Vu la requête et le mémoire complémentaire enregistrés les 11 mars 1983 et 11 juillet 1983 au secrétariat du Contentieux du Conseil d’Etat, présentés pour Mme Andréa Y… épouse de M. Z…, demeurant Eaux Puiseaux à Evry-Le-Chatel 10130 et M. Maurice X…, demeurant Hameau de la Coudre à Auxon, Evry-le-Chatel 10130 et tendant à ce que le Conseil d’Etat annule le jugement du 11 janvier 1983 par lequel le tribunal administratif de Châlons-sur-Marne a rejeté leur requête tendant à ce que l’hôpital psychothérapique de Brienne-le-Château et la compagnie d’assurances « La Préservatrice-Foncière » soient condamnés in solidum à leur verser à Mme Z… la somme de 800 000 F et à M. X… celle de 100 000 F,
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu l’ordonnance du 31 juillet 1945 et le décret du 30 septembre 1953 ;
Vu la loi du 30 décembre 1977 ;
Après avoir entendu :
– le rapport de M. Damien, Conseiller d’Etat,
– les observations de Me Blanc, avocat de Mme Andréa Z… et autre et de Me Coutard, avocat de l’hôpital psychothérapique de Brienne-le-Château et autre,
– les conclusions de M. Stirn, Commissaire du gouvernement ;
Sur la responsabilité du centre hospitalier spécialisé :
Considérant que M. A…, malade mental soigné au centre hospitalier spécialisé de Brienne a, le 10 novembre 1980, alors qu’il se trouvait confié à M. X…, dans le cadre d’un « placement familial surveillé » défini par un règlement en date du 3 juin 1964 établi par le centre hospitalier, incendié un bâtiment de l’exploitation agricole gérée par M. X… en qualité de fermier ; que celui-ci d’une part, Mme Z…, propriétaire des bâtiments endommagés par l’incendie d’autre part font appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Châlons-sur-Marne a rejeté leur demande tendant à ce que le centre psychothérapique les indemnise des conséquences dommageables de cet incendie ;
Considérant que, selon le règlement susmentionné, le « placement familial surveillé » est une méthode thérapeutique qui s’adresse aux malades mentaux dont l’état s’est amélioré, mais sans qu’il soit encore possible d’envisager le retour dans leur foyer, et dont le « fonctionnement général » est placé sous la « responsabilité » de l’établissement qui désigne les bénéficiaires de ce régime et les fait visiter périodiquement par ses infirmiers ; que les obligations réciproques du centre hospitalier et de la famille d’accueil sont définies par le règlement dont cette famille a accepté les clauses ;
Considérant, d’une part, qu’il résulte de l’article 35 de ce règlement que le centre psychothérapique de Brienne-le-Château prend à sa charge les conséquences dommageables des accidents causés par le malade, sauf s’ils sont imputables à la famille d’accueil ; qu’ainsi la responsabilité du centre psychothérapique de Brienne-le-Château se trouve engagée à l’égard de M. X…, du fait de l’incendie litigieux ; qu’il n’est pas établi que M. X… aurait enu des propos qui auraient incité M. A… à commettre son acte ; qu’à supposer qu’il se soit fautivement abstenu de signaler au centre hospitalier les modifications du comportement du malade mental qu’il hébergeait, cette abstention est sans influence sur la survenance du sinistre dès lors que, comme il a été dit ci-dessus, M. A… était surveillé périodiquement par des infirmiers du centre hospitalier ; qu’ainsi aucune faute de M. X… peut, en l’espèce, dégager ou atténuer la responsabilité du centre hospitalier envers celui-ci ;
Considérant, d’autre part, que le placement familial surveillé fait partie des traitements propres à assurer la réadaptation progressive des malades mentaux à des conditions normales de vie ; que si, durant le temps où cette méthode thérapeutique est appliquée, les malades restent sous la responsabilité de l’hôpital, cette méthode crée un risque spécial pour les tiers qui ne bénéficient plus des garanties inhérentes aux habituelles méthodes d’internement ; que la responssabilité de l’hôpital se trouve en conséquence engagée, même sans faute de sa part, pour les dommages que cause aux tiers un malade placé sous ce régime ; qu’en l’espèce, Mme Z…, propriétaire des bâtiments incendiés, à la qualité de tiers vis-à-vis du centre psychothérapique de Brienne-le-Château ; que la responsabilité de cet établissement hospitalier est dès lors engagée à son égard en raison de l’incendie provoqué par M. A… ;
Considérant qu’il résulte de ce qui précède que Mme Z… et M. X… sont fondés à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a refusé de retenir l’entière responsabilité du centre hospitalier à l’occasion des dommages qu’ils ont subis ;
Sur le montant des indemnités :
Considérant que l’état du dossier ne permet pas au Conseil d’Etat d’évaluer le préjudice subi par les requérants ; qu’il y a lieu, sur ce point, de renvoyer les parties devant le tribunal administratif ;
Sur les conclusions dirigées contre la Compagnie d’assurances « La Foncière » :
Considérant que les conclusions de Mme Z… et de M. X… dirigées contre l’assureur du centre hospitalier ne sont pas au nombre de celles dont il appartient au juge administratif de connaître ; que par suite, c’est à bon droit que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif les a rejetées comme portées devant une juridiction incompétente pour en connaître ;
Article ler : Le jugement du tribunal administratif de Châlons-sur-Marne du 11 janvier 1983 est annulé en tant qu’il a rejeté les conclusions de Mme Z… et de M. X… dirigées contre le centre hospitalier psychothérapique à Brienne-le-Château.
Article 2 : Le centre hospitalier psychothérapique est déclaré responsable des dommages subis par Mme Z… et M. X… par suite de l’incendie du 30 novembre 1980.
Article 3 : Le centre hospitalier psychothérapique, Mme Z… et M. X… sont renvoyés devant le tribunal administratif de Châlons-sur-Marne pour y être statué sur le montant des indemnités dues à Mme Z… et à M. X….
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme Z… et de M. X… est rejeté.
Article 5 : La présente décision sera notifiée au centre hospitalier psychothérapique de Brienne-le-Château, à Mme Z…, à M. X…, à la compagnie d’assurances « La Foncière » et au ministre délégué auprès du ministre des affaires sociales et de l’emploi, chargé de la santé et de la famille.