Une Union européenne qui ne se préoccupe pas, à l’origine, de la question des droits fondamentaux
901 • L’Union européenne a été créée, à l’origine, pour faire face à l’une des violations les plus massives qui a pu être perpétrée à l’encontre du genre humain et donc des droits fondamentaux de l’être humain. Pour ne plus jamais revivre cela, des pays comme l’Allemagne ou l’Espagne ont alors placé les droits fondamentaux au sommet de la hiérarchie des normes pour assurer leur effectivité en toutes circonstances. L’Union européenne, quant à elle, malgré l’objectif de départ et de façon paradoxale en conséquence, a complètement occultée la dimension juridique propre aux droits fondamentaux pour se concentrer sur une dimension plus économique. Certains droits fondamentaux ont, très tôt, cimenté la construction européenne. On peut, par exemple, citer, dans le traité CEE, les règles relatives à l’interdiction générale de la discrimination fondée sur la nationalité (article 7), à la libre circulation des travailleurs (article 48), à la liberté d’établissement (article 52), à l’amélioration des conditions de travail et des conditions de vie des travailleurs (article 117), à l’égalité de rémunération pour les hommes et les femmes(article 119) ou encore celles relatives à la protection des personnes et des droits (article 220). Mais ces principes ont, avant tout, été établis pour servir, et en même temps, pérenniser le marché commun. Au-delà de cela, l’idée d’inclure une déclaration des droits détaillée est vite apparue comme une extension indue des pouvoirs de la CEE dont l’objectif premier était l’intégration économique par l’établissement d’un marché commun. Il n’y avait, de plus, pas à se préoccuper, outre mesure, des droits fondamentaux dans la mesure où ces derniers bénéficiaient déjà d’un système de garantie propre auquel tous les Etats membres du système communautaire avaient également adhéré à savoir le système mis en place sous l’égide du Conseil de l’Europe. Celui-ci bénéficiant d’une convention de référence (la ConvEDH) et d’une juridiction appropriée pour assurer l’effectivité des droits (la CourEDH). Pour autant, si cette double allégeance (aux communautés européennes et au Conseil de l’Europe) pouvait ainsi se montrer complémentaire et préjuger d’une certaine garantie pour remédier aux atteintes jusque-là commises, elle a rapidement montré ses limites.
Des rapports marginaux et des finalités différentes entre le Traité de Rome et la ConvEDH
902 • Avant le traité de Lisbonne, les rapports entre le juge de l’Union et le juge européen n’ont été que marginaux dans la mesure où le Traité de Rome était particulièrement discret sur la sauvegarde des droits fondamentaux. Il y avait bien un objectif commun voulant à réaliser une union plus étroite entre les Etats parties et une volonté commune voulant à « unir entre eux les peuples d’Europe sur le chemin des libertés » (J.-M. Sauvé, « L’adhésion de l’Union européenne à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales », www.conseil-etat.fr, 24 mai 2011) mais le Traité de Rome et la ConvEDH visaient, à l’origine, des finalités différentes. Aucun rapport entre le droit de l’Union et le droit européen, que ce soit d’un point de vue normatif ou entre les deux mécanismes de contrôle juridictionnel, n’avaient été envisagé lors de la signature des traités initiaux. La CJCE traitait des questions d’intégration économique qui relevaient du droit communautaire, la Cour EDH traitait des questions touchant à la protection des droits de l’homme entrant dans le champ de la ConvEDH. Il y avait deux domaines d’intervention et deux sphères conséquentes de compétence juridictionnelle qui s’exerçaient ainsi dans une sorte de coexistence pacifique avec une volonté toujours marquée, notamment déjà de la CJCE, de toujours conserver leur autonomie respective.
Les limites de cette approche complémentaire vite dénoncées
903 • Il y a bien des efforts qui ont été consenti, notamment pour constituer progressivement un ordre public européen des droits et libertés (Cf. C. Picheral, L’ordre public européen. Droit communautaire et droit européen des droits de l’homme, Paris, Documentation française, 2001 ; F. Sudre, « Existe-il un ordre public européen ? », in P. Tavernier (dir.), Quelle Europe pour les droits de l’homme ?, Bruxelles, Bruylant, 1996, p. 39 et suiv. et « L’ordre public européen », in M.-J. Redor (dir.), L’ordre public : ordre public ou ordres publics ? Ordre public et droits fondamentaux, Bruxelles, Bruylant, 2001, p. 109 et suiv.) ou faire émerger des principes liés à la notion de « Communauté de droit » chez le juge communautaire (voir, par ex., J. Rideau, De la communauté de droit à l’Union de droit. Continuités et avatars européens, Paris, LGDJ, 2000) mais sans que cela ne produise des effets concrets. Les limites de la coexistence de ces deux systèmes parallèles ont ainsi vite été dénoncées. Les limites de l’approche communautaire ont d’abord été stigmatisées par les juges constitutionnels italien et allemand qui, dénonçant les insuffisances au niveau de la protection des droits fondamentaux, ont ouvertement menacé de soumettre le droit communautaire aux dispositions des Constitutions nationales et de le priver d’effet en cas de contrariété avérée avec la protection des droits fondamentaux au niveau national. Il faut attendre les années 1970 pour que la CJCE répondent aux craintes exprimées par ces cours nationales avec la mise en place, de façon prétorienne, dans le silence des traités et en se référant alors aux conventions internationales et déjà à la ConvEDH, des principes généraux du droit communautaire. Les droits fondamentaux formant alors une part intégrante de ces principes généraux du droit dont la Cour assure le respect (Cf. CJCE, 12 novembre 1969, Erich Stauder contre Ville d’Ulm – Sozialamt, Aff. n°29/69, Rec. CJCE, p. 419, § n°7).
Une volonté de rapprochement qui aboutit à la constitutionnalisation des droits fondamentaux dans les Traités européens (1)
904 • Après la première prise de conscience des institutions communautaires quant aux insuffisances en la matière, la Commission européenne a souhaité, dans un mémorandum de 1979 (Mémorandum du 4 avril1979, Bull. C.E., Suppl. 2.79) puis dans une relance présentée en 1990 (Communication de la Commission concernant l’adhésion de la Communauté à la ConvEDH ainsi qu’à certains de ses protocoles, SEC (90) 2087 final, 19 novembre 1990 – C3-022/93) que la Communauté adhère à la ConvEDH. La Cour de justice a, cependant, considéré qu’une telle réforme équivalait à un changement constitutionnel fondamental qui ne saurait être mis en œuvre sans une révision préalable des Traités institutifs (CJCE, 28 mars 1996, Adhésion de la Communauté à la convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, avis 2/94, Rec. CJCE, I, p. 1759 ; Cf., sur cet avis, O. De Schutter et Y. Lejeune, « L’adhésion de la Communauté à la Convention européenne des droits de l’homme. A propos de l’avis 2/94 de la Cour de justice des Communautés européennes », CDE 1996, p. 555 et suiv. ou P. Wachsmann, « L’avis 2/94 de la Cour de justice relatif à l’adhésion de la Communauté européenne à la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales », RTDE 1996, p. 467 et suiv.). Cette convergence et ce rapprochement ont, ensuite, clairement été matérialisés par la constitutionnalisation des droits fondamentaux par le biais de la voie conventionnelle liée aux Traités de Maastricht et d’Amsterdam (Voir, par ex., H. Labayle, « Droits fondamentaux et Droit européen », AJDA 1998, p. 75 et suiv. ; D. Simon, « La Convention européenne des droits de l’homme et l’Union européenne de Maastricht à Amsterdam, aliquid novi ? quid juris ? », in Law in a Greater Europe, Studies in nour of H. Klebes, La Haye, Kluwer, 2000, p. 227 et suiv. ; F. Sudre, « La Communauté européenne et les droits fondamentaux après le traité d’Amsterdam : vers un nouveau système européen de protection des droits de l’homme ? », JCP 1998, I, n°100 ou « L’apport du droit international et européen à la protection communautaire des droits fondamentaux », in Droit international et Droit communautaire : perspectives actuelles, Paris, Pedone, 2000, p. 169 et suiv.) aboutissant « à ce que se développe une certaine perméabilité inéluctable, voire une osmose délibérée, dans les rapports entre les deux ordres de juridiction » (D. Simon, « Des influences réciproques entre CJCE et CEDH : « je t’aime, moi non plus » ? », Pouvoirs 2001, n°96, p. 31 et suiv.).
