REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu 1°, sous le n° 357839, la requête et les mémoires complémentaires, enregistrés les 23 mars, 18 mai, 4 juin et 2 juillet 2012 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présentés par l’association France Nature Environnement, dont le siège est au 10, rue Barbier au Mans (72000), représentée par M. B…A…, administrateur, et par l’association Agir pour les paysages, dont le siège est 22, rue Meyrueis à Montpellier (34000), représentée par son président en exercice ; les requérantes demandent au Conseil d’Etat :
1°) d’annuler pour excès de pouvoir le décret n° 2012-118 du 30 janvier 2012 relatif à la publicité extérieure, aux enseignes et aux préenseignes ;
2°) de mettre à la charge de l’Etat le versement d’une somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu 2°, sous le n° 358128, la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 30 mars 2012 et 18 mai 2012 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présentés pour la société CBS Outdoor, représentée par son président-directeur général en exercice, dont le siège est situé Bord de Seine I, 3, esplanade du Foncet à Issy-les-Moulineaux (92130) ; la société CBS Outdoor demande au Conseil d’Etat :
1°) d’annuler pour excès de pouvoir le I de l’article 8 du décret n° 2012-118 du 30 janvier 2012 relatif à la publicité extérieure, aux enseignes et aux préenseignes modifiant l’article R. 581-35 du code de l’environnement ;
2°) de mettre à la charge de l’Etat le versement d’une somme de 4 000 euros sur le fondement des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;
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Vu 3°, sous le n° 358234, la requête, enregistrée le 2 avril 2012 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présentée par l’association Paysages de France, dont le siège est 5, place Bir-Hakeim à Grenoble (38000), représenté par son président en exercice ; l’association Paysages de France demande au Conseil d’Etat :
1°) d’annuler pour excès de pouvoir le même décret ;
2°) de mettre à la charge de l’Etat le versement d’une somme de 2 500 euros sur le fondement des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;
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Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu la note en délibéré, enregistrée le 15 novembre 2013, présentée pour la société CBS Outdoor ;
Vu la Constitution, notamment son Préambule et son article 62 ;
Vu le code général des collectivités territoriales ;
Vu le code de commerce ;
Vu le code de l’environnement ;
Vu la loi n° 2010-788 du 12 juillet 2010 ;
Vu la loi n° 2012-387 du 22 mars 2012 ;
Vu le décret n° 2012-948 du 1er août 2012 ;
Vu la décision n° 2012-282 QPC du 23 novembre 2012 du Conseil constitutionnel ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
– le rapport de Mme Sophie-Caroline de Margerie, Conseiller d’Etat,
– les conclusions de Mme Béatrice Bourgeois-Machureau, Rapporteur public ;
1. Considérant que la requête de l’association France Nature Environnement et l’association Agir pour les paysages, celle de l’association Paysages de France et celle de la société CBS Outdoor tendent à l’annulation pour excès de pouvoir de dispositions résultant du même décret du 30 janvier 2012 relatif à la publicité extérieure, aux enseignes et aux préenseignes ; qu’il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision ;
Sur les conclusions à fin de non-lieu :
2. Considérant, d’une part, que si le décret attaqué du 30 janvier 2012 avait, après avoir par l’effet de son article 2 transféré l’article R. 581-59 du code de l’environnement à R. 581-64 et modifié cet article R. 581-64 par le VII de son article 12 en remplaçant les termes » le long de chaque voie » par » sur chacune des voies » et les mots » l’immeuble où » par » l’immeuble dans lequel « , le décret du 1er août 2012 portant modification du code de l’environnement dans sa rédaction issue du décret n° 2012-118 du 30 janvier 2012 a rétabli les rédactions antérieures ; qu’il est constant que les dispositions critiquées de l’article R. 581-64 issues du décret attaqué n’ont pas produit d’effet entre l’entrée en vigueur, le 1er juillet 2012, des dispositions des articles 2 à 16 du décret du 30 janvier 2012 et l’entrée en vigueur du décret modificatif du 1er août 2012 ; que, par suite, les conclusions des requêtes en tant qu’elles tendent à l’annulation de l’article R. 581-64 du code de l’environnement issu du décret attaqué sont devenues sans objet ;
