Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 30 décembre 1981 et 4 avril 1982 au secrétariat du Contentieux du Conseil d’Etat, présentés pour la Société « WANNER ISOFI ISOLATION », dont le siège est … 92000 , et tendant à ce que le Conseil d’Etat :
1° annule le jugement du 14 octobre 1981 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté son recours en annulation d’une décision implicite résultant du silence gardé par le ministre de l’équipement sur sa demande qui tendait d’une part au retrait d’une décision du directeur départemental de l’équipement de la Drôme en date du 5 mai 1978, l’ayant évincée d’un appel d’offres restreint relatif à des travaux d’aménagement des locaux de la direction départementale de l’équipement, et, d’autre part, au paiement d’une indemnité de 10 000 F en réparation du préjudice subi ;
2° annule les décisions susmentionnées du directeur départemental et du ministre de l’équipement et condamne l’Etat à lui verser une indemnité de 10 000 F,
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code des marchés publics ;
Vu le code des tribunaux administratifs ;
Vu l’ordonnance du 31 juillet 1945 et le décret du 30 septembre 1953 ;
Vu la loi du 30 décembre 1977 ;
Après avoir entendu :
– le rapport de M. Tuot, Auditeur,
– les observations de la S.C.P. Guiguet, Bachellier, Potier de la Varde , avocat de la Société « WANNER ISOFI ISOLATION »,
– les conclusions de Mme de Clausade, Commissaire du gouvernement ;
Sur la légalité de la décision du directeur départemental de l’équipement de la Drome en date du 5 mai 1978 :
Sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens de la requête :
Considérant qu’aux termes de l’article 94 ter du code des marchés publics : « En cas d’appel d’offres restreint, sur le vu du procès-verbal d’ouverture des offres de candidatures, la personne responsable du marché arrête la liste des candidats admis à présenter une offre » ;
Considérant qu’il ressort des pièces du dossier que, pour écarter la candidature de la Société « WANNER ISOFI ISOLATION » à la présentation d’une offre dans le cadre de l’appel d’offres restreint ouvert pour les travaux d’aménagement des nouveaux locaux de la direction départementale de l’équipement de Valence, le directeur départemental de l’équipement de la Drôme s’est fondé, en se référant à la circulaire du ministre de l’équipement et de l’aménagement du territoire en date du 15 décembre 1977, sur la circonstance que le chiffre d’affaires de la société était trop important au regard du montant des travaux faisant l’objet de l’appel de candidatures ;
Considérant que par la circulaire susmentionnée, le ministre de l’équipement et de l’aménagement du territoire, estimant que « la procédure des appels d’offres restreints permet de rechercher une répartition équilibrée des marchés entre les petites, les moyennes et les grandes entreprises », a donné pour directve à ses services de « faire prévaloir dans le choix des entreprises appelées à soumissionner une certaine relation entre la dimension des marchés à traiter et la taille des entreprises » et, par suite, sauf circonstances particulières, d’écarter la candidature d’entreprises dont le chiffre d’affaires est « trop élevé par rapport au montant des marchés », tout en veillant à ce que « cette limitation des candidatures pour les appels d’offres lancés pour les petits marchés ne conduise pas, dans les faits, à une situation d’absence de concurrence entre entreprises » ;
Considérant que, quel que soit l’intérêt général qui s’y attache, la répartition équilibrée des marchés entre les petites, les moyennes et les grandes entreprises n’est pas au nombre des objectifs que les dispositions du code des marchés publics visent à atteindre ; qu’en recommandant aux responsables des marchés d’écarter les candidatures de certaines entreprises au seul motif que leur chiffre d’affaires serait trop important au regard du montant des marchés, la directive ministérielle du 15 décembre 1977 a pour effet d’introduire une discrimination qui n’est pas en rapport avec l’objet de la réglementation des marchés publics, et de porter ainsi une atteinte injustifiée à l’égalité de traitement qui doit être assurée entre les entreprises candidates à la présentation d’une offre ; qu’il suit de là que la société requérante est fondée à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté les conclusions de sa demande tendant à l’annulation de la décision du directeur départemental de l’équipement et de la décision ministérielle confirmant implicitement ladite décision ;
Sur le préjudice :
Considérant qu’il ne résulte pas de l’instruction que la Société « WANNER ISOFI ISOLATION » aurait eu une chance sérieuse de voir son offre retenue si sa candidature n’avait pas été illégalement écartée ; que, par suite, l’existence du préjudice dont elle demande réparation n’est pas établie ; que la société requérante n’est dès lors pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté ses conclusions tendant à l’octroi d’une indemnité ;
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Grenoble en date du 14 octobre 1981, en tant qu’il a rejeté les conclusions de la demande de la Société « WANNER ISOFI ISOLATION » dirigées contre la décision du directeur départemental de l’équipement de la Drome en date du 5 mai 1978 et contre la décision ministérielle implicite confirmant ladite décision, et ces deux décisions sont annulés.
Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de la Société « WANNER ISOFI ISOLATION » est rejeté.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à la Société « WANNER ISOFI ISOLATION » et au ministre de l’équipement, du logement de l’aménagement du territoire et des transports.