REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu 1°, sous le n° 289758, la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 1er février et 27 avril 2006 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présentés par l’ASSOCIATION CONVENTION VIE ET NATURE POUR UNE ECOLOGIE RADICALE, dont le siège est situé à Veyrines de Vergt (24390), représentée par son président en exercice et tendant à ce que le Conseil d’Etat :
1°) annule pour excès de pouvoir l’arrêté du 31 janvier 2006 du ministre de l’écologie et du développement durable modifiant l’arrêté du 17 janvier 2005 relatif aux dates de fermeture de la chasse aux oiseaux de passage et au gibier d’eau ;
2°) mettre à la charge de l’Etat la somme de 1 500 euros en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu 2° sous le n° 289797, la requête enregistrée le 2 février 2006 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présentée par la LIGUE POUR LA PROTECTION DES OISEAUX, représentée par son président, dont le siège est situé à La Corderie Royale, BP 263, à Rochefort Cedex (17305) et tendant à ce que le Conseil d’Etat :
1°) annule pour excès de pouvoir l’arrêté du 31 janvier 2006 du ministre de l’écologie et du développement durable modifiant l’arrêté du 17 janvier 2005 relatif aux dates de fermeture de la chasse aux oiseaux de passage et au gibier d’eau ;
2°) enjoigne au ministre de l’écologie et du développement durable de prendre un nouvel arrêté conforme à la décision du Conseil d’Etat, fixant une date pour la clôture de la chasse aux turdidés qui ne soit pas postérieure au 31 janvier, sous astreinte d’un million d’euros par jour de retard ;
3°) mette à la charge de l’Etat la somme de 10 000 euros en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu 3° sous le n° 289941, la requête enregistrée le 6 février 2006 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présentée pour la LIGUE POUR LA PRESERVATION DE LA FAUNE SAUVAGE ET LA DEFENSE DES NON-CHASSEURS, dite « ROC », représentée par son président, domicilié au siège situé 26, rue Pascal à Paris (75005) et tendant à ce que le Conseil d’Etat :
1°) annule pour excès de pouvoir l’arrêté du 31 janvier 2006 du ministre de l’écologie et du développement durable modifiant l’arrêté du 17 janvier 2005 relatif aux dates de fermeture de la chasse aux oiseaux de passage et au gibier d’eau ;
2°) mette à la charge de l’Etat la somme de 2 500 euros en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu 4° sous le n° 291796, la requête enregistrée le 29 mars 2006 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présentée par l’ASSOCIATION FRANCE NATURE ENVIRONNEMENT, représentée par Mme A, régulièrement habilitée à cet effet, domiciliée 57, rue Cuvier, Pavillon Chevreul à Paris (75231 Paris Cedex 05) et tendant à ce que le Conseil d’Etat :
1°) annule pour excès de pouvoir l’arrêté du 31 janvier 2006 du ministre de l’écologie et du développement durable modifiant l’arrêté du 17 janvier 2005 relatif aux dates de fermeture de la chasse aux oiseaux de passage et au gibier d’eau ;
2°) mette à la charge de l’Etat la somme de 1 500 euros en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu la Constitution du 4 octobre 1958, ainsi que la Charte de l’environnement de 2004 à laquelle se réfère son préambule ;
Vu la directive 79/409/CEE, du Conseil, du 2 avril 1979 ;
Vu le code de l’environnement ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
– le rapport de M. Bertrand Dacosta, Maître des Requêtes,
– les observations de la SCP Waquet, Farge, Hazan, avocat de la FEDERATION NATIONALE DES CHASSEURS et de la SCP Bore, Salve de Bruneton, avocat de la LIGUE POUR LA PRESERVATION DE LA FAUNE SAUVAGE ET LA DEFENSE DES NON-CHASSEURS ;
– les conclusions de M. Yann Aguila, Commissaire du gouvernement ;
Considérant que les requêtes de l’ASSOCIATION CONVENTION VIE ET NATURE POUR UNE ECOLOGIE RADICALE, de la LIGUE POUR LA PROTECTION DES OISEAUX, de la LIGUE POUR LA PRESERVATION DE LA FAUNE SAUVAGE ET LA DEFENSE DES NON-CHASSEURS et de l’ASSOCIATION « FRANCE NATURE ENVIRONNEMENT » sont dirigées contre le même arrêté du 31 janvier 2006 par lequel le ministre de l’écologie et du développement durable a modifié, en ce qui concerne les grives et le merle noir, son arrêté du 17 janvier 2005 relatif aux dates de fermeture de la chasse aux oiseaux de passage et au gibier d’eau ; qu’elles présentent à juger des questions semblables ; qu’il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision ;
Sur les interventions en défense présentées pour la fédération nationale des chasseurs :
Considérant que la Fédération nationale des chasseurs a intérêt au maintien de l’arrêté attaqué par les associations requérantes ; qu’ainsi ses interventions en défense sont recevables ;
Sur les conclusions des requêtes tendant à l’annulation de l’arrêté attaqué :
