REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu le mémoire, enregistré le 14 mars 2012 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présenté par le GFA FIELOUSE-CARDET, dont le siège est Mas Fiélouse, Le Sambuc, à Arles (13200), représenté par son gérant en exercice, en application de l’article 23-5 de l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ; il demande au Conseil d’Etat, à l’appui de sa requête tendant à l’annulation pour excès de pouvoir de la décision par laquelle le ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l’Etat, porte-parole du Gouvernement a implicitement rejeté le 20 novembre 2011 sa demande tendant à l’abrogation de l’instruction fiscale publiée au bulletin officiel des contributions directes 2ème partie, 1954, n°10, p. 522, de renvoyer au Conseil constitutionnel la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution du I de l’article 23 de la loi n° 64-1278 du 23 décembre 1964 de finances rectificative pour 1964 ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la Constitution, notamment son Préambule et son article 61-1 ;
Vu l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu l’article 23 de la loi n° 64-1278 du 23 décembre 1964 ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
– le rapport de M. Maxime Boutron, Auditeur,
– les conclusions de Mme Nathalie Escaut, rapporteur public ;
Considérant qu’aux termes du premier alinéa de l’article 23-5 de l’ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel : » Le moyen tiré de ce qu’une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution peut être soulevé (…) à l’occasion d’une instance devant le Conseil d’Etat (…) » ; qu’il résulte des dispositions de ce même article que le Conseil constitutionnel est saisi de la question prioritaire de constitutionnalité à la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu’elle n’ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d’une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances, et que la question soit nouvelle ou présente un caractère sérieux ;
Considérant qu’aux termes du I de l’article 23 de la loi du 23 décembre 1964 de finances rectificative pour 1964 : » Les tarifs d’évaluation des propriétés non bâties qui ont été établis, en vue de l’incorporation dans les rôles de 1963 des résultats de la première révision quinquennale ou, dans les rôles de 1964 et 1965 des résultats de la rénovation du cadastre soit par l’administration en accord avec la commission communale des impôts directs, soit enfin par la commission centrale permanente des impôts directs statuant dans les conditions prévues aux articles 1409 et 1410 du code général des impôts, sont validés. Sous réserve des voies de recours ouvertes par les articles 1415 et 1416 du même code, est également validé le classement des parcelles par nature de culture et par classes prévues auxdits tarifs » ;
Considérant que le groupement foncier agricole (GFA) FIELOUSE-CARDET demande au Conseil d’Etat de renvoyer au Conseil constitutionnel la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution de ces dispositions législatives, dont il soutient qu’elles sont applicables au litige tendant à l’annulation pour excès de pouvoir du rejet implicite opposé à sa demande tendant à l’abrogation de l’instruction fiscale rendue publique en 1954 et selon laquelle : » en ce qui concerne l’assiette de la contribution foncière des propriétés non bâties les dépenses correspondant au paiement des taxes syndicales sont considérées comme couvertes en principe par l’abattement de 20 % prévu par l’article 1402 du code général des impôts pour la détermination du revenu net imposable » ; que cet abattement de 20 % est aujourd’hui mentionné à l’article 1396 du code général des impôts ;
Considérant, en premier lieu, que le GFA soutient que la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution du I de l’article 23 de la loi du 23 décembre 1964 présente un caractère nouveau en ce que cette disposition méconnaîtrait un principe fondamental reconnu par les lois de la République d’où il résulterait, selon lui, que l’imposition foncière doit être établie sur des bases nettes, principe que le Conseil constitutionnel n’a pas encore expressément reconnu ;
Considérant cependant que le principe invoqué, qui n’intéresse pas un domaine essentiel pour la vie de la Nation, ne figure dans aucune loi intervenue sous un régime républicain antérieur à la Constitution du 27 octobre 1946 ; que, dès lors, il ne saurait être regardé comme ayant le caractère d’un principe fondamental reconnu par les lois de la République ; qu’ainsi il ne peut être sérieusement soutenu que la question soulevée serait nouvelle au sens et pour l’application des dispositions de l’article 23-5 de l’ordonnance du 7 novembre 1958 et devrait, de ce fait, être renvoyée au Conseil constitutionnel ;
Considérant que, par suite, le requérant ne peut utilement soutenir que la question de la conformité du I de l’article 23 de la loi du 23 décembre 1964 au principe dont il se prévaut présenterait un caractère sérieux ;
Considérant, en deuxième lieu, que, selon le requérant, les dispositions critiquées ont pour effet de donner valeur législative à l’instruction fiscale de 1954, portant ainsi atteinte au droit à un recours effectif ; que toutefois, ces dispositions, qui ne privent, par elles-mêmes, les contribuables assujettis à la taxe foncière sur les propriétés bâties d’aucun droit à contester leurs impositions devant le juge, ne méconnaissent pas l’article 16 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 ;
Considérant, en troisième lieu, que ces dispositions législatives, qui ne prévoient pas la déduction des charges couvertes par les taxes syndicales pour l’ensemble des propriétaires fonciers assujettis à la taxe foncière sur les propriétés non bâties, n’instituent aucune différence de traitement entre les propriétaires fonciers selon que leurs terres sont ou non incluses dans le périmètre d’une association syndicale autorisée ; que, si le requérant soutient également que ces dispositions soumettent le propriétaire dont les terres se situent dans le périmètre d’une association syndicale autorisée à une charge excessive au regard de ses capacités contributives, eu égard à l’importance des charges de ces associations, la taxe foncière sur les propriétés non bâties résulte de la détention par le contribuable d’une propriété et n’est pas attachée au montant des revenus nets fonciers que ce contribuable en retire, le cas échéant ; que, dès lors, et à supposer que les dispositions contestées aient la portée que leur donne le requérant, il ne peut être sérieusement soutenu qu’elles méconnaissent le principe d’égalité devant l’impôt et devant les charges publiques ;
Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que la question de constitutionnalité soulevée, qui n’est pas nouvelle, ne présente pas un caractère sérieux ; qu’ainsi, sans qu’il soit besoin de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité invoquée, le moyen tiré de ce que les dispositions du I de l’article 23 de la loi du 23 décembre 1964 porteraient atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution doit être écarté ;
D E C I D E :
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Article 1er : Il n’y a pas lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par le GFA FIELOUSE-CARDET.
Article 2 : La présente décision sera notifiée au GFA FIELOUSE-CARDET, au Premier ministre et au ministre de l’économie, des finances et du commerce extérieur.
Copie en sera adressée au Conseil constitutionnel.