ARRÊT DE LA COUR (grande chambre)
22 janvier 2013 (*)
«Directive 2010/13/UE – Fourniture de services de médias audiovisuels – Article 15, paragraphe 6 – Validité – Événements présentant un grand intérêt pour le public faisant l’objet de droits exclusifs de radiodiffusion télévisuelle – Droit d’accès des organismes de radiodiffusion télévisuelle à de tels événements aux fins de la réalisation de brefs reportages d’actualité – Limitation d’une éventuelle compensation financière du titulaire du droit exclusif aux frais supplémentaires occasionnés par la fourniture de cet accès – Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne – Articles 16 et 17 – Proportionnalité»
Dans l’affaire C‑283/11,
ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Bundeskommunikationssenat (Autriche), par décision du 31 mai 2011, parvenue à la Cour le 8 juin 2011, dans la procédure
Sky Österreich GmbH
contre
Österreichischer Rundfunk,
LA COUR (grande chambre),
composée de M. V. Skouris, président, M. K. Lenaerts, vice-président, MM. A. Tizzano, M. Ilešič, T. von Danwitz (rapporteur) et J. Malenovský, présidents de chambre, MM. A. Borg Barthet, U. Lõhmus, J.‑C. Bonichot, Mme C. Toader, MM. J.‑J. Kasel, M. Safjan et D. Šváby, juges,
avocat général: M. Y. Bot,
greffier: Mme A. Impellizzeri, administrateur,
vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 24 avril 2012,
considérant les observations présentées:
– pour Sky Österreich GmbH, par Me G. Engin-Deniz, Rechtsanwalt,
– pour Österreichischer Rundfunk, par Me S. Korn, Rechtsanwalt,
– pour le gouvernement allemand, par MM. T. Henze et J. Möller, en qualité d’agents,
– pour le gouvernement polonais, par M. M. Szpunar, en qualité d’agent,
– pour le Parlement européen, par Mme R. Kaškina et M. U. Rösslein, en qualité d’agents,
– pour le Conseil de l’Union européenne, par Mme R. Liudvinaviciute-Cordeiro et M. J. Herrmann, en qualité d’agents,
– pour la Commission européenne, par M. G. Braun ainsi que par Mmes S. La Pergola et C. Vrignon, en qualité d’agents,
ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 12 juin 2012,
rend le présent
Arrêt
1 La demande de décision préjudicielle porte sur la validité de l’article 15, paragraphe 6, de la directive 2010/13/UE du Parlement européen et du Conseil, du 10 mars 2010, visant à la coordination de certaines dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres relatives à la fourniture de services de médias audiovisuels (directive «Services de médias audiovisuels») (JO L 95, p. 1, et rectificatif JO L 263, p. 15).
2 Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant Sky Österreich GmbH (ci-après «Sky») à l’Österreichischer Rundfunk (ci-après l’«ORF») au sujet des conditions financières dans lesquelles ce dernier est en droit d’obtenir un accès au signal satellitaire pour la réalisation de brefs reportages d’actualité.
Le cadre juridique
Le droit de l’Union
La directive 2007/65/CE
3 La directive 89/552/CEE du Conseil, du 3 octobre 1989, visant à la coordination de certaines dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres relatives à l’exercice d’activités de radiodiffusion télévisuelle (JO L 298, p. 23), a été modifiée par la directive 2007/65/CE du Parlement européen et du Conseil, du 11 décembre 2007 (JO L 332, p. 27). Par son article 1er, point 9, cette dernière a introduit dans la directive 89/552 un article 3 duodecies prévoyant le droit des organismes de radiodiffusion télévisuelle, pour la réalisation de brefs reportages d’actualité, d’utiliser de courts extraits à partir du signal de l’organisme de radiodiffusion télévisuelle assurant la diffusion d’événements présentant un grand intérêt pour le public dont les droits de retransmission ont été acquis en exclusivité.
4 Quant à une éventuelle compensation financière, le paragraphe 6 de cet article 3 duodecies disposait que celle-ci ne saurait dépasser les frais supplémentaires directement occasionnés par la fourniture de l’accès.
5 Conformément à l’article 3, paragraphe 1, premier alinéa, de la directive 2007/65, les États membres devaient mettre en vigueur les dispositions législatives, réglementaires et administratives pour se conformer à celle-ci au plus tard le 19 décembre 2009.
6 La directive 2007/65 est, en vertu de son article 4, entrée en vigueur le jour suivant celui de sa publication au Journal officiel de l’Union européenne, à savoir le 19 décembre 2007.
La directive 2010/13
7 La directive 89/552, telle que modifiée par la directive 2007/65, a été abrogée par l’article 34, premier alinéa, de la directive 2010/13, dont le considérant 48 énonce:
«Les droits de radiodiffusion télévisuelle à des fins de divertissement afférents à des manifestations présentant un grand intérêt pour le public peuvent être acquis par les organismes de radiodiffusion télévisuelle en exclusivité. Il est cependant essentiel de promouvoir le pluralisme dans la production et la programmation des informations dans l’Union [européenne] et de respecter les principes reconnus par l’article 11 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne [ci-après la ‘Charte’].»
