derniers en France et ceux de leur emploi au Luxembourg. À cette fin, TSE a demandé et obtenu, de la part des autorités françaises compétentes, les autorisations requises par la réglementation communautaire, ainsi que le renouvellement de celles-ci.
7 TSE se plaint depuis le début des années 80 de la concurrence qu’elle subit sur ces lignes de la part d’autres opérateurs de services réguliers spécialisés reliant la ville de Luxembourg à des lieux du nord-est de la France, à savoir, chronologiquement, la société luxembourgeoise Autocars Émile Frisch Sàrl (ci-après «Frisch»), puis les sociétés françaises Autocars Mousset (ci-après «Mousset») et Taxi Gaby-Voyages Collarelli (ci-après «Collarelli»). Elle considère en substance cette concurrence comme déloyale et illégale. En effet, les activités des sociétés concurrentes auraient dans un premier temps, en violation de la réglementation communautaire, été exercées sans autorisation, constituant ce que TSE dénomme des «services pirates». Puis elles auraient été régularisées illégalement par la Commission des Communautés européennes.
8 TSE a donc introduit plusieurs recours devant les juridictions françaises et communautaires ainsi que plusieurs plaintes auprès de la Commission pour faire constater l’illégalité de la concurrence subie et obtenir des dommages et intérêts.
9 Premièrement, TSE a introduit un recours devant la Cour, par lequel elle demandait l’annulation de la décision 89/524/CEE de la Commission, du 7 septembre 1989, relative à un différend opposant le Luxembourg et la France au sujet de la création d’un service régulier spécialisé de voyageurs entre ces deux États (JO L 272, p. 18), décision par laquelle la Commission a tranché ledit différend, conformément à l’article 14, paragraphe 1, du règlement n° 517/72, en faisant droit à la demande de Frisch. Par arrêt du 16 avril 1991, Schiocchet/Commission (C‑354/89, Rec. p. I‑1775), la Cour a rejeté ce recours.
10 Deuxièmement, TSE a introduit, au cours du mois de décembre de l’année 1996, deux plaintes devant la Commission, visant à faire constater que les activités de transport de Mousset et de Collarelli, consistant en des services parallèles à ceux assurés par TSE et captant les mêmes clientèles, étaient effectuées en violation du droit communautaire et à faire ordonner la cessation de ces activités. La Commission a classé sans suite lesdites plaintes. TSE a introduit devant le Tribunal des recours en annulation de ces décisions de classement et a excipé de l’illégalité de l’article 4, paragraphe 2, du règlement n° 684/92 au sens de l’article 241 CE. Par ordonnance du 21 mai 1999, Schiocchet/Commission (T‑169/98 et T‑170/98), le Tribunal a rejeté ces recours comme irrecevables. TSE a formé un pourvoi contre ladite ordonnance. Par ordonnance du 16 novembre 2000, Schiocchet/Commission (C‑289/99 P, Rec. p. I‑10279), la Cour a rejeté le pourvoi comme manifestement non fondé.
11 Troisièmement, TSE a effectué une série de démarches au niveau national, en France, notamment en saisissant le tribunal administratif de Nancy et le Conseil d’État.
La procédure devant le Tribunal et l’ordonnance attaquée
12 Par requête déposée au greffe du Tribunal le 18 juin 2007, TSE a introduit un recours visant à obtenir réparation du préjudice qu’elle allègue avoir subi en raison de diverses illégalités prétendument commises par les institutions communautaires.
13 Par acte déposé audit greffe le 1er octobre 2007, la Commission a soulevé, au titre de l’article 114, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, une exception d’irrecevabilité à l’encontre de ce recours et a demandé que celui-ci soit déclaré manifestement irrecevable et que TSE soit condamnée aux dépens.
14 Par acte déposé le 12 novembre 2007, TSE a présenté ses observations sur cette exception d’irrecevabilité.
15 Par l’ordonnance attaquée, le Tribunal a rejeté le recours comme étant irrecevable, en considérant que ce dernier était prescrit, les trois conditions auxquelles est soumis l’engagement de la responsabilité non contractuelle de la Communauté ayant été réunies à une date antérieure au 19 juin 2002, soit plus de cinq années avant le dépôt de la requête introductive d’instance devant le Tribunal.
16 Pour parvenir à cette conclusion, le Tribunal, aux points 35 à 40 de l’ordonnance attaquée, a tout d’abord jugé que l’existence des comportements prétendument illégaux de la Commission remontait à une date antérieure au 19 juin 2002. En effet, selon lui, les prétendues illégalités sont liées, d’une part, aux décisions 82/595/CEE de la Commission, du 10 août 1982, portant règlement du différend opposant le grand-duché de Luxembourg et la République française concernant le renouvellement des autorisations de certains services réguliers spécialisés (JO L 244, p. 32), et 89/524, ainsi que, d’autre, part, à l’adoption du règlement n° 684/92.
