AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Mme A… B… a demandé au tribunal administratif de la Polynésie française d’annuler pour excès de pouvoir la décision du 12 décembre 2016 par laquelle la ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche l’a licenciée pour insuffisance professionnelle ainsi que la décision du 21 mars 2017 rejetant son recours gracieux contre cette décision. Par un jugement n° 1700194 du 14 novembre 2017, le tribunal administratif de la Polynésie française a rejeté sa demande.
Par un arrêt n° 17PA03866 du 6 février 2019, la cour administrative d’appel de Paris a rejeté l’appel formé par Mme B… contre ce jugement.
Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 8 avril et 8 juillet 2019 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, Mme B… demande au Conseil d’Etat :
1°) d’annuler cet arrêt ;
2°) réglant l’affaire au fond, de faire droit à son appel ;
3°) de mettre à la charge de l’Etat la somme de 5 500 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
– la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
– la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;
– le décret n° 84-961 du 25 octobre 1984 ;
– le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
– le rapport de Mme Catherine Brouard-Gallet, conseiller d’Etat en service extraordinaire,
– les conclusions de M. Raphaël Chambon, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Thouin-Palat, Boucard, avocat de Mme B… C… ;
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que Mme B…, titularisée dans le grade de professeur certifié d’histoire-géographie à compter du 1er septembre 2002, a été affectée au collège de Mataura à Tubuai, en Polynésie française. Par une décision du 12 décembre 2016, la ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche l’a licenciée pour insuffisance professionnelle. Par une décision du 21 mars 2017, le recours gracieux formé par Mme B… contre cette décision a été rejeté. Par un arrêt du 6 février 2019 contre lequel Mme B… se pourvoit en cassation, la cour administrative d’appel de Paris a rejeté l’appel formé par cette dernière contre le jugement du tribunal administratif de la Polynésie française du 14 novembre 2017 rejetant sa demande tendant à l’annulation des décisions de la ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement et de la recherche.
2. En premier lieu, en vertu de l’article R. 612-3 du code de justice administrative, lorsqu’une des parties appelées à produire un mémoire dans le cadre de l’instruction n’a pas respecté le délai qui lui a été imparti à cet effet, le président de la formation de jugement du tribunal administratif ou de la cour administrative d’appel peut lui adresser une mise en demeure. Aux termes de l’article R. 612-6 du même code : » Si, malgré une mise en demeure, la partie défenderesse n’a produit aucun mémoire, elle est réputée avoir acquiescé aux faits exposés dans les mémoires du requérant « .
3. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que si le ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse n’a pas observé le délai qui lui avait été assigné par la mise en demeure adressée en application de l’article R. 612-3 du code de justice administrative, il ne saurait être regardé comme ayant acquiescé aux faits exposés dans la requête présentée par Mme B… en application de l’article R. 612-6 du même code dès lors qu’il a produit un mémoire en défense avant la clôture de l’instruction. Par suite, le moyen tiré de ce que la cour administrative d’appel ne pouvait prendre en compte le mémoire en défense produit par le ministre en charge de l’éducation nationale doit être écarté.
4. En deuxième lieu, le licenciement pour insuffisance professionnelle d’un fonctionnaire de l’Etat est prononcé après observation de la procédure applicable en matière disciplinaire ainsi que le prévoit l’article 70 de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l’Etat. Aux termes du premier alinéa de l’article 4 du décret du 25 octobre 1984 relatif à la procédure disciplinaire concernant les fonctionnaires de l’Etat : » Le fonctionnaire poursuivi est convoqué par le président du conseil de discipline quinze jours au moins avant la date de la réunion par lettre recommandée avec demande d’avis de réception « .
5. Pour juger que, malgré le non-respect du délai de convocation du fonctionnaire au conseil de discipline prévu par l’article 4 du décret du 25 octobre 1984, la procédure suivie en vue de licencier Mme B… n’était pas entachée d’une irrégularité de nature à en affecter la légalité, la cour administrative d’appel a souverainement relevé, d’une part, que Mme B…, qui avait refusé de recevoir en mains propres la convocation dont il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond qu’elle était datée du 7 octobre 2015 et qu’elle convoquait l’intéressée à la réunion de la commission administrative paritaire locale siégeant en conseil de discipline prévue le 19 novembre 2015, avait signalé à l’administration par courriel en date du 2 novembre 2015 une erreur sur la date de la réunion fixée au » lundi 19 novembre 2015 » alors que le 19 novembre 2015 était un jeudi, d’autre part, que le conseil de Mme B… avait pris connaissance de son dossier dès le 3 novembre 2015 et que l’intéressée avait eu confirmation le 5 novembre 2015 de ce que la séance était prévue le jeudi 19 novembre 2015. En déduisant de ces éléments que la circonstance que la convocation n’aurait été notifiée à l’intéressée que le 5 novembre, soit quatorze jours avant la date de la réunion et que l’erreur matérielle affectant le jour de la semaine n’avaient pas été susceptibles d’exercer une influence sur le sens de la décision prise et n’avaient pas privé Mme B… d’une garantie, la cour administrative d’appel n’a pas commis d’erreur de droit.
