REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la requête, enregistrée le 10 octobre 2006 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présentée par l’UNION GENERALE DES SYNDICATS PENITENTIAIRES C.G.T., dont le siège est 263, rue de Paris Case 542 à Montreuil (93515) ; l’UNION GENERALE DES SYNDICATS PENITENTIAIRES C.G.T. demande au Conseil d’Etat :
1°) d’annuler la note de service du 11 août 2006 du garde des sceaux, ministre de la justice, relative à la prévention et à l’interdiction de la consommation d’alcool dans les établissements pénitentiaires ;
2°) d’annuler les notes de service du 11 septembre et du 25 septembre 2006 du directeur de la maison d’arrêt d’Epinal relatives à la prévention et à l’interdiction de la consommation d’alcool au sein de cette maison d’arrêt ;
3°) de mettre à la charge de l’Etat la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de procédure pénale, notamment son article D. 220 ;
Vu le code du travail, notamment son article L. 232-2 ;
Vu le décret n° 82-453 du 28 mai 1982 ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
– le rapport de M. Edouard Geffray, Auditeur,
– les conclusions de Mme Claire Landais, Commissaire du gouvernement ;
Considérant que, par une note de service du 11 août 2006, le garde des sceaux, ministre de la justice, a précisé les mesures de prévention et d’interdiction de la consommation d’alcool dans les établissements pénitentiaires ; que par deux notes de service des 11 et 25 septembre 2006, le directeur de la maison d’arrêt d’Epinal a diffusé cette circulaire et invité les personnels de la maison d’arrêt à en respecter les prescriptions ; que l’UNION GENERALE DES SYNDICATS PENITENTIAIRES C.G.T. demande l’annulation de ces trois notes de service ;
Considérant qu’eu égard à la connexité existant entre les conclusions de la requête tendant à l’annulation de la note de service du 11 août 2006 du garde des sceaux, ministre de la justice, et celles tendant à l’annulation des deux notes de service du directeur de la maison d’arrêt d’Epinal, le Conseil d’Etat est compétent, en application de l’article R. 341-1 du code de justice administrative, pour connaître en premier ressort de l’ensemble de ces conclusions ;
Sur les conclusions tendant à l’annulation de la note de service du 11 août 2006 :
Considérant que l’article L. 232-2 du code du travail, applicable, aux termes de l’article 3 du décret du 28 mai 1982 relatif à l’hygiène et à la sécurité du travail ainsi qu’à la prévention médicale dans la fonction publique, dans les locaux de l’administration pénitentiaire, dispose : « Il est interdit à toute personne d’introduire ou de distribuer et à tout chef d’établissement, directeur, gérant, préposé, contremaître, chef de chantier et, en général, à toute personne ayant autorité sur les ouvriers et employés, de laisser introduire ou de laisser distribuer dans les établissements et locaux mentionnés à l’article L. 231-1, pour être consommées par le personnel, toutes boissons alcooliques autres que le vin, la bière, le cidre, le poiré, l’hydromel non additionnés d’alcool. / Il est interdit à tout chef d’établissement, directeur, gérant, préposé, contremaître, chef de chantier et, en général, à toute personne ayant autorité sur les ouvriers et employés, de laisser entrer ou séjourner dans les mêmes établissements des personnes en état d’ivresse » ; qu’aux termes de l’article D. 220 du code de procédure pénale, dans sa rédaction alors applicable : « Indépendamment des défenses résultant de la loi pénale, il est interdit aux agents des services déconcentrés de l’administration pénitentiaire et aux personnes ayant accès dans la détention : (…) de boire à l’intérieur de la détention ou d’y paraître en état d’ébriété » ;
Considérant, en premier lieu, que la note de service du 11 août 2006 interdit toute consommation et détention d’alcool au sein des établissements pénitentiaires, à l’exception des mess dans le cadre de la réglementation applicable à la restauration administrative, et prescrit l’instauration progressive de mesures de prévention et de contrôle de l’effectivité de cette interdiction ; que le garde des sceaux, ministre de la justice, pouvait, sans méconnaître ni sa compétence, ni les dispositions précitées qui interdisent la consommation d’alcool à l’intérieur des zones de détention, proscrire la détention et la consommation d’alcool dans l’ensemble du périmètre des établissements pénitentiaires, aux fins d’assurer le bon fonctionnement du service et de prévenir les risques liés à la consommation d’alcool pour la sécurité des personnels et des détenus ;
Considérant, en deuxième lieu, que si le syndicat requérant soutient que les mesures de prévention définies par la note de service attaquée devaient s’appliquer simultanément à l’ensemble des établissements pénitentiaires, le garde des sceaux, ministre de la justice, pouvait légalement déterminer des modalités d’entrée en vigueur progressive de ces mesures ;
Considérant, enfin, que la note de service attaquée se borne à faire état d’un contexte d’exigences croissantes à l’égard de l’administration pénitentiaire, notamment dans le cadre européen ; que par suite, le moyen tiré de ce que le ministre de la justice se serait illégalement fondé sur les « règles pénitentiaires européennes » manque, en tout état de cause, en fait ;
Sur les conclusions tendant à l’annulation des deux notes de service du directeur de la maison d’arrêt d’Epinal :
Sans qu’il soit besoin d’examiner la fin de non-recevoir opposée par le garde des sceaux, ministre de la justice ;
Considérant qu’à l’appui de ses conclusions dirigées contre les deux notes de service du directeur de la maison d’arrêt d’Epinal, le syndicat requérant soutient que ces deux notes doivent être annulées par voie de conséquence de l’annulation de la note de service du 11 août 2006 ; que, dès lors que la présente décision rejette les conclusions tendant à l’annulation de cette circulaire, les conclusions dirigées contre les notes de service du directeur de la maison d’arrêt d’Epinal ne peuvent qu’être rejetées ;
Sur les conclusions tendant à l’application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mis à la charge de l’Etat qui n’est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que demande l’UNION GENERALE DES SYNDICATS PENITENTIAIRES C.G.T. au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
D E C I D E :
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Article 1er : La requête de l’UNION GENERALE DES SYNDICATS PENITENTIAIRES C.G.T. est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à l’UNION GENERALE DES SYNDICATS PENITENTIAIRES C.G.T., au garde des sceaux, ministre de la justice et au ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique.