REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la requête enregistrée le 3 décembre 1998 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présentée pour le SYNDICAT NATIONAL DES INDUSTRIELS ET PROFESSIONNELS DE L’AVIATION GENERALE ; le SYNDICAT NATIONAL DES INDUSTRIELS ET PROFESSIONNELS DE L’AVIATION GENERALE demande au Conseil d’Etat :
1°) d’annuler le décret n° 98-884 du 28 septembre 1998 complétant le livre V du code de l’aviation civile et relatif aux aéro-clubs ;
2°) de condamner l’Etat à lui payer la somme de 15 000 F augmentée de la taxe sur la valeur ajoutée au taux applicable au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la Constitution du 4 octobre 1958 ;
Vu le code de l’aviation civile ;
Vu le règlement CEE n° 2407/92 du 23 juillet 1992 ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en audience publique :
– le rapport de M. Vallée, Auditeur,
– les observations de la SCP Lyon-Caen, Fabiani, Thiriez, avocat du ministre de l’équipement, des transports et du logement,
– les conclusions de M. Bachelier, Commissaire du gouvernement ;
Considérant que le SYNDICAT NATIONAL DES INDUSTRIELS ET PROFESSIONNELS DE L’AVIATION GENERALE (SNIPAG) demande l’annulation du décret du 28 septembre 1998 complétant le livre V du titre I de la 3ème partie du code de l’aviation civile par l’insertion d’un article D. 510-7 qui fixe les conditions dans lesquelles un « aéro-club peut faire effectuer, en avion ou en hélicoptère, par des membres bénévoles, des vols locaux à titre onéreux au profit de personnes étrangères à l’association » ;
Considérant qu’en donnant compétence au législateur pour fixer « les règles concernant … les garanties fondamentales accordées aux citoyens pour l’exercice des libertés publiques », ainsi que pour déterminer « les principes fondamentaux … des obligations civiles et commerciales », l’article 34 de la Constitution n’a pas retiré au chef du gouvernement les attributions de police générale qu’il exerçait antérieurement ; qu’il appartenait dès lors au Premier ministre de pourvoir, par des précautions convenables, à la sécurité des vols organisés par les aéro-clubs sur l’ensemble du territoire ; qu’à ce titre, et en fonction de la nature de l’activité ainsi réglementée, l’autorité compétente a pu légalement inclure au nombre de ses conditions d’exercice, une obligation d’assurance qui en est le corollaire ; qu’ainsi le syndicat requérant n’est pas fondé à se prévaloir de l’article 34 de la Constitution pour soutenir que le décret attaqué serait intervenu dans une matière qui relève du domaine de la loi ;
Considérant qu’aux termes du 2 de l’article premier du règlement CEE n° 2407 du 23 juillet 1992 concernant les licences des transporteurs aériens : « Le transport aérien de passagers … effectué par des aéronefs non entraînés par un organe moteur et/ou par des ultra légers motorisés, ainsi que les vols locaux n’impliquant pas de transport entre différents aéroports ne relèvent pas du présent règlement … » et qu’aux termes du troisième alinéa de l’article L. 330-1 du code de l’aviation civile : « Les transports aériens de passagers … prévus au 2 de l’article 1er du règlement CEE n° 2407/92 … ne nécessitent l’obtention d’une licence d’exploitation et d’un certificat de transport aérien que si la capacité d’emport des aéronefs utilisés est supérieure à une limite fixée par un décret en Conseil d’Etat » ;
Considérant que les dispositions du décret attaqué qui ne portent pas sur les conditions de délivrance des licences d’exploitation et des certificats de transport aérien ne font pas obstacle à ce que s’applique, aux aéro-clubs qui font effectuer des vols locaux à titre onéreux au profit de personnes étrangères à l’association l’obligation d’obtenir ces licences et certificats dès lors que la capacité d’emport des appareils qu’ils utilisent pour faire effectuer ces vols serait supérieure à la limite qu’il appartient au décret en Conseil d’Etat de fixer ; que le moyen tiré de ce que le décret attaqué méconnaîtrait les dispositions précitées du troisième alinéa de l’article L. 330-1 du code de l’aviation civile ne peut par suite être accueilli ;
