REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Texte intégral
Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat les 3 septembre 1987 et 23 août 1988, présentés par M. Sylvain X…, demeurant … ; M. X… demande que le Conseil d’Etat :
1°) annule le jugement du 27 mai 1987 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la décharge des compléments d’impôt sur le revenu auxquels il a été assujetti au titre des années 1977 à 1979 dans les rôles de la commune de Neuilly-sur-Seine ;
2°) lui accorde la décharge de l’imposition contestée ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts ;
Vu le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de procédure pénale ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel ;
Vu l’ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
– le rapport de M. Austry, Auditeur,
– les conclusions de M. Bachelier, Commissaire du gouvernement ;
Sur l’étendue du litige :
Considérant que par une décision du 16 novembre 1988, postérieure à l’introduction de la requête, le directeur des services fiscaux des Hauts-de-Seine a prononcé le dégrèvement pour un montant de 151 123 F, des pénalités qui avaient été assignées à M. X… au titre de l’année 1977 ; que, dans cette mesure, les conclusions de la requête de M. X… sont devenues sans objet ;
Sur la fin de non-recevoir opposée par le ministre :
Considérant qu’il résulte de l’instruction que la réclamation adressée pour M. X… le 17 mars 1983 au directeur des services fiscaux des Hauts-de-Seine a été signée du conseil du contribuable, avocat à la cour ; que par suite, le ministre n’est pas fondé à soutenir que ladite réclamation n’était pas conforme aux prescriptions de l’article R.197-4 du livre des procédures fiscales et que la demande présentée par M. X… devant le tribunal administratif était pour ce motif irrecevable ;
Sur la régularité de la vérification approfondie de situation fiscale d’ensemble :
Considérant qu’il résulte de l’instruction que M. X… a reçu le 6 février 1981, ainsi qu’en atteste l’accusé de réception postal revêtu de sa signature, l’avis de vérification approfondie de situation fiscale d’ensemble ; qu’ainsi, le moyen tiré de ce que les dispositions de l’article 1649 septies du code général des impôts alors applicable auraient été méconnues manque en fait ;
Sur les revenus d’origine indéterminée :
En ce qui concerne la régularité de la procédure d’imposition :
Considérant qu’aux termes de l’article 176 du code général des impôts alors applicable, repris à l’article L.16 du livre des procédures fiscales, « En vue de l’établissement de l’impôt sur le revenu, l’administration … peut demander au contribuable des éclaircissements … Elle peut … lui demander des justifications lorsqu’elle a réuni des éléments permettant d’établir que le contribuable peut avoir des revenus plus importants que ceux qui font l’objet de sa déclaration … » ; qu’en vertu de l’article 179 du code général des impôts alors applicable, repris à l’article L.69 du livre des procédures fiscales, sous réserve des dispositions particulières au mode de détermination des bénéfices industriels et commerciaux, des bénéfices agricoles et des bénéfices non commerciaux, sont taxés d’office à l’impôt sur le revenu les contribuables qui se sont abstenus de répondre aux demandes d’éclaircissements ou de justifications de l’administration ;
Considérant que pour les années 1978 et 1979 l’administration a constaté que les crédits inscrits sur les comptes bancaires de M. X… s’élevaient respectivement à 2 793 194 F et 805 300 F alors que les revenus déclarés étaient de 392 631 F et 346 742 F ; que la discordance ainsi constatée était suffisante pour autoriser le service à demander des justifications au contribuable sur le fondement des dispositions précitées ; que, pour la partie des redressements restant en litige et qui porte sur les sommes de 40 076 F pour 1978 et de 10 600 F pour 1979, M. X… n’a fait valoir que des allégations non assorties de justifications sur l’origine de ces sommes ; qu’ainsi, l’administration a pu à bon droit regarder ces réponses comme équivalant à un défaut de réponse et taxer d’office lesdites sommes, conformément aux dispositions précitées ;
En ce qui concerne les pénalités :
Considérant qu’il résulte des dispositions combinées des articles 1728 et 1729 du code général des impôts, dans leur rédaction alors en vigueur, que la majoration prévue à l’article 1729 est applicable lorsque la mauvaise foi du contribuable est établie ; que s’agissant des redressements correspondant à des revenus d’origine indéterminée pour les montants de 40 076 F pour 1978 et 10 600 F pour 1979, l’administration n’établit pas, dans les circonstances de l’espèce, la mauvaise foi du requérant ; que, par suite, c’est par une inexacte application des dispositions des articles 1728 et 1729 du code général des impôts que l’administration a majoré des pénalités pour mauvaise foi les cotisations supplémentaires à l’impôt sur le revenu assignées à M. X… à raison desdits revenus ; qu’il convient dès lors de substituer les intérêts de retard à cette majoration dans la limite du montant de celle-ci ;
