Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 11 et 28 juin 2004 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présentés pour la COMMUNAUTE D’AGGLOMERATION DE MOULINS, représentée par son président en exercice, domicilié en cette qualité 8, place du Maréchal de Lattre de Tassigny, BP 1625 à Moulins (03016) ; la COMMUNAUTE D’AGGLOMERATION DE MOULINS demande au Conseil d’Etat :
1°) d’annuler l’ordonnance du 26 mai 2004 par laquelle le président du tribunal administratif de Clermont-Ferrand, saisi en application des dispositions de l’article L. 5511 du code de justice administrative, a suspendu la procédure de passation du marché de conceptionréalisation ayant pour objet la construction d’un atelierrelais destiné à la production et à l’exploitation de dirigeables sur l’aérodrome de MoulinsMontbeugny ;
2°) réglant l’affaire au titre de la procédure de référé précontractuel engagée, de rejeter la demande présentée par M. Jean-Paul CX, M. Claude CY, Mme Sylvie C, M. Claude CA, M. Georges CB et le conseil régional de l’ordre des architectes d’Auvergne devant le tribunal administratif de ClermontFerrand ;
3°) de mettre à la charge de M. CX et autres une somme de 2 000 euros en application des dispositions de l’article L. 7611 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code des marchés publics ;
Vu la loi n° 772 du 3 janvier 1977 modifiée ;
Vu la loi n° 85704 du 12 juillet 1985 modifiée ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
– le rapport de M. Julien Boucher, Maître des Requêtes,
– les observations de la SCP Bachellier, Potier de la Varde, avocat de la COMMUNAUTE D’AGGLOMERATION DE MOULINS et de la SCP Vier, Barthélemy, Matuchansky, avocat de M. Jean-Paul CX et autres,
– les conclusions de M. Didier Casas, Commissaire du gouvernement ;
Considérant qu’aux termes de l’article L. 5511 du code de justice administrative, dans sa rédaction antérieure à l’entrée en vigueur de l’ordonnance du 17 juin 2004 relative aux contrats de partenariat : « Le président du tribunal administratif, ou le magistrat qu’il délègue, peut être saisi en cas de manquement aux obligations de publicité et de mise en concurrence auxquelles est soumise la passation des marchés publics et des conventions de délégation de service public. / Les personnes habilitées à agir sont celles qui ont un intérêt à conclure le contrat et qui sont susceptibles d’être lésées par ce manquement, ainsi que le représentant de l’Etat dans le département dans le cas où le contrat est conclu ou doit être conclu par une collectivité territoriale ou un établissement public local. / Le président du tribunal administratif peut être saisi avant la conclusion du contrat. Il peut ordonner à l’auteur du manquement de se conformer à ses obligations et suspendre la passation du contrat ou l’exécution de toute décision qui s’y rapporte. Il peut également annuler ces décisions et supprimer les clauses ou prescriptions destinées à figurer dans le contrat et qui méconnaissent lesdites obligations. Dès qu’il est saisi, il peut enjoindre de différer la signature du contrat jusqu’au terme de la procédure et pour une durée maximum de vingt jours. / (…) Le président du tribunal administratif ou son délégué statue en premier et dernier ressort en la forme des référés » ;
Considérant que la COMMUNAUTE D’AGGLOMERATION DE MOULINS, dite « Moulins Communauté », se pourvoit en cassation contre l’ordonnance du 26 mai 2004 par laquelle le juge des référés précontractuels du tribunal administratif de ClermontFerrand, saisi par M. CX, M. CY, Mme C et M. CA, architectes, M. CB, agréé en architecture, et le conseil régional de l’ordre des architectes d’Auvergne, a, par application des dispositions précitées de l’article L. 5511 du code de justice administrative, suspendu la procédure de passation du marché de conceptionréalisation ayant pour objet la construction d’un atelierrelais destiné à la production et à l’exploitation de dirigeables sur l’aérodrome de MoulinsMontbeugny ;
Sur l’ordonnance attaquée en tant qu’elle statue sur la demande de suspension de la procédure de passation du marché litigieux :