17 Aux points 41 à 43 de l’ordonnance attaquée, le Tribunal a ensuite considéré, aux fins de l’appréciation du caractère certain du préjudice, que TSE avait été en mesure de formuler et de chiffrer ses demandes de dommages et intérêts, sur la base des activités prétendument illégales de Frisch, de Mousset et de Collarelli, au plus tard au cours de l’année 1995.
18 Enfin, le Tribunal en a déduit, au point 44 de l’ordonnance attaquée, que l’existence d’un lien éventuel de causalité entre les prétendus comportements illégaux de la Commission et le préjudice allégué par TSE remontait également à une date bien antérieure au 19 juin 2002.
19 En conséquence, au point 45 de l’ordonnance attaquée, le Tribunal a rejeté le recours de TSE comme irrecevable.
Les conclusions des parties
20 Par son pourvoi, TSE demande à la Cour:
– d’annuler l’ordonnance attaquée;
– de faire droit à sa demande présentée en première instance, et
– de condamner la Commission aux dépens exposés tant devant le Tribunal que devant la Cour.
21 La Commission demande à la Cour:
– de rejeter le pourvoi comme manifestement non fondé, et
– de condamner TSE aux dépens de l’instance.
Sur le pourvoi
22 TSE invoque trois moyens à l’appui de son pourvoi. Le premier moyen comporte deux branches, par lesquelles TSE soutient que le Tribunal a violé, d’une part, le principe de sécurité juridique ainsi que les articles 235 et 288, deuxième alinéa, CE et, d’autre part, l’article 13 de la CEDH. Le deuxième moyen invoqué par TSE à l’appui de son pourvoi comporte également deux branches. La première est tirée d’une dénaturation des faits et de ses conclusions de première instance et la seconde d’une erreur de motivation. Le troisième moyen est tiré de l’interprétation et de l’application erronées du règlement n° 684/92.
23 Il convient d’examiner les premier et deuxième moyens ensemble.
Sur les premier et deuxième moyens
Argumentation des parties
24 Par la première branche de son premier moyen, TSE soutient que le Tribunal a violé les articles 235 et 288, deuxième alinéa, CE ainsi que le principe de sécurité juridique en jugeant que les recours qu’elle avait introduits devant les juridictions nationales n’étaient pas de nature à suspendre ni à interrompre la période de prescription de cinq ans pour les actions dirigées contre les Communautés en matière de responsabilité non contractuelle, alors que c’est le Tribunal lui-même qui l’a encouragée à poursuivre son action devant ces juridictions nationales. À cet égard, TSE se réfère au point 43 de l’ordonnance du Tribunal Schiocchet/Commission, précitée, dans lequel il a été constaté que «rien n’empêchait [TSE] d’exciper [de] l’illégalité du règlement n° 684/92 devant les juridictions nationales, statuant dans le respect de l’article 234 CE».
25 Par la seconde branche de son premier moyen, TSE fait valoir que le Tribunal a violé l’article 13 de la CEDH en constatant que la condition relative à l’existence de comportements prétendument illégaux a été remplie à une date antérieure au 19 juin 2002. Selon elle, la recevabilité d’un recours en indemnité au titre des articles 235 et 288, deuxième alinéa, CE pourrait se trouver subordonnée, dans certains cas, à l’épuisement des voies de recours internes dans la mesure où celles-ci n’assurent pas d’une manière efficace la protection des droits des personnes concernées et ne sont pas susceptibles d’aboutir à la réparation du dommage allégué. Or, en l’occurrence, les juridictions nationales ont considéré, malgré la demande en ce sens de TSE, qu’il n’y avait pas lieu de poser une question préjudicielle à la Cour.
26 Par la première branche de son deuxième moyen, TSE fait valoir que le Tribunal a dénaturé les faits en soulignant, au point 40 de l’ordonnance attaquée, que les juridictions françaises se sont contentées de confirmer que les services effectués par cette société sont des services réguliers spécialisés alors que, selon cette dernière, lesdites juridictions ne se sont pas bornées à confirmer le contenu de la lettre de la Commission annonçant le classement des plaintes de TSE.
27 Par la seconde branche de son deuxième moyen, TSE reproche au Tribunal d’avoir commis une erreur de motivation dans la mesure où il a jugé, au point 42 de l’ordonnance attaquée, que la réalité des pertes invoquées par TSE s’est matérialisée pour elle à des dates bien antérieures au 19 juin 2002, sans se prononcer sur le préjudice invoqué par cette dernière dans ses conclusions de première instance et consistant en une perte de chiffre d’affaires subie jusqu’au mois de mai de l’année 2007.