3. Considérant, d’autre part, que la référence erronée affectant l’article R. 581-65 du code de l’environnement, continuant de renvoyer à tort à l’article R. 581-59 alors que cette référence aurait dû être modifiée en fonction de la renumérotation des articles à laquelle a procédé l’article 2 du décret attaqué, a été corrigée par le III de l’article 1er du décret du 1er août 2012 ; que cette correction est intervenue alors que les dispositions critiquées du décret attaqué n’ont pu recevoir application, compte tenu de leur entrée en vigueur différée au 1er juillet 2012 et de la suspension, à compter de cette date, de leur exécution par l’effet de l’ordonnance du juge des référés du Conseil d’Etat prise le 8 juin 2012 ; que, par suite, les conclusions des requêtes tendant à l’annulation de l’article R. 581-65 du code de l’environnement issu du décret attaqué en tant qu’il comporte une référence erronée à l’article R. 581-59 sont devenues sans objet ;
Sur la légalité externe :
En ce qui concerne la participation du public :
4. Considérant qu’aux termes de l’article 7 de la Charte de l’environnement : » Toute personne a le droit, dans les conditions et les limites définies par la loi, d’accéder aux informations relatives à l’environnement détenues par les autorités publiques et de participer à l’élaboration des décisions publiques ayant une incidence sur l’environnement » ; qu’aux termes de l’article L. 120-1 du code de l’environnement, dans sa rédaction issue de la loi du 10 juillet 2010 portant engagement national pour l’environnement : » Le présent article définit les conditions et limites dans lesquelles le principe de participation du public défini à l’article 7 de la Charte de l’environnement est applicable aux décisions réglementaires de l’Etat et de ses établissements publics. I. – Sauf disposition particulière relative à la participation du public prévue par le présent code ou par la législation qui leur est applicable, les décisions réglementaires de l’Etat et de ses établissements publics sont soumises à participation du public lorsqu’elles ont une incidence directe et significative sur l’environnement. Elles font l’objet soit d’une publication préalable du projet de décision par la voie électronique dans des conditions permettant au public de formuler des observations, selon les modalités fixées par le II, soit d’une publication du projet de décision avant la saisine d’un organisme consultatif comportant des représentants des catégories de personnes concernées par la décision en cause, selon les modalités fixées par le III. / II. Le projet de décision, accompagné d’une note de présentation, est rendu accessible au public pendant une durée minimale de quinze jours francs. Le public est informé de la date jusqu’à laquelle les observations présentées sur le projet seront reçues. Le projet ne peut être définitivement adopté avant l’expiration d’un délai de deux jours francs à compter de cette date (…) » ;
5. Considérant, en premier lieu, que si, par sa décision n° 2012-282 QPC du 23 novembre 2012, le Conseil constitutionnel a déclaré l’article L. 120-1 du code de l’environnement, dans sa rédaction issue de la loi du 10 juillet 2010, contraire à la Constitution, il a différé au 1er septembre 2013 l’effet de la déclaration d’inconstitutionnalité et précisé que les décisions prises, avant cette date, en application des dispositions déclarées inconstitutionnelles ne peuvent être contestées sur le fondement de cette inconstitutionnalité ; que, par suite, alors même que les associations requérantes sont les auteurs de la question prioritaire de constitutionnalité, la déclaration d’inconstitutionnalité de l’article L. 120-1 du code de l’environnement est sans incidence sur l’appréciation de la légalité du décret attaqué du 30 janvier 2012 ;
6. Considérant, en deuxième lieu, que les dispositions de l’article L. 120-1 du code de l’environnement ont été prises afin de préciser les conditions et limites dans lesquelles le principe de participation du public défini à l’article 7 de la Charte de l’environnement est applicable aux décisions réglementaires de l’Etat et de ses établissements publics ; que, par suite, les associations requérantes ne sont pas fondées à se prévaloir, pour soutenir que le principe de participation aurait été méconnu lors de l’adoption du décret attaqué, d’un moyen fondé directement sur les dispositions de l’article 7 de la Charte de l’environnement ;