Une volonté de rapprochement qui aboutit à la constitutionnalisation des droits fondamentaux dans les Traités européens (2)
905 • Il faut attendre 1992 et le Traité de Maastricht, qui introduit la notion de citoyenneté européenne, pour que la réaction prétorienne entamée par la Cour de justice se traduise par une initiative institutionnelle et que la politique des droits fondamentaux soit inscrite dans le droit primaire. L’article F-2 (devenu 6-2 après le Traité D’Amsterdam) stipulant que : « Les droits fondamentaux, tels qu’ils sont garantis par la Convention européenne des Droits de l’homme et tels qu’ils résultent des traditions constitutionnelles communes aux Etats membres, font partie du droit de l’Union en tant que principes généraux ». Le traité d’Amsterdam va plus loin, cinq ans plus tard, en imposant le respect des droits de l’homme et de l’Etat de droit aux Etats candidats à l’adhésion (article 6-1 et art. 49 TUE) et en prévoyant une procédure de suspension des droits découlant du traité en cas de violation « grave et persistante » des droits fondamentaux par un Etat membre (art. 7 TUE). Par ces deux traités, le projet économique initial s’est transformé en projet politique, projet politique davantage fondé sur les individus que sur les institutions ou les Etats membres. On peut dire, comme certains, que « l’Europe des marchands » s’est mué en « Europe des citoyens » (Voir, par ex., pour l’utilisation de ces notions, P. Gaia, « La Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne », RFDC 2004, n°58, p. 227 et suiv.) et c’est cette mutation qui va permettre et amener à la volonté de dresser enfin un véritable catalogue des droits fondamentaux.
Un projet politique dorénavant fondé sur les individus qui nécessite un véritable catalogue de droits fondamentaux
906 • Le travail qui va être fourni pour doter enfin l’Union d’un catalogue de droits fondamentaux va témoigner d’une nouvelle approche dans la fixation des règles. Pour la première fois, ce ne sont pas les représentants des seuls exécutifs ni des conférences intergouvernementales qui vont être à l’origine du texte. C’est le Parlement européen et les parlements nationaux qui vont alors travailler de concert pour fixer les différents principes. Un souci de transparence et d’ouverture va accompagner toute la procédure. La Convention mise en place va ainsi laisser à disposition du public ses travaux en les mettant en ligne tout en auditionnant les ONG compétentes dans ce domaine pour qu’elles puissent faire des propositions. C’est toute la logique développée notamment plus tard par le Traité de Lisbonne qui est ainsi développée dans l’adoption du texte (Le Traité consacrant pleinement la démocratie européenne alors qu’elle n’avait cessé d’être débattue jusque-là à travers la mise en avant de la représentation au niveau supranational, la participation des citoyens au niveau supranational ou encore la représentation par les parlements nationaux). Le catalogue des droits fondamentaux a alors pris naissance sous la forme d’une Charte dénommée Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (CDFUE) dont le texte a été proclamé à Nice le 7 décembre 2000. Les autorités européennes (Parlement, Conseil et Commission) ne lui ont donné, à l’origine, que le statut d’accord interinstitutionnel insusceptible en l’état de contraindre les Etats membres et les individus mais l’entrée en vigueur du Traité de Lisbonne a conduit à accentuer et renouveler le dialogue entre les deux Cours en donnant à la CDFUE, qui reprend, pour l’essentiel, les droits consacrés par la ConvEDH, la même valeur juridique que le droit primaire et en prévoyant l’adhésion de l’Union à la ConvEDH.
Un projet politique ayant pour source d’inspiration commune et partagée la ConvEDH
907 • La CDFUE s’est affirmée comme une source d’inspiration commune et partagée avant même qu’elle devienne opposable tout en renforçant la dynamique de coopération. Elle aurait pu accentuer l’autonomie des deux systèmes de protection dans la mesure où la Charte aurait pu faire concurrence à la ConvEDH. Elle a, au contraire, renforcé le dialogue et les rapports entre les deux cours. Celui-ci a même été institutionnalisé dans la Charte à travers l’article 52-3 qui prévoit que « dans la mesure où la présente Charte contient des droits correspondant à des droits garantis par la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales, leur sens et leur portée sont les mêmes que ceux que leur confère ladite convention » (étant entendu que la ConvEDH doit s’entendre comme celle interprétée par la CourEDH) (§ 1er). L’adhésion de l’Union à la ConvEDH est l’autre élément qui doit amener à la concrétisation des rapports entre les deux cours. Elle permettra d’inclure le texte du Conseil de l’Europe dans l’ordre juridique communautaire, obligera la CJUE à vérifier si le texte est bien appliqué par les institutions de l’Union et les Etats membres lorsqu’ils agissent dans le champ d’application des traités et, au final, établira des rapports directs entre les deux juges dans la mesure où le projet d’adhésion prévoit d’inclure, de manière préalable, la CJUE dans la procédure devant la CourEDH. Si, dernièrement et paradoxalement, ce projet d’adhésion est surtout apparu comme un élément permettant d’affirmer l’autonomie pleine et entière de la CJUE en la matière et d’affirmer sa volonté à défendre les caractéristiques spécifiques de l’Union, cela ne devrait pas remettre en cause cette logique visant, à terme, à instaurer un lien organique et un dialogue non plus indirect mais cette fois direct entre les deux cours. Comme peut le noter Jean-Marc Sauvé, cette adhésion « est une chance pour la garantie des droits en Europe. Car du pluralisme des juges et de leurs interactions, de la « diversité organisée », peuvent naitre une cohérence et un équilibre accrus entre les pouvoirs, qui sont le propre de la démocratie et de l’Etat de droit » (J.-M. Sauvé, « L’adhésion de l’Union européenne à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales », précité) (§2nd).
§1er: Des rapports qui se sont développés avec l’utilisation, principale, croissante et diversifiée de la CDFUE
908 • C’est seulement après l’échec du Traité établissant une constitution pour l’Europe et l’adoption conséquente du Traité de Lisbonne que la Charte est érigé au rang des textes de droit primaire de l’Union et devient invocable devant la Cour de justice comme devant les juridictions nationales. Pour autant, cela n’a pas empêché celle-ci d’être déjà invoqué après sa consécration par le Traité de Nice même si le texte n’était pas directement opposable. C’est le Tribunal de première instance qui a fait rapidement et explicitement référence à la charte en dépit de son absence de valeur juridique. Le but était de compléter la référence aux traditions constitutionnelles des Etats membres (Cf., par ex., TPICE, 20 février 2001, Mannesmannröhren-Werke AG contre Commission des Communautés européennes, Aff. n°T-112/98, Rec. CJCE, II, p. 729, § 76 et suiv. qui évoquent la Charte sans référence à un article en particulier ; TPICE, 30 janvier 2002, Max.mobil Telekommunikation Service GmbH contre Commission des Communautés européennes, Aff. n°T-54/99, Rec. CJCE, II, p. 313, §57 ou TPICE, 3 mai 2002, Jégo-Quéré et Cie SA contre Commission des Communautés européennes, Aff. n°T-177/01, § 42 et 47 ou TPICE, 5 août 2003, P & O European Ferries (Vizcaya), SA (T-116/01) et Diputación Foral de Vizcaya (T-118/01) contre Commission des Communautés européennes, Aff. jointes n°T-116/01 et T-118/01, Rec. CJCE, II, p. 2957, §209 qui évoquent l’article 47 de la Charte et le droit à un recours effectif devant un tribunal ; TPICE, 5 avril 2006, Degussa AG contre Commission des communautés européennes, Aff. n°T-279/02, Rec. CJCE, II, p. 897, § 115 qui cite toujours l’article 47 de la Charte mais en référence au principe de présomption d’innocence).
909 • Le Tribunal a, par la suite et néanmoins, constaté que la déclaration n’était pas dotée de force juridique contraignante (TPICE, 15 février 2005, Norman Pyres contre Commission des Communautés européennes, Aff. n°T-256/01, Rec. CJCE, II, p. 99, §66 à propos de l’article 21 de la Charte et le fait que toute discrimination fondée sur l’âge est interdite) mais c’est la Cour de justice, elle-même, qui avait, jusque-là, longtemps refusé de s’y référer, qui a été amené à prendre le pas de son juge de première instance (CJCE, 27 juin 2006, Parlement européen contre Conseil de l’Union européenne, Aff. n°C-540/03, Rec. CJCE, I, p. 5769, §38 et 58 s’agissant de l’article 7 de la Charte et du droit au respect de la vie privée et familiale, confronté à la problématique du regroupement familial ; CJCE, 13 mars 2007, Unibet (London) Ltd et Unibet (International) Ltd contre Justitiekanslern, Aff. n°C-432/05, Rec. CJCE, I, p. 2271, §37 et suivants sur la portée du principe de protection juridictionnelle effective de l’article 47 de la Charte ; CJCE, 3 mai 2007, Advocaten voor de Wereld VZW contre Leden van de Ministerraad, Aff. n°C-303/05, Rec. CJCE, I, p. 3633, § 46, à propos du principe de légalité des délits et des peines, le principe d’égalité et le principe de non-discrimination tous les trois rappelés respectivement aux articles 49, 20 et 21 de la charte ; CJCE, 11 déc. 2007, International Transport Workers’ Federation et Finnish Seamen’s Union contre Viking Line ABP et OÜ Viking Line Eesti, Aff. n°C-438/05, Rec. CJCE, I, p. 10779 où le juge invoque l’article 28 de la Charte et les restrictions possibles pouvant être mises en œuvre contre le droit de grève). La Charte apparaissant, en définitive, comme une source réaffirmant des droits déjà consacrés via les principes généraux du droit et présentant une faible valeur ajoutée.
