AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la procédure suivante :
Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 17 septembre 2018 et 22 mai 2019 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, la Fondation pour l’école, la Fédération des parents d’élèves des écoles indépendantes et Mme A…B…demandent au Conseil d’Etat :
1°) d’annuler pour excès de pouvoir l’arrêté du 16 juillet 2018 relatif aux modalités d’organisation du contrôle continu pour l’évaluation des enseignements dispensés dans les classes conduisant au baccalauréat général et au baccalauréat technologique ;
2°) de mettre à la charge de l’Etat la somme de 2 000 euros à verser à chacun des requérants au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
La Fondation pour l’école et autres soutiennent que l’arrêté attaqué :
– n’a pas été précédé de la consultation du comité technique ministériel compétent ;
– méconnaît le principe d’égalité entre les candidats au baccalauréat, en ce qu’il prévoit une épreuve unique dite » de contrôle continu » pour les seuls élèves de l’enseignement privé hors contrat, qu’il ne prévoit ni anonymat des copies ni harmonisation des notations et qu’il fixe le centre d’examen dans l’académie du domicile ;
– méconnaît le principe d’égalité dans l’accès à l’enseignement supérieur ;
– méconnaît les dispositions des article D. 334-1 et D. 336-1 du code de l’éducation ;
– viole le principe de la liberté d’enseignement en rendant impossible un changement d’orientation pour les élèves de première ;
Par deux mémoires en défense, enregistrés les 28 décembre 2018 et 9 avril 2019, le ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse conclut au rejet de la requête. Il soutient que l’arrêté attaqué a été modifié par un arrêté du 26 mars 2019 et que les moyens ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu :
– la Constitution ;
– le code de l’éducation ;
– le code des relations entre le public et l’administration ;
– le décret n° 2011-184 du 15 février 2011 ;
– le décret n° 2014-1092 du 26 septembre 2014 ;
– le décret n° 2018-614 du 16 juillet 2018 ;
– le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
– le rapport de Mme Françoise Tomé, conseiller d’Etat,
– les conclusions de Mme Sophie-Justine Lieber, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. Le décret du 16 juillet 2018 relatif aux enseignements conduisant au baccalauréat général et formations technologiques conduisant au baccalauréat technologique a modifié l’article D. 334-4 du code de l’éducation en disposant, pour le baccalauréat général, que : » l’évaluation des enseignements obligatoires repose sur des épreuves terminales et sur des évaluations de contrôle continu tout au long du cycle terminal » et qu' » un arrêté du ministre chargé de l’éducation nationale définit les modalités d’organisation du contrôle continu pour le baccalauréat général et les conditions dans lesquelles est attribuée une note de contrôle continu aux candidats qui ne suivent les cours d’aucun établissement, aux candidats inscrits dans un établissement d’enseignement privé hors contrat, aux candidats scolarisés au Centre national d’enseignement à distance et aux sportifs de haut niveau (…). Pour l’application de ces dispositions, l’arrêté du même jour du ministre de l’éducation nationale, relatif aux modalités d’organisation du contrôle continu pour l’évaluation des enseignements dispensés dans les classes conduisant au baccalauréat général et au baccalauréat technologique, a fixé les modalités d’organisation du contrôle continu pour le baccalauréat général en prévoyant, en son article 9, des modalités particulières pour les candidats scolarisés dans les établissement d’enseignement privé hors contrat, les candidats scolarisés au Centre national d’enseignement à distance et les sportifs de haut niveau. La Fondation pour l’école et autres demandent l’annulation pour excès de pouvoir de cet arrêté du 16 juillet 2018. Compte tenu des moyens qu’elle soulève, cette requête doit être regardée comme demandant l’annulation des seules dispositions de l’article 9 de l’arrêté, en tant seulement qu’il concerne les candidats scolarisés dans les établissements d’enseignement privé hors contrat.