8 Le considérant 55 de la directive 2010/13 est libellé comme suit:
«Afin de sauvegarder la liberté fondamentale de recevoir des informations et d’assurer de façon complète et adéquate la protection des intérêts des téléspectateurs dans l’Union, les titulaires de droits d’exclusivité en matière de radiodiffusion télévisuelle afférents à une manifestation présentant un grand intérêt pour le public devraient octroyer aux autres organismes de radiodiffusion télévisuelle le droit d’utiliser de courts extraits dans leurs programmes d’information générale dans des conditions équitables, raisonnables et non discriminatoires, prenant dûment en compte les droits exclusifs. Ces conditions devraient être communiquées suffisamment longtemps avant le déroulement de la manifestation présentant un grand intérêt pour le public, pour permettre aux autres opérateurs d’exercer ce droit. […] Ces courts extraits pourraient être utilisés dans des émissions diffusées dans l’ensemble de l’Union par n’importe quelle chaîne, y compris les chaînes sportives, et leur durée ne devrait pas dépasser 90 secondes. Le droit d’accès aux courts extraits ne devrait s’appliquer sur une base transfrontière que lorsque cela est nécessaire. Par conséquent, un organisme de radiodiffusion télévisuelle devrait d’abord demander l’accès à un organisme de radiodiffusion télévisuelle établi dans le même État membre et titulaire de droits d’exclusivité pour la manifestation présentant un grand intérêt pour le public.
La notion de programme général d’actualité ne devrait pas couvrir la compilation de courts extraits pour en faire des programmes à des fins de divertissement. […]»
9 L’article 15 de cette même directive dispose:
«1. Les États membres veillent à ce que, pour la réalisation de brefs reportages d’actualité, tout organisme de radiodiffusion télévisuelle établi dans l’Union ait accès, dans des conditions équitables, raisonnables et non discriminatoires, à des événements d’un grand intérêt pour le public qui font l’objet d’une transmission exclusive par un organisme de radiodiffusion télévisuelle relevant de leur compétence.
2. Si un autre organisme de radiodiffusion télévisuelle établi dans le même État membre que l’organisme de radiodiffusion télévisuelle souhaitant disposer d’un accès a acquis des droits d’exclusivité pour l’événement présentant un grand intérêt pour le public, c’est à cet organisme que l’accès est demandé.
3. Les États membres veillent à ce qu’un tel accès soit garanti en permettant aux organismes de radiodiffusion télévisuelle de choisir librement leurs brefs extraits à partir du signal de l’organisme de radiodiffusion télévisuelle qui assure la diffusion, moyennant au minimum l’indication de leur origine, à moins que cela ne soit impossible pour des raisons pratiques.
4. Un État membre peut, alternativement au paragraphe 3, établir un système équivalent permettant l’accès, dans des conditions équitables, raisonnables et non discriminatoires, par d’autres moyens.
5. Les brefs extraits sont utilisés exclusivement dans des programmes généraux d’actualité et ne peuvent être exploités dans le cadre de services de médias audiovisuels à la demande que si le même programme est offert en différé par le même fournisseur de services de médias.
6. Sans préjudice des paragraphes 1 à 5, les États membres veillent, conformément à leurs système et pratiques juridiques, à ce que les modalités et conditions relatives à la fourniture de ces brefs extraits soient définies, notamment en ce qui concerne les modalités de compensation financière, la longueur maximale des brefs extraits et les délais quant à leur diffusion. Lorsqu’une compensation financière est prévue, elle ne dépasse pas les frais supplémentaires directement occasionnés par la fourniture de l’accès.»
Le droit national
10 La loi fédérale concernant l’exercice de droits exclusifs de radiodiffusion télévisuelle [Bundesgesetz über die Ausübung exklusiver Fernsehübertragungsrechte (Fernseh-Exklusivrechtegesetz), BGBl. I, 85/2001], disposait, jusqu’au 30 septembre 2010, à son l’article 5, paragraphe 4, que, à défaut d’un accord à l’amiable entre les organismes de radiodiffusion télévisuelle concernés, le Bundeskommunikationssenat décidait si le droit de réaliser de brefs reportages d’actualité devait être accordé à un organisme de radiodiffusion télévisuelle et, le cas échéant, dans quelles conditions.
11 Depuis le 1er octobre 2010, ledit article 5, paragraphe 4, lu en combinaison avec le paragraphe 2 de cet article, prévoit que l’organisme de radiodiffusion télévisuelle ayant acquis les droits exclusifs de retransmission pour un événement d’intérêt informatif général et devant accorder à tout organisme de radiodiffusion télévisuelle qui en fait la demande le droit de réaliser de brefs reportages d’actualité à partir du signal à des fins de diffusion peut uniquement exiger le remboursement des frais supplémentaires directement occasionnés par la fourniture de l’accès au signal.
12 Le Bundeskommunikationssenat a été instauré par la loi fédérale portant création de la Kommunikationsbehörde Austria et du Bundeskommunikationssenat (Bundesgesetz über die Einrichtung einer Kommunikationsbehörde Austria und eines Bundeskommunikationssenates, BGBl. I, 32/2001, ci-après le «KOG»), afin de contrôler les décisions de la Kommunikationsbehörde Austria (autorité de régulation en matière de communication, ci-après la «KommAustria») et afin d’exercer un contrôle juridique sur l’ORF en tant qu’autorité collégiale ayant une composante juridictionnelle au sens de l’article 20, paragraphe 2, de la loi constitutionnelle fédérale (Bundes-Verfassungsgesetz).