7. Considérant, en troisième lieu, que si les dispositions de l’article L. 120-1 du code de l’environnement, tel qu’applicable en l’espèce, impliquent, afin de permettre à toute personne qui entend le faire, de participer à l’élaboration des décisions publiques ayant une incidence sur l’environnement, que les projets d’acte réglementaire de l’Etat ayant une incidence directe et significative sur l’environnement fassent l’objet soit d’une publication préalable permettant au public de formuler des observations, soit d’une publication avant la saisine d’un organisme consultatif comportant des représentants des catégories de personnes concernées, elles ne font pas obligation de procéder à une nouvelle publication pour recueillir de nouvelles observations sur les modifications qui sont ultérieurement apportées au projet de décision au cours de son élaboration, sauf à ce que les modifications apportées aient pour effet de dénaturer le projet sur lequel avaient été initialement recueillies les observations du public ;
8. Considérant qu’il ressort des pièces du dossier que le projet de décret a été publié selon les modalités prévues par le II de l’article L. 120-1 du code de l’environnement en vue de permettre au public de formuler des observations ; que si des modifications ont été ultérieurement apportées à plusieurs dispositions de ce projet, en ce qui concerne notamment la règle de densité et les lieux d’implantation des dispositifs publicitaires, les modalités de l’extinction des publicités lumineuses et leur encadrement, le format des bâches publicitaires, ces modifications n’ont pas présenté une ampleur telle qu’elles auraient dénaturé le projet au vu duquel le public a pu formuler ses observations ; que, par suite, le moyen tiré de ce que le décret serait entaché d’irrégularité, faute d’avoir fait l’objet d’une seconde publication pour permettre le recueil de nouvelles observations du public doit être écarté ;
En ce qui concerne la consultation de la commission consultative d’évaluation des normes :
9. Considérant qu’aux termes du deuxième alinéa de l’article L. 1211-4-2 du code général des collectivités territoriales, la commission consultative d’évaluation des normes » est consultée préalablement à leur adoption sur l’impact financier, qu’il soit positif, négatif ou neutre, des mesures réglementaires créant ou modifiant des normes à caractère obligatoire concernant les collectivités territoriales, leurs groupements et leurs établissements publics » ; qu’aux termes du second alinéa de l’article R. 1213-4 du même code : » A titre exceptionnel et sur demande du Premier ministre, le délai imparti à la commission pour donner son avis est ramené à soixante-douze heures » ; qu’il ressort des pièces du dossier que le secrétaire général du Gouvernement, agissant par délégation du Premier ministre, a demandé, par lettre du 18 janvier 2012, la mise en oeuvre de ces dispositions ; que la commission a délibéré du projet de décret dans sa séance du 20 janvier 2012 et a émis un avis favorable ;
10. Considérant, d’une part, qu’il ressort des pièces du dossier que la procédure prévue à l’article R. 1213-4 a ainsi été régulièrement mise en oeuvre, sans que le caractère exceptionnel du recours à cette procédure puisse être utilement contesté à l’appui d’un recours pour excès de pouvoir ;
11. Considérant, d’autre part, que si l’article R. 1213-6 du code général des collectivités territoriales prévoit que la commission consultative d’évaluation des normes établit son règlement intérieur, aucune disposition législative ou réglementaire ne renvoie à ce règlement intérieur le soin de fixer les règles selon lesquelles la commission est consultée par le Gouvernement ; que, par suite, le moyen tiré de ce que le ministre ou son représentant n’aurait pas rapporté le texte devant la commission, en méconnaissance de l’article 9 du règlement intérieur, ne peut être utilement invoqué devant le juge de l’excès de pouvoir ;
12. Considérant, enfin, que conformément au dernier alinéa de l’article R. 1213-5 du code général des collectivités territoriales, il a été dressé un procès-verbal de la séance, signé de son président et comportant l’avis favorable de la commission assorti de recommandations ; qu’aucune disposition n’impose que la teneur des débats de la commission soit transcrite au procès-verbal ;
13. Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que le moyen de la société CBS Outdoor, formulé à l’appui de ses conclusions dirigées contre le I de l’article 8 du décret attaqué et tiré de ce que l’avis de la commission consultative d’évaluation des normes aurait été rendu au terme d’une procédure irrégulière, doit être écarté ;
En ce qui concerne la consultation du Conseil d’Etat :