Considérant qu’aux termes du deuxième alinéa de l’article 7 de la loi du 12 juillet 1985 relative à la maîtrise d’ouvrage publique et à ses rapports avec la maîtrise d’oeuvre privée : « Pour la réalisation d’un ouvrage, la mission de maîtrise d’oeuvre est distincte de celle d’entrepreneur » ; qu’aux termes du I de l’article 18 de la même loi : « Nonobstant les dispositions du titre II de la présente loi, le maître de l’ouvrage peut confier par contrat à un groupement de personnes de droit privé ou, pour les seuls ouvrages d’infrastructure, à une personne de droit privé, une mission portant à la fois sur l’établissement des études et l’exécution des travaux, lorsque des motifs d’ordre technique rendent nécessaire l’association de l’entrepreneur aux études de l’ouvrage. Un décret précise les conditions d’application du présent alinéa en modifiant, en tant que de besoin, pour les personnes publiques régies par le code des marchés publics, les dispositions de ce code » ; qu’aux termes de l’article 37 du code des marchés publics, dans sa rédaction issue du décret du 7 janvier 2004 : « Les marchés qui portent à la fois sur la définition du projet et sur l’exécution des travaux pour la réalisation des ouvrages mentionnés à l’article 1er de la loi nº 85704 du 12 juillet 1985 relative à la maîtrise d’ouvrage publique et à ses rapports avec la maîtrise d’oeuvre privée sont passés selon la procédure de conceptionréalisation. / Il ne peut être recouru à cette procédure, quel que soit le montant du marché, que si des motifs d’ordre technique rendent nécessaire l’association de l’entrepreneur aux études de l’ouvrage. Ces motifs doivent être liés à la destination ou aux techniques de réalisation de l’ouvrage. Sont concernés des ouvrages dont la finalité majeure est une production dont le processus conditionne la conception et la réalisation, ainsi que des ouvrages dont les caractéristiques, telles que des dimensions exceptionnelles ou des difficultés techniques particulières, exigent de faire appel aux moyens et à la technicité propres des entreprises » ;
Considérant qu’il résulte de ces dispositions que la passation d’un marché de conceptionréalisation, qui modifie les conditions d’exercice de la fonction de maître d’oeuvre, ne peut avoir lieu que dans des circonstances particulières ; que, pour justifier, en l’espèce, le recours à une telle procédure au regard des dispositions précitées du second alinéa de l’article 37 du code des marchés publics, la COMMUNAUTE D’AGGLOMERATION DE MOULINS, qui n’alléguait pas que l’atelierrelais en cause était au nombre des « ouvrages dont la finalité majeure est une production dont le processus conditionne la conception et la réalisation » et reconnaissait que ses dimensions ne pouvaient être regardées comme « exceptionnelles », invoquait, devant le juge des référés précontractuels du tribunal administratif de ClermontFerrand, les « contraintes particulières » résultant, en ce qui concerne la « recherche de forme architecturale », la « détermination des matériaux et des structures » à utiliser et le choix des « procédés de construction » à mettre en oeuvre, des caractéristiques d’un tel ouvrage ; qu’en estimant, dans ces conditions, qu’il ne résultait pas de l’instruction que « la réalisation de l’atelierrelais pour dirigeables projeté présente, eu égard à la destination de l’ouvrage, à ses dimensions, à sa structure et à la nature des matériaux mis en oeuvre, des difficultés techniques particulières justifiant le recours à la procédure propre aux marchés de conceptionréalisation », pour en déduire que la COMMUNAUTE D’AGGLOMERATION DE MOULINS avait méconnu ses obligations de publicité et de mise en concurrence, le juge des référés précontractuels du tribunal administratif de ClermontFerrand, qui n’avait pas à rechercher si le recours à une telle procédure était susceptible d’être justifié au regard des autres hypothèses visées par l’article 37 du code des marchés publics, a suffisamment motivé sa décision et n’a pas commis d’erreur de droit ;
Sur l’ordonnance attaquée en tant qu’elle statue sur les frais exposés par le conseil régional de l’ordre des architectes d’Auvergne et non compris dans les dépens :
Considérant que, si M. CX, M. CY, Mme C, M. CA et M. CB avaient, en leur qualité, respectivement, d’architectes et d’agréé en architecture, vocation à exécuter les prestations de maîtrise d’oeuvre incluses dans l’objet du marché litigieux et étaient, par suite, au nombre des personnes habilitées par les dispositions de l’article L. 5511 du code de justice administrative à agir devant le juge des référés précontractuels, il n’en va pas de même du conseil régional de l’ordre des architectes d’Auvergne, quels que soient, par ailleurs, les pouvoirs que l’article 26 de la loi du 3 janvier 1977 sur l’architecture confère à l’ordre des architectes pour défendre les intérêts collectifs de ses membres ; qu’ainsi, la demande présentée devant le juge