13 L’article 36, paragraphes 1 à 3, du KOG, dans sa version en vigueur à la date des faits du litige au principal, prévoit:
«1. Le Bundeskommunikationssenat est institué auprès de la Chancellerie fédérale pour contrôler les décisions de la KommAustria […].
2. Le Bundeskommunikationssenat statue en dernière instance sur des recours introduits contre des décisions de la KommAustria […], à l’exception des recours dans des affaires administratives de nature pénale.
3. Les décisions du Bundeskommunikationssenat ne sont pas soumises à annulation ou à modification par la voie administrative. Les recours contre ses décisions peuvent être portés devant le Verwaltungsgerichtshof [Cour administrative].»
14 L’article 37, paragraphes 1 et 2, du KOG dispose:
«1. Le Bundeskommunikationssenat est composé de cinq membres, dont trois sont des juges. Les membres du Bundeskommunikationssenat sont indépendants dans l’exercice de leurs fonctions et ne reçoivent aucune instruction ni aucun ordre. Le Bundeskommunikationssenat élit un président et un président suppléant parmi ses membres appartenant à la magistrature.
2. Les membres du Bundeskommunikationssenat sont nommés par le président fédéral sur proposition du gouvernement fédéral pour une durée de six ans. Il est nommé, pour chaque membre, un suppléant qui le remplace en cas d’empêchement.»
15 Aux termes de l’article 20, paragraphe 2, de la loi constitutionnelle fédérale:
«Le législateur peut libérer un organe
[…]
3. institué comme autorité collégiale et appelé à statuer en dernière instance, dont les décisions ne sont pas soumises à annulation ou à modification par la voie administrative, et auquel appartient au moins un juge,
[…]
de son obligation de respecter les instructions émanant d’un organe qui lui est hiérarchiquement supérieur. […]»
Le litige au principal et la question préjudicielle
16 Sky a été autorisée, par la KommAustria, à diffuser par satellite le programme télévisé numérique codé dénommé «Sky Sport Austria». Par contrat du 21 août 2009, cette société a acquis les droits exclusifs de radiodiffusion télévisuelle des matchs de la Ligue Europa pour les saisons 2009/2010 à 2011/2012 sur le territoire autrichien. Selon ses propres indications, Sky expose chaque année une somme de plusieurs millions d’euros pour la licence et les coûts de production.
17 Le 11 septembre 2009, Sky et l’ORF ont conclu un accord visant à octroyer à cette dernière le droit de réaliser de brefs reportages d’actualité et prévoyant le paiement, pour ceux-ci, de 700 euros par minute. S’agissant de cette rémunération, les parties ont limité la durée de validité de l’accord jusqu’à l’entrée en vigueur de la modification de l’article 5 de la loi fédérale concernant l’exercice de droits exclusifs de radiodiffusion télévisuelle, à savoir le 1er octobre 2010.
18 À la demande de l’ORF, introduite au cours du mois de novembre 2010, la KommAustria a décidé que Sky était tenue, en tant que titulaire de droits exclusifs de radiodiffusion télévisuelle, d’accorder à l’ORF le droit de réaliser de brefs reportages d’actualité sans pouvoir exiger une rémunération supérieure aux frais supplémentaires directement occasionnés par la fourniture de l’accès au signal satellitaire, ces frais étant nuls en l’espèce. Elle a simultanément fixé les conditions dans lesquelles ce droit pouvait être exercé par l’ORF. Les deux parties ont fait appel de cette décision devant le Bundeskommunikationssenat.
19 Dans sa décision de renvoi, ce dernier se réfère, quant à la recevabilité de la demande de décision préjudicielle, à l’arrêt du 18 octobre 2007, Österreichischer Rundfunk (C‑195/06, Rec. p. I‑8817), et il considère qu’il devrait également, en l’espèce, être considéré comme une juridiction au sens de l’article 267 TFUE, étant donné que les mêmes règles de compétence s’appliquent dans la présente affaire et dans celle ayant donné lieu audit arrêt.
20 Quant au fond, le Bundeskommunikationssenat estime que le droit de réaliser de brefs reportages d’actualité constitue une ingérence dans le droit de propriété, tel que prévu à l’article 17 de la Charte, de l’organisme de radiodiffusion télévisuelle ayant acquis, par voie contractuelle, en exclusivité les droits de retransmission afférents à un événement présentant un grand intérêt pour le public (ci-après le «titulaire de droits exclusifs de radiodiffusion télévisuelle»).
21 En se référant, notamment, à l’article 52, paragraphe 1, de la Charte, le Bundeskommunikationssenat se demande si une disposition d’une directive empêchant les autorités d’un État membre de prévoir une indemnité visant à compenser ladite ingérence dans le droit de propriété est conforme au principe de proportionnalité. Il considère que l’article 15, paragraphe 6, de la directive 2010/13 prévoyant que les États membres sont tenus de définir les modalités et conditions relatives au droit de réaliser de brefs reportages d’actualité ne saurait compenser une telle ingérence. Le Bundeskommunikationssenat estime qu’il serait nécessaire, compte tenu, notamment, du principe de proportionnalité d’adopter une règle permettant de tenir compte des circonstances de l’espèce et, notamment, de l’objet des droits exclusifs de radiodiffusion télévisuelle ainsi que de la somme versée par le titulaire pour l’acquisition de ces droits afin de calculer une compensation financière appropriée.