14. Considérant que, lorsqu’un décret doit être pris en Conseil d’Etat, le texte retenu par le Gouvernement ne peut être différent à la fois du projet qu’il avait soumis au Conseil d’Etat et du texte adopté par ce dernier ; que si la société CBS Outdoor soutient que le texte du I de l’article 8 du décret attaqué, qui modifie l’article R. 581-35 du code de l’environnement, différerait du projet de décret soumis au Conseil d’Etat et du texte adopté par le Conseil, il ressort des pièces produites au dossier par le ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie que le texte publié ne diffère pas du texte adopté par le Conseil d’Etat ;
Sur la légalité interne :
En ce qui concerne l’intelligibilité du décret attaqué :
15. Considérant que les associations requérantes soutiennent que le décret, en raison de nombreuses erreurs ou malfaçons, est inintelligible ;
16. Considérant, d’une part, qu’il est vrai que, comme le relèvent les associations requérantes, le III de l’article 12 du décret attaqué prescrit d’insérer au premier alinéa de l’article R. 581-60, tel qu’issu de la renumérotation résultant de l’article 2 du décret, les mots » , ni le cas échéant, dépasser les limites de l’égout du toit. » après les mots » plus de 0,50 mètre « , alors que l’article R. 581-60 fait mention des mots » 0,25 mètre » ; qu’il ne fait toutefois pas de doute que les mots ajoutés par le III de l’article 12 doivent être insérés après les mots » 0,25 mètre » ;
17. Considérant qu’en l’absence de doute sur la place et la portée de l’insertion prévue par le III de l’article 12, il y a lieu pour le Conseil d’Etat, afin de donner le meilleur effet à sa décision, non pas d’annuler les dispositions erronées de cet article, mais de conférer aux dispositions insérées au code de l’environnement leur exacte portée et de prévoir que le texte ainsi rétabli sera rendu opposable par des mesures de publicité appropriées, en rectifiant l’erreur matérielle commise et en prévoyant la publication au Journal officiel d’un extrait de sa décision ;
18. Considérant, d’autre part, que plusieurs des autres malfaçons rédactionnelles entachant le décret attaqué, relevées par les requêtes, ont été corrigées par un rectificatif publié au Journal officiel du 21 avril 2012 ; que si toutes les imperfections du texte n’ont pas été corrigées, celles qui subsistent ne sont pas de nature à rendre le décret inintelligible ; qu’en particulier, la circonstance que l’article R. 581-66, issu de la renumérotation résultant de l’article 2 du décret attaqué, fasse référence à un » ensemble multicommunal » et non à une » unité urbaine » ne rend pas inintelligible la règle fixée par cet article ;
En ce qui concerne la constitutionnalité des articles L. 581-9, L. 581-14-2 et L. 581-18 du code de l’environnement :
19. Considérant que, par sa décision n° 2012-282 QPC du 23 novembre 2012, le Conseil constitutionnel a déclaré conformes à la Constitution les dispositions des deuxième et troisième alinéas de l’article L. 581-9 du code de l’environnement, sous la réserve que ces dispositions n’aient pas pour objet et ne puissent avoir pour effet de conférer à l’autorité administrative, saisie sur leur fondement d’une demande d’autorisation, le pouvoir d’exercer un contrôle préalable sur le contenu des messages publicitaires qu’il est envisagé d’afficher, ainsi que celles de l’article L. 581-14-2 et du premier alinéa de l’article L. 581-18, dans leur rédaction applicable à la date d’intervention du décret attaqué ; que, par suite, le moyen tiré de ce que le décret attaqué aurait pour fondement des dispositions législatives contraires aux droits et libertés garantis par la Constitution ne peut qu’être écarté ;
En ce qui concerne le dépôt de la déclaration préalable des dispositifs ou matériels publicitaires :
20. Considérant que l’article L. 581-6 du code de l’environnement soumet à déclaration préalable l’installation, le remplacement ou la modification des dispositifs ou matériels qui supportent de la publicité ; que si cet article mentionne que cette déclaration est faite » auprès du maire et du préfet « , il n’a pas pour autant institué une double obligation de déclaration auprès de deux autorités différentes, mais a entendu renvoyer à celle de ces autorités qui s’avère, dans chaque cas, compétente ; que l’article L. 581-14-2 précise que les compétences en matière de police de la publicité sont, en règle générale, exercées par le préfet, mais qu’elles sont dévolues au maire agissant au nom de la commune s’il existe un règlement local de publicité ; que, dès lors, en renvoyant, aux articles R. 581-6 et R. 581-8, à » l’autorité compétente en matière de police en vertu de l’article L. 581-14-2 « , le décret attaqué n’a pas méconnu les dispositions de l’article L. 581-6 ;