910 • Il faut attendre le Traité de Lisbonne pour que la Charte soit reconnue comme étant juridiquement contraignante et qu’elle devienne réellement un élément central de l’ordre juridique communautaire même si le texte n’est pas directement inclus dans le corps des traités ou dans les protocoles annexés. Ce n’est pas le seul apport majeur du Traité puisque celui-ci marque aussi constitutionnellement l’engagement de l’Union à adhérer à la ConvEDH sans modification des compétences qui lui sont attribuées. C’est l’article 6 TUE nouveau tel qu’amendé par le Traité qui marque le nouvel attachement aux droits fondamentaux et qui illustre ce saut à la fois quantitatif et qualitatif. L’article se décompose en trois branches : la 1ère évoque la Charte et sa valeur juridique, la 2nde l’adhésion future de l’Union à la ConvEDH, la 3ème, qui reflète amplement la disposition antérieure qui reprenait déjà la jurisprudence de la CJCE, l’idée selon laquelle les droits fondamentaux font partie intégrante des PGD dont le juge de l’Union assure le respect. Toutes les sources qui relèvent du droit de l’Union ne sont pas expressément visées par l’article 6 TUE (on pense notamment aux dispositions liées aux principes de non-discrimination et de citoyenneté européenne dans le droit primaire mais aussi aux dispositions du droit dérivé précisant la portée des droits consacrés par la Charte).
911 • Mais, si au-delà de l’article 6 TUE, il existe une pluralité de sources de protection, il semble que l’article énonce 3 strates de droits fondamentaux dotées d’un rang et d’un statut juridique a priori différent ce qui pose immanquablement la question de la cohérence de ce système entre ces 3 protections et envers celles existantes en dehors de l’article 6 TUE. La ConvEDH demeure pour l’instant, dans l’attente de l’aboutissement du processus d’adhésion de l’Union, le texte qui est utilisé par le juge de l’Union sur une base volontaire à l’appui de ses décisions. La CDFUE a mis du temps à s’imposer vis-à-vis des autres sources de protection et l’ensemble des dispositions ne peut être invoqué directement par les justiciables devant le juge national (A). Il y a, cependant, aujourd’hui, un développement du champ d’application de la Charte porteur d’espoir même si la position de la CJUE reste encore en retrait notamment par rapport à la question des droits sociaux proclamés dans la Charte (B).
A – Une Charte qui est devenue l’instrument principal de protection des droits fondamentaux dans le système communautaire
1 – La prédominance progressive de la Charte vis-à-vis des autres sources de protection des droits fondamentaux dans le système communautaire
→ Des principes généraux qui ont la même valeur que la Charte mais qui sont utilisés de façon supplétive
Des PGD identifiés au droit primaire par la Cour de justice (1)
912 • Si les article 52 et 53 CDFUE régissent les rapports entre la Charte et la ConvEDH quant à la portée des droits et du niveau de protection, rien n’existe quant à une quelconque hiérarchie entre la CDFUE et les PGD. La Charte s’est bien vu être rattachée au droit primaire et être considérée comme l’équivalent des traités constitutifs mais rien de tel pour les PGD. Se pose alors la question de la détermination de la place de ces PGD dans la hiérarchie des normes. Si les relations avec le droit primaire apparaissent complexes, la thèse de l’infra-constitutionnalité, défendue par une partie de la doctrine, a vite été rejeté pour une approche visant à dénier toute hiérarchie formelle avec les autres droits fondamentaux consacrés par les textes que ce soit ceux de la Charte ou ceux consacrés par le droit primaire. C’est la solution adoptée par la Cour de justice lorsqu’elle a été amenée à traiter de conflits entre les libertés fondamentales reconnues par les traités constitutifs et les principes généraux du droit. La Cour a d’abord admis, au début des années 1990, que le pluralisme culturel, lié à la liberté d’expression, pouvait justifier des restrictions à la libre prestation de services (CJCE, 25 juillet 1991, Stichting Collectieve Antennevoorziening Gouda et autres contre Commissariaat voor de Medi, Aff. n°C-288/89, Rec. CJCE, I, p. 4007, §23). Plutôt qu’établir une hiérarchie entre ses différentes sources de droits fondamentaux, la Cour a ensuite procédé, dans les années 2000, à une mise en conciliation visant à confirmer le statut identique de l’ensemble de ces droits fondamentaux. C’est l’affaire « Schmidberger » qui inaugure ce courant de jurisprudence à propos de blocus organisés par les agriculteurs sur les autoroutes autrichiennes (CJCE, 12 juin 2003, Eugen Schmidberger, Internationale Transporte und Planzüge contre Republik Österreich, Aff. n°C-112/00, § 77 à 80). Les blocus ont été considérés comme étant une entrave à la libre circulation des marchandises mais cette entrave pouvait être justifiée par le PGD fondé sur la liberté d’expression et de réunion. La Cour mettant en balance les deux intérêts en présence à travers la fonction sociale du droit et le principe de proportionnalité (voir, dans le même sens, pour une confrontation entre la liberté d’expression et la libre circulation des marchandises surmontée par le recours au principe de proportionnalité : CJCE, 25 mars 2004, Herbert Karner Industrie-Auktionen GmbH contre Troostwijk GmbH, Aff. n°C-71/02, Rec. CJCE, I, p. 3025, §50 et suiv.).
Des PGD identifiés au droit primaire par la Cour de justice (2)
913 • La Cour a aussi traité des restrictions de la libre prestation de service aux fins de protéger la dignité humaine à propos de l’exploitation d’un « Laserdrome » où des jeux, qui avaient pour objet le tir ciblé de personnes au moyen d’un rayon laser, s’apparentaient à un simulacre de meurtre (CJCE, 14 octobre 2004, Omega Spielhallen -und Automatenaufstellungs- GmbH contre Oberbürgermeisterin der Bundesstadt Bonn, Aff. n°C-36/02, §33 et suiv., Rec. CJCE, I, p. 9609). Des solutions de conciliation analogues ont aussi été adoptées dans une affaire mettant en cause un conflit entre la liberté syndicale, protégée par le droit de l’Union au titre des PGD, et les libertés d’établissement et de prestations de service (CJCE, 18 déc. 2007, Laval un Partneri Ltd contre Svenska Byggnadsarbetareförbundet, Svenska Byggnadsarbetareförbundets avdelning 1, Byggettan et Svenska Elektrikerförbundet, Aff. n°C-341/05, Rec. CJCE, I, p. 11767) ou la liberté d’établissement (CJCE, 11 déc. 2007, International Transport Workers’ Federation et Finnish Seamen’s Union contre Viking Line ABP et OÜ Viking Line Eesti, Aff. n°C-438/05, Rec. CJCE, I, p. 10779). La Cour va, au final, clairement rattaché les PGD au droit primaire, leur conférant ainsi la même valeur que les traités constitutifs (CJCE, 3 septembre 2008, Yassin Abdullah Kadi et Al Barakaat International Foundation contre Conseil de l’Union européenne et Commission des Communautés européennes, Aff. n°C-402/05, Rec. CJCE, I, p. 6351, §308). La Cour allant même jusqu’à les considérer comme se situant « au rang constitutionnel » ou « dotés d’une valeur constitutionnelle » (V., par exemple, CJCE, 15 octobre 2009, Audiolux SA e.a contre Groupe Bruxelles Lambert SA (GBL) e.a. et Bertelsmann AG e.a., Aff. n°C-101/08, Rec. CJCE, I, p. 9823, §63).
Des PGD qui doivent continuer à élargir la justiciabilité des droits fondamentaux
914 • Les PGD ont aussi été considérés comme l’équivalent des principes consacrés par la Charte dans une affaire mettant en balance ces PGD (droits d’auteur et protection juridictionnel effective) et des principes de la CDFUE (protection des données à caractère personnel et protection de la vie privée) (CJCE, 29 janvier 2008, Productores de Música de España (Promusicae) contre Telefónica de España SAU, Aff. n°C-275/06, Rec. CJCE, I, p. 271, §61 et suiv.). Tout se passe, en réalité et au final, comme si les PGD avaient un caractère supplétif et complémentaire à la Charte et aux autres droits fondamentaux pour maintenir une liberté d’action à la Cour et ne pas entraver, par la même, la « mise en forme » prétorienne qui assurerait une sécurité renforcée voire optimum dans la protection des droits. En continuant à se référer au concept des PGD dans son article 6, le Traité autorise les juridictions européennes à aller éventuellement au-delà des droits fondamentaux protégés par la CDFUE ou la ConvEDH. Il y a des cas où la Charte ne peut pas produire tous ses effets (protocole n°30 applicable au Royaume-Uni et à la Pologne) et où son application est rendue complexe, les principes inscrits ne pouvant produire des effets en tant que tel et étant notamment dépendant d’actes de l’Union ou des Etats membres les mettant en œuvre. De même, le catalogue des principes inscrits dans la Charte peut se révéler incomplet (par ex., non présence du principe de précaution). Le juge de l’Union pourrait s’appuyer sur le concept des PGD pour ainsi pallier à d’éventuelles lacunes de la CDFUE ou élargir la liste des droits protégés. La jurisprudence s’est d’ailleurs longtemps référée cumulativement aux trois sources sans en privilégier l’une au détriment des deux autres (Cf., par ex., CJUE, 22 décembre 2010, DEB Deutsche Energiehandels- und Beratungsgesellschaft mbH contre Bundesrepublik Deutschland, Aff. n°C-279/09, où la Cour invoque tour à tour la ConvEDH (§ 6), l’article 47 CDFUE et le droit à un recours effectif (§7) et le principe de protection juridictionnelle effective des droits reconnus aux particuliers par le droit de l’Union qui constitue un PGD (§ 47)).