22 L’article 15 de la directive 2010/13 s’avère, selon le Bundeskommunikationssenat, particulièrement contestable dans le cas où les droits exclusifs de radiodiffusion télévisuelle ont été acquis avant l’entrée en vigueur de cette directive, alors que la demande d’octroi du droit de réaliser de brefs reportages d’actualité a été introduite après l’entrée en vigueur de la disposition nationale transposant cet article 15.
23 Dans ce contexte, le Bundeskommunikationssenat fait état de décisions du Bundesverfassungsgericht [Cour constitutionnelle fédérale (Allemagne)] et du Verfassungsgerichtshof [Cour constitutionnelle (Autriche)] qui auraient considéré que l’octroi à titre gracieux du droit de réaliser de brefs reportages d’actualité est disproportionné et, de ce fait, viole respectivement la liberté professionnelle, au sens de l’article 12 de la Loi fondamentale allemande (Grundgesetz), ainsi que le droit de propriété au sens des articles 5 de la loi fondamentale autrichienne relative aux droits généraux des citoyens (Staatsgrundgesetz über die allgemeinen Rechte der Staatsbürger) et 1er du protocole additionnel no 1 à la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, signé à Paris le 20 mars 1952 (ci-après le «protocole additionnel»).
24 Dans ces conditions, le Bundeskommunikationssenat a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour la question préjudicielle suivante:
«L’article 15, paragraphe 6, de la [directive 2010/13] est-il conforme aux articles 16 et 17 de la [Charte] ainsi qu’à l’article 1er du protocole additionnel […]?»
Sur la question préjudicielle
Sur la recevabilité
25 À titre liminaire, il convient de vérifier la qualité de juridiction au sens de l’article 267 TFUE du Bundeskommunikationssenat, dans le contexte de la présente affaire, et, par voie de conséquence, la recevabilité de la demande de décision préjudicielle.
26 Pour apprécier si l’organisme de renvoi possède le caractère d’une «juridiction» au sens de l’article 267 TFUE, question qui relève uniquement du droit de l’Union, la Cour tient compte, selon une jurisprudence constante, d’un ensemble d’éléments, tels l’origine légale de l’organisme, sa permanence, le caractère obligatoire de sa juridiction, la nature contradictoire de la procédure, l’application, par l’organisme, des règles de droit ainsi que son indépendance (arrêt du 14 juin 2011, Miles e.a., C‑196/09, Rec. p. I‑5105, point 37 et jurisprudence citée).
27 La Cour a déjà eu l’opportunité de connaître de la qualité de juridiction, au sens de l’article 234 CE, du Bundeskommunikationssenat dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt Österreichischer Rundfunk, précité. À cet égard, elle a jugé, aux points 19 à 21 de celui-ci, que, sur le fondement des dispositions relatives à l’institution et au fonctionnement du Bundeskommunikationssenat, applicables dans l’affaire précitée, cet organisme devait être considéré comme une juridiction au sens de l’article 234 CE.
28 Dans la présente affaire s’appliquent des dispositions relatives à l’institution et au fonctionnement du Bundeskommunikationssenat ayant un contenu identique à celles qui étaient applicables dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt Österreichischer Rundfunk, précité. Dans ces conditions, le Bundeskommunikationssenat doit également, dans la présente affaire, être considéré comme une juridiction au sens de l’article 267 TFUE.
29 Il résulte de ce qui précède que la demande de décision préjudicielle introduite par le Bundeskommunikationssenat est recevable.
Sur le fond
30 Par sa question, le Bundeskommunikationssenat demande, en substance, à la Cour d’examiner la validité de l’article 15, paragraphe 6, de la directive 2010/13 à la lumière des articles 16 et 17, paragraphe 1, de la Charte ainsi que de l’article 1er du protocole additionnel. Il s’interroge, en particulier, sur la question de savoir si cet article 15, paragraphe 6, est constitutif d’une violation des droits fondamentaux du titulaire de droits exclusifs de radiodiffusion télévisuelle, en raison du fait que ce titulaire est tenu de permettre la réalisation de brefs reportages d’actualité à tout autre organisme de radiodiffusion télévisuelle, établi dans l’Union, sans pouvoir exiger une compensation financière dépassant les frais supplémentaires directement occasionnés par la fourniture de l’accès au signal.
Sur l’article 17 de la Charte
31 L’article 17, paragraphe 1, de la Charte prévoit que «?t?oute personne a le droit de jouir de la propriété des biens qu’elle a acquis légalement, de les utiliser, d’en disposer et de les léguer. Nul ne peut être privé de sa propriété, si ce n’est pour cause d’utilité publique, dans des cas et des conditions prévues par une loi et moyennant en temps utile une juste indemnité pour sa perte. L’usage des biens peut être réglementé par la loi dans la mesure nécessaire à l’intérêt général».
