AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la requête, enregistrée le 18 novembre 2004 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présentée pour Mme Cécile X, demeurant 11, rue Riesener à Paris (75012) ; Mme X demande au Conseil d’Etat :
1°) d’annuler l’ordonnance du 29 octobre 2004 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Paris a, en application de l’article L. 522-3 du code de justice administrative, rejeté sa demande tendant à ce qu’il soit ordonné à la Ville de Paris de procéder à sa réintégration dans le logement qu’elle occupait 11, rue Riesener à Paris (12ème) et de lui remettre les clefs de ce logement sous astreinte de 200 euros par jour de retard passé un délai de trois jours à compter de la date de la notification de l’ordonnance à intervenir et à ce que soit mise à la charge de la Ville de Paris une somme de 2 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;
2°) de lui allouer le bénéfice de ses écritures de première instance ;
3°) de mettre à la charge de la Ville de Paris une somme de 3 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le décret n° 90-680 du 1er août 1990 relatif au statut particulier des professeurs des écoles ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
– le rapport de M. Marc El Nouchi, Maître des Requêtes,
– les observations de la SCP Laugier, Caston, avocat de Mme X et de Me Foussard, avocat de la ville de Paris,
– les conclusions de M. Pierre Collin, Commissaire du gouvernement ;
Considérant qu’il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés que Mme X s’est vue attribuer en 1991 par la Ville de Paris, au titre de ses fonctions d’institutrice, un logement de fonction situé 11, rue Riesener dans le corps de bâtiment de l’école maternelle située au 40, rue Jacques Hillairet (75012 Paris) ; que, par un courrier du 16 juillet 1998, la Ville de Paris l’a informée de ce qu’elle devait libérer ce logement afin que le nouveau directeur de l’école puisse en bénéficier ; qu’à compter du 1er septembre 1999, Mme X a intégré le corps des professeurs des écoles régi par le décret n° 90-680 du 1er août 1990, lequel prévoit que ces agents ne bénéficient pas du droit à un logement de fonction ; que par un jugement du 27 octobre 2000 devenu définitif, le tribunal administratif de Paris, saisi par la Ville de Paris, a enjoint à Mme X et tous occupants de son chef de libérer immédiatement le logement de fonction, faute de quoi le maire de Paris ferait procéder d’office à leur expulsion ; que le 15 novembre 2001, la Ville de Paris a fait délivrer à la requérante un commandement de quitter les lieux qui est demeuré infructueux ; que le 26 août 2004, la Ville de Paris fit procéder à l’expulsion de l’intéressée du logement litigieux par huissier instrumentaire ; que, par jugement du 8 octobre 2004, le juge de l’exécution du tribunal de grande instance de Paris a prononcé l’annulation du commandement précité ainsi que du procès-verbal d’expulsion dressé le 26 août 2004 ; que Mme X se pourvoit en cassation contre l’ordonnance du 29 octobre 2004, par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Paris, saisi par elle sur le fondement de l’article L. 521-2 du code de justice administrative, a rejeté sa demande tendant à ce qu’il soit enjoint à la Ville de Paris de la réintégrer dans le logement litigieux ;
Considérant qu’aux termes de l’article L. 5 du code de justice administrative : L’instruction des affaires est contradictoire. Les exigences de la contradiction sont adaptées à celles de l’urgence et que selon le premier alinéa de l’article L. 522-1 du même code : Le juge des référés statue au terme d’une procédure contradictoire écrite ou orale. ; que toutefois, il est précisé à l’article L. 522-3 du même code que cette exigence est écartée lorsque la demande ne présente pas un caractère d’urgence ou lorsqu’il apparaît manifeste, au vu de la demande, que celle-ci ne relève pas de la compétence de la juridiction administrative, qu’elle est irrecevable ou qu’elle est mal fondée ; que, se fondant sur les dispositions précitées de l’article L. 522-3, le juge des référés a rejeté, sans l’avoir communiquée à la Ville de Paris, la requête de Mme X, en jugeant qu’elle était manifestement mal fondée ; que, par suite, la requérante n’est pas fondée à soutenir que l’ordonnance attaquée aurait été rendue au terme d’une procédure irrégulière ;
Considérant que Mme X ne peut utilement soutenir que le juge des référés aurait dénaturé les faits en relevant que l’huissier de justice diligenté par la Ville de Paris se serait borné à un changement de serrures, alors qu’elle avait soutenu devant le même juge que c’est ce changement de serrures et, par voie de conséquence, le fait que les clés de l’appartement fussent désormais en possession de la Ville de Paris qui portait atteinte à l’inviolabilité de son domicile et à l’intimité de sa vie privée ; que c’est sans commettre d’erreur de droit que le juge des référés a estimé, après avoir relevé que Mme X était occupante sans droit ni titre et faisait l’objet d’une mesure d’expulsion prononcée par le tribunal administratif de Paris et devenue définitive, que l’irrégularité des actes de procédure sanctionnée par le juge de l’exécution n’était pas de nature à établir une atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale ; que, d’ailleurs, par un arrêt en date du 24 février 2005, la cour d’appel de Paris a réformé le jugement du 8 octobre 2004 et dit réguliers le commandement de quitter les lieux et le procès-verbal d’expulsion ;
Considérant que Mme X occupait irrégulièrement le logement litigieux ; que, dès lors, son expulsion n’a pu emporter, par elle-même, aucune atteinte à une liberté individuelle ; que c’est, par suite, sans commettre d’erreur de droit que le juge des référés a jugé que la requérante ne saurait se prévaloir d’une atteinte portée à l’inviolabilité de son domicile ;
Considérant qu’il résulte de ce qui précède que Mme X n’est pas fondée à demander l’annulation de l’ordonnance attaquée ;
Sur les conclusions tendant à l’application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mis à la charge de la Ville de Paris, qui n’est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le paiement de la somme que demande Mme X au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; qu’il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de faire application des mêmes dispositions et de mettre à la charge de Mme X la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par la Ville de Paris et non compris dans les dépens ;
D E C I D E :
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Article 1er : La requête de Mme X est rejetée.
Article 2 : Mme X versera à la Ville de Paris la somme de 1 500 euros en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à Mme Cécile X et à la Ville de Paris.