Une charte qui devient la source la plus représentative dans la jurisprudence de la Cour
915 • Une fois la valeur juridique du texte reconnu, le juge de l’Union s’est pleinement saisi de la CDFUE qui occupe désormais une place de choix dans les sources relatives aux droits fondamentaux. Dans un premier état de la jurisprudence, le juge matérialise le passage des PGD à la CDFUE en utilisant des formules qui se veulent explicites (par ex. celle selon laquelle les droits fondamentaux font partie intégrante des PGD dont la Cour assure le respect « et qui sont désormais inscrits dans la Charte » (CJCE, 13 mai 2014, Google Spain SL et Google Inc. contre Agencia Española de Protección de Datos (AEPD) et Mario Costeja González, Aff. n°C131/12, §68), en affirmant que tel droit consacré, par le passé, à travers les PGD l’était dorénavant, de façon prioritaire, par la Charte (ex : droit à une protection juridictionnelle effective de l’article 47 CDFUE) ou encore en faisant abstraction de citer des formules jusque-là couramment utilisées (comme, par ex., la formule selon laquelle « les droits fondamentaux font partie intégrante des principes généraux du droit dont la cour assure le respect ») (Voir, pour ces éléments, F. Picod, « Charte des droits fondamentaux et principes généraux du droit », RDLF 2015, chron. n°102). L’examen des atteintes aux droits a désormais pour cadre de référence la CDFUE et plus précisément son article 52. Celui-ci oblige ou amène le juge à mettre de côté son approche globale dans l’examen de l’atteinte pour une approche davantage structurée conformément aux exigences de l’article 52-1 (celle-ci amène à examiner le bien-fondé des limitations apportées au droit ou à la liberté par l’identification des objectifs d’intérêt général, la nécessité des moyens employés et le caractère non disproportionné des obligations).
Un cadre de référence nouveau de la CDFUE dont le juge s’efforce de préserver la cohabitation avec la ConvEDH
916 • C’est l’article 52-3 CDFUE qui précise que : « dans la mesure où la Charte contient des droits correspondant à ceux garantis par la CEDH, leur sens et leur portée sont les mêmes que ceux que leur confère cette convention ». Le sens et la portée des droits garantis sont déterminés non seulement par le texte de la ConvEDH, mais aussi, notamment, par la jurisprudence de la CourEDH. Il y a, en ce sens, beaucoup d’arrêts où le juge de l’Union, après avoir pris en référence, en priorité, la Charte, se livre à une analyse poussée de la jurisprudence de la Cour de Strasbourg pour, au final, comme l’y autorise le dernier alinéa de l’article 52-3 CDFUE, accordée une protection plus étendue au titre du droit de l’Union. On peut citer, à titre d’exemple, la reconnaissance pour les personnes morales du droit à l’aide juridictionnelle sur le fondement de l’article 47 CDFUE (droit à une protection juridictionnelle effective) (CJUE, 22 décembre 2010, DEB Deutsche Energiehandels- und Beratungsgesellschaft mbH contre Bundesrepublik Deutschland, Aff. n°C-279/09, Rec. CJUE, I, p. 13849, § 35 et suiv.) où le juge, après s’être livré à une analyse complète de la jurisprudence de la CourEDH, à dépasser le standard de protection admis (la CourEDH ayant notamment admis que l’aide juridictionnelle prévues que pour les seules personnes physiques dans le système français ne violait pas l’article 6 ConvEDH : CourEDH, 26 août 2008, VP Diffusion SARL contre France, req. n°14565/04).
Une Charte qui s’applique néanmoins de manière prioritaire par rapport à la ConvEDH
917 • La Cour a pu appliquer assez récemment le mécanisme de l’article 52-3 CDFUE à propos du transfert d’un demandeur d’asile présentant une affection mentale ou physique particulièrement grave qui ne peut être opéré que dans des conditions excluant que ce transfert entraîne un risque réel que l’intéressé subisse des traitements inhumains ou dégradants consacré à la fois par la CDFUE (article 4) et la Convention (article 3) (CJUE, 16 février 2017, C. K. e.a. contre Republika Slovenija, Aff. n°C‑578/16 PPU, §67 et suiv.). Mais, dans la majorité des cas, les références à la ConvEDH se sont aujourd’hui progressivement estompées au profit de l’utilisation, la plus souvent, unique de la CDFUE même lorsqu’il existe un droit correspondant dans la ConvEDH (Cf. En ce sens, R. Tinière, « Le rôle de la Charte dans la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne depuis l’avis 2/13 : vers un modus vivendi avec le droit de la Convention ? » RUE 2016, p. 400 et suiv.). Le juge de l’Union n’hésite plus à rendre des arrêts au seul visa de la Charte (CJUE, GC, 22 janvier 2013, Sky Österreich GmbH contre Österreichischer Rundfunk, Aff. n°C-283/11 qui autorise des limitations à la garantie posée par l’article 16 CDFUE (liberté d’entreprise) (§41 et suiv) et qui traite de la non garantie de l’article 17 CDFUE (droit de propriété) à des droits exclusifs de radiodiffusion télévisuelle afférents à des événements d’un grand intérêt pour le public acquis par voie contractuelle (§31 et suiv) ; CJUE, GC, 27 mai 2014, Zoran Spasic, Aff. n°C-129/14 PPU à propos convention d’application de l’accord de Schengen relatif à la suppression graduelle des contrôles aux frontières et le respect du principe non bis in idem posée par l’article 50 CDFUE ; CJUE, GC, 6 octobre 2015, Thierry Delvigne contre Commune de Lesparre Médoc et Préfet de la Gironde, Aff. n°C-650/13 qui porte sur le droit de vote des détenus (article 39-2 CDFUE) sans aucune référence au droit de la ConvEDH). Il n’hésite plus, davantage, à remplacer les dispositions invoquées par les juges nationaux lors des questions préjudicielles par les dispositions de la CDFUE jugées plus pertinentes. Pour autant, les références à la ConvEDH sont loin d’avoir disparues et restent bien présentes dans la jurisprudence de la Cour (par ex., CJUE, 17 décembre 2015, WebMindLicenses Kft contre Nemzeti Adó- és Vámhivatal Kiemelt Adó- és Vám Főigazgatóság, Aff. n°C-419/14, §71 où le juge cite la jurisprudence de la CourEDH et l’article 8 ConvEDH (protection vie privée et familiale) pour justifier des limitations au droit à la protection des données personnelles (article 7 CDFUE) à propos d’interceptions de communications téléphoniques. Il y a, au final, une jurisprudence qui témoigne, au-delà de la prépondérance de la Charte par rapport à la ConvEDH, du fait que « c’est donc bien la congruence des standards de protection des droits fondamentaux en Europe qui domine » (R. Tinière, « Le rôle de la Charte dans la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne depuis l’avis 2/13 : vers un modus vivendi avec le droit de la Convention ? » précité).
→ Une extension au maximum du champ d’application de la Charte
Une Charte qui n’a pas vocation, à l’origine, à s’appliquer à toutes les normes et activités des Etats membres (art. 51 CDFUE)
918 • L’article 51 CDFUE stipule que « les dispositions de la présente Charte s’adressent aux institutions et organes de l’Union dans le respect du principe de subsidiarité, ainsi qu’aux Etats membres uniquement lorsqu’ils mettent en œuvre le droit de l’Union ». Contrairement à la ConvEDH, la Charte n’a pas vocation à s’appliquer à toutes les normes et activités des Etats membres, c’est seulement lorsqu’ils agissent comme autorité d’exécution du droit de l’Union que les Etats membres sont a priori tenus de respecter les dispositions de la Charte. Mais quelles sont les mesures nationales concernées ? les seules mesures d’exécution (appréciation stricte) ou bien toutes les mesures nationales entrant dans le champ d’application du droit de l’Union (appréciation large) ? C’est l’appréciation stricte qui a d’abord été retenue par la Cour de justice s’agissant des PGD, ceux-ci liant les Etats « lorsqu’ils mettent en œuvre des règlementations communautaires » (CJCE, 13 juillet 1989, Hubert Wachauf v Bundesamt für Ernährung und Forstwirtschaft, Aff. n°C-5/88, Rec. CJCE, p. 2609, §19). Les mesures nationales contestées pouvant être, par exemple, celles visant alors à appliquer un règlement européen, transposer une directive ou répondre à une demande de la Commission européenne. Cette appréciation a vite été supplantée par une appréciation se voulant plus large et estimant que toute réglementation nationale devait être conforme aux PGD dès lors qu’elle entrait « dans le champ d’application du droit communautaire » (CJCE, 18 juin 1991, Elliniki Radiophonia Tiléorassi AE and Panellinia Omospondia Syllogon Prossopikou v Dimotiki Etairia Pliroforissis and Sotirios Kouvelas and Nicolaos Avdellas and others, Aff. n°C-260/89, Rec. CJCE, I, p. 2925, §42). Cette dernière appréciation a perduré (CJCE, 29 mai 1997, Friedrich Kremzow v Republik Österreich, Aff. n°C-299/95, Rec. CJCE, I, p. 2629, §15 ; CJCE, 22 octobre 2002, Roquette Frères SA contre Directeur général de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, en présence de la Commission des Communautés européennes, Aff. n°C-94/00, Rec. CJCE, I, p. 9011, §25 ; CJCE, 15 novembre 2011, Murat Dereci et autres contre Bundesministerium für Inneres, Aff. n°C-256/11, Rec. CJCE, I, p. 11315, §72) même si certains arrêts ont pu revenir à l’approche stricte initiale (CJCE, 14 juillet 1994, Aff. n°C-351/92, Manfred Graff contre Hauptzollamt Köln-Rheinau, Rec. CJCE, I, p. 3361, §17 ; CJCE, 13 avril 2000, Kjell Karlsson e.a., Aff. n°C-292/97, Rec. CJCE, I, p. 2737, §37) voire combiner les deux approches (CJCE, 24 mars 1994, The Queen contre Ministry of Agriculture, Fisheries and Food, ex parte Dennis Clifford Bostock, Aff. n°C-2/92, Rec. CJCE, I, p. 955, §16). La jurisprudence semble néanmoins clairement établie autour de cette approche large (CJUE, 30 avril 2014, Robert Pfleger e.a., Aff. n°C-390/12, § 30 à 37 ; CJUE, GC, 6 octobre 2015, Thierry Delvigne contre Commune de Lesparre Médoc et Préfet de la Gironde, Aff. n°C-650/13).