32 La directive 2010/13 prévoit, à son article 15, paragraphe 1, que tout organisme de radiodiffusion télévisuelle, établi dans l’Union, doit avoir accès à des événements d’un grand intérêt pour le public, qui font l’objet d’une transmission exclusive par un organisme de radiodiffusion télévisuelle aux fins de la réalisation de brefs reportages d’actualité. Selon le paragraphe 3 de ce même article, un tel accès est, en principe, garanti par la fourniture de l’accès au signal de l’organisme de radiodiffusion télévisuelle assurant la diffusion, à partir duquel ils peuvent librement choisir de brefs extraits. Le paragraphe 6 dudit article 15 dispose que, lorsqu’une compensation financière est prévue au profit du titulaire de droits exclusifs de radiodiffusion télévisuelle, elle ne dépasse pas les frais supplémentaires directement occasionnés par la fourniture de l’accès au signal.
33 Des règles d’un contenu identique à celles mentionnées au point précédent figuraient déjà à l’article 3 duodecies de la directive 89/552, telle que modifiée par la directive 2007/65.
34 Dans ces conditions, se pose alors la question de savoir si les garanties conférées par l’article 17, paragraphe 1, de la Charte s’étendent effectivement à des droits exclusifs de radiodiffusion télévisuelle acquis par voie contractuelle. La protection conférée par cet article porte non pas sur de simples intérêts ou chances d’ordre commercial, dont le caractère aléatoire est inhérent à l’essence même des activités économiques (arrêt du 9 septembre 2008, FIAMM e.a./Conseil et Commission, C‑120/06 P et C‑121/06 P, Rec. p. I‑6513, point 185 ainsi que jurisprudence citée), mais sur des droits ayant une valeur patrimoniale dont découle, eu égard à l’ordre juridique, une position juridique acquise permettant un exercice autonome de ces droits par et au profit de leur titulaire.
35 Certes, les droits exclusifs de radiodiffusion télévisuelle sont conférés à titre onéreux, par une stipulation contractuelle, à des organismes de radiodiffusion télévisuelle, permettant à ces derniers de retransmettre des événements déterminés de manière exclusive, ce qui a pour effet d’exclure que d’autres organismes de radiodiffusion télévisuelle puissent effectuer une quelconque retransmission télévisuelle de ces événements. Ainsi, ces droits doivent être considérés non pas comme constituant de simples intérêts ou chances d’ordre commercial, mais comme ayant une valeur patrimoniale.
36 Toutefois, eu égard aux circonstances de l’affaire au principal, se pose la question de savoir si les droits exclusifs en cause constituent une position juridique acquise au sens du point 34 du présent arrêt.
37 À cet égard, le droit de l’Union impose depuis l’entrée en vigueur de la directive 2007/65, à savoir le 19 décembre 2007, que soit garanti le droit des organismes de radiodiffusion télévisuelle de réaliser de brefs reportages d’actualité sur des événements d’un grand intérêt pour le public qui font l’objet de droits exclusifs de radiodiffusion télévisuelle, sans que les titulaires d’un tel droit puissent exiger une compensation financière dépassant les frais supplémentaires directement occasionnés par la fourniture de l’accès au signal.
38 Eu égard à cette législation de l’Union, que les États membres sont tenus de transposer dans leur ordre juridique interne, une clause contractuelle, telle que celle en cause au principal, ne saurait conférer à un organisme de radiodiffusion télévisuelle une position juridique acquise, protégée par l’article 17, paragraphe 1, de la Charte, permettant à ce dernier un exercice autonome de son droit de retransmission tel que visé au point 34 du présent arrêt, en ce sens qu’il pourrait, à l’encontre du contenu impératif de la directive 2007/65, exiger une compensation qui excéderait les frais supplémentaires directement occasionnés par la fourniture de l’accès au signal.
39 En effet, un opérateur économique, tel que Sky, ayant acquis par voie contractuelle postérieurement à l’entrée en vigueur de la directive 2007/65 le 19 décembre 2007, des droits exclusifs de radiodiffusion télévisuelle, en l’occurrence le 21 août 2009, ne saurait être fondé, au regard du droit de l’Union, à se prévaloir d’une position juridique acquise, protégée par l’article 17, paragraphe 1, de la Charte, alors même que les États membres étaient dans l’obligation de procéder à la transposition de cette directive, laquelle pouvait être effectuée à tout moment et devait, en toute hypothèse, être réalisée au plus tard le 19 décembre 2009.
40 Dans ces conditions, un titulaire de droits exclusifs de radiodiffusion télévisuelle afférents à des événements d’un grand intérêt pour le public ne saurait se prévaloir de la protection conférée par l’article 17, paragraphe 1, de la Charte.
Sur l’article 16 de la Charte
41 L’article 16 de la Charte dispose que «la liberté d’entreprise est reconnue conformément au droit de l’Union et aux législations et pratiques nationales».
42 La protection conférée par ledit article 16 comporte la liberté d’exercer une activité économique ou commerciale, la liberté contractuelle et la concurrence libre, ainsi qu’il découle des explications afférentes à ce même article, lesquelles doivent, conformément aux articles 6, paragraphe 1, troisième alinéa, TUE et 52, paragraphe 7, de la Charte, être prises en considération pour l’interprétation de celle-ci (arrêt du 22 décembre 2010, DEB, C‑279/09, Rec. p. I‑13849, point 32).
