Conseil d’État
N° 300467
Publié au recueil Lebon
1ère et 6ème sous-sections réunies
M. Martin Laprade, président
Mlle Anne Courrèges, rapporteur
M. Derepas, commissaire du gouvernement
BOUTHORS, avocat
lecture du lundi 19 mars 2007
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Texte intégral
Vu 1°), sous le n° 300467, la requête, enregistrée le 10 janvier 2007 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présentée par Mme Alice B, demeurant … ; Mme B demande au Conseil d’Etat :
1°) d’annuler pour excès de pouvoir l’article 1er du décret n° 2006-1386 du 15 novembre 2006 fixant les conditions d’application de l’interdiction de fumer dans les lieux affectés à un usage collectif en tant qu’il modifie l’article R. 3511-2 du code de la santé publique pour interdire l’aménagement d’emplacements réservés aux fumeurs dans les établissements d’enseignement ;
2°) de mettre à la charge de l’Etat le versement d’une somme de 1 500 euros en application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu 2°), sous le n° 300500, la requête, enregistrée le 11 janvier 2007 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présentée pour la CONFEDERATION DES CHAMBRES SYNDICALES DEPARTEMENTALES DES DEBITANTS DE TABAC DE FRANCE, dont le siège est 75, rue d’Amsterdam à Paris (75009) ; la CONFEDERATION DES CHAMBRES SYNDICALES DEPARTEMENTALES DES DEBITANTS DE TABAC DE FRANCE demande au Conseil d’Etat :
1°) d’annuler pour excès de pouvoir l’article 1er du décret du 15 novembre 2006, ainsi que son article 5 relatif aux dates d’entrée en vigueur ;
2°) de mettre à la charge de l’Etat le versement d’une somme de 10 000 euros en application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;
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Vu 3°), sous le n° 300680, la requête, enregistrée le 16 janvier 2007 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présentée pour l’ASSOCIATION « COLLECTIF DES AMOUREUX DE L’ART DE VIVRE », dont le siège est 16, rue Saint-Fiacre à Paris (75002) ; l’ASSOCIATION « COLLECTIF DES AMOUREUX DE L’ART DE VIVRE » demande au Conseil d’Etat :
1°) d’annuler pour excès de pouvoir le même décret du 15 novembre 2006 ;
2°) de mettre à la charge de l’Etat le versement d’une somme de 2 000 euros en application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;
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Vu 4°) à 6°), sous les n°s 300681, 300682 et 300683, les requêtes, enregistrées le 16 janvier 2007 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présentées pour l’ASSOCIATION « TOUCHE PAS A MON CLOPE », dont le siège est 18, rue Saint-Fiacre à Paris (75002), pour l’ASSOCIATION « CONFRERIE JEAN NICOT », dont le siège est 182-188, avenue de France à Paris (75013), et pour l’ASSOCIATION « CONFRERIE DES MAITRES PIPIERS DE SAINT-CLAUDE », dont le siège est 45, rue des Prés – BP 32 à Saint-Claude (39201), qui tendent aux mêmes fins que la requête n° 300680 et invoquent les mêmes moyens ;
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Vu 7°), sous le n° 300898, la requête, enregistrée le 23 janvier 2007 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présentée par M. Fabrice A, demeurant à … ; M. A demande au Conseil d’Etat d’annuler pour excès de pouvoir le même décret du 15 novembre 2006, ensemble les circulaires ministérielles qui s’appuient sur ce décret ;
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Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu la Constitution ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, ensemble le premier protocole additionnel à cette convention ;
Vu le code de l’éducation ;
Vu le code pénal ;
Vu le code de procédure pénale ;
Vu le code de la santé publique, notamment son article L. 3511-7 ;
Vu le code du travail ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
– le rapport de Mlle Anne Courrèges, Maître des Requêtes,
– les observations de Me Bouthors, avocat de l’ASSOCIATION « COLLECTIF DES AMOUREUX DE L’ART DE VIVRE », de l’ASSOCIATION « TOUCHE PAS A MON CLOPE », de l’ASSOCIATION « CONFRERIE JEAN NICOT » et de l’ASSOCIATION « CONFRERIE DES MAITRES PIPIERS DE SAINT-CLAUDE »,
– les conclusions de M. Luc Derepas, Commissaire du gouvernement ;