Une charte finalement applicable à toutes les mesures nationales entrant dans le champ d’application du droit de l’Union : l’arrêt « Aklagaren contre Hans Akerberg Fransson »
919 • A regarder de plus près le texte de l’article 51 CDFUE, si c’est l’approche restrictive qui semble avoir eu la préférence du législateur concernant la Charte, ce n’est pas celle qui a été retenue, par la suite et de nouveau, par la Cour. Il importe peu, pour elle, que la mesure n’ait pas été adoptée spécialement pour mettre en œuvre le droit de l’Union. La Cour a, par exemple, estimé que le fait pour un Etat de déroger à la règle de l’Etat responsable de l’examen des demandes d’asile au sens du règlement « Dublin II », comme ce règlement le permet, était constitutif d’une « mise en œuvre » du droit de l’Union. (CJCE, 21 décembre 2011, N. S. (C-411/10) contre Secretary of State for the Home Department et M. E. et autres (C-493/10) contre Refugee Applications Commissioner et Minister for Justice, Equality and Law Reform, Aff. n°C-411/10 et n°C-493/10, Rec. CJCE, I, p. 13905, §69). La Cour a poursuivi dans cette logique (CJUE, 7 juin 2012, Anton Vinkov contre Nachalnik Administrativno-nakazatelna deynost, Aff. n°C-27/11, §58 et aussi, dans le même ordre, CJUE, 19 janvier 2010, Seda Kücükdeveci contre Swedex GmbH & Co. KG, Aff. n°C-555/07, Rec. CJUE, I, p. 365 où « le juge national, saisi d’un litige entre particuliers, n’est pas tenu mais a la faculté d’interroger la Cour à titre préjudiciel sur l’interprétation du principe de non-discrimination fondée sur l’âge […] avant de laisser inappliquée une disposition de la réglementation nationale qu’il estime contraire à ce principe » § 55) jusqu’à appliquer la Charte à une situation où un citoyen suédois ayant fait de fausses déclarations à l’administration fiscale faisait l’objet, à la fois, de sanctions fiscales et de poursuites pénales pour fraude fiscale aggravée. La situation trouvait sa source dans le droit national suédois et non pas dans le droit de l’Union ce qui n’a pas empêché la cour de déclarer la Charte applicable dès lors que les mesures incriminées entraient « dans le champ d’application du droit de l’Union ». Les sanctions fiscales et pénales concernaient des fausses déclarations effectuées en matière de TVA. Le lien avec le droit de l’Union a été effectué par la mise en œuvre de la directive 2006/112/CE relative au système commun de TVA et de l’article 325 TFUE qui oblige les Etats membres à lutter contre les activités illicites portant atteinte aux intérêts financiers de l’Union (CJUE, 7 mai 2013, Åklagaren contre Hans Åkerberg Fransson, Aff. n°C-617/10). Le champ d’application large retenu par la Cour va à l’encontre de la formulation restrictive retenue par le texte mais, par là-même, toute règle issue d’un droit national pourra donc être examiner dans le détail sous l’égide de la Charte même si elle n’a pas été adoptée spécifiquement pour assurer l’effectivité du droit de l’Union. L’applicabilité de la Charte étant justifiée dès lors que lors que la disposition nationale est mise en œuvre pour sanctionner un dispositif tirant sa source du droit de l’Union, même partiellement.
Une charte dont l’applicabilité, pour finir, reste incertaine
919-1 • Pour finir sur ce qui concerne l’applicabilité de la CDFUE et la condition de « mise en œuvre du droit de l’Union », il est très difficile de savoir quel est le degré de rattachement ou le lien exigé entre la situation en cause, la mesure nationale et le droit de l’Union. Si la charte peut-être applicable à toutes les mesures nationales entrant dans le champ d’application du droit de l’Union, le juge de l’Union est venu rappeler que la « notion de « mise en œuvre du droit de l’Union » impose l’existence d’un lien de rattachement d’un certain degré, dépassant le voisinage des matières visées ou les incidences indirectes de l’une des matières sur l’autre » (CJUE, 6 mars 2014, Cruciano Siragusa, Aff. n°C-206/13 ; CJUE, 10 juillet 2014, Víctor Manuel Julian Hernandez, Aff. n°C-198/13 ; CJUE, 6 octobre 2016, Gianpaolo Paoletti et autres, Aff. n°C-218/15). Il ne suffit pas, en l’occurrence, de juste mettre en avant les dispositions de la Charte et il est très difficile de voir clair dans la jurisprudence du juge de l’Union quant au point de rupture amenant à l’application ou non de la Charte. Les cas où la mesure nationale interagit avec le droit de l’Union sont beaucoup trop nombreux et hétérogènes. Le professeur Berramdane a, par exemple, établi quatre scénarios possibles (Voir, pour les scénarios développés ci-après, A. Berramdane, « Le champ d’application de la Charte », RUE 2020, p. 548 et suiv.). Le 1er concerne l’Etat membre qui agit en tant qu’agent ou représentant de l’Union (CJUE, 16 mai 2017, Berlioz Investment Fund SA, Aff. n°C-682/15) ou qui dispose d’une marge d’appréciation qui lui a été conférée par l’Union pour mettre en œuvre le (CJUE, 19 novembre 2019, TSN et AKT, Aff. n°C-609/17 et n°C-610/17 où des mesures internes ont excédé les droits normalement requis par le droit de l’Union). Le 2nd concerne l’Etat membre qui prend des mesures qui constituent des entraves aux quatre libertés (CJUE, GC, 21 décembre 2016, AGET Iraklis, Aff. n°C-201/15). Le 3ème concerne le cas des « zones grises » qui ne relèvent ni du 1er, ni du 2nd scénario où, pour l’auteur, « tout est question d’espèce et de politique jurisprudentielle de la Cour » (Ibid.). Le 4ème concerne l’extension indirecte du champ d’application de la Charte par les Etats membres, par la voie de l’article 19-1 al. 2, TUE dans le cadre des contentieux concernant les valeurs de l’Union mis en cause par les démocraties illibérales. Dans ce cadre, la Charte voit son applicabilité élargie car est l’élément clé du recours en manquement (Voir, par ex., CJUE, GC, 24 juin 2019, Commission contre Pologne, Aff. n°C-619/18).
Une limitation de la baisse du niveau de protection lorsque la Charte est moins protectrice que les Constitutions des Etats membres : l’arrêt « Melloni » (1)
920 • L’article 53 CDFUE dispose qu’aucune disposition de la Charte « ne doit être interprétée comme limitant ou portant atteinte aux droits de l’homme et libertés fondamentales reconnus, dans leur champ d’application respectif, par le droit de l’Union, le droit international et les conventions internationales auxquelles sont parties l’Union, la Communauté ou tous les Etats membres, et notamment la ConvEDH, ainsi que par les constitutions des Etats membres ». Il établit, en ce sens, dans la même logique que celle issue de l’article 53 ConvEDH ou de ce qui existe déjà dans le cadre d’autres conventions relatives à la protection des droits de l’homme, une articulation des différents systèmes de protection des droits fondamentaux existants en s’alignant sur le niveau de protection le plus élevé. Pour autant, suivant l’analyse ou l’interprétation retenue de l’article, une juridiction nationale pourrait ainsi s’écarter des standards de la Charte pour faire prévaloir une disposition interne offrant une protection des droits plus favorable et donc heurter alors frontalement le principe de primauté du droit de l’Union. La Cour de justice s’est opposé à une telle interprétation dans un cas où le droit constitutionnel s’est avéré plus protecteur des droits fondamentaux que la Charte, en considérant que cette interprétation « porterait atteinte au principe de la primauté du droit de l’Union, en ce qu’il permettrait à un Etat membre de faire obstacle à l’application d’acte du droit de l’Union pleinement conformes à la Charte, dès lors qu’ils ne respecteraient pas les droits garantis par la Constitution de cet Etat » (CJUE, 26 février 2013, Stefano Melloni contre Ministerio Fiscal, Aff. C-399/11, §58). Mais elle a néanmoins reconnu qu’il restait « loisible » à un Etat membre, lorsqu’un acte du droit de l’Union appelle des mesures nationales de mise en œuvre, d’appliquer le standard de protection garanti par sa Constitution s’il ne remettait pas en cause « le niveau de protection prévu par la Charte, telle qu’interprétée par la Cour, ni la primauté, l’unité et l’effectivité du droit de l’Union » (Ibid., §60).
