Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 25 février 1998 et 17 juin 1998 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présentés par SOCIETE ASSURANCES GENERALES DE FRANCE dont le siège est … ; la SOCIETE ASSURANCES GENERALES DE FRANCE demande au Conseil d’Etat :
1°) d’annuler l’arrêt du 17 décembre 1997 par lequel la cour administrative d’appel de Nantes a annulé le jugement du 20 juin 1995 par lequel le tribunal administratif de Caen a condamné la commune d’Anctoville à lui verser la somme de 695 811 F correspondant à l’indemnité versée à son assurée Mme X… en raison de l’incendie qui a détruit sa maison ;
2°) de condamner la commune d’Anctoville à lui verser cette somme avec intérêts au taux légal à compter du 10 octobre 1994 ainsi que la capitalisation des intérêts échus à la date du mémoire complémentaire ;
3°) de condamner la commune d’Anctoville à lui verser la somme de 15 000 F au titre de l’article 75-1 de la loi du 10 juillet 1991 ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de la santé publique ;
Vu le code des communes ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel ;
Vu l’ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
– le rapport de M. Séners, Maître des Requêtes,
– les observations de la SCP Baraduc, Duhamel, avocat de la SOCIETE ASSURANCES GENERALES DE FRANCE et de la SCP Célice, Blancpain, Soltner, avocat de la commune d’Anctoville,
– les conclusions de M. Touvet, Commissaire du gouvernement ;
Considérant qu’aux termes de l’article L. 342 du code de la santé publique : « A Paris, le préfet de police et, dans les départements, les préfets prononcent par arrêté, au vu d’un certificat médical circonstancié, l’hospitalisation d’office dans un établissement mentionné à l’article L. 331 des personnes dont les troubles mentaux compromettent l’ordre public ou la sûreté des personnes ( …) » ; qu’aux termes de l’article L. 343 du même code : « En cas de danger imminent pour la sûreté des personnes, attesté par un avis médical ou, à défaut, par la notoriété publique, le maire et, à Paris, les commissaires de police arrêtent, à l’égard des personnes dont le comportement révèle des troubles mentaux manifestes, toutes les mesures provisoires nécessaires, à charge d’en référer dans les vingt-quatre heures au préfet qui statue sans délai et prononce, s’il y a lieu, un arrêté d’hospitalisation d’office dans les formes prévues à l’article L. 342. Faute de décision préfectorale, ces mesures provisoires sont caduques au terme d’une durée de quarante-huit heures » ;
Considérant que la SOCIETE ASSURANCES GENERALES DE FRANCE a demandé que soit mise à la charge de la commune d’Anctoville la somme de 695 811 F correspondant à l’indemnité versée à son assurée, Mme X…, en raison de la destruction de sa maison ; qu’en rejetant cette demande au motif que la responsabilité de la commune était subordonnée à l’existence d’une faute lourde commise par l’autorité municipale qui n’avait pas pris de mesure provisoire d’hospitalisation d’office à l’encontre du responsable de l’incendie, la cour administrative d’appel de Nantes a entaché sa décision d’erreur de droit ; que, dès lors, et sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens de la requête, l’arrêt attaqué doit être annulé ;
Considérant qu’aux termes de l’article 11 de la loi susvisée du 31 décembre 1987, le Conseil d’Etat, s’il prononce l’annulation d’une décision d’une juridiction administrative statuant en dernier ressort, peut « régler l’affaire au fond si l’intérêt d’une bonne administration de la justice le justifie » ; que, dans les circonstances de l’espèce, il y a lieu de régler l’affaire au fond ;
Sur la fin de non recevoir opposée par la SOCIETE ASSURANCES GENERALES DE FRANCE :
Considérant que la requête de la commune d’Anctoville qui expose notamment que, contrairement à ce qu’a jugé le tribunal administratif de Caen, le maire n’a pas commis de faute lourde susceptible d’engager la responsabilité de la commune est suffisamment motivée ; qu’ainsi la fin de non recevoir opposée par la société requérante doit être écartée ;
Sur la responsabilité de la commune d’Anctoville :
Considérant qu’il résulte de l’instruction que M. X… a fait l’objet, en février 1991, d’une mesure d’hospitalisation d’office, en application des dispositions de l’article L. 342 du code de la santé publique et sur le fondement d’un certificat médical établi par le médecin de l’intéressé ; qu’après la fin de son hospitalisation, M. X… n’a pas eu, en dépit des incidents dont il a été l’auteur, un comportement de nature à établir l’existence de troubles mentaux manifestes de nature à présenter un danger imminent pour la sûreté des personnes ; que son médecin, qui l’a examiné la veille du jour où il a mis le feu à sa maison, n’a pas estimé nécessaire de proposer son hospitalisation d’office ; que, dans ces conditions, l’autorité municipale, en s’abstenant de faire usage des pouvoirs qu’elle tenait des dispositions précitées de l’article L. 343 du code de la santé publique et alors même qu’elle était informée du comportement de M. X…, ne saurait être regardée comme ayant commis une faute de nature à engager la responsabilité de la commune ;
Considérant qu’il résulte de ce qui précède que la commune d’Anctoville est fondée à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Caen a mis à sa charge la réparation des conséquences dommageables de l’incendie provoqué par M. X… le 3 décembre 1991 ;
Sur les conclusions tendant à l’application de l’article 75-1 de la loi du 10 juillet 1991 :
Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que la commune d’Anctoville, qui n’est pas la partie perdante dans la présente instance, soit condamnée à verser à la SOCIETE ASSURANCES GENERALES DE FRANCE la somme qu’elle demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
Article 1er : L’arrêt du 17 décembre 1997 de la cour administrative d’appel de Nantes et le jugement du tribunal administratif de Caen en date du 20 juin 1995 sont annulés.
Article 2 : La demande présentée par la SOCIETE ASSURANCES GENERALES DE FRANCE devant le tribunal administratif de Caen est rejetée.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la SOCIETE ASSURANCES GENERALES DE FRANCE est rejeté.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à la SOCIETE ASSURANCES GENERALES DE FRANCE, à la commune d’Anctoville et au ministre de l’intérieur.