En ce qui concerne les dispositions relatives à la publicité dans l’emprise des gares et aéroports :
21. Considérant que si l’article L. 581-7 du code de l’environnement interdit en principe la publicité en dehors des agglomérations, il l’autorise à l’intérieur de l’emprise des aéroports et des gares ferroviaires selon des prescriptions fixées par décret en Conseil d’Etat ; qu’il n’appartenait pas au décret de modifier le champ d’application de la dérogation ainsi prévue par le législateur en précisant la portée de la notion d’emprise retenue par la loi, laquelle, au demeurant, répond à une définition précise ;
En ce qui concerne les prescriptions fixées par le décret attaqué en matière de publicité non lumineuse :
22. Considérant que le droit reconnu à chacun par l’article L. 581-1 du code de l’environnement » d’exprimer et de diffuser informations et idées, quelle qu’en soit la nature, par le moyen de la publicité, d’enseignes et de préenseignes » s’exerce dans le cadre des règles édictées en vertu des dispositions législatives du code de l’environnement afin d’assurer, conformément à l’article L. 581-2, » la protection du cadre de vie » ;
23. Considérant que l’article L. 581-9, dans sa rédaction applicable à la date du décret du 30 janvier 2012, résultant de la loi du 12 juillet 2010, admet la publicité à l’intérieur des agglomérations mais la soumet à des prescriptions » notamment en matière d’emplacements, de densité, de surface, de hauteur, d’entretien et, pour la publicité lumineuse, d’économies d’énergie et de prévention des nuisances lumineuses » et renvoie à un décret en Conseil d’Etat le soin de fixer ces prescriptions » en fonction des procédés, des dispositifs utilisés, des caractéristiques des supports et de l’importance des agglomérations concernées » ;
24. Considérant que, s’agissant de l’installation et de l’entretien des enseignes, le premier alinéa de l’article L. 581-18 renvoie également à un décret en Conseil d’Etat le soin de fixer les prescriptions générales applicables » en fonction des procédés utilisés, de la nature des activités ainsi que des caractéristiques des immeubles où ces activités s’exercent et du caractère des lieux où ces immeubles sont situés » ;
25. Considérant qu’il appartient ainsi au décret en Conseil d’Etat de fixer les prescriptions applicables, sans pouvoir apporter à la liberté de la publicité garantie par l’article L. 581-1 des limitations excédant celles qui sont nécessaires, en vertu de l’habilitation donnée par le législateur, pour assurer la protection du cadre de vie en milieu urbain, qui comporte notamment la protection de la santé publique et de l’esthétique ;
S’agissant de la règle de densité des dispositifs publicitaires :
26. Considérant que l’article R. 581-25 résultant du décret attaqué, qui s’applique à tous les dispositifs publicitaires, a limité, en principe et sous réserve des exceptions qu’il prévoit, l’installation de dispositifs publicitaires à un seul dispositif sur les unités foncières dont le côté sur la voie publique a une longueur inférieure à 80 mètres et à un dispositif par tranche de 80 mètres pour les unités foncières dont la longueur est supérieure à 80 mètres ; qu’il a retenu des règles d’implantation similaires sur le domaine public au droit des unités foncières, selon la longueur du côté de ces unités foncières sur la voie publique ;
27. Considérant que si les exceptions ménagées par l’article R. 581-25 sont de nature à augmenter sensiblement la densité des dispositifs publicitaires susceptibles d’être installés, en permettant d’installer soit deux dispositifs alignés horizontalement ou verticalement sur un mur support, soit deux dispositifs scellés au sol sur les unités foncières d’une longueur supérieure à 40 mètres, le pouvoir réglementaire pouvait, sans illégalité, aménager la règle de densité qu’il fixait en lui apportant des exceptions ; qu’en adoptant l’article R. 581-25, dont les règles sont plus contraignantes que celles résultant de la réglementation antérieure, le pouvoir réglementaire, qui a entendu renforcer la protection du cadre de vie, a concilié les différents impératifs qu’il devait prendre en compte et n’a pas apporté à la liberté de la publicité garantie par l’article L. 581-1 des limitations excessives ;
S’agissant des bâches publicitaires :