Sur les rehaussements de revenus de capitaux mobiliers résultant de l’examen de la comptabilité occulte de la société anonyme « Elpe Productions » :
Considérant, en premier lieu, qu’il n’est pas contesté que des perquisitions ont été effectuées au siège de la société anonyme « Elpe Productions » le 7 octobre 1980 et le 23 février 1981, en vertu de l’ordonnance du 30 juin 1945 relative à la constatation, à la poursuite et à la répression des infractions à la législation économique par la brigade d’intervention interrégionale qui ont permis la saisie d’une comptabilité occulte, sur laquelle l’administration s’est fondée pour assigner à M. X… ces rehaussements de revenus de capitaux mobiliers s’élevant à 369 222 F en 1977, 485 985 F en 1978 et 476 250 F en 1979 ; que les irrégularités qui affecteraient cette saisie sont sans incidence sur la régularité de la procédure d’établissement des impositions qui ont été notifiées à M. X… ;
Considérant, en second lieu, que dès lors que l’administration fiscale a obtenu régulièrement communication de pièces détenues par l’autorité judiciaire, la circonstance que ces pièces auraient été ultérieurement annulées par le juge pénal n’a pas pour effet de priver l’administration du droit de s’en prévaloir pour établir les impositions ; qu’il suit de là que M. X… n’est pas fondé à se prévaloir du jugement en date du 20 janvier 1989 par lequel le tribunal de grande instance de Paris a déclaré nulles les saisies et perquisitions opérées par la brigade d’intervention interrégionale le 7 octobre 1980 et tous les actes subséquents ;
Sur les rehaussements de revenus de capitaux mobiliers résultant de la vérification de la comptabilité de la société anonyme « Editions du Parc » :
Considérant, en premier lieu, que le moyen tiré des irrégularités qui auraient entaché la procédure d’imposition suivie à l’égard de la société anonyme « Editions du parc » et qui ont donné lieu à l’encontre de cette société à des rehaussements d’impôt sur les sociétés est inopérant au regard de la procédure d’imposition à l’impôt sur le revenu suivie à l’égard de M. X… ;
Considérant, en deuxième lieu, que la décision prise par la juridiction administrative dans un litige relatif à l’imposition d’une société à l’impôt sur les sociétés est, par elle-même, sans influence sur l’imposition du dirigeant ou de l’associé de cette société à l’impôt sur le revenu, alors même qu’il s’agirait d’un excédent de distribution révélé par un redressement des bases de l’impôt sur les sociétés que l’administration entend imposer à l’impôt sur le revenu entre les mains du bénéficiaire ; qu’il suit de là que M. X… ne peut utilement se prévaloir de ce que, par jugement en date du 12 juillet 1989, le tribunal administratif de Paris a accordé à la société « Editions du Parc » pour détournement de procédure la décharge des compléments d’impôt sur les sociétés précités pour demander la décharge par voie de conséquence des impositions supplémentaires qui lui ont été réclamées ;
Considérant, en troisième lieu, que l’administration établit que M. X… a eu la disposition de la somme de 42 000 F résultant du solde débiteur de son compte courant dans la société anonyme « Editions du parc » au titre de l’année 1978 ;
Considérant, enfin, que le requérant ne peut demander sur le fondement de l’article L. 205 du livre des procédures fiscales la compensation des droits dus en 1978 à raison de l’imposition de la somme de 42 000 F avec une surtaxe commise à son préjudice du fait de l’imposition en 1981 d’une somme du même montant ;
Sur les rehaussements de revenus de capitaux mobiliers résultant de la vérification de la comptabilité de la société « Elpe Productions » :
Considérant que l’administration apporte la preuve que M. X… a bénéficié de l’abandon d’une créance de 55 300 F au titre de l’année 1979 par la société « Elpe Productions » dont les écritures de cette dernière font état ;
Considérant qu’il résulte de ce qui précède que M. X… n’est fondé à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande qu’en tant qu’il ne lui a pas accordé la décharge des pénalités pour mauvaise foi afférentes aux suppléments d’impôt sur le revenu auquel il a été assujetti à raison de la somme de 40 076 F au titre de 1978 et 10 600 F au titre de 1979 ;
Article 1er : Il n’y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête demandant la décharge des pénalités à concurrence de la somme de 151 123 F dont le dégrèvement a été prononcé par décision du 16 novembre 1988.
Article 2 : Les intérêts de retard sont substitués dans la limite du montant desdites pénalités aux pénalités pour mauvaise foi mises à la charge de M. X… et afférentes au supplément d’impôt sur le revenu auquel il a été assujetti à raison de la somme de 40 076 F au titre de l’année 1978 et de la somme de 10 600 F au titre de l’année 1979.
Article 3 : Le jugement du tribunal administratif de Paris en date du 27 mai 1987 est réformé en ce qu’il a de contraire à la présente décision.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. X… est rejeté.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à M. Sylvain X… et au ministre de l’économie et des finances.