Considérant que les requêtes de Mme B, de la CONFEDERATION DES CHAMBRES SYNDICALES DEPARTEMENTALES DES DEBITANTS DE TABAC DE FRANCE, de l’ASSOCIATION « COLLECTIF DES AMOUREUX DE L’ART DE VIVRE », de l’ASSOCIATION « TOUCHE PAS A MON CLOPE », de l’ASSOCIATION « CONFRERIE JEAN NICOT », de l’ASSOCIATION « CONFRERIE DES MAITRES PIPIERS DE SAINT-CLAUDE » et de M. A sont dirigées contre le même décret du 15 novembre 2006 fixant les conditions d’application de l’interdiction de fumer dans les lieux affectés à un usage collectif, prévue à l’article L. 3511-7 du code de la santé publique ; qu’il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision ;
En ce qui concerne les interventions de l’association « Confrérie des fumeurs de pipe du Périgord », de l’association « Pipe Club de Lanester » et de l’association « Pipe Club de France » :
Considérant que ces associations ont intérêt à l’annulation du décret attaqué ; que leurs interventions sont, par suite, recevables ;
En ce qui concerne la requête de M. A :
Considérant que le décret attaqué a été publié au Journal officiel de la République française le 16 novembre 2006 ; que, par suite, les conclusions présentées par M. A à l’encontre de ce décret, enregistrées au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat le 23 janvier 2007, soit après l’expiration du délai de deux mois prévu par l’article R. 421-1 du code de justice administrative, sont tardives et donc irrecevables ; que, dans ces conditions, ses conclusions dirigées contre les circulaires prises pour l’application de ce décret, dont l’annulation est demandée par voie de conséquence de l’annulation du décret attaqué, doivent être rejetées ;
En ce qui concerne les autres requêtes :
Sur la fin de non-recevoir opposée par le ministre de la santé et des solidarités à la requête de Mme B :
Considérant que les conclusions présentées à l’encontre du décret attaqué par Mme B, en sa qualité d’enseignante, doivent être regardées comme dirigées contre ce décret en tant qu’il modifie l’article R. 3511-2 du code de la santé publique pour y introduire un second alinéa interdisant l’aménagement d’emplacements réservés aux fumeurs dans les établissements d’enseignement ; qu’en sa qualité de professeur certifié ayant vocation à enseigner dans les établissements de l’enseignement secondaire, l’intéressée n’est recevable à contester la légalité de cette disposition qu’en tant qu’elle s’applique à cette catégorie d’établissements d’enseignement ;
Sur la consultation du Conseil d’Etat :
Considérant qu’il ressort des pièces versées au dossier par le ministre de la santé et des solidarités que les dispositions du décret attaqué ne diffèrent de celles figurant dans le projet du gouvernement ou de celles adoptées par le Conseil d’Etat que par l’adjonction, à l’article 7, de mentions complémentaires à la liste des ministres chargés de l’exécution du décret ; qu’une telle adjonction est sans incidence sur la légalité du décret ;
Sur la consultation du Conseil supérieur de l’éducation :
Considérant qu’aux termes du premier alinéa de l’article L. 231-1 du code de l’éducation : « Le Conseil supérieur de l’éducation est obligatoirement consulté et peut donner son avis sur toutes les questions d’intérêt national concernant l’enseignement ou l’éducation quel que soit le département ministériel intéressé » ; que l’article L. 231-2 du même code précise que le Conseil supérieur de l’éducation comprend une section permanente ; qu’en vertu des dispositions de l’article R. 231-4 de ce code, la section permanente exerce, en dehors des sessions plénières, l’ensemble des attributions dévolues au Conseil ;
Considérant que la réglementation de santé publique prévue par le décret attaqué, qui s’applique à tous les lieux affectés à un usage collectif, n’est pas au nombre des questions pour lesquelles la consultation du Conseil supérieur de l’éducation est obligatoire ; que, toutefois, alors même qu’il n’y était pas tenu, le ministre chargé de l’éducation a consulté cet organisme ; que, contrairement à ce que soutient Mme B, l’avis de celui-ci a pu, en tout état de cause, être régulièrement émis par sa section permanente le 19 octobre 2006 dès lors qu’il ne ressort pas des pièces du dossier qu’à cette date, le Conseil siégeait en session plénière ;
Sur les contreseings :
Considérant que l’article 22 de la Constitution dispose que les décrets du Premier ministre sont signés par les ministres chargés de leur exécution ; que l’exécution du décret litigieux ne comporte nécessairement l’intervention d’aucune mesure individuelle ou réglementaire que le ministre de l’intérieur et le ministre de la défense auraient compétence pour signer ou contresigner ; que le moyen tiré de ce que ces ministres auraient dû contresigner le décret attaqué doit, par suite, être écarté ;