43 En outre, la liberté contractuelle comprend, notamment, le libre choix du partenaire économique (voir, en ce sens, arrêt du 10 juillet 1991, Neu e.a., C‑90/90 et C‑91/90, Rec. p. I‑3617, point 13), ainsi que la liberté de déterminer le prix pour une prestation (voir, en ce sens, arrêts du 22 mars 2007, Commission/Belgique, C‑437/04, Rec. p. I‑2513, point 51, ainsi que du 19 avril 2012, F‑Tex, C‑213/10, point 45).
44 L’article 15 de la directive 2010/13 a pour conséquence, ainsi qu’il ressort des points 35 et 37 des conclusions de M. l’avocat général, que le titulaire de droits exclusifs de radiodiffusion télévisuelle ne peut choisir librement les organismes de radiodiffusion télévisuelle avec lesquels il conclut un accord relatif à l’octroi d’un droit de réalisation de brefs reportages d’actualité. De même, eu égard au paragraphe 6 de cet article, disposition à propos de laquelle la juridiction de renvoi interroge la Cour, le titulaire de droits exclusifs de radiodiffusion télévisuelle ne peut décider librement du prix auquel il fournit l’accès au signal aux fins de la réalisation de brefs reportages d’actualité. Cette disposition empêche, notamment, un tel titulaire de faire participer les organismes de radiodiffusion télévisuelle qui réalisent de brefs reportages d’actualité aux coûts d’acquisition des droits exclusifs de radiodiffusion télévisuelle. Dans ces conditions, cet article 15, paragraphe 6, est constitutif d’une ingérence dans la liberté d’entreprise des titulaires de droits exclusifs de radiodiffusion télévisuelle.
45 Toutefois, conformément à la jurisprudence de la Cour, la liberté d’entreprise ne constitue pas une prérogative absolue, mais doit être prise en considération par rapport à sa fonction dans la société (voir, en ce sens, arrêts du 9 septembre 2004, Espagne et Finlande/Parlement et Conseil, C‑184/02 et C‑223/02, Rec. p. I‑7789, points 51 et 52, ainsi que du 6 septembre 2012, Deutsches Weintor, C‑544/10, point 54 et jurisprudence citée).
46 Sur le fondement de cette jurisprudence et eu égard au libellé de l’article 16 de la Charte, qui se distingue de celui des autres libertés fondamentales consacrées au titre II de celle-ci tout en étant proche de celui de certaines dispositions du titre IV de cette même Charte, la liberté d’entreprise peut être soumise à un large éventail d’interventions de la puissance publique susceptibles d’établir, dans l’intérêt général, des limitations à l’exercice de l’activité économique.
47 Or, cette circonstance trouve notamment son reflet dans la manière dont il convient de mettre en œuvre le principe de proportionnalité en vertu de l’article 52, paragraphe 1, de la Charte.
48 Conformément à cette dernière disposition, toute limitation de l’exercice des droits et des libertés consacrés par la Charte doit être prévue par la loi, respecter leur contenu essentiel et doit, dans le respect du principe de proportionnalité, être nécessaire et répondre effectivement à des objectifs d’intérêt général reconnus par l’Union ou au besoin de protection des droits et libertés d’autrui.
49 À cet égard, il y a lieu de constater que l’article 15, paragraphe 6, de la directive 2010/13 n’affecte pas le contenu essentiel de la liberté d’entreprise. En effet, cette disposition n’empêche pas l’exercice de l’activité entrepreneuriale en tant que telle du titulaire de droits exclusifs de radiodiffusion télévisuelle. En outre, elle n’exclut pas que ce titulaire puisse exploiter son droit en effectuant lui-même, à titre onéreux, la retransmission de l’événement en cause ou encore en cédant ce droit par voie contractuelle, à titre onéreux, à un autre organisme de radiodiffusion télévisuelle ou à tout autre opérateur économique.
50 Quant à la proportionnalité de l’ingérence constatée, il convient de rappeler que le principe de proportionnalité exige, selon une jurisprudence constante de la Cour, que les actes des institutions de l’Union ne dépassent pas les limites de ce qui est approprié et nécessaire à la réalisation des objectifs légitimes poursuivis par la réglementation en cause, étant entendu que, lorsqu’un choix s’offre entre plusieurs mesures appropriées, il convient de recourir à la moins contraignante et que les inconvénients causés ne doivent pas être démesurés par rapport aux buts visés (arrêts du 8 juillet 2010, Afton Chemical, C‑343/09, Rec. p. I‑7027, point 45, ainsi que du 23 octobre 2012, Nelson e.a., C‑581/10 et C‑629/10, point 71 ainsi que jurisprudence citée).
51 À cet égard, il y a lieu de relever, tout d’abord, que la commercialisation à caractère exclusif des événements présentant un grand intérêt pour le public est actuellement croissante et susceptible de restreindre l’accès du public à l’information relative à ces événements de manière considérable. Sous cet aspect, l’article 15 de la directive 2010/13 vise, ainsi qu’il découle des considérants 48 et 55 de celle-ci, à sauvegarder la liberté fondamentale de recevoir des informations, garantie par l’article 11, paragraphe 1, de la Charte, et à promouvoir le pluralisme dans la production et la programmation des informations dans l’Union, protégé par le paragraphe 2 du même article 11.
