Vu la requête et le mémoire complémentaire, enregistrés le 4 février 2008 et le 5 mai 2008 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présentés pour la SOCIETE AIR FRANCE, dont le siège est 45 rue de Paris à Roissy Charles-de-Gaulle Cedex (95747) ; la SOCIETE AIR FRANCE demande au Conseil d’Etat :
1°) d’annuler la décision du 4 décembre 2007 par laquelle l’Autorité de contrôle des nuisances sonores aéroportuaires (ACNUSA) lui a infligé une amende administrative de 10 000 euros ;
2°) de mettre à la charge de l’Etat la somme de 1 000 euros en application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la note en délibéré, enregistrée le 18 mars 2009, présentée par l’Autorité de contrôle des nuisances sonores aéroportuaires ;
Vu le code de l’aviation civile ;
Vu l’arrêté du 6 novembre 2003 portant restriction d’exploitation nocturne de certains aéronefs dépassant un seuil de bruit au décollage ou à l’atterrissage sur l’aéroport de Paris-Charles-de-Gaulle ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
– le rapport de Mme Aude Ab-Der-Halden, chargée des fonctions de Maître des Requêtes,
– les observations de la SCP Célice, Blancpain, Soltner, avocat de la SOCIETE AIR FRANCE,
– les conclusions de M. Frédéric Lenica, Rapporteur public ;
– la parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Célice, Blancpain, Soltner, avocat de la SOCIETE AIR FRANCE ;
Considérant qu’aux termes de l’article L. 227-4 du code de l’aviation civile : Sur proposition de la Commission nationale de prévention des nuisances, l’Autorité de contrôle des nuisances sonores aéroportuaires prononce une amende administrative à l’encontre : – soit de la personne physique ou morale exerçant une activité de transport aérien public (…), dont l’aéronef ne respecte pas les mesures prises par le ministre chargé de l’aviation civile sur un aérodrome fixant (…) des restrictions permanentes ou temporaires d’usage de certains types d’aéronefs en fonction de la classification acoustique (…). / Les amendes administratives sont prononcées par l’autorité et ne peuvent excéder, par manquement constaté, un montant de 1 500 euros, pour une personne physique et de 20 000 euros pour une personne morale (…). / Elles peuvent faire l’objet d’un recours de pleine juridiction ; qu’aux termes de l’article 1-IV de l’arrêté du 6 novembre 2003 portant restriction d’exploitation nocturne de certains aéronefs dépassant un seuil de bruit au décollage ou à l’atterrissage sur l’aéroport de Paris-Charles-de-Gaulle : Les dispositions prévues au I et II de l’article 1er du présent arrêté ne font pas obstacle au décollage, à titre exceptionnel, des aéronefs suivants : / aéronefs en situation d’urgence tenant à des raisons de sécurité de vol et des personnes. ;
Considérant que l’Autorité de contrôle des nuisances sonores aéroportuaires (ACNUSA) a infligé à la SOCIETE AIR FRANCE une amende de 10 000 euros pour avoir méconnu les dispositions de l’article 1er de l’arrêté du 6 novembre 2003 susvisé selon lesquelles aucun aéronef dont le niveau de bruit est supérieur à la valeur de 99 EPNdB ne peut décoller de l’aérodrome de Paris-Charles-de-Gaulle entre 0 heure et 4 h 59, heures locales de départ de l’aire de stationnement ;
Considérant que si l’incident à l’origine du retard était lié à la nécessité de débarquer un passager en état d’ébriété, il ne présentait pas, en tout état de cause, de caractère irrésistible dès lors qu’il n’a pas par lui-même imposé le décollage de l’appareil ; qu’ainsi, il ne peut être regardé comme relevant d’un cas de force majeure justifiant l’exonération de toute sanction ; que la circonstance qu’à l’occasion d’une infraction à la même réglementation, l’ACNUSA ait décidé, à une période antérieure et alors que les faits étaient d’ailleurs différents, de ne pas prononcer de sanction à l’encontre de la compagnie, est sans incidence sur la légalité de la sanction contestée ; qu’enfin, la nécessité de débarquer un passager en état d’ébriété ne remplit pas les conditions du IV de l’article 1er de l’arrêté du 6 novembre 2003 susvisé qui permet, à titre exceptionnel, des décollages nocturnes ;
Considérant toutefois qu’il résulte de l’instruction que si la SOCIETE AIR FRANCE a failli aux obligations qui découlent pour elle des dispositions précitées du code de l’aviation civile et de l’arrêté du 6 novembre 2003, en faisant décoller un aéronef après le début de la plage horaire de nuit pendant laquelle les décollages sont interdits, ce dépassement, de vingt-trois minutes, trouve son origine dans la nécessité de débarquer un passager dont l’état d’ébriété ne s’était pas manifesté au moment de l’embarquement ; que, dans ces conditions, en infligeant une amende de 10 000 euros à la société requérante pour tenir compte de sa responsabilité de ne s’être pas assuré que les passagers embarqués n’étaient pas ivres, l’Autorité de contrôle des nuisances sonores aéroportuaires a pris une sanction disproportionnée à l’encontre de la requérante, alors qu’il ne résulte pas de l’instruction que l’état d’ivresse du passager en cause était perceptible avant l’embarquement ; qu’eu égard à l’atteinte portée à la tranquillité des riverains, à l’heure à laquelle l’aéronef a décollé et à l’origine du dépassement, il y a lieu de fixer la sanction pécuniaire infligée à la SOCIETE AIR FRANCE à un montant de 5 000 euros ;
Sur les conclusions tendant à l’application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la SOCIETE AIR FRANCE la somme que l’Autorité de contrôle des nuisances sonores aéroportuaires demande au titre des frais exposés par l’Etat et non compris dans les dépens ; qu’il y a lieu, en revanche, dans les circonstances de l’espèce, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de l’Etat le versement à la SOCIETE AIR FRANCE d’une somme de 1 000 euros au titre de ces dispositions ;
D E C I D E :
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Article 1er : La sanction prise le 4 décembre 2007 à l’encontre de la SOCIETE AIR FRANCE par l’Autorité de contrôle des nuisances sonores aéroportuaires est ramenée à 5 000 euros.
Article 2 : La décision de l’Autorité de contrôle des nuisances sonores aéroportuaires est modifiée en ce qu’elle a de contraire à la présente décision.
Article 3 : L’Etat versera à la SOCIETE AIR FRANCE une somme de 1 000 euros en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Les conclusions de l’Autorité de contrôle des nuisances sonores aéroportuaires tendant à l’application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à la SOCIETE AIR FRANCE, à l’Autorité de contrôle des nuisances sonores aéroportuaires et au ministre d’Etat, ministre de l’écologie, de l’énergie, du développement durable et de l’aménagement du territoire.