28 La Commission fait valoir, en premier lieu, que TSE confond deux procédures différentes et que, s’agissant de l’application du règlement n° 684/92, ce sont les autorités nationales qui, en premier lieu, en sont responsables, comme cela a été confirmé sur pourvoi par l’ordonnance de la Cour, Schiocchet/Commission, précitée. Elle relève, en deuxième lieu, qu’il est de jurisprudence constante que la recevabilité d’un recours en indemnité contre les institutions communautaires n’est pas subordonnée à l’épuisement des voies de recours internes. La Commission soutient, en troisième lieu, que le Tribunal n’a fait que rapporter lesdites conclusions des juridictions nationales et que, en tout état de cause, une telle constatation a été sans influence sur la solution du litige retenue par le Tribunal. La Commission fait valoir, en quatrième lieu, que TSE confond la condition relative à l’existence d’un préjudice certain, à savoir la date à laquelle celui-ci est susceptible d’être quantifié de manière précise, et le fait qu’il existe des chiffres afférents à ce même préjudice plus récents, c’est-à-dire postérieurs à cette date.
Appréciation de la Cour
29 Il convient d’examiner conjointement la première branche du premier moyen et la seconde branche du deuxième moyen, qui tendent l’une et l’autre à contester le raisonnement du Tribunal relatif à l’expiration du délai de prescription du recours de TSE.
30 En premier lieu, s’agissant des actions contre les Communautés en matière de responsabilité non contractuelle, il ressort tant du libellé de l’article 46 du statut de la Cour de justice que de la jurisprudence constante de cette dernière que la prescription de cinq ans n’est interrompue que par la requête formée devant la Cour ou par la demande préalable que la victime peut adresser à l’institution compétente des Communautés. L’introduction d’un recours au niveau national ne permet donc pas de différer le point de départ du délai de prescription de ladite action (voir, en ce sens, arrêt du 17 juillet 2008, Commission/Cantina sociale di Dolianova e.a., C‑51/05 P, non encore publié au Recueil, point 69 et jurisprudence citée). Dès lors, le Tribunal n’a commis aucune erreur de droit en jugeant que l’introduction par TSE de ses recours devant les juridictions administratives françaises ne présentait pas un caractère suspensif ni interruptif de la prescription au sens de l’article 46 du statut de la Cour de justice.
31 Ce constat ne saurait être remis en cause par l’argument de TSE selon lequel le Tribunal a méconnu le principe de sécurité juridique au motif qu’il l’aurait lui-même encouragée à poursuivre son action devant les juridictions nationales. En effet, s’agissant de voies de recours et de procédures distinctes, le respect du principe de sécurité juridique n’implique nullement que le Tribunal soit lié, dans le cadre d’un recours en indemnité, par ses constatations relatives aux conditions d’exercice d’une exception d’illégalité.
32 En second lieu, il convient de rappeler que, conformément à l’article 46 du statut de la Cour de justice, les actions contre les Communautés en matière de responsabilité non contractuelle se prescrivent par cinq ans à compter de la survenance du fait qui y donne lieu (voir, notamment, arrêt Commission/Cantina sociale di Dolianova e.a., précité, point 53).
33 Le délai de prescription de cinq ans visé à l’article 46 du statut de la Cour de justice commence à courir lorsque le dommage à réparer s’est concrétisé. Dès lors, s’agissant des cas où la responsabilité de la Communauté trouve sa source dans un acte normatif, ce délai de prescription ne saurait commencer à courir avant que les effets dommageables de cet acte ne se soient produits et, partant, avant le moment où les intéressés ont dû subir un préjudice certain (voir, en ce sens, arrêts du 13 novembre 1984, Birra Wührer e.a./Conseil et Commission, 256/80, 257/80, 265/80, 267/80, 5/81, 51/81 et 282/82, Rec. p. 3693, point 15, ainsi que Commission/Cantina sociale di Dolianova e.a., précité, point 54). Dans le cas des contentieux nés d’actes individuels, le délai de prescription commence à courir lorsque la décision a produit ses effets à l’égard des personnes qu’elle vise [voir, en ce sens, arrêt du 19 avril 2007, Holcim (Deutschland)/Commission, C‑282/05 P, Rec. p. I‑2941, point 30].
34 En l’occurrence, le préjudice dont TSE demande réparation a pour origine, ainsi qu’il a été rappelé aux points 35 et 36 de l’ordonnance attaquée, les décisions 82/595 et 89/524 ainsi que le règlement n° 684/92. En outre, ainsi que TSE l’a fait valoir elle-même aux points 61 à 63 de son pourvoi, le préjudice qu’elle a subi s’est produit sous la forme d’une perte de chiffre d’affaires et est survenu au cours des mois de janvier 1983, de juillet 1990 et de février 1994.