52 La sauvegarde des libertés protégées par l’article 11 de la Charte constitue incontestablement un objectif d’intérêt général (voir, en ce sens, arrêt du 13 décembre 2007, United Pan-Europe Communications Belgium e.a., C‑250/06, Rec. p. I‑11135, point 42), dont il convient de souligner, en particulier, l’importance dans une société démocratique et pluraliste (voir, en ce sens, arrêts du 22 décembre 2008, Kabel Deutschland Vertrieb und Service, C‑336/07, Rec. p. I‑10889, point 33, et du 6 septembre 2011, Patriciello, C‑163/10, Rec. p. I‑7565, point 31). Cette importance est particulièrement manifeste dans les cas d’événements présentant un grand intérêt pour le public. Force est donc de constater que l’article 15 de la directive 2010/13 poursuit effectivement un objectif d’intérêt général.
53 De même, l’article 15, paragraphe 6, de la directive 2010/13 est apte à garantir la réalisation de l’objectif poursuivi. En effet, cette disposition met tout organisme de radiodiffusion télévisuelle en état de réaliser effectivement de brefs reportages d’actualité et ainsi d’informer le public sur des événements d’un grand intérêt pour ce dernier faisant l’objet d’une commercialisation à caractère exclusif, en garantissant à ces organismes un accès auxdits événements. Cet accès leur est garanti indépendamment, d’une part, de leur pouvoir commercial et de leur capacité financière ainsi que, d’autre part, du prix payé pour l’acquisition des droits exclusifs de radiodiffusion télévisuelle, des négociations contractuelles avec les titulaires de tels droits et de l’ampleur des événements en cause.
54 En ce qui concerne, ensuite, le caractère nécessaire d’une telle réglementation, il convient de relever qu’une mesure moins contraignante aurait certes consisté à prévoir une compensation financière des titulaires de droits exclusifs de radiodiffusion télévisuelle dépassant les frais directement occasionnés par la fourniture de l’accès au signal aux fins, notamment, de faire participer les organismes de radiodiffusion télévisuelle qui réalisent de brefs reportages d’actualité aux coûts d’acquisition de ces droits exclusifs.
55 Toutefois, il apparaît qu’une telle réglementation moins contraignante n’assurerait pas la réalisation de l’objectif poursuivi par l’article 15, paragraphe 6, de la directive 2010/13 d’une manière aussi efficace que celle qui résulte de l’application de cette disposition. En effet, une réglementation prévoyant une compensation financière des titulaires de droits exclusifs de radiodiffusion télévisuelle dépassant les frais directement occasionnés par la fourniture de l’accès au signal et calculée en fonction de critères supplémentaires tels que, notamment, le prix payé pour l’acquisition d’un tel droit et/ou l’ampleur de l’événement en cause pourrait, notamment, selon la méthode de détermination du montant d’une compensation employée et les capacités financières des organismes de radiodiffusion télévisuelle souhaitant l’accès au signal, s’avérer susceptible de décourager, voire, le cas échéant, d’empêcher, certains organismes de radiodiffusion télévisuelle de demander l’accès aux fins de la réalisation de brefs reportages d’actualité et ainsi de restreindre de manière considérable l’accès du public à l’information.
56 En revanche, l’article 15, paragraphe 6, de la directive 2010/13 garantit à tout organisme de radiodiffusion télévisuelle un accès à l’événement, qui s’effectue, conformément au paragraphe 1 du même article, dans le respect du principe d’égalité de traitement et est entièrement indépendant des circonstances visées au point précédent, mettant ainsi tout organisme de radiodiffusion télévisuelle en état de réaliser effectivement de brefs reportages d’actualité.
57 Dans ces conditions, le législateur de l’Union pouvait légitimement considérer qu’une réglementation prévoyant une compensation financière des titulaires de droits exclusifs de radiodiffusion télévisuelle dépassant les frais directement occasionnés par la fourniture de l’accès au signal ne permettrait pas d’atteindre l’objectif poursuivi de manière aussi efficace qu’une réglementation, telle que l’article 15, paragraphe 6, de la directive 2010/13, qui limite une compensation financière éventuelle au montant de ces frais et que, dès lors, cette réglementation était nécessaire.
58 Enfin, s’agissant d’un éventuel caractère disproportionné de l’article 15, paragraphe 6, de la directive 2010/13, la juridiction de renvoi s’interroge, en substance, sur le point de savoir si l’obligation des États membres, prévue par cette disposition, de définir les modalités et conditions relatives au droit de réaliser de brefs reportages d’actualité met en balance de manière appropriée les exigences découlant de la liberté fondamentale de recevoir des informations et celles de la liberté d’entreprise. Elle considère que seule une règle prévoyant le paiement d’une compensation financière tenant compte, notamment, de l’objet des droits exclusifs de radiodiffusion télévisuelle en cause ainsi que de la somme versée par le titulaire pour l’acquisition de ces droits devrait être considérée comme proportionnée.
59 À cet égard, il convient de constater que le législateur de l’Union devait mettre en balance, d’une part, la liberté d’entreprise et, d’autre part, la liberté fondamentale des citoyens de l’Union de recevoir des informations, la liberté ainsi que le pluralisme des médias.