Sur l’article 1er du décret attaqué en tant qu’il modifie les articles R. 3511-2 et R. 3511-3 du code de la santé publique :
Considérant, d’une part, qu’aux termes de l’article L. 3511-7 du code de la santé publique : « Il est interdit de fumer dans les lieux affectés à un usage collectif, notamment scolaire, et dans les moyens de transport collectif, sauf dans les emplacements expressément réservés aux fumeurs./ Un décret en Conseil d’Etat fixe les conditions d’application de l’alinéa précédent » ;
Considérant, d’autre part, que l’article R. 3511-2 du code de la santé publique, dans sa rédaction issue du décret attaqué, dispose que : « L’interdiction de fumer ne s’applique pas dans les emplacements mis à la disposition des fumeurs (…) et créés, le cas échéant, par la personne ou l’organisme responsable des lieux./ Ces emplacements ne peuvent être aménagés au sein des établissements d’enseignement publics et privés, des centres de formation des apprentis, des établissements destinés à ou régulièrement utilisés pour l’accueil, la formation, l’hébergement ou la pratique sportive des mineurs et des établissements de santé. » ; que l’article R. 3511-3, dans sa rédaction issue du même décret, définit les emplacements réservés comme des salles closes, affectées à la consommation de tabac et dans lesquelles aucune prestation de service n’est délivrée, et y interdit l’exécution de tâche d’entretien et de maintenance sans que l’air ait été renouvelé, en l’absence de tout occupant, pendant au moins une heure ; qu’il leur impose également le respect de normes techniques, dont l’équipement d’un dispositif d’extraction d’air par ventilation mécanique permettant un renouvellement d’air minimal de dix fois le volume de l’emplacement par heure et qui soit entièrement indépendant du système de ventilation ou de climatisation d’air du bâtiment, ainsi qu’une superficie au plus égale à 20 % de la superficie totale de l’établissement au sein duquel les emplacements sont aménagés, sans que la superficie d’un emplacement puisse dépasser 35 mètre carrés ;
Considérant, en premier lieu, qu’en donnant compétence au législateur pour fixer « les règles concernant (…) les garanties fondamentales accordées aux citoyens pour l’exercice des libertés publiques », l’article 34 de la Constitution n’a pas retiré au chef du gouvernement les attributions de police générale qu’il exerçait antérieurement ; qu’il appartient dès lors au Premier ministre, en vertu des articles 21 et 37 de la Constitution, de prendre les mesures de police applicables à l’ensemble du territoire et justifiées par les nécessités de l’ordre public, au nombre desquelles figurent les impératifs de santé publique ; que, lorsque le législateur est intervenu dans ce domaine, il incombe au Premier ministre d’exercer son pouvoir de police générale sans méconnaître la loi ni en altérer la portée ;
Considérant qu’en vue de protéger la santé publique, les dispositions citées plus haut de l’article L. 3511-7 du code de la santé publique ont posé le principe d’une interdiction générale de fumer dans les lieux affectés à un usage collectif, sauf dans les emplacements réservés aux fumeurs ; que, dans le cadre ainsi fixé par le législateur, il appartient au pouvoir réglementaire de prendre les dispositions permettant d’assurer cette protection et si nécessaire de les adapter, notamment au vu des données épidémiologiques dont il dispose quant à la gravité des risques auxquels le tabagisme expose les personnes qui fréquentent les lieux affectés à un usage collectif ; que, dès lors que la loi n’a pas imposé que soit dans tous les cas laissée aux fumeurs la possibilité de disposer d’emplacements réservés, mais qu’elle a seulement permis, le cas échéant, la création de tels emplacements, il appartient au Premier ministre d’en interdire l’aménagement dans certains de ces lieux, dès lors que cette interdiction est justifiée par la protection de la santé publique et est proportionnée à l’objectif poursuivi ;
Considérant qu’en édictant une telle interdiction dans les collèges et lycées, le décret attaqué a entendu assurer une protection particulière des jeunes contre le risque tabagique, dans des conditions de nature à en renforcer l’efficacité ; qu’en procédant ainsi et en imposant à cet effet des sujétions particulières aux enseignants et personnels des établissements concernés afin de tenir compte de la spécificité du lieu d’exercice de leurs fonctions, il n’a ni porté une atteinte illégale aux droits des personnes concernées, ni méconnu le principe d’égalité ; que, contrairement à ce que prétend Mme B, il ne saurait être sérieusement soutenu que la mesure litigieuse, en lui interdisant de consommer les cigarettes en sa possession sur son lieu de travail, mettrait en cause son droit à disposer de ses biens au sens de l’article premier du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ; qu’enfin, le moyen tiré de la méconnaissance de ses droits statutaires n’est pas assorti des précisions permettant d’en apprécier la portée ;