28. Considérant que le deuxième alinéa de l’article L. 581-9 du code de l’environnement subordonne à une autorisation du maire l’installation de bâches comportant de la publicité ; qu’au titre des prescriptions applicables à ce support particulier, les dispositions des articles R. 581-53 à R. 581-55 résultant du décret attaqué prévoient notamment que les bâches ne sont pas autorisées à l’intérieur des agglomérations de moins de 10 000 habitants, qu’elles sont interdites, dans les autres agglomérations, si elles sont visibles depuis une voie située hors agglomération, que l’affichage publicitaire ne peut en principe excéder 50 % de la surface d’une bâche de chantier, que les bâches publicitaires ne peuvent être installées que sur des murs aveugles et qu’une distance d’au moins cent mètres doit séparer deux bâches ; qu’en adoptant ces prescriptions, qui sont plus contraignantes qu’auparavant, dans le but de renforcer la protection du cadre de vie, le pouvoir réglementaire n’a pas apporté à la liberté de la publicité garantie par l’article L. 581-1 des limitations excessives, n’a pas méconnu le principe d’égalité et n’a pas fait une inexacte application des pouvoirs qu’il tient de l’article L. 581-9 ;
S’agissant des dispositifs non lumineux implantés sur l’emprise des aéroports :
29. Considérant que l’article R. 581-32 issu du décret attaqué a limité la hauteur et la surface des dispositifs publicitaires non lumineux installés dans les agglomérations de plus de 10 000 habitants et dans celles faisant partie d’une unité urbaine de plus de 100 000 habitants, ainsi que sur l’emprise des aéroports et des gares ferroviaires hors agglomération ; que le même article autorise, par dérogation, des hauteurs et surfaces supérieures sur l’emprise des aéroports dont le flux annuel de passagers est supérieur à trois millions de personnes, sous réserve de respecter les prescriptions édictées par l’autorité de police ; qu’eu égard à la destination et au caractère des installations aéroportuaires, le pouvoir réglementaire a pu, sans illégalité, aménager pour les aéroports de grande capacité, les règles de hauteur et de surface valant en général à l’intérieur des agglomérations ;
S’agissant de la surface des enseignes :
30. Considérant que l’article R. 581-62 résultant du décret attaqué prévoit que la surface cumulée des enseignes sur toiture d’un même établissement ne peut excéder 60 m² ; que l’article R. 581-63 limite la surface des enseignes apposées sur la façade commerciale d’un établissement à 15 % de la surface de la façade, pouvant être porté à 25 % dans le cas où la façade de l’établissement est inférieure à 50 m² ; que le pouvoir réglementaire, qui n’était pas tenu de fixer une limite de surface en valeur absolue, n’a pas fait une inexacte application des pouvoirs qu’il tient de l’article L. 581-18 en adoptant ces prescriptions ;
En ce qui concerne les prescriptions fixées par le décret attaqué en matière de publicité lumineuse :
31. Considérant que, outre les dispositions générales mentionnées aux points 22 à 24 ci-dessus, les deuxième et troisième alinéas de l’article L. 581-9, dans sa rédaction applicable à la date du décret du 30 janvier 2012, résultant de la loi du 12 juillet 2010, prévoient que : » Peuvent être autorisés par arrêté municipal, au cas par cas, les emplacements de bâches comportant de la publicité et, après avis de la commission départementale compétente en matière de nature, de paysages et de sites, l’installation de dispositifs publicitaires de dimensions exceptionnelles liés à des manifestations temporaires (…) / L’installation des dispositifs de publicité lumineuse autres que ceux qui supportent des affiches éclairées par projection ou par transparence est soumise à l’autorisation de l’autorité compétente (…) » ;
32. Considérant que, s’agissant de l’installation et de l’entretien des enseignes lumineuses, le premier alinéa de l’article L. 581-18, dans sa rédaction résultant de la loi du 12 juillet 2010, renvoie à un décret en Conseil d’Etat le soin de fixer les prescriptions » relatives aux enseignes lumineuses afin de prévenir ou limiter les nuisances lumineuses » ;
33. Considérant qu’il appartient ainsi au décret en Conseil d’Etat de fixer des prescriptions particulières en matière de publicité lumineuse, laquelle entre dans le champ de la Charte de l’Environnement ainsi que l’a jugé le Conseil constitutionnel dans sa décision du 23 novembre 2012, sans pouvoir apporter à la liberté de la publicité garantie par l’article L. 581-1 des limitations excédant celles qui sont nécessaires, en vertu de l’habilitation donnée par le législateur, pour assurer la protection du cadre de vie ainsi que la protection de l’environnement ;
