Vu la requête, enregistrée le 9 avril 2003 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présentée par M. Pierre X, demeurant … ; M. X demande au Conseil d’Etat :
1°) d’annuler les arrêts des 23 mai 2000 et 24 mars 2003 par lesquels la cour régionale des pensions de Nîmes, saisie sur renvoi après cassation et statuant sur l’appel formé par le ministre de la défense à l’encontre du jugement du 2 novembre 1995 du tribunal départemental des pensions des Bouches-du-Rhône, d’une part, a ordonné avant-dire-droit une mesure d’expertise limitée à la seule infirmité de spondylolisthésis et, d’autre part, a annulé le jugement attaqué et rejeté les demandes de l’intéressé tendant à l’octroi d’une pension militaire d’invalidité pour cette infirmité ainsi que pour névralgies sciatiques bilatérales ;
2°) statuant au fond, de rejeter l’appel du ministre contre ce jugement ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code des pensions militaires d’invalidité et des victimes de la guerre ;
Vu le décret n° 59-327 du 20 février 1959 ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
— le rapport de Mme Catherine de Salins, Maître des Requêtes,
— les conclusions de M. Jacques-Henri Stahl, Commissaire du gouvernement ;
Considérant que M. X, affecté comme soldat au 3e régiment de chasseurs d’Afrique à compter du 23 août 1955, est atteint d’une spondylolisthésis depuis le 6 février 1956 ; que, par un jugement devenu définitif en date du 19 novembre 1958, le tribunal départemental des pensions des Bouches-du-Rhône a rejeté la demande de l’intéressé dirigée contre la décision du 16 mai 1957 du ministre de la défense rejetant une première demande de pension au titre de cette infirmité ; que le ministre de la défense ayant à nouveau refusé de lui accorder le bénéfice d’une pension militaire d’invalidité pour la même infirmité par décision du 30 octobre 1991, M. X a contesté cette décision devant le tribunal départemental des pensions des Bouches-du-Rhône et a également sollicité devant le même tribunal le bénéfice d’une pension pour névralgies sciatiques ; que celui-ci a, par jugement du 2 novembre 1995, fait droit à sa demande de pension tant au titre de l’infirmité pour « spondylolisthésis » que des névralgies sciatiques ; que, par une décision en date du 10 mars 1999, la commission spéciale de cassation des pensions a annulé l’arrêt de la cour régionale des pensions d’Aix-en-Provence du 10 avril 1998 confirmant en tout point ce jugement, au motif que la cour s’était méprise sur la portée de l’autorité de la chose jugée par le jugement du 19 novembre 1958 en estimant qu’elle s’étendait à l’imputabilité au service de l’aggravation de l’infirmité et a renvoyé l’affaire devant la cour régionale des pensions de Nîmes ; que, par un premier arrêt en date du 23 mai 2000 dont il ne ressort pas des pièces du dossier qu’il aurait été notifié à M. X, cette dernière a estimé ne pas être saisie d’un litige relatif aux névralgies sciatiques et a ordonné avant-dire-droit une expertise aux fins d’évaluer le taux d’invalidité se rapportant à la spondylolisthésis et de déterminer la part de l’éventuelle aggravation de celle-ci en février 1956 et en février 1991 imputable au service ; que, par un arrêt en date du 24 mars 2003, elle a confirmé ne pas être saisie d’un litige relatif aux névralgies sciatiques et, réformant le jugement du tribunal départemental des pensions des Bouches-du-Rhône du 2 novembre 1995, a rejeté les demandes de M. X ; que ce dernier se pourvoit contre ces deux arrêts ;
En ce qui concerne les névralgies sciatiques :
Considérant qu’il résulte des dispositions de l’article 5 du décret du 20 février 1959 que le pourvoi devant les juridictions spéciales des pensions ne peut être formé que contre une décision ministérielle prise sur la demande de pension ; que, par suite, sont irrecevables les conclusions tendant à l’octroi d’une pension au titre d’une infirmité présentées directement devant le tribunal départemental des pensions sans qu’il en ait été fait état dans une demande et sur lesquelles, dès lors, ni la commission de réforme ni le ministre n’ont été appelés à se prononcer ;