35 Lesdites dates correspondant aux moments auxquels les effets dommageables des actes en cause se sont concrétisés, il y a lieu de constater que, conformément à la jurisprudence rappelée au point 33 du présent arrêt, c’est à ces moments que le préjudice subi par TSE pouvait être considéré comme certain. En effet, la condition relative à l’existence d’un préjudice certain est remplie dès lors que le préjudice est imminent et prévisible avec une certitude suffisante, même s’il ne peut pas encore être chiffré avec précision (voir, en ce sens, arrêts de la Cour du 2 juin 1976, Kampffmeyer e.a./CEE, 56/74 à 60/74, Rec. p. 711, point 6, et du 14 janvier 1987, Zuckerfabrik Bedburg e.a./Conseil et Commission, 281/84, Rec. p. 49, point 14, ainsi que ordonnance du Tribunal du 14 décembre 2005, Arizona Chemical e.a./Commission, T‑369/03, Rec. p. II‑5839, point 106). Il s’ensuit que le délai de prescription a commencé à courir, en fonction de l’acte qui est à l’origine du préjudice invoqué, dès les mois de janvier 1983, de juillet 1990 et de février 1994.
36 C’est donc à juste titre que le Tribunal a considéré, au point 42 de l’ordonnance attaquée, que le préjudice allégué par TSE s’est matérialisé à des dates bien antérieures au 19 juin 2002, de sorte que le délai qui était imparti à cette société en vertu de l’article 46 du statut de la Cour de justice était expiré à la date de l’introduction de sa requête devant le Tribunal. En conséquence, il ne saurait être reproché à ce dernier de ne pas s’être prononcé sur l’allégation de TSE selon laquelle son préjudice, consistant en une perte de chiffre d’affaires, a été subi jusqu’au mois de mai de l’année 2007.
37 Il s’ensuit que la première branche du premier moyen et la seconde branche du deuxième moyen doivent être considérées comme non fondées.
38 Dans ces conditions, la seconde branche du premier moyen, par laquelle TSE reproche au Tribunal d’avoir violé son droit à un recours effectif, ainsi que la première branche du deuxième moyen, tirée d’une dénaturation des faits et de ses conclusions de première instance, sont insusceptibles d’entraîner l’annulation de l’ordonnance attaquée et doivent donc être écartées comme inopérantes (voir, en ce sens, arrêt du 11 mai 2006, Sunrider/OHMI, C‑416/04 P, Rec. p. I‑4237, point 69).
39 Eu égard aux considérations qui précèdent, les premier et deuxième moyens invoqués par TSE au soutien de son pourvoi doivent être rejetés comme partiellement non fondés et partiellement inopérants.
Sur le troisième moyen
Argumentation des parties
40 Par son troisième moyen, TSE soutient que le Tribunal a effectué une interprétation et une application erronées de l’article 4, paragraphe 2, du règlement n° 684/92 en jugeant, au point 40 de l’ordonnance attaquée, que, conformément au libellé de cette disposition, les services fournis par TSE, à l’instar de ceux de Frisch, de Mousset et de Collarelli, échappent à l’obligation d’autorisation.
41 La Commission relève que, audit point 40, le Tribunal n’a pas appliqué les dispositions du règlement n° 684/92, mais a seulement rapporté l’appréciation des juridictions administratives françaises. En tout état de cause, il n’appartiendrait pas au Tribunal de faire office de juge d’appel ou de cassation des décisions de ces dernières. La Commission ajoute que, si TSE entend contester la légalité dudit article 4, paragraphe 2, son recours est tardif s’agissant d’un règlement adopté le 16 mars 1992.
Appréciation de la Cour
42 Ainsi qu’il résulte du point 36 du présent arrêt, c’est à bon droit que le Tribunal a constaté que le délai de prescription était expiré à la date d’introduction du recours de TSE devant ce dernier. Dans ces conditions, il suffit de constater que le troisième moyen du pourvoi est insusceptible d’entraîner l’annulation de l’ordonnance attaquée et doit donc être écarté comme inopérant.
43 Il résulte de l’ensemble des considérations qui précèdent qu’aucun des trois moyens invoqués par TSE au soutien de son pourvoi n’est susceptible d’être accueilli et, partant, celui-ci doit être rejeté dans sa totalité.
Sur les dépens
44 Aux termes de l’article 69, paragraphe 2, du règlement de procédure, applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 118 du même règlement, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La Commission ayant conclu à la condamnation de TSE et cette dernière ayant succombé en ses moyens, il y a lieu de la condamner aux dépens.
Par ces motifs, la Cour (troisième chambre) déclare et arrête:
1) Le pourvoi est rejeté.
2) Transports Schiocchet – Excursions SARL est condamnée aux dépens.