Considérant qu’aux termes de l’article 22 de la Constitution : « Les actes du Premier ministre sont contresignés, le cas échéant, par les ministres chargés de leur exécution » ; que, s’agissant d’un acte réglementaire, les ministres chargés de son exécution sont ceux qui ont compétence pour signer ou contresigner les mesures réglementaires ou individuelles que comporte nécessairement son exécution ; que l’exécution du décret attaqué n’appelle aucune mesure que le ministre chargé de la jeunesse et des sports serait compétent pour signer ou contresigner ; que, par suite, le contreseing de ce ministre n’était pas nécessaire ;
Considérant que les dispositions du décret attaqué qui prévoient que les aéro-clubs n’effectuent ni démarchage, ni publicité et limitent l’activité de vols locaux à titre onéreux au profit de personnes étrangères à l’association à moins de 8 % des heures de vol effectuées dans l’année, celles effectuées dans le cadre de manifestations aériennnes non comprises, n’ont eu ni pour objet ni pour effet de conférer aux aéro-clubs une position dominante sur le marché des promenades aériennes et des baptêmes de l’air ou de placer, par elles-mêmes, ces aéro-clubs dans la situation d’abuser d’une telle position dominante ; que le moyen tiré d’une violation des dispositions des articles 7 et 8 de l’ordonnance du 1er décembre 1986 relative à la liberté des prix et de la concurrence doit donc être rejeté ;
Considérant que la circonstance que, dans l’exercice de son activité, un aéro-club soit soumis à un régime fiscal différent de celui qui s’applique aux entreprises de transports aériens effectuant des vols réguliers ou irréguliers et sans influence sur la légalité du décret attaqué ;
Considérant enfin, que les restrictions apportées par le décret attaqué au libre exercice d’une activité professionnelle ainsi qu’à la liberté contractuelle, sont justifiées par la nécessité d’assurer la sécurité des vols organisés par les aéro-clubs ; que, dès lors, le Premier ministre n’a pas fait un usage illégal de ses pouvoirs de police ;
Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que le SYNDICAT NATIONAL DES INDUSTRIELS ET PROFESSIONNELS DE L’AVIATION GENERALE n’est pas fondé à demander l’annulation du décret du 28 septembre 1998 complétant le livre V du code de l’aviation civile ;
Sur les conclusions du SYNDICAT NATIONAL DES INDUSTRIELS ET PROFESSIONNELS DE L’AVIATION GENERALE et du ministre de l’équipement, des transports et du logement tendant au remboursement des frais non compris dans les dépens :
Considérant que les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrtive font obstacle à ce que l’Etat qui n’est pas, dans la présente instance, la partie perdante, soit condamné à payer au SYNDICAT NATIONAL DES INDUSTRIELS ET PROFESSIONNELS DE L’AVIATION GENERALE la somme qu’il demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
Considérant qu’il n’y a pas lieu, dans les circonstances de l’espèce, de faire application des dispositions de l’article L.761-1 du code précité et de condamner le SYNDICAT NATIONAL DES INDUSTRIELS ET PROFESSIONNELS DE L’AVIATION GENERALE à payer à l’Etat la somme de 20 000 F demandée par le ministre de l’équipement, des transports et du logement au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
Article 1er : La requête du SYNDICAT NATIONAL DES INDUSTRIELS ET PROFESSIONNELS DE L’AVIATION GENERALE est rejetée.
Article 2 : Les conclusions du ministre de l’équipement, des transports et du logement tendant à l’application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : La présente décision sera notifiée au SYNDICAT NATIONAL DES INDUSTRIELS ET PROFESSIONNELS DE L’AVIATION GENERALE, au Premier ministre et au ministre de l’équipement, des transports et du logement.