Considérant, en deuxième lieu, qu’en définissant les emplacements réservés aux fumeurs comme des « salles closes » et en excluant ainsi qu’ils puissent être des espaces ouverts, le décret attaqué n’a pas méconnu l’article L. 3511-7 du code de la santé publique et n’en a pas non plus altéré la portée ; qu’il n’en a pas davantage méconnu les termes ni altéré la portée en édictant à l’article R. 3511-3 des normes techniques d’installation et de fonctionnement de ces emplacements en vue de limiter les risques de diffusion de la fumée et des particules du tabac, dès lors qu’il ne ressort pas des pièces du dossier que ces normes seraient disproportionnées au regard de l’objectif de protection de la santé publique ainsi poursuivi, ni que, par l’impossibilité de les appliquer, elles reviendraient, en pratique, à poser une interdiction générale et absolue de fumer dans tous les lieux affectés à un usage collectif ; qu’il résulte de ce qui précède que les dispositions litigieuses ne portent pas une atteinte illégale aux libertés dont se prévalent les requérants ; qu’il ne saurait être sérieusement soutenu qu’elles porteraient atteinte à la dignité des fumeurs ;
Considérant, en troisième lieu, que si, en règle générale, le principe d’égalité impose de traiter de la même façon des personnes qui se trouvent dans la même situation, il n’en résulte pas pour autant qu’il oblige à traiter différemment des personnes se trouvant dans des situations différentes ; qu’ainsi, le décret attaqué pouvait, sans porter atteinte au principe d’égalité, fixer des règles uniformes pour la mise en place d’emplacements réservés aux fumeurs et, en particulier, ne pas opérer de distinction selon la taille ou la situation économique des établissements concernés ;
Considérant, enfin, qu’en interdisant l’aménagement d’emplacements réservés dans certains lieux limitativement énumérés et en prévoyant parallèlement des normes techniques d’installation et de fonctionnement contraignantes pour ces emplacements lorsqu’ils sont autorisés, le pouvoir réglementaire n’a pas altéré ni dénaturé la portée de la loi ; qu’il ne saurait être sérieusement soutenu que les dispositions litigieuses, qui ne privent pas les associations ayant un objet en lien avec le tabac de leur droit de réunir leurs membres, porteraient atteinte aux libertés d’association et de réunion, garanties par l’article 11 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;
Sur les articles 2 et 4 du décret attaqué :
Considérant que si l’article 8 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, à laquelle se réfère le préambule de la Constitution, énonce le principe selon lequel « Nul ne peut être puni qu’en vertu d’une loi établie et promulguée antérieurement au délit », l’article 34 de la Constitution ne réserve à la loi que la fixation des « règles concernant (…) la détermination des crimes et délits ainsi que les peines qui leur sont applicables » ; qu’il ne mentionne pas, en revanche, les règles concernant la détermination des infractions punies de peines contraventionnelles ; que, par suite, en application de l’article 37 de la Constitution, la matière des contraventions relève en principe du domaine réglementaire ; qu’ainsi, si le principe de légalité des délits et des peines implique que les infractions et les peines soient prévues et énumérées par un texte, ce dernier, contrairement à ce que soutiennent les requérants, n’a pas, dans tous les cas, à être une loi ; qu’il appartient toutefois au pouvoir réglementaire, lorsqu’il est compétent pour définir les infractions pénales, de le faire en termes suffisamment clairs et précis pour exclure l’arbitraire ;
Considérant, en premier lieu, qu’il résulte de ce qui précède que, dès lors que seules des contraventions sont prévues, le pouvoir réglementaire était compétent pour, à l’article 2 du décret attaqué, modifier les articles R. 3512-1 et R. 3512-2 du code de la santé publique afin de définir les peines auxquelles peuvent s’exposer les fumeurs et les responsables des lieux dans lesquels s’applique l’interdiction de fumer énoncée à l’article L. 3511-7 de ce code ; qu’en complétant la liste de l’article R. 48-1 du code de procédure pénale pour rendre applicable à certaines de ces contraventions la procédure de l’amende forfaitaire définie à l’article 529 du même code, l’article 4 du décret attaqué n’a pas davantage empiété sur le domaine réservé à la loi ;