Considérant qu’il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond et qu’il n’est d’ailleurs pas contesté que la demande de pension formée par M. X le 28 février 1991 et rejetée par décision ministérielle du 30 octobre 1991 portait exclusivement sur la spondylolisthésis et que l’intéressé a sollicité pour la première fois le bénéfice d’une pension militaire d’invalidité au titre de névralgies sciatiques dans le cadre de son pourvoi devant le tribunal départemental des pensions des Bouches-du-Rhône ; que, dans ces conditions, et sans que M. X puisse utilement se prévaloir de la circonstance que le ministre de la défense avait, devant le tribunal, défendu au fond sur ces conclusions sans opposer une fin de non-recevoir tirée de l’absence de demande préalable, la demande de pension au titre des névralgies sciatiques était irrecevable ; que si, dans les motifs de ces deux arrêts, la cour régionale des pensions de Nîmes s’est méprise sur l’étendue du litige dont elle était saisie en estimant que l’appel porté devant elle ne concernait pas le droit à pension au titre des névralgies sciatiques, il convient, d’une part, de relever que cette erreur est restée sans influence sur le dispositif de son arrêt du 23 mai 2000 qui se borne à ordonner une expertise, d’autre part, de substituer à ce motif erroné d’annulation du jugement du tribunal départemental des pensions des Bouches-du-Rhône en date du 2 novembre 1995 par l’arrêt du 24 mars 2003, en tant qu’il fait droit à ces conclusions et de rejet de la demande de M. X de pension militaire d’invalidité au titre de cette infirmité, celui tiré de l’irrecevabilité de ces conclusions ;
En ce qui concerne la spondylolisthésis :
Considérant qu’en vertu de l’article L. 2 du code des pensions militaires d’invalidité et des victimes de la guerre, ouvre notamment droit à pension « 3º L’aggravation par le fait ou à l’occasion du service d’infirmités étrangères au service » ; que l’article L. 4 du même code dispose : « Les pensions sont établies d’après le degré d’invalidité. / Sont prises en considération les infirmités entraînant une invalidité égale ou supérieure à 10 %. / Il est concédé une pension : (…)/ 3º Au titre d’infirmité résultant exclusivement de maladie, si le degré d’invalidité qu’elles entraînent atteint ou dépasse : 30 % en cas d’infirmité unique ; / (…) En cas d’aggravation par le fait ou à l’occasion du service d’une infirmité étrangère à celui-ci, cette aggravation seule est prise en considération, dans les conditions définies aux alinéas précédents. / Toutefois, si le pourcentage total de l’infirmité aggravée est égal ou supérieur à 60 %, la pension est établie sur ce pourcentage » ;
Considérant, d’une part, que c’est par une appréciation souveraine, exempte de dénaturation des pièces du dossier et de contradiction dans ses motifs, que la cour a estimé nécessaire d’ordonner une expertise complémentaire aux fins, d’une part, de décrire la spondylolisthésis dont M. X est atteint et d’apprécier le taux global d’invalidité qu’elle entraîne à la date du 28 février 1991, d’autre part, de se livrer à toutes investigations utiles permettant de dire si l’aggravation éventuelle constatée en 1956 et 1991 est exclusivement due à une évolution normale de la maladie ou est susceptible d’avoir été causée par des circonstances extérieures ; que, par suite, M. X n’est pas fondé à demander l’annulation de l’arrêt en date du 23 mai 2000 qui est suffisamment motivé, en tant qu’il ordonne cette expertise ;
Considérant, d’autre part, qu’il est constant que, si la spondylolisthésis dont est atteint le requérant est apparue pendant son service militaire, elle n’a pas été causée par une blessure et résulte d’un état antérieur ; que, dans ces conditions, cette infirmité n’est susceptible d’ouvrir droit à pension au profit de M. X que si elle a été aggravée par un fait imputable au service et que cette aggravation peut être évaluée à un taux au moins égal à 30 % ;
Considérant que, pour faire droit sur ce point à l’appel du ministre, la cour régionale des pensions de Nîmes, se fondant sur les conclusions du rapport d’expertise qu’elle avait ordonnée, a notamment, par une appréciation souveraine, exempte de dénaturation des pièces du dossier et de méconnaissance de l’autorité de la chose jugée par le tribunal départemental des pensions des Bouches-du-Rhône dans son jugement du 19 novembre 1958, estimé que le taux global d’invalidité résultant de cette infirmité était, à la date du 28 février 1991, de 30 % ; qu’elle a pu légalement en déduire, compte tenu de l’existence d’un état antérieur, que l’aggravation éventuellement imputable au service était nécessairement inférieure à ce taux et ne pouvait dès lors ouvrir droit à pension ; que ce motif justifiant à lui seul le dispositif de son arrêt en tant qu’il statue sur la demande de pension au titre de la spondylolisthésis, les moyens par lesquels M. X critique les autres motifs de l’arrêt se rapportant à la même infirmité, lequel est suffisamment motivé, ne peuvent qu’être écartés ; que, dès lors, M. X n’est pas fondé à demander l’annulation de cet arrêt en tant qu’il rejette les conclusions de sa demande tendant à l’octroi d’une pension militaire d’invalidité au titre de la spondylolisthésis et réforme sur ce point le jugement du tribunal départemental des pensions des Bouches-du-Rhône en date du 2 novembre 1995 ;
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. X est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. Pierre X et au ministre de la défense.