Une limitation de la baisse du niveau de protection lorsque la Charte est moins protectrice que les Constitutions des Etats membres : l’arrêt « Melloni » (2)
921 • Pour les actes qui n’appellent pas de mesures nationales de mise en œuvre, ce sont les standards du droit de l’Union qu’on applique. Pour les actes appelant des mesures nationales de mise en œuvre, les autorités et juridictions nationales peuvent, en revanche, appliquer aux mesures nationales leurs standards nationaux qui s’appliquent de manière simultanée alors avec les standards européens. Certains ont pu parler à cet égard de « principe de faveur » (Voir, en ce sens, S. Platon, La coexistence des droits fondamentaux constitutionnels et européens dans l’ordre juridique français, Paris, LGDJ, 2008, p. 145 et suiv. et S. Platon, « La Charte des droits fondamentaux et la « mise en œuvre » nationale du droit de l’Union : précisions de la Cour de justice sur le champ d’application de la Charte », RDLF 2013, chron. n°11) alors ici appliqué par la Cour dans la mesure où, dans le cas où plusieurs sources s’appliquent de manière simultanée, le particulier peut revendiquer l’application du standard de protection le plus élevé. Le champ d’application de la Charte, au-delà des conflits possibles avec les normes constitutionnelles (voir, notamment, P. Beauvais, « La Cour de justice, le mandat d’arrêt et les droits fondamentaux constitutionnels et européens », RTDE 2013, p. 812 et suiv.), est ainsi étendu à son maximum. Le Conseil constitutionnel juge de même en considérant que ne peuvent être utilement critiquées devant lui des dispositions législatives qui se bornent à tirer les conséquences nécessaires d’une directive précise et inconditionnelle mais que le contrôle de constitutionnalité des actes nationaux de transposition ne porte pas atteinte à l’obligation de transposition et au droit de l’Union à partir du moment où les dispositions de la directive ne sont pas claires, précises ou inconditionnelles (CC, n°2004-496 DC, 10 juin 2004, Loi pour la confiance dans l’économie numérique, JO, 22 juin 2004, p. 11182, Rec. CC, p. 101, cons. n°7 à 9 ; CC, n°2006-540 DC, 27 juillet 2006, Loi relative aux droit d’auteur et aux droits voisins dans la société de l’information, JO, 3 août 2006, p. 11541, Rec. CC, p. 88, cons. n°28).
2 – Des dispositions qui ne peuvent, cependant, pas toutes être directement invoquées par les justiciables devant le juge national
→ Une distinction entre « principes » non directement justiciables et « droits » effectivement garantis
Une distinction dans la justiciabilité des droits pour ne pas rendre opposable les droits sociaux considérés comme de simples « principes » (art. 51 CDFUE)
922 • Si l’inscription de droits économiques et sociaux dans la Charte marque enfin des progrès importants par rapport au droit existant, les Etats se sont néanmoins, à l’origine, opposés quant au fait de savoir si ces droits devaient ou non figurer dans la Charte. Ces derniers avaient notamment déjà peur de l’activisme de la Cour de justice en la matière et des coûts que cela pouvait représenter alors dans les budgets nationaux. Pour éviter les conflits et adopter une position commune, les rédacteurs de la Charte ont fait une distinction dans l’opposabilité des droits en consacrant certaines valeurs sociales sans les effets juridiques traditionnellement attachés aux droits fondamentaux. C’est l’article 51 CDFUE qui impose aux institutions de l’Union et aux Etats membres, lorsqu’ils mettent en œuvre le droit de l’Union, de respecter les droits et d’observer les principes. Les obligations des autorités publiques ne sont donc pas les mêmes selon que la disposition de la Charte pose un droit ou un principe. Cette distinction est assez traditionnelle dans le droit des traités où on a l’habitude d’opposer les dispositions formulées en termes trop généraux pour être porteuses de normes immédiatement applicables et celles formulées en termes suffisamment clairs et précis qui se suffisent à elles-mêmes et sont génératrices d’effets directs pour les particuliers. Le contenu matériel de ces droits et principes n’est cependant pas clairement établi par le texte. On peut, certes, se référer à la Charte et son article 52-5 CDFUE qui clarifie quelque peu la distinction en précisant que « les dispositions de la présente Charte qui contiennent des principes peuvent être mises en œuvre par des actes législatifs et exécutifs pris par les institutions, organes et organismes de l’Union, et par des actes des États membres lorsqu’ils mettent en œuvre le droit de l’Union, dans l’exercice de leurs compétences respectives. Leur invocation devant le juge n’est admise que pour l’interprétation et le contrôle de la légalité de tels actes ». Une disposition est qualifiée de « principe » lorsqu’elle ne confère pas de droits subjectifs ou qu’elle nécessite une mise en œuvre complémentaire des institutions de l’Union ou des Etats membres qui ont pour objectif, mais pas l’obligation, de transformer alors le principe en réalité juridique.
Une identification des « droits » et « principes » incertaine
923 • En conséquences des critères énoncés ci-dessus, les « droits » seraient ceux énoncés en termes impératifs qui créent directement des obligations à la charge des institutions de l’Union et des Etats membres parce que suffisamment clairs, précis et inconditionnels (par ex., le droit à la dignité humaine (art. 1 CDFUE), le droit à la vie (art. 2 CDFUE), le droit à la liberté ou à la sureté (art. 6 CDFUE), le droit à l’éducation (art. 14 CDFUE), l’égalité entre les hommes et les femmes (art. 23 CDFUE), le libre accès aux services de placement (art. 29 CDFUE), la protection des travailleurs en cas de licenciement injustifié (art. 30 CDFUE), la nécessité de conditions de travail justes et équitables (art. 31 CDFUE) ou encore l’interdiction du travail des enfants (art. 32 CDFUE)). Les « principes » nécessitent, quant à eux, une mise en œuvre par le biais d’actes législatifs et exécutifs ce qui justifie un effet plus indirect. Ils peuvent ainsi être identifiés à travers des formulations où l’union reconnait et respecte leur existence(par ex., le droit à la diversité culturelle, religieuse et linguistique (art. 22 CDFUE), le droit des personnes âgées à mener une vie digne et indépendante (art. 26 CDFUE), l’accès aux services d’intérêt économique général (art. 36 CDFUE), des formulations où la Charte oblige leur intégration dans les politiques de l’Union (la garantie d’un niveau élevé de protection de l’environnement (art. 37 CDFUE) ou de protection des consommateurs (art. 38 CDFUE)) ou encore des formulations où la Charte les établis comme reconnus « conformément » ou « selon les règles établies » par le droit de l’Union ou les législations et pratiques nationales (par ex., la liberté d’entreprise (art. 16 CDFUE), le droit à l’information et à la consultation des travailleurs au sein de l’entreprise (art. 27 CDFUE) ou le droit de négociation et d’actions collectives (art. 28 CDFUE) ou encore le droit à la protection de la santé (art. 35 CDFUE)). La distinction reste très incertaine néanmoins, des articles pouvant contenir à la fois des droits et principes (par exemple l’article 33 CDFUE concernant la vie familiale et la vie professionnelle où l’article 34 CDFUE concernant la sécurité sociale et l’aide sociale).
→ Une opposabilité verticale et horizontale, au-delà de la distinction entre « droits » et « principes », sujette à caution et interrogation
Une opposabilité verticale des « droits » fondamentaux pleinement reconnue
924 • Les « droits » contenus dans la Charte jouissent incontestablement d’un effet direct vertical puisque l’Union et ses Etats membres (lorsqu’ils mettent en œuvre le droit de l’Union) « respectent les droits » qui y sont consacrés (art. 51-1 CDFUE). Les restrictions susceptibles d’être apportées auxdits droits étant, de plus, strictement organisés par ladite Charte (art. 52 CDFUE). La Cour de justice a, en ce sens et à plusieurs reprises, censuré des actes de l’Union (CJUE, GC, 1er mars 2011, Association Belge des Consommateurs Test-Achats ASBL et autres contre Conseil des ministres, Aff. n°C-236/09, Rec. CJUE, I, p. 773 où la disposition d’une directive est invalidée au regard du principe d’égalité de traitement entre les femmes et les hommes ; CJUE, GC, 5 septembre 2012, Parlement européen contre Conseil de l’Union européenne, Aff. n°C-355/10 où une décision du Conseil visant à compléter le code frontières Schengen est annulé ; CJUE, GC, 8 avril 2014, Digital Rights Ireland Ltd contre Minister for Communications, Marine and Natural Resources e.a. et Kärntner Landesregierung e.a., Aff. n°C-293 et n°C-594/12 où une directive sur la conservation de données générées ou traitées dans le cadre de la fourniture de services de communications électroniques accessibles au public ou de réseaux publics de communications a été déclaré invalide au regard des articles 7 et 8 CDFUE protégeant la vie privée et familiale et les données à caractère personnel) et des mesures nationales (CJUE, GC, 21 décembre 2011, N. S. (C-411/10) contre Secretary of State for the Home Department et M. E. et autres (C-493/10) contre Refugee Applications Commissioner et Minister for Justice, Equality and Law Reform, Aff. n°C-411/10 et n°C-493/10 où, en vertu de l’article 4 CDFUE qui interdit la torture ou les peines et traitements inhumains et dégradants, il incombe aux États membres, de ne pas transférer un demandeur d’asile vers l’Etat membre responsable s’il existe des motifs sérieux et avérés de croire que le demandeur courra un risque réel d’être soumis à des traitements inhumains ou dégradants) jugées contraires aux « droits » fondamentaux proclamés par la Charte.