6. En troisième lieu, aux termes du troisième alinéa de l’article 19 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires : » Le fonctionnaire à l’encontre duquel une procédure disciplinaire est engagée a droit à la communication de l’intégralité de son dossier individuel et de tous les documents annexes et à l’assistance de défenseurs de son choix. L’administration doit informer le fonctionnaire de son droit à communication du dossier (…) « . L’article 2 du décret du 25 octobre 1984 dispose que : » L’organisme siégeant en conseil de discipline lorsque sa consultation est nécessaire, en application du second alinéa de l’article 19 de la loi susvisée du 13 juillet 1983, est saisi par un rapport émanant de l’autorité ayant pouvoir disciplinaire ou d’un chef de service déconcentré ayant reçu délégation à cet effet. / Ce rapport doit indiquer clairement les faits reprochés au fonctionnaire et préciser les circonstances dans lesquelles ils se sont produits « . Aux termes du premier alinéa de l’article 3 de ce décret : » Le fonctionnaire poursuivi peut présenter devant le conseil de discipline des observations écrites ou orales, citer des témoins et se faire assister par un ou plusieurs défenseurs de son choix (…) « . Aux termes de l’article 5 du même décret : » Lorsque le conseil de discipline examine l’affaire au fond, son président porte, en début de séance, à la connaissance des membres du conseil les conditions dans lesquelles le fonctionnaire poursuivi et, le cas échéant, son ou ses défenseurs ont exercé leur droit à recevoir communication intégrale du dossier individuel et des documents annexes. / Le rapport établi par l’autorité ayant pouvoir disciplinaire ou par un chef de service déconcentré ayant reçu délégation de compétence à cet effet et les observations écrites éventuellement présentées par le fonctionnaire sont lus en séance (…) « . Enfin, en vertu de l’article 8 du même décret, le conseil de discipline, au vu des observations écrites produites devant lui et compte tenu, le cas échéant, des déclarations orales de l’intéressé et des témoins ainsi que des éléments de l’enquête à laquelle il a pu être procédé, émet un avis motivé sur les suites qui lui paraissent devoir être réservées à la procédure disciplinaire engagée.
7. En application de ces dispositions, rendues applicables au licenciement pour insuffisance professionnelle par l’effet de l’article 70 de la loi du 11 janvier 1984, et en vertu du principe général des droits de la défense, le fonctionnaire qui fait l’objet d’une procédure de licenciement pour insuffisance professionnelle doit être informé des insuffisances qui lui sont reprochées et mis à même de demander la communication de son dossier. Toutefois, aucune disposition ne prévoit que le fonctionnaire poursuivi doive recevoir communication, avant la séance du conseil de discipline, du rapport de l’autorité ayant saisi l’instance disciplinaire.
8. D’une part, il ressort tant des pièces du dossier soumis aux juges du fond que des constatations effectuées par la cour administrative d’appel de Paris, que la convocation adressée, en application de l’article 4 du décret du 25 octobre 1984, à Mme B… mentionnait l’engagement à son encontre d’une procédure de licenciement pour insuffisance professionnelle à la suite du dernier rapport d’inspection la concernant en date du 4 mai 2015, cosigné par l’intéressée, lequel documentait de manière détaillée ses insuffisances professionnelles et renvoyait expressément à de précédents rapports d’inspection de même teneur, également cosignés par Mme B… figurant par ailleurs dans son dossier individuel, mis à sa disposition ainsi que tous les documents annexes. D’autre part, la cour administrative d’appel, après avoir retenu qu’aucune disposition législative ou réglementaire ne prévoyait la communication au fonctionnaire concerné du rapport établi par l’autorité ayant pouvoir disciplinaire avant la séance de la commission administrative paritaire siégeant en formation disciplinaire, a relevé qu’en l’espèce, le rapport établi par le vice-recteur de la Polynésie française, lu devant le conseil de discipline, se bornait à reprendre, en le résumant, les griefs reprochés à Mme B… ainsi que le contenu des pièces du dossier dont Mme B… et son conseil avaient pu prendre connaissance dans son intégralité. En jugeant, dans ces conditions, que le licenciement de Mme B… n’était pas intervenu en méconnaissance des droits de la défense tels que garantis par les dispositions de la loi du 13 juillet 1983, la cour administrative d’appel de Paris n’a pas commis d’erreur de droit.
9. En quatrième lieu, la cour administrative d’appel a jugé avérées les insuffisances de l’exercice professionnel de Mme B… tenant, notamment, à de graves lacunes dans la maîtrise scientifique des disciplines qu’elle enseignait, dans la conception et la mise en oeuvre des unités d’apprentissage, dans la conduite des cours et la gestion des élèves, alors même qu’elle avait bénéficié d’un tutorat pédagogique renforcé et de sessions de formation. En jugeant, au regard de ces circonstances, que le licenciement pour insuffisance professionnelle de Mme B… était justifié, la cour administrative d’appel n’a pas donné aux faits de l’espèce une qualification juridique erronée.
10. Enfin, c’est par une appréciation souveraine exempte de dénaturation que la cour administrative d’appel a jugé que les allégations de Mme B… relatives à l’hostilité notoire du principal du collège de Mataura à son égard et à sa volonté de la placer dans une situation professionnelle difficile n’étaient pas de nature à faire présumer l’existence d’un harcèlement moral.
11. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B… n’est pas fondée à demander l’annulation de l’arrêt qu’elle attaque. Ses conclusions présentées au titre des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent, en conséquence, qu’être rejetées.
D E C I D E :
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Article 1er : Le pourvoi de Mme B… est rejeté.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à Mme A… B… et au ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse et des sports.
ECLI:FR:CECHR:2020:429563.20201009