REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la requête, enregistrée le 23 mars 2001 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présentée pour le PREFET DE POLICE ; le PREFET DE POLICE demande au Conseil d’Etat :
1°) d’annuler le jugement du 20 mars 2001 par lequel le tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du 12 mars 2001 décidant la reconduite à la frontière de M. Ihsen Y… ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. Y… devant le tribunal administratif de Paris ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu l’ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée ;
Vu la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 modifiée ;
Vu la loi n° 84-834 du 13 septembre 1984 modifiée ;
Vu la loi n° 87-1129 du 31 décembre 1987 ;
Vu le décret n° 72-374 du 5 mai 1972, modifié par le décret n° 2001-194 du 28 février 2001 ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
– le rapport de Mlle Vérot, Auditeur,
– les observations de la SCP Lyon-Caen, Fabiani, Thiriez, avocat du PREFET DE POLICE,
– les conclusions de Mme Prada Bordenave, Commissaire du gouvernement ;
Considérant que l’arrêté attaqué du PREFET DE POLICE en date du 12 mars 2001 décidant la reconduite à la frontière de M. Ihsen Y…, ressortissant de la République tunisienne, a été signé par M. Jean-Etienne Z…, chef de bureau à la direction générale de la police ;
Considérant que, par un décret du Président de la République en date du 11 janvier 2001, M. Philippe X…, préfet, qui exerçait alors les fonctions de PREFET DE POLICE, a été admis à faire valoir ses droits à la retraite à compter du 14 janvier 2001, date à laquelle il a atteint la limite d’âge applicable aux fonctionnaires titulaires du grade de préfet ; que, par deux décisions du ministre de l’intérieur en date du 12 janvier et 1er mars 2001, il a été chargé, « dans l’intérêt du service ( …), d’assurer l’intérim des fonctions de PREFET DE POLICE jusqu’à la nomination du titulaire de ce poste » ; que, par un arrêté du 1er mars 2001, M. X… a donné délégation à M. Z… pour signer les arrêtés de reconduite à la frontière pris en application des dispositions de l’article 22 de l’ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée relative aux conditions d’entrée et de séjour des étrangers en France ;
Considérant qu’aux termes de l’article 68 de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l’Etat : « Les fonctionnaires ne peuvent être maintenus en fonctions au-delà de la limite d’âge de leur emploi sous réserve des exceptions prévues par les textes en vigueur » ;
Considérant que la survenance de la limite d’âge d’un fonctionnaire ou, le cas échéant, l’expiration du délai de prolongation d’activité au-delà de cette limite, telle qu’elle est déterminée par les textes en vigueur, entraîne de plein droit la rupture du lien de cet agent avec le service ; que, par suite, en l’absence de disposition législative permettant une dérogation à la limite d’âge, ce fonctionnaire ne peut être légalement maintenu en fonctions jusqu’à la nomination de son successeur que si ce maintien est rendu nécessaire par des circonstances particulières liées aux responsabilités qui lui sont confiées ou à l’impossibilité de désigner immédiatement une autre personne susceptible d’exercer celles-ci de manière effective ;
Considérant que, sauf dans le cas prévu à l’article 1er de la loi du 31 décembre 1987 pour la période précédant la date d’achèvement du mandat du Président de la République, aucune disposition législative ne permet de déroger à la limite d’âge applicable aux fonctionnaires occupant un emploi de préfet ; qu’il ne ressort pas des pièces du dossier que des circonstances particulières au premier trimestre 2001 aient pu justifier légalement que M. X… fût maintenu dans les fonctions de préfet de police jusqu’à la nomination de son successeur ;
Considérant cependant qu’un fonctionnaire irrégulièrement nommé aux fonctions qu’il occupe doit être regardé comme légalement investi de ces fonctions tant que sa nomination n’a pas été annulée ; que c’est dès lors à tort que le tribunal administratif s’est fondé sur ce que l’arrêté du 1er mars 2001 par lequel M. X… a délégué sa signature à M. Z… aurait été entaché d’incompétence pour annuler l’arrêté attaqué, signé sur le fondement de cette délégation ;
Considérant, toutefois, qu’il appartient au Conseil d’Etat, saisi de l’ensemble du litige par l’effet dévolutif de l’appel, d’examiner les autres moyens soulevés par M. Y… devant le tribunal administratif de Paris ;
Considérant qu’aux termes de l’article 22-I de l’ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée : « Le représentant de l’Etat dans le département et, à Paris, le préfet de police peuvent, par arrêté motivé, décider qu’un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants: … 2° Si l’étranger s’est maintenu sur le territoire au-delà de la durée de validité de son visa ou, s’il n’est pas soumis à l’obligation de visa, à l’expiration d’un délai de trois mois à compter de son entrée sur le territoire sans être titulaire d’un premier titre de séjour régulièrement délivré … » ;
Considérant qu’il ressort des pièces du dossier que M. Y… s’est maintenu dans de telles conditions sur le territoire et entre ainsi dans le champ d’application de la disposition précitée ;
Considérant que l’arrêté attaqué comporte les considérations de droit et de fait sur lesquelles il se fonde ; qu’il est par suite suffisamment motivé ;
Considérant que si M. Y… soutient que l’arrêté attaqué est entaché d’une erreur de fait dès lors qu’il justifie être entré régulièrement sur le territoire français, il ressort des termes mêmes de l’arrêté attaqué que celui-ci se fonde également sur la circonstance que M. Y… ne peut produire aucun titre de séjour postérieurement à cette entrée ; qu’il résulte de l’instruction que le PREFET DE POLICE aurait pris la même décision s’il s’était fondé sur ce seul motif ;
Considérant que si M. Y… soutient que l’arrêté attaqué a été pris en méconnaissance des articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales et serait entaché d’une erreur manifeste d’appréciation des conséquences de sa reconduite sur sa situation personnelle, il n’apporte au soutien de ces moyens aucune précision permettant d’en apprécier le bien-fondé ;
Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que le PREFET DE POLICE est fondé à demander l’annulation du jugement du 20 mars 2001 par lequel le tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du 12 mars 2001 ordonnant la reconduite à la frontière de M. Y… ;
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Paris du 20 mars 2001 est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M. Y… devant le tribunal administratif de Paris est rejetée.
Article 3 : La présente décision sera notifiée au PREFET DE POLICE, à M. Ihsen Y… et au ministre de l’intérieur.