60 Lorsque plusieurs droits et libertés fondamentaux protégés par l’ordre juridique de l’Union sont en cause, l’appréciation de l’éventuel caractère disproportionné d’une disposition du droit de l’Union doit s’effectuer dans le respect de la conciliation nécessaire des exigences liées à la protection de ces différents droits et libertés et d’un juste équilibre entre eux (voir, en ce sens, arrêts du 29 janvier 2008, Promusicae, C‑275/06, Rec. p. I‑271, points 65 et 66, ainsi que Deutsches Weintor, précité, point 47).
61 En établissant des exigences quant à l’utilisation des extraits du signal, le législateur de l’Union a veillé à ce que l’ampleur de l’ingérence dans la liberté d’entreprise ainsi que le bénéfice économique éventuel que peuvent tirer les organismes de radiodiffusion télévisuelle de la réalisation d’un bref reportage d’actualité soient précisément encadrés.
62 En effet, l’article 15 de la directive 2010/13 prévoit, à son paragraphe 5, que les brefs reportages d’actualité sur l’événement faisant l’objet d’une retransmission exclusive peuvent être réalisés non pas pour toute sorte de programme télévisé, mais uniquement pour des programmes généraux d’actualité. Ainsi, une utilisation des extraits du signal dans des programmes à des fins de divertissement, lesquels ont un impact économique plus important que les programmes généraux d’actualité, est exclue, conformément au considérant 55 de la directive 2010/13.
63 En outre, conformément à ce même considérant et à l’article 15, paragraphe 6, de la directive 2010/13, les États membres sont tenus de définir les modalités et conditions relatives à la fourniture des extraits du signal utilisés en prenant dûment en compte les droits exclusifs de radiodiffusion télévisuelle. À cet égard, il découle des paragraphes 3, 5 et 6 de cet article ainsi que dudit considérant 55 que ces extraits doivent, notamment, être brefs et que leur longueur maximale ne devrait pas dépasser 90 secondes. De même, les États membres sont tenus de définir les délais quant à la diffusion de ces extraits. Enfin, les organismes de radiodiffusion télévisuelle réalisant un bref reportage d’actualité doivent, en vertu du même paragraphe 3, indiquer l’origine des brefs extraits utilisés dans leurs reportages, ce qui est susceptible d’avoir un effet publicitaire positif à l’égard du titulaire des droits exclusifs de radiodiffusion télévisuelle en cause.
64 Par ailleurs, l’article 15 de la directive 2010/13 n’exclut pas que les titulaires de droits exclusifs de radiodiffusion télévisuelle puissent, comme il a été constaté au point 49 du présent arrêt, exploiter leurs droits à titre onéreux. De plus, l’absence de possibilité d’un refinancement au moyen d’une compensation ainsi qu’une éventuelle diminution de la valeur commerciale de ces droits exclusifs de radiodiffusion télévisuelle peuvent, en pratique, être pris en compte lors des négociations contractuelles relatives à l’acquisition des droits en cause et se refléter dans le prix payé pour cette acquisition.
65 En revanche, s’agissant des droits et des intérêts que l’article 15 de la directive 2010/13 vise à protéger, il y a lieu de rappeler que la commercialisation à caractère exclusif des événements présentant un grand intérêt pour le public se développe, comme il a été constaté au point 51 du présent arrêt, de manière croissante et est susceptible de restreindre l’accès du public à l’information relative à ces événements de manière considérable.
66 Compte tenu, d’une part, de l’importance que revêtent la sauvegarde de la liberté fondamentale de recevoir des informations, la liberté ainsi que le pluralisme des médias garantis par l’article 11 de la Charte et, d’autre part, de la protection de la liberté d’entreprise telle que conférée par l’article 16 de celle-ci, il était loisible au législateur de l’Union d’adopter des règles telles que celles prévues à l’article 15 de la directive 2010/13, lesquelles comportent des limitations de la liberté d’entreprise tout en privilégiant, au regard de la nécessaire pondération des droits et des intérêts concernés, l’accès du public à l’information par rapport à la liberté contractuelle.
67 Dans ces conditions, le législateur de l’Union pouvait légitimement imposer les limitations de la liberté d’entreprise que comporte l’article 15, paragraphe 6, de la directive 2010/13 aux titulaires de droits exclusifs de radiodiffusion télévisuelle et considérer que les inconvénients découlant de cette disposition ne sont pas disproportionnés au regard des buts qu’elle poursuit et sont de nature à instaurer un juste équilibre entre les différents droits et libertés fondamentaux en cause en l’espèce.
68 Il résulte de l’ensemble des considérations qui précèdent que l’examen de la question préjudicielle posée n’a révélé aucun élément de nature à affecter la validité de l’article 15, paragraphe 6, de la directive 2010/13.
Sur les dépens
69 La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.
Par ces motifs, la Cour (grande chambre) dit pour droit:
L’examen de la question préjudicielle posée n’a révélé aucun élément de nature à affecter la validité de l’article 15, paragraphe 6, de la directive 2010/13/UE du Parlement européen et du Conseil, du 10 mars 2010, visant à la coordination de certaines dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres relatives à la fourniture de services de médias audiovisuels (directive «Services de médias audiovisuels»).