Section VI – Les règlements
470.- Nature des actes réglementaires.- Le pouvoir réglementaire consiste à prendre des actes administratifs exécutoires de portée générale et impersonnelle.
471.- Autorités compétentes.- Les articles 13 et 21 de la Constitution du 4 octobre 1958 confèrent ce pouvoir, au niveau de l’Etat, au Premier ministre qui est chargé de « l’exécution des lois » et au Président de la République (sur les actes pris dans le cadre de ces dispositions V. supra Première Partie, Chapitre II, Section I).
Si les ministres ne disposent pas, quant à eux, d’un pouvoir réglementaire général, ils sont associés par l’exercice du contreseing à celui du Premier ministre et du Président de la République. En outre, à l’occasion de l’arrêt de Section Jamart du 7 février 1936 (requête numéro 43321 : préc.), le Conseil d’Etat a reconnu la compétence des ministres pour règlementer l’organisation de leurs services. Le ministre a en effet le droit « comme tout chef de service de prendre les mesures nécessaires au bon fonctionnement de l’administration placée sous son autorité » (V. supra Première Partie, Chapitre II, Section I).
En outre, même si la loi ne l’a pas expressément prévu, le Premier ministre a toujours la possibilité, dans le cadre de sa mission consistant à assurer l’exécution des lois, de prendre des mesures réglementaires d’application de la loi, alors même que celle-ci ne renvoie pas à des décrets d’application. Dans toutes ces hypothèses, le Premier ministre doit respecter la loi dont il précise le contenu.
Les autorités locales, notamment les organes exécutifs des collectivités territoriales, peuvent aussi exercer un pouvoir réglementaire, tout comme certaines personnes privées. C’est le cas par exemple pour les fédérations sportives et les ordres professionnels (V. infra Quatrième partie, Chapitre I, Section I).
S’agissant des autorités locales, elles doivent respecter la loi, mais également les textes réglementaires pris par une autorité supérieure.
472.- Carence de l’autorité administrative.- Si l’édiction de règlements peut relever du pouvoir discrétionnaire d’une autorité administrative elle a compétence liée, dans certains cas, pour agir. A l’occasion de l’arrêt Doublet du 23 octobre 1959 (requête numéro 40922 : Rec., p. 680 ; AJDA 1963, p. 85, chron. Gentot et Fourré ; D. 1963, p. 117 ; S. 1963, p. 92, concl. Combarnous), le Conseil d’Etat a ainsi considéré que l’autorité de police commet une illégalité lorsqu’elle omet de prendre un règlement nécessaire à la préservation de l’ordre public.
473.- Acte non créateur de droit.- A l’opposé, puisqu’un règlement n’est jamais créateur de droit, il peut être modifié ou abrogé à tout moment par l’autorité compétente sous réserve toutefois, le cas échéant, de l’adoption de mesures transitoires propres à assurer le respect du principe de sécurité juridique (V. par exemple CE, 19 mars 2007, requête numéro 300467, Le Gac et a. : Rec., p. 124 ; RFDA 2007, p. 770, concl. Derepas et p. 1283, note Roblot-Troizier). L’autorité compétente a également l’obligation d’abroger les règlements illégaux, comme le prévoit l’arrêt d’Assemblée Compagnie Alitalia du 3 février 1989 (requête numéro 74052, préc.). Cette solution a été reprise et étendue par l’article 1er de la loi n°2007-1787 du 20 décembre 2007 qui précise que « l’autorité administrative est tenue, d’office ou à la demande d’une personne intéressée, d’abroger expressément tout règlement illégal ou sans objet, que cette situation existe depuis la publication du règlement ou qu’elle résulte de circonstances de droit ou de fait postérieures à cette date ». Ces dispositions, qui figuraient à l’origine à l’article 6-1 de la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations sont maintenant codifiées à l’article L. 243-2 du Code des relations entre le public et l’administration. La décision expresse ou implicite de l’autorité compétente refusant d’abroger un acte illégal peut faire l’objet d’un recours pour excès de pouvoir. Dans un tel cas, le requérant aura tout intérêt à joindre à son recours principal une demande d’injonction tendant à ce qu’il soit ordonné à cette autorité de procéder effectivement à l’abrogation de l’acte litigieux (sur ces questions V. infra Troisième Partie, Chapitre III, Section I).
474.- Règles constitutionnelles.- L’exercice du pouvoir réglementaire à l’échelon national est encadré par les dispositions des articles 34 et 37 de la Constitution. Dans les matières réservées exclusivement au pouvoir réglementaire par l’article 37, les actes réglementaires doivent être conformes à la Constitution, aux normes internationales ainsi qu’aux principes généraux du droit. Dans les matières de l’article 34, le législateur a la possibilité de confier au Premier ministre le soin de prendre les règlements nécessaires à l’application d’une loi. Si la loi subordonne son entrée en vigueur à la publication de ces règlements, le Premier ministre se trouve alors en situation de compétence liée.
475.- Règlements d’administration publique.- Il faut ici relever que jusqu’à la loi n°80-514 du 9 juillet 1980, le législateur pouvait contraindre le pouvoir réglementaire à prendre des règlements d’administration publique qui devaient être pris après consultation de l’assemblée générale du Conseil d’Etat. Cette catégorie d’actes administratifs soumis au contrôle de légalité du juge administratif, comme l’a précisé le Conseil d’Etat dans l’arrêt Compagnie des chemins de fer de l’est du 6 décembre 1907 (requête numéro 04244, requête numéro 04245, requête numéro 04246, requête numéro 04247, requête numéro 04248, requête numéro 04249 : Rec., p. 913, concl. Tardieu ; D. 1909, III, p. 57, concl. Tardieu ; S. 1908, III, p. 1, note Hauriou, concl. Tardieu ; RDP 1908, p. 38, note Jèze) a depuis disparu mais la loi peut toujours renvoyer à des décrets en Conseil d’Etat (V. supra Partie I, Chapitre I, Section I).