2. Par ailleurs, par un arrêté du 26 mars 2019, le ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse a, postérieurement à l’introduction de la requête, modifié l’article 9 de l’arrêté du 16 juillet 2018. Les dispositions concernées, qui ne devaient entrer en vigueur qu’à partir de la session 2021 du baccalauréat, n’avaient reçu aucun début d’application au moment où elles ont été remplacées. Elles doivent par suite, être regardées comme ayant été retirées et remplacées par celles de l’arrêté du 26 mars 2019 et les conclusions de la requête de la Fondation pour l’école doivent en conséquence être regardées comme dirigées contre les dispositions de l’article 9 de l’arrêté du 16 juillet 2018 dans sa rédaction issue de l’arrêté du 26 mars 2019.
Sur la légalité externe:
3. L’arrêté attaqué se borne à fixer les modalités d’évaluation des enseignements dispensés dans les classes conduisant au baccalauréat. Il n’entraîne aucune modification de l’organisation ou du fonctionnement des services centraux ou déconcentrés de l’éducation nationale ni aucune modification des conditions de travail de ses agents. Par suite, le moyen tiré de ce que l’absence de consultation du comité technique ministériel l’entacherait d’irrégularité doit être écarté.
Sur la légalité interne :
4. Les articles 1er et 2 de l’arrêté attaqué prévoient que la note de contrôle continu attribuée aux candidats au baccalauréat qui sont scolarisés dans les établissements publics d’enseignement et dans les établissements d’enseignement privés sous contrat compte pour quarante pour cent des coefficients attribués pour l’examen et est fixée, pour une part de trente pour cent, sur la base de trois sessions d’épreuves dites » épreuves communes de contrôle continu « , dont deux sessions se déroulent au cours, respectivement, des deuxième et troisième trimestres de la classe de première et une session au cours du deuxième trimestre de la classe de terminale et, pour une part de dix pour cent, sur la base de l’évaluation des résultats de l’élève au cours du cycle terminal, telle qu’elle résulte des notes attribuées par ses professeurs.
5. Le I de l’article 9 de ce même arrêté prévoit en revanche que, pour les candidats scolarisés dans les établissements d’enseignement privés hors contrat, ceux-ci » sont convoqués par le recteur de l’académie de leur résidence ou par le vice-recteur : -à la fin de l’année de première à une épreuve ponctuelle pour l’enseignement de spécialité ne donnant pas lieu à une épreuve terminale ; -au cours du deuxième trimestre de la classe de terminale à une épreuve ponctuelle pour chacun des autres enseignements faisant l’objet d’épreuves communes de contrôle continu. / Ces épreuves ponctuelles subies par les candidats sont corrigées sous couvert de l’anonymat conformément aux dispositions des articles D. 334-9 et D. 336-9 du code de l’éducation par des correcteurs nommés conformément aux dispositions des articles D. 334-21 et D. 336-20 du même code. / II (…) Pour les candidats (…) scolarisés dans les établissements d’enseignement privés hors contrat, la note de contrôle continu mentionnée à l’article 1er est fixée en tenant compte des notes obtenues aux épreuves ponctuelles prévues au I. (…) « .
6. En premier lieu, les requérants soutiennent que les dispositions citées ci-dessus méconnaissent l’égalité de traitement entre candidats à un même diplôme en ce qu’elles soumettent les candidats provenant des établissements privés hors contrat à une unique session d’épreuves se déroulant, à l’exception de celle réservée à l’épreuve de troisième enseignement de spécialité, à la fin de l’année de terminale, alors que les autres candidats sont examinés au cours de trois sessions successives, étagées au long des deux années de première et de terminale.
