Conseil d’État
N° 365617
ECLI:FR:CESSR:2013:365617.20130419
Publié au recueil Lebon
7ème et 2ème sous-sections réunies
Mme Natacha Chicot, rapporteur
M. Gilles Pellissier, rapporteur public
GEORGES ; FOUSSARD, avocat
lecture du Vendredi 19 April 2013
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Texte intégral
Vu le pourvoi, enregistré le 29 janvier 2013 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présenté pour la commune de Mandelieu-la-Napoule, représentée par son maire ; la commune demande au Conseil d’Etat :
1°) d’annuler l’ordonnance n° 1204463 du 14 janvier 2013 du juge des référés du tribunal administratif de Nice, statuant en application de l’article L. 551-1 du code de justice administrative, en tant qu’elle a fait droit aux conclusions subsidiaires de la société Ecogom tendant à l’annulation de la procédure de passation d’un marché portant sur la fourniture et la pose d’équipements ludiques ainsi que sur la mise en oeuvre de sols souples pour les aires communales de jeux ;
2°) statuant en référé, de rejeter les conclusions de la société Ecogom tendant à l’annulation de cette procédure ;
3°) de mettre à la charge de la société Ecogom le versement de la somme de 3 500 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la note en délibéré, enregistrée le 5 avril 2013, présentée pour la société Ecogom ;
Vu le code des marchés publics ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
– le rapport de Mme Natacha Chicot, Auditeur,
– les observations de Me Georges, avocat de la commune de Mandelieu-la-Napoule, et de Me Foussard, avocat de la société Ecogom,
– les conclusions de M. Gilles Pellissier, rapporteur public ;
La parole ayant été à nouveau donnée à Me Georges, avocat de la commune de Mandelieu-la-Napoule, et à Me Foussard, avocat de la société Ecogom ;
1. Considérant qu’il résulte des dispositions de l’article L. 551-1 du code de justice administrative relatives au référé précontractuel que le président du tribunal administratif ou le magistrat qu’il délègue peut être saisi, avant la conclusion d’un contrat de commande publique ou de délégation de service public, d’un manquement, par le pouvoir adjudicateur, à ses obligations de publicité et de mise en concurrence ; qu’aux termes du I de l’article L. 551-2 du même code : » Le juge peut ordonner à l’auteur du manquement de se conformer à ses obligations et suspendre l’exécution de toute décision qui se rapporte à la passation du contrat, sauf s’il estime, en considération de l’ensemble des intérêts susceptibles d’être lésés et notamment de l’intérêt public, que les conséquences négatives de ces mesures pourraient l’emporter sur leurs avantages. / Il peut, en outre, annuler les décisions qui se rapportent à la passation du contrat et supprimer les clauses ou prescriptions destinées à figurer dans le contrat et qui méconnaissent lesdites obligations » ; qu’en vertu de l’article L. 551-3 de ce code, ce juge statue » en premier et dernier ressort en la forme des référés » et, selon l’article R. 551-5, dans un délai de vingt jours ;
2. Considérant que les décisions prises par le juge des référés sur le fondement de ces dispositions sont rendues à la suite d’une procédure particulière qui, tout en étant adaptée à la nature des demandes et à la nécessité d’assurer une décision rapide, doit garantir le caractère contradictoire de l’instruction ; que, si les parties peuvent présenter en cours d’audience des observations orales à l’appui de leurs écrits, elles doivent, si elles entendent soulever des moyens nouveaux, les consigner dans un mémoire écrit ; que le juge, qui ne saurait accueillir de tels moyens sans avoir mis le défendeur à même de prendre connaissance du mémoire qui les invoque, peut, compte tenu de ces nouveaux éléments, décider que la clôture de l’instruction n’interviendra pas à l’issue de l’audience mais la différer à une date dont il avise les parties par tous moyens ; que, s’il décide de tenir une nouvelle audience, l’instruction est prolongée jusqu’à l’issue de cette dernière ;