Considérant qu’aux termes de l’article 7, § 4, de la directive 79/409/CEE, du Conseil, du 2 avril 1979, concernant la conservation des oiseaux sauvages (directive « oiseaux »), les Etats membres veillent en particulier à ce que les espèces auxquelles s’applique la législation de la chasse ne soient pas chassées pendant la période nidicole ni pendant les différents stades de reproduction et de dépendance. Lorsqu’il s’agit d’espèces migratrices, ils veillent en particulier à ce que les espèces auxquelles s’applique la législation de la chasse ne soient pas chassées pendant leur période de reproduction et pendant leur trajet de retour vers leur lieu de nidification (…) ; que l’article L. 424-2 du code de l’environnement prévoit que : Nul ne peut chasser en dehors des périodes d’ouverture de la chasse fixées par l’autorité administrative selon des conditions déterminées par décret en Conseil d’Etat./ Les oiseaux ne peuvent être chassés ni pendant la période nidicole ni pendant les différents stades de reproduction et de dépendance. Les oiseaux migrateurs ne peuvent en outre être chassés pendant leur trajet de retour vers leur lieu de nidification (…) ; qu’il résulte notamment de ces dispositions, qui doivent être interprétées compte tenu des objectifs de la directive, tels qu’ils ont été explicités par la Cour de justice des Communautés européennes, que la protection prévue pour ces espèces, tant pour la période nidicole et les différents stades de reproduction et de dépendance que pour le trajet de retour des espèces migratrices vers leur lieu de nidification, doit être une protection complète, excluant des risques de confusion entre espèces différentes, et que la fixation de dates échelonnées en fonction des espèces ou en fonction des différentes parties du territoire n’est légalement possible que s’il peut être établi, au regard des données scientifiques et techniques disponibles, que cet échelonnement est compatible avec l’objectif de protection complète ; qu’à cet égard, la Cour de justice des Communautés européennes a notamment précisé que les méthodes de détermination des dates de la chasse aux oiseaux qui visent ou aboutissent à ce qu’un pourcentage donné des oiseaux d’une espèce échappent à cette protection ne sont pas conformes à l’article 7, §4, de la directive « oiseaux » ;
Considérant, en premier lieu, que l’arrêté attaqué autorise, dans tout ou partie de 17 départements méditerranéens, la prolongation de la chasse aux grives et au merle noir, au-delà du 10 février, date qui avait été retenue par l’arrêté du 17 janvier 2005 pour la clôture de la chasse à ces oiseaux, et jusqu’au 20 février, à condition qu’elle se pratique à poste fixe matérialisé de main d’homme ; qu’il ressort du rapprochement entre, d’une part, l’ensemble des données scientifiques actuellement disponibles, telles qu’elles ressortent en particulier des rapports des organismes compétents dans le domaine cynégétique et notamment du rapport n° 3 établi en novembre 2003 par l’Observatoire national de la faune sauvage et de ses habitats, dont les conclusions ont été précisées et discutées par les parties et, d’autre part, l’interprétation mentionnée ci-dessus de l’article 7, § 4, de la directive du 2 avril 1979, que la date retenue par l’arrêté ne méconnaît pas l’objectif de protection complète fixé par celle-ci ; que, par suite et en second lieu, elle ne saurait méconnaître le principe de précaution formulé dans la Charte de l’environnement ainsi qu’à l’article L. 110-1 du code de l’environnement ;
Considérant qu’il résulte de ce qui précède que les associations requérantes ne sont pas fondées à demander l’annulation de l’arrêté attaqué ; que leurs conclusions aux fins d’expertise et d’injonction ainsi que celles tendant au bénéfice de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent, par voie de conséquence, qu’être rejetées ; qu’enfin, la Fédération nationale des chasseurs n’ayant pas, en l’espèce, la qualité de partie à l’instance mais seulement celle d’intervenant, ses conclusions tendant au bénéfice de l’article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées ;
D E C I D E :
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Article 1er : Les interventions de la Fédération nationale des chasseurs sont admises.
Article 2 : Les requêtes de l’ASSOCIATION CONVENTION VIE ET NATURE POUR UNE ECOLOGIE RADICALE, de la LIGUE POUR LA PROTECTION DES OISEAUX, de la LIGUE POUR LA PRESERVATION DE LA FAUNE SAUVAGE ET LA DEFENSE DES NON-CHASSEURS et de l’ASSOCIATION « FRANCE NATURE ENVIRONNEMENT » sont rejetées.
Article 3 : Les conclusions de la FEDERATION NATIONALE DES CHASSEURS tendant à l’application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à l’ASSOCIATION CONVENTION VIE ET NATURE POUR UNE ECOLOGIE RADICALE, à la LIGUE POUR LA PROTECTION DES OISEAUX, à la LIGUE POUR LA PRESERVATION DE LA FAUNE SAUVAGE ET LA DEFENSE DES NON-CHASSEURS, à l’ASSOCIATION « FRANCE NATURE ENVIRONNEMENT », à la FEDERATION NATIONALE DES CHASSEURS et au ministre de l’écologie et du développement durable.