Une opposabilité horizontale des « droits » fondamentaux, en premier lieu, également reconnue : les arrêts « Mangold » et « Kücükdeveci »
925 • Si l’opposabilité verticale ne pose pas de soucis, la question s’est, par contre, posée quant à l’effet direct horizontal des dispositions de la Charte à l’égard des particuliers. Celle-ci a été, à l’origine, confirmée dans les affaires « Mangold » (CJUE, GC, 22 novembre 2005, Werner Mangold contre Rüdiger Helm, Aff. n°C-144/04, Rec. CJUE, I, p. 9981) et « Kücükdeveci » (CJUE, GC, 19 janvier 2010, Seda Kücükdeveci contre Swedex GmbH & Co. KG., Aff. n°C-555/07, Rec. CJUE, I, p. 365) à propos de l’interdiction des discriminations fondées sur l’âge aujourd’hui consacrée, de manière générale, à l’article 21-1 CDFUE. Pour la Cour, le principe d’égalité de traitement en matière d’emploi et de travail, objet de la directive invoquée, englobe le principe de non-discrimination en fonction de l’âge, lequel est un PGD de l’Union et est, de ce fait, invocable dans un litige entre particuliers (§74 et 75 Mangold, §21 Kücükdeveci). La Cour reconnait ainsi aux particuliers le droit de se prévaloir du principe dans un litige entre personnes privées afin d’écarter une mesure nationale contraire conférant ainsi au principe invoqué une invocabilité d’éviction. Les arrêts « Mangold » et « Kücükdeveci » ne citent ni l’un ni l’autre la CDFUE, se référant exclusivement à la catégorie des PGD mais la Charte n’était pas encore entrée en vigueur lorsque la Cour se prononça dans l’arrêt « Mangold » et elle n’avait d’effet juridique positif que depuis moins de deux mois lorsque fut rendu l’arrêt « Kücükdeveci ». Au-delà de cela, la Cour aligne ainsi le régime des « droits » fondamentaux sur celui des libertés fondamentalesinscrites dans les traités mais aussi à l’article 15-2 CDFUE, qui dispose que « tout citoyen de l’Union a la liberté de chercher un emploi, de travailler, de s’établir ou de fournir des services dans tout État membre ».
Une opposabilité horizontale des « droits » fondamentaux, en premier lieu, également reconnue : un alignement sur le régime des libertés fondamentales
926 • La Cour a rapidement reconnu que les 4 libertés fondamentales étaient directement invocables à l’encontre des autorités publiques (effet direct vertical) puis elle a, ensuite, progressivement reconnu que la libre circulation des travailleurs (CJCE, 12 décembre 1974, B.N.O. Walrave, L.J.N. Koch contre Association Union cycliste internationale, Koninklijke Nederlandsche Wielren Unie et Federación Española Ciclismo, Aff. n°36/74, Rec. CJCE, p. 1405, §17 ; CJCE, 15 décembre 1995, Union royale belge des sociétés de football association ASBL v Jean-Marc Bosman, Aff. n°C-415/93, Rec. CJCE, I, p. 4921, §82 ; CJCE, 6 juin 2000, Roman Angonese contre Cassa di Risparmio di Bolzano SpA, Aff. n°C-281/98, Rec. CJCE, I, p. 4139, §31), la libre prestation des services (CJCE, 12 décembre 1974, B.N.O. Walrave, L.J.N. Koch précité, §17 ; CJCE, 11 avril 2000, Christelle Deliège contre Ligue francophone de judo et disciplines associées ASBL, Ligue belge de judo ASBL, Union européenne de judo (C-51/96) et François Pacquée (C-191/97), Aff. n°C-51/96 et C-191/97, Rec. CJCE, I, p. 2549, §47) ou encore la liberté d’établissement (CJCE, 19 février 2002, J. C. J. Wouters, J. W. Savelbergh et Price Waterhouse Belastingadviseurs BV contre Algemene Raad van de Nederlandse Orde van Advocaten, Rec. CJCE, I, p. 1577, §120) pouvaient également être opposées à des personnes privées. Cet alignement s’effectue aussi sur l’invocabilité du principe d’égale rémunération entre hommes et femmes dont l’effet horizontal a été consacré dans l’affaire « Defrenne II » (CJUE, 8 avril 1976, Gabrielle Defrenne contre Société anonyme belge de navigation aérienne Sabena, Aff. 43/75, Rec. CJUE, p. 455) concernant l’égalité de rémunérations entre les hôtesses de l’air et leurs collègues masculins et l’ex article 119 du Traité CEE. La Cour précisant que « l’article 119 ayant un caractère impératif, la prohibition de discriminations entre travailleurs […] s’impose non seulement à l’action des autorités publiques, mais s’étend également à toutes conventions visant à régler de façon collective le travail salarié, ainsi qu’aux contrats entre particuliers » (§ 39).
Une opposabilité des « droits » fondamentaux reconnue, en second lieu, comme étant seulement verticale : l’exemple des directives
927 • Si la Cour a confirmé l’applicabilité des « droits » fondamentaux de la Charte aux relations horizontales et ainsi évité notamment de créer une certaine inégalité entre l’application des droits fondamentaux et celles des libertés fondamentales, l’effet potentiel des dispositions de la Charte reste subordonné aux limites qui s’imposent au droit de l’Union dans ce domaine. Ces limites tiennent notamment au fait que les directives ne peuvent pas être invoquées dans les litiges entre particuliers (CJCE, 14 juillet 1994, Paola Faccini Dori contre Recreb Srl, Aff. n°C-91/92, Rec. CJCE, I, p. 3325) et qu’elles ne devraient pas, en conséquence, non plus engager l’application de la CDFUE dans ces situations. Si les directives n’ont pas d’effet horizontal, le juge national se doit d’interpréter le droit national conformément au droit de l’Union, on parle d’invocabilité d’interprétation ou d’obligation d’interprétation conforme (CJCE, 10 avril 1984, Sabine von Colson et Elisabeth Kamann contre Land Nordrhein-Westfalen, Aff. n°14/83, Rec. CJCE, p. 1891 et CJCE, 5 octobre 2004, Bernhard Pfeiffer et autres contre Deutsches Rotes Kreuz, Kreisverband Waldshut eV, Aff. jointes C-397 à 403/01, Rec. CJCE, I, p. 8835), la seule limite étant l’impossibilité pour le juge national d’établir une interprétation contra legem. De plus, lors d’un contentieux de légalité, le juge national doit écarter les dispositions internes contraires même en l’absence d’effet direct, on parle d’invocabilité d’exclusion (Cf. Sur la distinction des formes d’invocabilité : D. Simon, « L’invocabilité des directives dans les litiges horizontaux : confirmation ou infléchissement ? », Europe 2010, n°3, étude n°3).
Une opposabilité des « droits » fondamentaux reconnue, en second lieu, comme étant seulement verticale : l’affaire « Dominguez »
928 • Les arrêts « Mangold » et « Kücükdeveci » avaient pu laisser penser que le juge de l’Union était revenu sur le principe de non invocabilité des directives dans les relations entre particuliers, l’effet horizontal étant rendu légitime par l’existence d’un principe général ou d’une disposition de la Charte applicable au litige. Il n’en est rien en réalité. La Cour dissipant les doutes, d’abord de manière indirecte, dans l’affaire Dominguez (CJUE, GC, 24 janvier 2012, Maribel Dominguez contre Centre informatique du Centre Ouest Atlantique et Préfet de la région Centre, Aff. n°C-282/10) à propos du droit au congé annuel payé consacré à l’article 31-2 CDFUE. Qualifié seulement de « principe du droit social de l’Union revêtant une importance particulière » dans l’arrêt (§16 de l’arrêt) la Cour s’est prudemment abstenu d’invoquer la Charte et s’est contenté de rappeler qu’une directive « ne peut pas par elle-même créer d’obligations dans le chef d’un particulier et ne peut donc être invoquée en tant que telle à son encontre » (§37). Mais le droit en question a été qualifié de « droit social fondamental » qui se distingue de la catégorie des « principes », lesquels « ne fondent aucun droit subjectif direct, mais requièrent au contraire des précisions de la part des destinataires de la charte » par l’avocat général (§75 et 76 des conclusions avocat général Mme Verica Trstenjak), il a été, par la suite, défini comme faisant partie des « droits sociaux » qui « appellent souvent des précisions, notamment parce que les dépenses qu’ils représentent peuvent en réalité subordonner la réalisation de ces droits aux possibilités économiques effectives de l’Etat » (§78 des conclusions) et qu’en ce sens, il fallait dénié à ce droit tout effet direct horizontal (§82 des conclusions). La Cour a, par la suite, confirmé de manière plus directe, sa position dans l’affaire « Association de médiation sociale » (CJUE, GC, 15 janvier 2014, Association de médiation sociale contre Union locale des syndicats CGT e.a., Aff. n°176/12) concernant le droit à l’information et à la consultation des travailleurs reconnu à l’article 27 CDFUE et considéré comme un « principe » au niveau de la Charte.