7. Toutefois, l’article L. 442-2 du code de l’éducation dispose que : » (…) le contrôle de l’Etat sur les établissements d’enseignement privés qui ne sont pas liés à l’Etat par contrat se limite aux titres exigés des directeurs et des enseignants, à l’obligation scolaire, à l’instruction obligatoire, au respect de l’ordre public, à la prévention sanitaire et sociale et à la protection de l’enfance et de la jeunesse « . Compte tenu de la liberté ainsi reconnue à ces établissements en matière de programmes d’enseignement et de déroulement de la scolarité pour l’enseignement du second degré, la différence de traitement consistant à n’organiser, pour les élèves qui y sont scolarisés, qu’une seule session d’examen dans chaque matière se déroulant, à l’exception d’une d’entre elles, à la fin du second trimestre de terminale, est justifiée par une différence de situation qui est en rapport direct avec l’objet de ces dispositions et qui n’est pas manifestement disproportionnée. Les requérants ne sont donc pas fondés à soutenir que l’article 9 de l’arrêté attaqué est entaché d’illégalité pour le motif indiqué au point 6.
8. En deuxième lieu, il résulte des termes mêmes de l’arrêté attaqué, dans sa rédaction issue de l’arrêté du 26 mars 2019, que les épreuves propres aux candidats scolarisés dans les établissements hors contrat sont corrigées, comme pour tous les candidats, sous couvert de l’anonymat, conformément aux dispositions des articles D. 334-9 et D. 336-9 du code de l’éducation. Le moyen tiré de ce que l’arrêté attaqué aurait, sur ce point, institué une différence de traitement contraire au principe d’égalité entre les candidats manque donc en fait.
9. En troisième lieu, il résulte des termes mêmes de l’article D. 334-4-1 du code de l’éducation que les commissions d’harmonisation des épreuves communes de contrôle continu mises en place dans chaque académie ont pour seul objet d’assurer l’absence de discordance entre les notes des épreuves qui sont organisées par les établissements publics ou privés sous contrat. Par suite, les requérants ne peuvent utilement soutenir que l’arrêté attaqué méconnaît le principe d’égalité en ne prévoyant pas l’intervention de ces commissions pour l’harmonisation des notes de contrôle continu obtenues par les candidats des établissements privés hors contrat.
10. En quatrième lieu, la faculté de prévoir des modalités distinctes de fixation de la note de contrôle continu du baccalauréat, d’une part pour les établissements publics et les établissements privés sous contrat et, d’autre part, pour les établissements privés hors contrat, résulte des termes mêmes des dispositions, citées au point 1, de l’article D. 333-4 du code de l’éducation. Les requérants ne sauraient, par suite, utilement soutenir que l’arrêté attaqué, parce qu’il introduit deux modalités différentes de fixation de la note de contrôle continu, viole les dispositions des articles D. 334-1 et D. 336-1 du même code selon lesquelles le baccalauréat est un » diplôme national « .
11. En cinquième lieu, le moyen tiré de ce que l’arrêté attaqué violerait le principe d’égalité en prévoyant que les candidats scolarisés dans les établissements privés hors contrat sont convoqués, pour passer l’épreuve donnant lieu à la note de contrôle continu, non par le recteur de l’académie de leur établissement mais par celui de l’académie de leur domicile, n’est pas assorti des précisions permettant d’en apprécier le bien fondé.
12. Enfin, l’article 9 de l’arrêté attaqué doit être regardé comme n’ayant pas entendu régir la situation des candidats au baccalauréat qui, entre la classe de première et la classe de terminale, ou pour redoubler l’une ou l’autre de ces classes, cessent d’être scolarisés dans un établissement privé hors contrat, ou entrent dans un tel établissement. S’il appartient au ministre chargé de l’éducation nationale de fixer, pour de telles situations, les modalités d’organisation du contrôle continu ou les conditions dans lesquelles est attribuée une note de contrôle continu, les requérants ne peuvent, en revanche, utilement soutenir que l’arrêté qu’ils attaquent méconnaît, pour ces situations qu’il ne régit pas, le principe de la liberté de l’enseignement.
13. Il résulte de tout ce qui précède que la requête de la Fondation pour l’école et autres doit être rejetée, y compris ses conclusions présentées au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
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Article 1er : La requête de la Fondation pour l’école, de la Fédération des parents d’élèves des écoles indépendantes et de Mme B…est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à la Fondation pour l’école, à la Fédération des parents d’élèves des écoles indépendantes, à Mme A…B…et au ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse.