AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 23 décembre 2010 et 14 février 2011 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présentés pour M. Eyup A, demeurant … ; M. A demande au Conseil d’Etat d’annuler pour excès de pouvoir le décret du 1er septembre 2009 accordant son extradition aux autorités turques ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;
Vu la convention européenne d’extradition du 13 décembre 1957 ;
Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
– le rapport de Mme Stéphanie Gargoullaud, chargée des fonctions de Maître des requêtes,
– les observations de la SCP Waquet, Farge, Hazan, avocat de M. A,
– les conclusions de M. Damien Botteghi, rapporteur public,
La parole ayant à nouveau été donnée à la SCP Waquet, Farge, Hazan, avocat de M. A ;
Considérant que le décret attaqué du 1er septembre 2009 a accordé l’extradition de M. Eyup A aux autorités turques pour l’exécution d’un reliquat de 5 ans et 13 jours d’emprisonnement restant à purger sur une peine de 7 ans d’emprisonnement prononcée le 10 novembre 2005 par la haute cour pénale de Seydisehir pour des faits d’homicide et blessures involontaires ;
Considérant qu’il résulte du second alinéa de l’article 1er des réserves émises par la France lors de la ratification de la convention européenne d’extradition et des principes généraux du droit applicables à l’extradition que l’extradition d’un étranger peut être refusée si elle est susceptible d’avoir des conséquences d’une gravité exceptionnelle pour la personne réclamée, notamment en raison de son âge ou de son état de santé ;
Considérant qu’il ressort des pièces du dossier que M. A présente des troubles psychiatriques graves, qualifiés par les médecins de schizophrénie paranoïde, qui nécessitent un suivi sans interruption et ne sont pas compatibles avec un maintien en détention sans surveillance médicale adaptée ; que si les autorités françaises ont recherché auprès des autorités turques des garanties permettant d’assurer que l’intéressé ne serait pas exposé à des risques exceptionnels eu égard à son état de santé, les autorités turques se sont bornées à communiquer aux autorités françaises des informations générales sur le suivi médical des détenus en Turquie ; que les éléments ainsi apportés ne sont pas assez précis pour donner l’assurance que M. A serait traité, en détention, de manière compatible avec son état de santé ; que dans ces conditions, M. A est fondé à soutenir que le décret est entaché d’une erreur manifeste d’appréciation ;
Considérant qu’il résulte de ce qui précède que, sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens de la requête, M. A est fondé à demander l’annulation pour excès de pouvoir du décret du 1er septembre 2009 accordant son extradition aux autorités turques ;
D E C I D E :
Article 1er : Le décret du 1er septembre 2009 accordant l’extradition de M. Eyup A aux autorités turques est annulé.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. Eyup A et au garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés.