REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Texte intégral
Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 11 mai 1997 et 12 mai 1997 au secrétariat du Contentieux du Conseil d’Etat, présentés par M. Alain X…, demeurant … ; M. X… demande au Conseil d’Etat :
1°) d’annuler la décision du Conseil supérieur de l’audiovisuel du 7 mai 1997 relative aux conditions de production, de programmation et de diffusion des émissions relatives à la campagne en vue des élections législatives des 25 mai et 1er juin 1997 ;
2°) d’annuler la décision du Conseil supérieur de l’audiovisuel du 9 mai 1997 relative à l’ordre de diffusion des émissions de la campagne radiodiffusée et télévisée pour l’élection des députés (25 mai et 1er juin 1997) ;
3°) d’annuler la communication du président de la commission instituée par le décret n° 78-21 du 9 janvier 1978 modifié, en date du 7 mai 1997, arrêtant la liste des partis et groupements autorisés à utiliser les antennes du service public de radiodiffusion et de télévision pour la campagne en vue des élections législatives des 25 mai et 1er juin 1997, au titre de l’article L. 167-1, III, du code électoral ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la Constitution, notamment ses articles 4, 12 et 55 ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales en date du 4 novembre 1950 et son premier protocole additionnel ;
Vu le pacte international relatif aux droits civils et politiques en date du 19 décembre 1966 ;
Vu le code électoral, notamment son article L. 167-1 ;
Vu la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, modifiée notamment par la loi n° 89-25 du 17 janvier 1989 ;
Vu le décret n° 78-21 du 9 janvier 1978 fixant les conditions de participation à la campagne radiodiffusée et télévisée pour les élections législatives des partis et groupements définis au paragraphe III de l’article L. 167-1 du code électoral, modifiée par le décret n° 85-1128 du 20 novembre 1985 et par le décret n° 88-44 du 14 janvier 1988 ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
Vu l’ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
– le rapport de Mlle Fombeur, Auditeur,
– les conclusions de Mme Maugüé, Commissaire du gouvernement ;
Sur les fins de non-recevoir présentées par le ministre de l’intérieur :
Considérant que le requérant, dont la qualité d’électeur n’est pas contestée, a intérêt à demander l’annulation des décisions attaquées, qui ont pour objet de fixer les conditions de production, de programmation et de diffusion des émissions relatives à la campagne en vue des élections législatives, de déterminer l’ordre de diffusion des émissions de la campagne radiodiffusée et télévisée pour l’élection des députés et d’arrêter la liste des partis et groupements autorisés à utiliser les antennes du service public de radiodiffusion et de télévision pour la campagne en vue des élections législatives au titre de l’article L. 167-1, paragraphe III, du code électoral ; qu’il précise suffisamment les conclusions et moyens de sa requête ; que celle-ci est, par suite, recevable ;
Sur la légalité des décisions du Conseil supérieur de l’audiovisuel en date des 7 mai 1997, 9 mai 1997 et 13 mai 1997 :
Considérant qu’aux termes de l’article L. 167-1 du code électoral : « I- Les partis et groupements peuvent utiliser les antennes du service public de radiodiffusion et de télévision pour leur campagne en vue des élections législatives. Chaque émission est diffusée par les sociétés nationales de télévision et de radiodiffusion sonore. Cette diffusion s’effectue simultanément sur les antennes des sociétés nationales de télévision. II- Pour le premier tour de scrutin, une durée d’émission de trois heures est mise à la disposition des partis et groupements représentés par des groupes parlementaires de l’Assemblée nationale … Cette durée est divisée en deux séries égales, l’une étant affectée aux groupes qui appartiennent à la majorité, l’autreà ceux qui ne lui appartiennent pas. Les émissions précédant le deuxième tour de scrutin ont une durée d’une heure trente … » ; que selon le premier alinéa du paragraphe III de l’article L. 167-1 : « Tout parti ou groupement présentant au premier tour de scrutin soixante-quinze candidats au moins a accès aux antennes de la radiodiffusion-télévision française pour une durée de sept minutes au premier tour et de cinq minutes au second, dès lors qu’aucun de ses candidats n’appartient à l’un des groupements ou partis bénéficiaires d’émissions au titre du paragraphe II … » ; qu’en vertu du paragraphe IV de l’article L. 167-1 du code précité, rapproché des dispositions de l’article 16 de la loi du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication telle qu’elle a été modifiée par la loi n° 89-25 du 17 janvier 1989, il revient au Conseil supérieur de l’audiovisuel de fixer les conditions de production, de programmation et de diffusion des émissions ;
Considérant que ces dispositions législatives ne sont incompatibles ni avec les stipulations des articles 10 et 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, relatifs à la liberté d’expression et à la jouissance des droits et libertés reconnus dans la convention sans distinction aucune, ni avec celles de l’article 3 du premier protocole additionnel à ladite convention selon lequel les Etats s’engagent à organiser des élections libres, ni avec les stipulations des articles 19 et 25 du pacte international relatif aux droits civils et politiques, relatives à la liberté d’expression et au droit de tout citoyen de prendre part à la direction des affaires publiques ainsi que de voter et d’être élu ;
Considérant que si pour les durées d’émission qu’il fixe l’article L. 167-1 du code électoral prévoit une « mise à la disposition » des antennes du service public au profit des partis et groupements mentionnées dans son paragraphe II et « un accès aux antennes » pour tout parti ou groupement entrant dans le champ des prévisions de son paragraphe III, le droit ainsi reconnu ne fait pas obstacle à ce que le Conseil supérieur de l’audiovisuel, agissant sur le fondement des dispositions combinées du paragraphe IV de cet article et de l’article 16 de la loi susvisée du 30 septembre 1986, puisse, compte tenu notamment des contraintes techniques liées à la programmation d’un nombre élevé d’émissions rendue nécessaire par la multiplication des formations non représentées au Parlement, inclure dans la programmation propre à chaque parti ou groupement une part limitée de rediffusions, dès lors que, comme cela ressort des décisions attaquées, les modalités adoptées ne créent pas de rupture d’égalité entre les partis et groupements respectivement visés par les paragraphes II et III de l’article L. 167-1 du code électoral et ne sont pas de nature à entraver la libre expression des courants de pensée et d’opinion ;
Considérant toutefois qu’il résulte des termes mêmes du paragraphe I de l’article L. 167-1 du code électoral que la diffusion des émissions doit s’effectuer « simultanément sur les antennes des sociétés nationales de télévision » ; que ces prescriptions qui sont issues de l’article 22-V de la loi n° 85-1317 du 13 décembre 1985 n’ont, en ce qu’elles visent les sociétés nationales de programme participant au secteur public de la communication audiovisuelle, pas été abrogées par la loi du 30 septembre 1986 susvisée ; que leur respect s’impose par suite au Conseil supérieur de l’audiovisuel dans l’exercice de la compétence qu’il tient de la loi ; qu’il suit de là qu’en fixant des horaires différents pour les émissions programmées sur « France 2 » et sur « France 3 », la décision du 7 mai 1997 relative aux conditions de production, de programmation et de diffusion des émissions est entachée sur ce point d’illégalité ; qu’il y a lieu, pour ce motif, de prononcer l’annulation de ses articles 13 et 14 ; que cette annulation entraîne par voie de conséquence celle des dispositions de la décision du 9 mai 1997 en tant qu’elle fixe pour les émissions télévisées prévues au titre de l’article L. 167-1 du code électoral des diffusions non simultanées pour « France 2 » et pour « France 3 » ; qu’en revanche, elle est sans influence sur la légalité des autres dispositions de la décision du9 mai 1997 et sur celles de la décision rectificative du 13 mai 1997 ;
Considérant que si le requérant fait valoir en outre que la décision du 9 mai 1997 ferait bénéficier le parti « Les Verts » d’un temps d’antenne de huit minutes pour la campagne en vue du premier tour, supérieur à la durée de sept minutes applicable en vertu du paragraphe III de l’article L. 167-1, il résulte de la décision rectificative publiée au Journal Officiel du 14 mai 1997 que le temps d’antenne accordé à ce groupement et réparti sur deux émissions est en réalité de sept minutes ; que le moyen ainsi invoqué ne peut dès lors qu’être écarté ;
Sur la légalité de la décision de la commission chargée d’arrêter la liste des partis ou groupements habilités, au titre de l’article L. 167-1, paragraphe III, du code électoral, à utiliser les antennes de radiodiffusion-télévision française pour les émission de propagande en vue des élections législatives :
Considérant qu’il résulte du second alinéa du paragraphe III de l’article L. 167-1 du code électoral que les partis ou groupements qui entrent dans le champ des prévisions du premier alinéa dudit paragraphe doivent faire l’objet d’une habilitation dans des conditions fixées par décret ; que le décret n° 78-21 du 9 janvier 1978 modifié, qui a été pris sur ce fondement, donne compétence à la commission instituée par son article 1er pour vérifier que chacune des formations ayant formulé une demande en vue de bénéficier, pour la propagande électorale, des durées d’émission fixées au paragraphe III de l’article L. 167-1, satisfait aux conditions posées par ce dernier texte ;
Considérant que l’annulation des articles 13 et 14 de la décision du 7 mai 1997 et l’annulation partielle de la décision du 9 mai 1997 du Conseil supérieur de l’audiovisuel sont sans influence sur la légalité de la décision de la commission chargée d’arrêter la liste des partis ou groupements habilités à utiliser les antennes de radiodiffusion-télévision française en date du 7 mai 1997 ; que, par suite, les conclusions de la requête dirigées contre cette décision doivent être rejetées ;
Sur les conclusions du ministre de l’intérieur tendant à ce que le Conseil d’Etat inflige une amende pour recours abusif à M. X… :
Considérant que des conclusions ayant un tel objet ne sont pas recevables ;
Sur les conclusions du ministre de l’intérieur tendant à l’application des dispositions de l’article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 :
Considérant que les dispositions de cet article font obstacle à ce que M. X…, qui n’est pas dans la présente instance la partie perdante, soit condamné à verser la somme que le ministre de l’intérieur demande au titre des frais exposés par l’Etat et non compris dans les dépens ;
Article 1er : Sont annulés les articles 13 et 14 de la décision du Conseil supérieur de l’audiovisuel du 7 mai 1997 relative aux conditions de production, de programmation et de diffusion des émissions relatives à la campagne en vue des élections législatives des 25 mai et 1er juin 1997 et la décision du Conseil supérieur de l’audiovisuel du 9 mai 1997 relative à l’ordre de diffusion des émissions de la campagne radiodiffuée et télévisée pour l’élection des députés en tant qu’elle fixe pour les émissions télévisées prévues au titre de l’article L. 167-1 du code électoral des diffusions non simultanées pour « France 2 » et pour « France 3 ».
Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de M. X… est rejeté.
Article 3 : Les conclusions du ministre de l’intérieur sont rejetées.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. Alain X…, au Premier ministre, au ministre de l’intérieur et au Conseil supérieur de l’audiovisuel.