S’agissant des prescriptions en termes d’emplacement, de surface, de hauteur et de normes techniques :
34. Considérant que l’article R. 581-34 issu du décret attaqué interdit la publicité lumineuse à l’intérieur des agglomérations de moins de 10 000 habitants ne faisant pas partie d’une unité urbaine de plus de 100 000 habitants ; qu’il limite, à l’intérieur des autres agglomérations et de l’emprise des gares et aéroports, la surface et la hauteur des publicités lumineuses apposées sur un mur, scellées ou installées directement sur le sol ; qu’il impose le respect de normes techniques fixées par arrêté ministériel portant sur les seuils maximaux de luminance et sur l’efficacité lumineuse des sources utilisées ; que l’article R. 581-41 limite la surface et la hauteur des publicités numériques, en fonction de la consommation électrique des dispositifs publicitaires et impose que ces dispositifs numériques soient équipés d’un système de gradation permettant d’adapter l’éclairage à la luminosité ambiante pour éviter les éblouissements ;
35. Considérant qu’en fixant ces différentes prescriptions, dans le but de renforcer la protection du cadre de vie et la protection de l’environnement, le pouvoir réglementaire n’a pas fait une inexacte application des pouvoirs qu’il tient des articles L. 581-9 et L. 581-18 ; que la circonstance que le respect de ces prescriptions, et notamment des normes techniques, serait en pratique difficile à contrôler est, par elle-même, dépourvue d’incidence sur la légalité du décret attaqué ;
S’agissant de l’extinction des publicités lumineuses :
36. Considérant que l’article R. 581-35 issu du décret attaqué prescrit que les publicités lumineuses sont éteintes dans les unités urbaines de moins de 800 000 habitants entre 1 heure et 6 heures, à l’exception de celles installées sur l’emprise des aéroports et de celles supportées par le mobilier urbain ; qu’il prévoit que les obligations et modalités d’extinction sont fixées par le règlement local de publicité dans les unités urbaines de plus de 800 000 habitants ; qu’il précise qu’il peut être dérogé à l’extinction en cas d’événements exceptionnels définis par le maire ou le préfet ;
Quant à l’exception faite pour le mobilier urbain :
37. Considérant que la société CBS Outdoor demande l’annulation des dispositions de l’article R. 581-35 en ce qu’elles excluent de l’obligation d’extinction des publicités lumineuses entre 1 heure et 6 heures les publicités éclairées par projection ou par transparence et les publicités numériques lorsqu’elles sont supportées par le mobilier urbain ;
38. Considérant, d’une part, que les dispositions du premier alinéa de l’article L. 581-9 du code de l’environnement précisent que le décret fixant les prescriptions en matière de publicité à l’intérieur des agglomérations détermine aussi » les conditions d’utilisation comme supports publicitaires du mobilier urbain installé sur le domaine public » ; qu’il appartient au pouvoir réglementaire de fixer les prescriptions applicables en fonction des procédés, des dispositifs et des caractéristiques des supports utilisés ;
39. Considérant que l’éclairage du mobilier urbain au cours de la nuit permet à ces dispositifs d’assurer leur fonction d’information des usagers des transports publics et des usagers des voies publiques et contribue à la sécurité publique dans les agglomérations ; que l’éclairage de ces dispositifs et celui des informations, ainsi que, le cas échéant, de la publicité éclairée qu’ils supportent ne peuvent être dissociés ; que dans ces conditions, le pouvoir réglementaire, en exonérant le mobilier urbain de la règle d’extinction de la publicité lumineuse pendant la nuit, n’a pas institué de discrimination illégale et n’a pas méconnu le principe d’égalité ;
40. Considérant, d’autre part, que dès lors que l’exercice de pouvoirs de réglementation est susceptible d’affecter des activités de production, de distribution ou de services, la circonstance que les mesures décidées aient pour objectif la protection de l’ordre public ou, comme en l’espèce, la protection du cadre de vie et de l’environnement, n’exonère pas l’autorité investie du pouvoir réglementaire de l’obligation de prendre en compte également la liberté du commerce et de l’industrie et les règles de concurrence ; que, toutefois, si la société CBS Outdoor allègue que l’exonération de l’obligation d’extinction des publicités lumineuses pendant la nuit, pour le mobilier urbain, porterait atteinte à la concurrence sur le marché de la publicité extérieure en ce qu’elle confèrerait un avantage injustifié à ses concurrents dont l’activité repose principalement sur ce mode d’affichage, elle n’apporte pas d’éléments circonstanciés susceptibles d’établir que cette exonération, par elle-même et alors que l’implantation et l’utilisation de ce type de support ne sont pas réservées en propre à une catégorie d’entreprises, serait de nature à donner un avantage déterminant à ses concurrents et à porter atteinte au libre exercice de la concurrence ;