des référés précontractuels du tribunal administratif de ClermontFerrand était irrecevable en tant qu’elle émanait du conseil régional de l’ordre des architectes d’Auvergne ; que, par suite, si ce juge a pu, sans erreur de droit, accueillir les conclusions de cette demande tendant à la suspension de la procédure de passation du marché en cause, dès lors que l’un au moins des signataires de celleci avait qualité pour demander une telle suspension, il n’a pu, sans méconnaître les dispositions de l’article L. 5511 du code de justice administrative, mettre à la charge de la COMMUNAUTE D’AGGLOMERATION DE MOULINS une somme de 100 euros au titre des frais exposés par le conseil régional de l’ordre des architectes d’Auvergne et non compris dans les dépens ;
Considérant qu’il résulte de ce qui précède que la COMMUNAUTE D’AGGLOMERATION DE MOULINS est seulement fondée à demander l’annulation de l’article 2 de l’ordonnance attaquée en tant qu’il met à sa charge une somme de 100 euros au titre des frais exposés par le conseil régional de l’ordre des architectes d’Auvergne et non compris dans les dépens ; qu’il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de régler l’affaire, dans les limites d’une telle annulation, au titre de la procédure de référé précontractuel engagée devant le président du tribunal administratif de ClermontFerrand ;
Considérant, ainsi qu’il a été dit plus haut, que le conseil régional de l’ordre des architectes d’Auvergne n’est pas au nombre des personnes habilitées par l’article L. 5511 du code de justice administrative à saisir le juge des référés précontractuels ; qu’ainsi, sa demande tendant, devant le président du tribunal administratif de ClermontFerrand, à ce que soit mise à la charge de la COMMUNAUTE D’AGGLOMERATION DE MOULINS une somme de 1 000 euros en application des dispositions de l’article L. 7611 du code de justice administrative ne peut qu’être rejetée ;
Sur les frais exposés par les parties devant le Conseil d’Etat et non compris dans les dépens :
Considérant, d’une part, que les dispositions de l’article L. 7611 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de M. CX, M. CY, Mme C, M. CA et M. CB, qui ne sont pas les parties perdantes dans la présente instance, la somme que la COMMUNAUTE D’AGGLOMERATION DE MOULINS demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; qu’il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge de la COMMUNAUTE D’AGGLOMERATION DE MOULINS, au titre des frais de même nature exposés par M. CX, M. CY, Mme C, M. CA et M. CB une somme de 500 euros pour chacun ;
Considérant, d’autre part, que les dispositions de l’article L. 7611 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la COMMUNAUTE D’AGGLOMERATION DE MOULINS, qui n’est pas la partie perdante dans le litige l’opposant au conseil régional de l’ordre des architectes d’Auvergne, la somme que ce dernier demande au titre des frais exposés par lui devant le Conseil d’Etat et non compris dans les dépens ; qu’il n’y a pas lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge du conseil régional de l’ordre des architectes d’Auvergne la somme que la COMMUNAUTE D’AGGLOMERATION DE MOULINS demande au titre des mêmes frais ;
D E C I D E :
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Article 1er : L’article 2 de l’ordonnance du président du tribunal administratif de Clermont-Ferrand en date du 26 mai 2004 est annulé en tant qu’il a mis à la charge de la COMMUNAUTE D’AGGLOMERATION DE MOULINS une somme de 100 euros au titre des frais exposés par le conseil régional de l’ordre des architectes d’Auvergne et non compris dans les dépens.
Article 2 : Les conclusions du conseil régional de l’ordre des architectes d’Auvergne tendant, devant le tribunal administratif de ClermontFerrand et devant le Conseil d’Etat, à l’application des dispositions de l’article L. 7611 du code de justice administrative et le surplus des conclusions du pourvoi en cassation de la COMMUNAUTE D’AGGLOMERATION DE MOULINS sont rejetés.
Article 3 : La COMMUNAUTE D’AGGLOMERATION DE MOULINS versera à M. CX, à M. CY, à Mme C, à M. CA et à M. CB une somme de 500 euros chacun.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à la COMMUNAUTE D’AGGLOMERATION DE MOULINS, au conseil régional de l’Ordre des architectes d’Auvergne et à la S.C.P. Charles-Louis VIER, Jean Barthélémy, Olivier Matuchansky, mandataire unique du conseil régional de l’Ordre des architectes d’Auvergne et des autres défendeurs et chargée, à ce titre, de leur donner connaissance de cette décision.