Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 10 et 25 mai 2010 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présentés pour M. Achille A, demeurant … ; M. A demande au Conseil d’Etat :
1°) d’annuler l’ordonnance du 18 mars 2010 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Saint-Martin, statuant sur le fondement de l’article L. 521-1 du code de justice administrative, a rejeté sa demande tendant à la suspension de l’exécution de l’arrêté du 9 octobre 2009 du ministre de l’intérieur, de l’outre-mer et des collectivités territoriales le mutant d’office à la circonscription de sécurité de La Rochelle au 1er décembre 2009, ainsi que de l’arrêté du 30 novembre 2009 reportant cette mutation au 15 décembre 2009 ;
2°) statuant en référé, de faire droit à sa demande de suspension ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
Vu la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;
Vu le décret n° 84-961 du 25 octobre 1984 ;
Vu le décret n° 95-654 du 9 mai 1995 ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
– le rapport de M. Jean-Dominique Langlais, Maître des Requêtes,
– les observations de la SCP Waquet, Farge, Hazan, avocat de M. A,
– les conclusions de Mme Catherine de Salins, rapporteur public ;
La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Waquet, Farge, Hazan, avocat de M. A ;
Sans qu’il soit besoin d’examiner l’autre moyen du pourvoi ;
Considérant, d’une part, qu’aux termes des deux premiers alinéas de l’article R. 312-12 du code de justice administrative : Tous les litiges d’ordre individuel, y compris notamment ceux relatifs aux questions pécuniaires, intéressant les fonctionnaires ou agents de l’Etat et des autres personnes ou collectivités publiques, ainsi que les agents ou employés de la Banque de France, relèvent du tribunal administratif dans le ressort duquel se trouve le lieu d’affectation du fonctionnaire ou agent que la décision attaquée concerne. / Si cette décision prononce une nomination ou entraîne un changement d’affectation, la compétence est déterminée par le lieu de la nouvelle affectation ;
Considérant, d’autre part, qu’aux termes du premier alinéa de l’article R. 421-1 du même code : Sauf en matière de travaux publics, la juridiction ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision, et ce, dans les deux mois à partir de la notification ou de la publication de la décision attaquée ; que, selon les des deux premiers alinéas de l’article R. 421-7 de ce code : Lorsque la demande est portée devant un tribunal administratif qui a son siège en France métropolitaine, le délai de recours prévu à l’article R. 421-1 est augmenté d’un mois pour les personnes qui demeurent en Guadeloupe, en Guyane, à la Martinique, à La Réunion, à Saint-Barthélemy, à Saint-Martin, à Mayotte, à Saint-Pierre-et-Miquelon, en Polynésie française, dans les îles Wallis et Futuna, en Nouvelle-Calédonie et dans les Terres australes et antarctiques françaises. / Lorsque la demande est présentée devant le tribunal administratif de Basse-Terre, de Fort-de-France, de Cayenne, de Saint-Barthélemy, de Saint-Martin, de Mayotte, de Saint-Pierre-et-Miquelon, de la Polynésie française, de Mata-Utu ou de Nouvelle-Calédonie, ce délai est augmenté d’un mois pour les personnes qui ne demeurent pas dans la collectivité territoriale dans le ressort de laquelle le tribunal administratif a son siège ;
Considérant que la demande que M. A, gardien de la paix affecté à Saint-Martin, a introduite le 20 janvier 2010 devant le juge des référés du tribunal administratif de Saint-Martin, dont le siège est à Basse-Terre, contre un arrêté du ministre de l’intérieur du 9 octobre 2009, notifié à l’intéressé le 22 octobre suivant, prononçant son déplacement d’office à La Rochelle à compter du 1er décembre 2009, relevait, en application du deuxième alinéa de l’article R. 312-12 du code de justice administrative et de l’article R. 221-3 du même code, de la compétence du tribunal administratif de Poitiers ; qu’en application des dispositions du premier alinéa de l’article R. 421-7 de ce code, M. A, qui résidait à Saint-Martin, disposait d’un délai de trois mois à compter de la notification de l’arrêté ministériel pour saisir ce tribunal, sans que puisse y faire obstacle la mention, dans la notification de l’arrêté, selon laquelle cet arrêté pouvait faire l’objet d’un recours devant le tribunal administratif dans un délai de deux mois ; que par suite en estimant, pour rejeter la demande en référé dont il était saisi, que le recours pour excès de pouvoir de M. A était tardif, au motif qu’il avait été enregistré plus de deux mois après la notification de l’arrêté du 9 octobre 2009 et en jugeant ainsi que l’intéressé ne pouvait bénéficier du délai supplémentaire d’un mois prévu par les dispositions du deuxième alinéa de l’article R. 421-7 du code de justice administrative, le juge des référés a commis une erreur de droit ; que son ordonnance doit, par suite, être annulée ;
Considérant qu’il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de régler l’affaire au titre de la procédure de référé engagée par M. A, en application des dispositions de l’article L. 821-2 du code de justice administrative ;
Considérant qu’aux termes du premier alinéa de l’article L. 521-1 du code de justice administrative : Quand une décision administrative, même de rejet, fait l’objet d’une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d’une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l’exécution, ou de certains de ses effets, lorsque l’urgence le justifie et qu’il est fait état d’un moyen propre à créer, en l’état de l’instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision ;
Considérant que, pour demander la suspension de l’exécution de l’arrêté du ministre de l’intérieur, de l’outre-mer et des collectivités territoriales prononçant sa mutation d’office à La Rochelle ainsi que de l’arrêté reportant cette mutation au 15 décembre 2009, M. A soutient qu’il n’a pas été mis à même de se défendre devant le conseil de discipline, lequel a fait preuve de partialité à son encontre et n’a pas régulièrement délibéré ; que l’arrêté qui le sanctionne méconnaît les articles 9 et 10 de la déclaration universelle des droits de l’homme ; qu’il est dépourvu de motif légal, repose sur des faits matériellement inexacts et est entaché d’erreur manifeste d’appréciation ; que les faits reprochés n’étaient pas fautifs ; que prenant effet avant sa date de notification, il est entaché de rétroactivité illégale ; qu’aucun de ces moyens n’est, en l’état de l’instruction, propre à créer un doute sérieux quant à la légalité de la décision attaquée ; que par suite, la demande de suspension présentée par M. A doit être rejetée ;
Considérant que les dispositions de l’article L.761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l’Etat qui n’est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement à M. A d’une somme au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
D E C I D E :
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Article 1er : L’ordonnance du 18 mars 2010 du juge des référés du tribunal administratif de Saint-Martin est annulée.
Article 2 : La demande présentée par M. A devant le tribunal administratif de Saint-Martin et le surplus des conclusions de son pourvoi sont rejetés.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. Achille A et au ministre de l’intérieur, de l’outre-mer et des collectivités territoriales.
Conseil d’Etat, Sous-sections réunies, 22 octobre 2010, Thiver, requête numéro 339363
Citer : Revue générale du droit, 'Conseil d’Etat, Sous-sections réunies, 22 octobre 2010, Thiver, requête numéro 339363, ' : Revue générale du droit on line, 2010, numéro 26565 (www.revuegeneraledudroit.eu/?p=26565)
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