Une opposabilité des « droits » fondamentaux reconnue, en second lieu, comme étant seulement verticale : l’affaire « Association de médiation sociale »
929 • Une fois que l’Union a pris la décision de mettre en œuvre un principe de la Charte et que ce dernier est ensuite appliqué à travers une disposition nationale, il peut apparaitre logique que la distinction originelle entre droits et principes s’estompe. Si c’est cependant le cas à propos de l’effet vertical et à l’égard des institutions européennes et des Etats membres, le rapprochement cesse quant à l’effet horizontal et à l’invocabilité dans un litige entre particuliers. Dans l’arrêt « Association de médiation sociale », les actes de concrétisation du principe et les relais législatifs indispensables à l’effectivité du principe existaient bien en l’espèce (à travers des directives à l’échelle de l’Union et des articles du Code du travail à l’échelle de la France). Pour autant, elle n’a pas reconnu l’applicabilité du principe au cas d’espèce. Elle a différencié, au regard de la Charte, l’affaire « Association de médiation sociale » de l’affaire « Kücükdeveci ». Le principe de non-discrimination en fonction de l’âge (art. 21-1 CDFUE), « se suffit à lui-même », assez « pour conférer aux particuliers un droit subjectif invocable en tant que tel » (§ 47). En revanche, le droit à l’information et à la consultation des travailleurs (art. 27 CDFUE) ne peut produire pleinement ses effets que s’il a été précisé par des dispositions du droit de l’Union ou de droit national (§ 45). Il « ne se suffit pas à lui-même […] et ne saurait, en tant que tel, être invoqué dans un litige » (§ 48). La Cour repoussant, au surplus, l’argument tenant de la combinaison entre les dispositions de la directive et le principe de la charte sur le modèle de la jurisprudence « Mangold-Kücükdeveci », « « il ne saurait en être autrement dans le cas d’une telle combinaison », puisque le principe ne se suffit pas à lui-même (§ 49). En ce sens, l’arrêt confirme la vocation de la CDFUE a réguler les litiges horizontaux mais il est décevant en ce sens où elle ferme la porte entrouverte par les arrêts « Mangold » et autres quant à l’invocabilité des principes.
Une opposabilité horizontale qui perdure pour une partie de la doctrine pour les « droits » fondamentaux qualifiés de « subjectifs »
930 • Contrairement aux directives, les dispositions de la CDFUE qui répondent à la condition de l’autosuffisance, au-delà de la distinction entre « droits » et « principes », sont bien susceptibles d’être invoquées dans le cadre de relation de droit privé, afin d’écarter une règle de droit national contraire. La Cour de justice l’a rappelé dans l’affaire « Dansk Industri » (CJUE, GC, 19 avril 2016, Dansk Industri (DI) contre Succession Karsten Eigil Rasmussen, Aff. n°C-441/14) où elle confirme que le « principe général de non-discrimination en fonction de l’âge, tel que concrétisé par la directive 2000/78, doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose, également dans un litige entre particuliers, à une réglementation nationale, telle que celle en cause au principal, qui prive un employé du droit de bénéficier d’une indemnité de licenciement dès lors que ce dernier peut prétendre à une pension de vieillesse due par l’employeur au titre d’un régime de pension auquel cet employé a adhéré avant l’âge de 50 ans, indépendamment du fait qu’il choisisse de rester sur le marché du travail ou de prendre sa retraite » (§27). Outre cette confirmation, il est à noter que le juge de l’Union emploie le terme de « droits subjectifs » comme critère permettant de différencier les prérogatives dotées d’une invocabilité horizontale des autres prérogatives. En déclarant que c’est bien le principe de non-discrimination en fonction de qui « se suffit à lui-même pour conférer aux particuliers un droit subjectif invocable en tant que tel », l’arrêt « Association de Médiation Sociale » laisse entendre qu’il y aurait, parmi les droits reconnus par la Charte, une catégorie particulière de droits fondamentaux, en l’occurrence « subjectifs », qui peuvent être invoqués dans des litiges entre particuliers (voir en ce sens A. Bailleux, « La Cour de justice, la Charte des droits fondamentaux et l’intensité normative des droits sociaux », Tijdschrift voor Sociaal Recht (TSR) / Revue de Droit Social (RDS) 2014, n°2, p. 283 et suiv.)
L’absence d’opposabilité incertaine, au final, des « principes » fondamentaux (1)
931 • On aurait pu s’attendre à ce que, rapidement après l’entrée en vigueur de la Charte, la Cour de justice s’emploie à clarifier les termes de la distinction entre « droits » et « principes » et notamment les effets juridiques attachés à la notion de « principe ». Cela n’a pas été le cas, la Cour s’abstenant de poser des critères clairs et précis allant même jusqu’à employer des notions qui n’ont fait qu’ajouter à la confusion : par exemple, les notions de « principe essentiel du droit social de l’Union » (CJUE, 12 juin 2014, Gülay Bollacke contre K + K Klaas & Kock B. V. & Co. KG, Aff. n°C-118/13, §15) ou de « principe du droit social de l’Union revêtant une importance particulière » (CJUE, 8 novembre 2012, Alexander Heimann et Konstantin Toltschin contre Kaiser GmbH, Aff. n°C-229/11, § 22). Est particulièrement révélateur, à cet égard, le silence voire le malaise du Comité européen des droits sociaux qui, s’il avait, à l’origine, refusé toute complaisance à l’égard de l’UE en ne reconnaissant pas le caractère conforme des dispositions de l’UE et de la CDFUE à la Charte sociale européenne (CEDS, 3 juillet 2013, Confédération générale du travail de Suède e.a. contre Suède, réclamation n°85/2012, §74) s’était néanmoins déclaré prêt à modifier son opinion au fil des progrès engrangés par l’Union et dès la présence de nouveaux indices notamment dans l’interprétation des différentes dispositions par la CJUE. Or le Comité a, les premières années d’application de la Charte, fait preuve d’un mutisme révélateur témoignant du caractère plus que confus de la jurisprudence initiale mise en place par la Cour.
L’absence d’opposabilité incertaine, au final, des « principes » fondamentaux (2)
932 • L’arrêt « Association de Médiation Sociale » n’a pas dissipé ces doutes. Il ressort de cet arrêt que les droits sociaux garantis par la Charte sous forme de principe ne peuvent pas être invoqués par les particuliers dans le cadre de litiges horizontaux, peu importe les mesures de concrétisation. Comme le souligne Romain Tinière, « la plupart des relations de travail se nouant entre particuliers, cette solution revient implicitement à les priver de tout effet juridique hormis lorsque la relation de travail implique l’autorité étatique » (R. Tinière, « L’invocabilité des principes de la Charte des droits fondamentaux dans les litiges horizontaux », RDLF 2014, chron. n°14). L’auteur ajoutant que « c’est ainsi tout un pan des droits sociaux et de la Charte des droits fondamentaux qui passent du domaine positif à celui de la simple incantation » (Ibid.). On peut encore citer l’arrêt « Glatzel » (CJUE, 22 mai 2014, Wolfgang Glatzel contre Freistaat Bayern, Aff. n°C-356/12) où la Cour qualifie de « principe » l’intégration des personnes handicapées (art. 26 CDFUE). Après avoir conclu que la directive de l’espèce tombe dans l’orbite de l’article 26 de la Charte, la Cour note que « le principe consacré à cet article n’implique pas, en revanche, que le législateur de l’Union soit tenu d’adopter telle ou telle mesure particulière. En effet, afin que cet article produise pleinement ses effets, il doit être concrétisé par des dispositions du droit de l’Union ou du droit national. Par conséquent, ledit article ne saurait, en lui-même, conférer aux particuliers un droit subjectif invocable en tant que tel » (§78). La Cour subordonne ainsi le contrôle de conformité à un « principe » à la présence de trois normes de niveau distinct : il faut que le « principe » soit inscrit dans la Charte, que des dispositions du droit de l’Union ou du droit national concrétise ledit « principe » et que l’acte national ou européen mis en cause doit « mettre en œuvre » le principe en question. Ce faisant, la Cour considère que ce n’est que lorsqu’ils sont combinés à ce niveau que les « principes » peuvent faire office de norme de contrôle. Seuls, en revanche, ils sont dénués de tout effet direct.
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