AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
La société Auchan a demandé au tribunal administratif de Lyon de prononcer la décharge des cotisations de taxe d’enlèvement des ordures ménagères auxquelles elle a été assujettie au titre de l’année 2015 dans les rôles de la métropole de Lyon, à raison d’un immeuble dont elle est propriétaire dans la commune de Saint-Priest.
Par un jugement no 1702610 du 14 novembre 2018, ce tribunal a fait droit à ses demandes.
Par un pourvoi, enregistré le 14 janvier 2019 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, le ministre de l’action et des comptes publics demande au Conseil d’Etat :
1°) d’annuler ce jugement ;
2°) réglant l’affaire au fond, de rejeter la demande de la société Auchan.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
– le code général des collectivités territoriales ;
– le code général des impôts ;
– le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
– le rapport de M. Charles-Emmanuel Airy, auditeur,
– les conclusions de M. Romain Victor, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Baraduc, Duhamel, Rameix, avocat de la société Auchan ;
Considérant ce qui suit :
1. Le ministre de l’action et des comptes publics se pourvoit en cassation contre le jugement du 14 novembre 2018 par lequel le tribunal administratif de Lyon a accordé à la société Auchan la décharge des cotisations de taxe d’enlèvement des ordures ménagères auxquelles elle a été assujettie au titre de l’année 2015 dans les rôles de la métropole de Lyon, à raison d’un immeuble dont cette société est propriétaire sur le territoire de la commune de Saint-Priest.
2. D’une part, aux termes des dispositions du I de l’article 1520 du code général des impôts, applicable aux établissements publics de coopération intercommunale, dans sa rédaction applicable à l’imposition en litige : » Les communes qui assurent au moins la collecte des déchets des ménages peuvent instituer une taxe destinée à pourvoir aux dépenses du service dans la mesure où celles-ci ne sont pas couvertes par des recettes ordinaires n’ayant pas le caractère fiscal (…) « . En vertu des articles 1521 et 1522 du même code, cette taxe a pour assiette celle de la taxe foncière sur les propriétés bâties. La taxe d’enlèvement des ordures ménagères n’a pas le caractère d’un prélèvement opéré sur les contribuables en vue de pourvoir à l’ensemble des dépenses budgétaires, mais a exclusivement pour objet de couvrir les dépenses exposées par la commune pour assurer l’enlèvement et le traitement des ordures ménagères et non couvertes par des recettes non fiscales. Ces dépenses sont constituées de la somme de toutes les dépenses de fonctionnement réelles exposées pour le service public de collecte et de traitement des déchets ménagers et des dotations aux amortissements des immobilisations qui lui sont affectées, telle qu’elle peut être estimée à la date du vote de la délibération fixant le taux de la taxe. Il en résulte que le produit de cette taxe et, par voie de conséquence, son taux, ne doivent pas être manifestement disproportionnés par rapport au montant de ces dépenses, tel qu’il peut être estimé à la date du vote de la délibération fixant ce taux.
3. D’autre part, aux termes de l’article 1639 A du code général des impôts : » I. – Sous réserve des dispositions de l’article 1639 A bis, les collectivités locales et organismes compétents font connaître aux services fiscaux, avant le 15 avril de chaque année, les décisions relatives soit aux taux, soit aux produits, selon le cas, des impositions directes perçues à leur profit (…). III. La notification a lieu par l’intermédiaire des services préfectoraux pour les collectivités locales et leurs groupements, par l’intermédiaire de l’autorité de l’Etat chargée de leur tutelle pour les chambres de commerce et d’industrie, et directement dans les autres cas. / A défaut, les impositions peuvent être recouvrées selon les décisions de l’année précédente « . Ces dispositions autorisent l’administration, au cas où la délibération d’une collectivité territoriale ou d’un établissement public de coopération intercommunale ne peut plus servir de fondement légal à l’imposition mise en recouvrement, à demander au juge de l’impôt, à tout moment de la procédure, que soit substitué, dans la limite du taux appliqué à cette imposition, le taux retenu lors du vote de l’année précédente.
4. En premier lieu, par un jugement n° 1505337 du 3 octobre 2017, le tribunal administratif de Lyon a annulé pour excès de pouvoir la délibération du conseil de la métropole de Lyon du 26 janvier 2015 fixant les taux de la taxe d’enlèvement des ordures ménagères pour l’année 2015. L’autorité absolue de la chose jugée qui s’attache à ce jugement faisait obstacle, alors même qu’il n’était pas devenu définitif, à ce que l’administration pût discuter à nouveau la légalité de cette délibération dans l’instance qui l’opposait à la société Auchan devant le tribunal administratif. Par suite, le tribunal administratif de Lyon n’a pas commis d’erreur de droit en retenant qu’il ne lui appartenait plus, dans le cadre de cette instance, de statuer sur la légalité de la délibération de la métropole de Lyon du 26 janvier 2015 fixant les taux de la taxe d’enlèvement des ordures ménagères pour l’année 2015, qui avait précédemment été annulée pour excès de pouvoir.
5. En second lieu, après avoir constaté que la délibération du conseil de la métropole de Lyon du 26 janvier 2015 fixant les taux de la taxe d’enlèvement des ordures ménagères pour l’année 2015 ne pouvait plus servir de base légale pour l’établissement et le recouvrement de la taxe d’enlèvement des ordures ménagères due au titre de l’année 2015, puis avoir constaté que les délibérations du même conseil fixant les taux pour les années 2011 à 2014 avaient, elles-mêmes, été annulées, les premiers juges ont, d’une part, constaté, par la voie de l’exception, que la délibération fixant les taux pour l’année 2010 était entachée d’illégalité, le produit attendu de la taxe, et par suite son taux, étant jugés manifestement excessifs par rapport au coût du service, et, d’autre part, refusé de faire droit à la demande de l’administration tendant à ce que, par voie de substitution de base légale, il soit fait application des taux votés pour 2009.
6. Pour refuser de procéder à cette substitution de base légale, le tribunal administratif s’est fondé sur le motif que la déclaration d’illégalité de la délibération fixant le taux pour 2010 n’avait pas pour effet de la faire disparaître rétroactivement de l’ordonnancement juridique ou de rendre sans objet la communication des taux à l’administration fiscale à laquelle il avait été procédé. Il en a déduit que les dispositions du second alinéa du III de l’article 1639 A du code général des impôts n’étaient pas applicables.
7. Il appartient toutefois, en vertu de ces dispositions, au juge de l’impôt, saisi d’une demande en ce sens, de rechercher s’il y a lieu de substituer le taux résultant de la délibération applicable à l’année précédente lorsque la délibération fixant le taux de la taxe d’enlèvement des ordures ménagères ne peut plus servir de fondement légal à l’imposition, notamment lorsque cette impossibilité résulte de la déclaration, par la voie de l’exception, de l’illégalité de cette délibération. En statuant comme il l’a fait, le tribunal administratif a entaché son jugement d’une erreur de droit.
8. Cependant, il résulte de ce qui a été dit au point 3 que les dispositions du second alinéa du III de l’article 1639 A du code général des impôts n’autorisent l’administration, au cas où la délibération d’une collectivité territoriale ou d’un établissement public de coopération intercommunale ne peut plus servir de fondement légal à l’imposition, à demander au juge de l’impôt la substitution que du seul taux fixé au titre de l’année immédiatement précédente, ce qui faisait obstacle en l’espèce à ce que le tribunal administratif accueille la demande de substitution de base légale présentée par l’administration et visant à ce qu’il soit fait application, pour l’établissement de la taxe due au titre de l’année 2015, des taux votés au titre d’années antérieures à l’année 2014. Ce motif, dont l’examen n’implique l’appréciation d’aucune circonstance de fait, doit être substitué au motif erroné retenu par le jugement attaqué, dont il justifie légalement le dispositif.
9. Il résulte de ce qui précède que le ministre de l’action et des comptes publics n’est pas fondé à demander l’annulation du jugement qu’il attaque.
10. Il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge de l’Etat la somme de 3 000 euros à verser à la société Auchan, au titre des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
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Article 1er : Le pourvoi du ministre de l’action et des comptes publics est rejeté.
Article 2 : L’Etat versera à la société Auchan une somme de 3 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à la société Auchan et au ministre de l’action et des comptes publics.