Quant aux autres exonérations :
41. Considérant que le pouvoir réglementaire pouvait légalement, sans méconnaître les dispositions de l’article L. 581-9, prévoir que l’obligation d’extinction des publicités lumineuses ne s’appliquerait pas dans l’emprise des aéroports, eu égard à la destination et au caractère de ces lieux, non plus que lors d’événements exceptionnels déterminés par le maire ou le préfet ; que le décret attaqué pouvait aussi prévoir, pour les unités urbaines de plus de 800 000 habitants, que les obligations et modalités d’extinction seraient fixées, selon les zones identifiées par ce document, par le règlement local de publicité, qui a pour fonction d’adapter les dispositions prévues à l’article L. 581-9 conformément à ce que prévoit l’article L. 581-14 ;
En ce qui concerne les sanctions pénales :
42. Considérant que si l’association France Nature Environnement et l’association Agir pour les paysages font valoir que le 3° de l’article R. 581-87 du code de l’environnement punit l’installation de certains dispositifs publicitaires d’une peine contraventionnelle se cumulant avec les sanctions pénales prévues par l’article L. 581-34 du même code, les dispositions du 3° de cet article, qui ont codifié des dispositions issues du décret du 21 novembre 1980, ne résultent pas du décret attaqué et n’ont pas été modifiées par lui ; que, dès lors, le moyen tiré de ce que ces dispositions méconnaîtraient le principe selon lequel nul ne peut être puni plusieurs fois à raison des mêmes faits ne saurait utilement être invoqué à l’encontre du décret attaqué ;
En ce qui concerne les autres critiques portées au décret attaqué :
43. Considérant que si certaines prescriptions résultant du décret attaqué, édictées aux articles R. 581-15, R. 581-19, R. 581-20, R. 581-21, R. 581-53 et R. 581-56 du code de l’environnement, au respect desquelles l’autorité compétente est susceptible de subordonner la délivrance d’autorisations d’installation de dispositifs publicitaires, prennent aussi en compte, outre la protection du cadre de vie, l’intérêt de la sécurité routière, cette circonstance n’est pas de nature à entacher d’illégalité le décret attaqué ;
44. Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que les associations requérantes et la société CBS Outdoor ne sont pas fondées à demander l’annulation pour excès de pouvoir des dispositions du décret qu’elles attaquent ; qu’il n’y a pas lieu, dans les circonstances de l’espèce, de faire droit à leurs conclusions tendant à l’application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;
D E C I D E :
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Article 1er : Il n’y a pas lieu de statuer sur les conclusions des requêtes dirigées contre les articles R. 581-64 et R. 581-65 du code de l’environnement issus du décret du 30 janvier 2012.
Article 2 : L’insertion des mots » , ni le cas échéant, dépasser les limites de l’égout du toit. « , prévue par le III de l’article 12 du décret du 30 janvier 2012 au premier alinéa de l’article R. 581-60 du code de l’environnement issu de l’article 2 de ce décret, s’entend comme prenant place après les mots » plus de 0,25 mètre » et non après les mots » plus de 0,50 mètre « .
Article 3 : Un extrait de la présente décision, comprenant l’article 2 de son dispositif et les motifs qui en sont le support, sera publié au Journal officiel dans un délai d’un mois à compter de la réception par le Premier ministre de la notification de cette décision.
Article 4 : Le surplus des conclusions des requêtes de l’association France Nature Environnement et de l’association Agir pour les paysages, de l’association Paysages de France et la requête de la société CBS Outdoor sont rejetés.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à l’association France Nature Environnement, à l’association Agir pour les paysages, à l’association Paysages de France, à la société CBS Outdoor, au ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie et au Premier ministre.