3. Considérant qu’il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés du tribunal administratif de Nice que, par un avis d’appel public à la concurrence publié le 23 octobre 2012, la commune de Mandelieu-la-Napoule a lancé une procédure d’attribution d’un marché portant sur la fourniture et la pose d’équipements ludiques ainsi que sur la mise en oeuvre de sols souples pour les aires communales de jeux ; que, par un courrier en date du 17 décembre 2012, la commune a informé la société Ecogom du rejet de son offre et de l’attribution du marché à la société Apy Méditerranée ; que le juge des référés, saisi par la société Ecogom sur le fondement de l’article L. 551-1 du code de justice administrative, a rejeté ses conclusions tendant à ce qu’il ordonne à la commune de lui communiquer les motifs du rejet de son offre mais annulé la procédure de passation du marché ; que le pourvoi de la commune de Mandelieu-la-Napoule doit être regardé comme dirigé contre cette ordonnance en tant qu’elle a annulé la procédure de passation du marché litigieux ;
4. Considérant que, pour prononcer cette annulation, le juge des référés s’est fondé sur le moyen tiré de l’illégalité du motif du rejet de l’offre de la société Ecogom, que la requérante n’avait invoqué que dans ses observations orales, sans le reprendre dans un mémoire écrit déposé à l’audience ; qu’il résulte de ce qui précède que le juge des référés a, ce faisant, entaché son ordonnance d’irrégularité ; que, par suite, et sans qu’il soit besoin d’examiner l’autre moyen du pourvoi, la commune de Mandelieu-la-Napoule est fondée à demander l’annulation des articles 1er et 2 de l’ordonnance attaquée ;
5. Considérant qu’il y a lieu, en application des dispositions de l’article L. 821-2 du code de justice administrative, de régler, dans cette mesure, l’affaire au titre de la procédure de référé engagée par la société Ecogom ;
6. Considérant, en premier lieu, que le courrier du 17 décembre 2012, adressé par la commune de Mandelieu-la-Napoule à la société Ecogom pour lui notifier le rejet de son offre, précisait le classement de celle-ci, les notes qui lui avait été attribuées ainsi que le nom de l’attributaire et les notes obtenues par ce dernier ; qu’il s’ensuit que le moyen tiré de la méconnaissance de l’article 80 du code des marchés publics ne peut, en tout état de cause, qu’être écarté ;
7. Considérant, en deuxième lieu, que conformément à l’article 4 – D du règlement de la consultation, le dossier des candidats devait comporter les fiches techniques des matériels et produits demandés au bordereau de prix unitaires ; qu’il s’ensuit que la société Ecogom n’est pas fondée à soutenir qu’en tenant compte de la qualité des fiches techniques transmises par les candidats pour apprécier le mérite respectif de leur offre, le pouvoir adjudicateur aurait méconnu ses obligations en matière de publicité et de mise en concurrence ; qu’en outre, il ne résulte pas de l’instruction que la commune aurait dénaturé l’offre de la société Ecogom ;
8. Considérant, en troisième lieu, que le moyen tiré de ce que la commune a méconnu la portée de l’offre de la société Ecogom manque en fait dès lors que le pouvoir adjudicateur a estimé qu’elle proposait, ainsi qu’elle le soutient, un délai d’intervention dans le cadre du service après-vente de 24 heures ; qu’elle a d’ailleurs obtenu à ce titre une meilleure note que la société attributaire ;
9. Considérant, enfin, que si dans son courrier du 8 janvier 2013 informant la requérante des motifs du rejet de son offre, la commune a indiqué que le délai d’intervention de la société attributaire, pour le remplacement des pièces défectueuses dans le cadre du service après-vente, était fixé entre 24 heures et 48 heures, alors que l’acte d’engagement de cette société indiquait un délai d’intervention de 48 heures, l’inexactitude de cette information ne saurait constituer un manquement aux règles de publicité et de mise en concurrence de nature à entacher d’illégalité la procédure de passation du marché ;
10. Considérant qu’il résulte de ce qui précède que la demande de la société Ecogom doit être rejetée, y compris ses conclusions présentées au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ; qu’il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge de la société Ecogom le versement à la commune de Mandelieu-la-Napoule d’une somme de 3 000 euros au même titre ;
D E C I D E :
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Article 1er : Les articles 1 et 2 de l’ordonnance du tribunal administratif de Nice du 14 janvier 2013 sont annulés.
Article 2 : Les conclusions de la société Ecogom tendant à l’annulation de la procédure et ses conclusions présentées au titre des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : La société Ecogom versera la somme de 3 000 euros à la commune de Mandelieu-la-Napoule en application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à la commune de Mandelieu-la-Napoule et à la société Ecogom.
Copie en sera adressée pour information à la société Apy Méditerranée.