Considérant, en second lieu, que les termes de l’article R. 3512-2 du code de la santé publique, dans sa rédaction issue du décret attaqué, ne sont ni obscurs ni ambigus ; qu’en particulier la mention, parmi les personnes susceptibles d’être poursuivies, du « responsable des lieux », désigne la personne qui, en raison de sa qualité ou de la délégation de pouvoir dont elle dispose, notamment en matière d’hygiène et de sécurité, a l’autorité et les moyens nécessaires pour assurer l’application des dispositions du décret attaqué ; que, de même, en prévoyant qu’est puni d’une amende le fait, pour un responsable des lieux, de « favoriser, sciemment, par quelque moyen que ce soit, » la violation de l’interdiction de fumer, le décret vise les comportements ayant pour objet d’inciter les usagers des lieux à fumer en toute illégalité ;
Sur l’article 5 du décret attaqué :
Considérant que l’exercice du pouvoir réglementaire implique pour son détenteur la possibilité de modifier à tout moment les normes qu’il définit sans que les personnes auxquelles sont, le cas échéant, imposées de nouvelles contraintes puissent invoquer un droit au maintien de la réglementation existante ; qu’en principe, les nouvelles normes ainsi édictées ont vocation à s’appliquer immédiatement, dans le respect des exigences attachées au principe de non-rétroactivité des actes administratifs ; que, toutefois, il incombe à l’autorité investie du pouvoir réglementaire, agissant dans les limites de sa compétence et dans le respect des règles qui s’imposent à elle, d’édicter, pour des motifs de sécurité juridique, les mesures transitoires qu’implique, s’il y a lieu, cette réglementation nouvelle ; qu’il en va ainsi lorsque l’application immédiate de celle-ci entraîne, au regard de l’objet et des effets de ses dispositions, une atteinte excessive aux intérêts publics ou privés en cause ;
Considérant qu’en l’espèce, en fixant au 1er février 2007 son entrée en vigueur, sauf pour les débits permanents de boissons à consommer sur place, casinos, cercles de jeu, débits de tabac, discothèques, hôtels et restaurants, pour lesquels l’entrée en vigueur est différée au 1er janvier 2008, le décret attaqué a entendu assurer une application rapide de dispositions justifiées par des impératifs de santé publique mais aussi tenir compte de la nécessité, pour les établissements concernés, de disposer de délais pour s’adapter à la nouvelle réglementation ; que les dates d’entrée en vigueur retenues ne sont entachées ni d’une erreur manifeste d’appréciation ni d’une méconnaissance du principe de sécurité juridique ;
Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que les requérants ne sont pas fondés à demander l’annulation du décret du 15 novembre 2006 fixant les conditions d’application de l’interdiction de fumer dans les lieux affectés à un usage collectif ; que, par suite, leurs conclusions tendant à l’application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées ;
D E C I D E :
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Article 1er : Les interventions de l’association « Confrérie des fumeurs de pipe du Périgord », de l’association « Pipe Club de Lanester » et de l’association « Pipe Club de France » sont admises.
Article 2 : Les requêtes de Mme B, de la CONFEDERATION DES CHAMBRES SYNDICALES DEPARTEMENTALES DES DEBITANTS DE TABAC DE FRANCE, de l’ASSOCIATION « COLLECTIF DES AMOUREUX DE L’ART DE VIVRE », de l’ASSOCIATION « TOUCHE PAS A MON CLOPE », de l’ASSOCIATION « CONFRERIE JEAN NICOT », de l’ASSOCIATION « CONFRERIE DES MAITRES PIPIERS DE SAINT-CLAUDE » et de M. A sont rejetées.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à Mme Alice B, à la CONFEDERATION DES CHAMBRES SYNDICALES DEPARTEMENTALES DES DEBITANTS DE TABAC DE FRANCE, à l’ASSOCIATION « COLLECTIF DES AMOUREUX DE L’ART DE VIVRE », à l’ASSOCIATION « TOUCHE PAS A MON CLOPE », à l’ASSOCIATION « CONFRERIE JEAN NICOT », à l’ASSOCIATION « CONFRERIE DES MAITRES PIPIERS DE SAINT-CLAUDE », à M. Fabrice A, à l’association « Confrérie des fumeurs de pipe du Périgord », à l’association « Pipe Club de Lanester », à l’association « Pipe Club de France », au Premier ministre et au ministre de la santé et des solidarités.