REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l’arrêt suivant :
Donne acte à MM. X… du désistement de leur pourvoi en ce qu’il est dirigé contre le centre international de Valbonne ;
Sur le moyen unique, pris en sa cinquième branche :
Attendu que, prétendant illégale son exclusion du pensionnat de l’ISP Tennis Academy, M. Victor X… et son père (les consorts X…) ont assigné en référé l’établissement et son directeur, aux fins d’obtenir notamment le retrait de la mesure, une lettre d’excuses, et une provision au titre du préjudice moral ;
Attendu que les consorts X… font grief à l’arrêt confirmatif attaqué (Aix-en-Provence, 15 janvier 2009) d’avoir dit n’y avoir lieu à référé du chef de ces demandes, alors, selon le moyen, que la méconnaissance des principes fondamentaux du droit disciplinaire constitue un trouble manifestement illicite ; qu’il en est ainsi de la décision d’exclusion définitive prononcée en cours d’année à l’encontre de l’élève d’un établissement d’enseignement privé, accusé de vol et de dégradation volontaire des biens d’autrui, auquel il est refusé le droit de discuter les faits motivant la sanction, le droit d’être assisté et d’être défendu ; qu’en affirmant que la sanction n’ayant pas été prononcée par une juridiction mais selon une procédure prévue par le règlement, les consorts X… ne pouvaient se prévaloir de l’illégalité de la mesure prise pour non-respect du droit disciplinaire tel le droit d’être assisté ou d’exercer un recours, la cour d’appel a violé l’article 809 du code de procédure civile, ensemble l’article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme ;
Mais attendu que l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme n’est pas applicable à l’organe disciplinaire d’un établissement d’enseignement privé examinant la violation du règlement intérieur par un élève ; que la cour d’appel, qui a relevé, d’abord, la parfaite connaissance qu’avaient eue les consorts X… de ce document contractuel, ainsi que le renvoi, six mois auparavant, de Victor X… pendant une semaine en raison d’infractions commises dans les locaux, puis les vols et dégradations commis à nouveau par l’intéressé, et enfin son audition par le directeur préalablement à son exclusion définitive, procédure et sanction prévues par le règlement intérieur, a pu retenir que la décision contestée n’avait pas porté un trouble manifestement illicite aux principes fondamentaux du droit disciplinaire ; que le moyen n’est pas fondé ;
Et attendu que les autres branches du moyen ne seraient pas de nature à permettre l’admission du pourvoi ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne les consorts X… aux dépens ;
Vu l’article 700 du code de procédure civile, rejette la demande des consorts X… ; les condamne ensemble à payer la somme de 3 000 euros à la société ISP Tennis Academy ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du onze mars deux mille dix.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Moyen produit par la SCP Ghestin, avocat aux Conseils pour les consorts X…,
Il est fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir dit n’y avoir lieu à référé du chef des demandes de retrait de la décision d’exclusion et d’excuses et de condamnation à dommages et intérêts pour préjudice moral formés contre la société ISP ACADEMY par les consorts X… ;
AUX MOTIFS QUE : le seul litige opposant les consorts X… à l’ISP Tennis Academy concerne en cause d’appel uniquement la décision d’exclusion prise à l’encontre de Victor le 24 octobre 2007 ; que l’ISP étant une société commerciale, les relations liant les parties sont donc d’ordre contractuel comme liant deux personnes de droit privé ; que la plaquette publicitaire de l’ISP énonce les mérites de l’école, sa philosophie, sa méthode de gestion scolaire, ses objectifs, sa pédagogie sportive, et, ses tarifs ; qu’elle précise également en sa page 23 qu’existe un règlement intérieur « dès l’arrivée de votre enfant au sein du centre, il lui sera remis un règlement intérieur pour le bon fonctionnement du centre et la sécurité de celui-ci » ; que Maurice et Victor X… ne sont pas toutefois fondés à invoquer l’inopposabilité de ce règlement, bien que celui ci n’ait pas été signé par eux ; qu’en effet, d’une part il est d’usage que chaque établissement amené à dispenser un enseignement qu’il soit sportif ou scolaire se dote d’un règlement interne comme étant un document indispensable pour régir la vie en commun en son sein, pour édicter des règles de vie, les obligations de chacun, et les sanctions en cas de manquement, ce que chaque parent confiant son enfant à un établissement de ce genre ne peut ignorer ; que d’autre part, l’existence d’un règlement leur était manifestement connue par la référence qui en est faite de cette plaquette publicitaire dont ils ont eu connaissance pour l’avoir eux mêmes produite aux débats ; qu’enfin, il sera rappelé que Victor X… a fait l’objet d’une exclusion temporaire d’une semaine en 2007 et à cette occasion, ses parents ont été destinataires le 27 mars 2007 d’une lettre de Monsieur Y… par laquelle il est indiqué : » Suite aux nombreuses plaintes de professeurs et encadrants concernant l’attitude de votre fils Victor (retards, nombreuses absences non justifiées, devoirs non faits, perturbations des cours, manipulations de sa part des membres du staff ISP…), le conseil de discipline a décidé d’exclure Victor une semaine à compter de ce jour. La sanction s’applique donc du mardi 27 mars 2007 au mardi 2 avril 2007. Victor ne semble pas vouloir faire les efforts nécessaires pour que les choses se passent bien et ce malgré plusieurs avertissements oraux que nous lui avons donnés et appels téléphoniques à votre intention pour vous prévenir de son attitude. Nous comptons une nouvelle fois sur vous pour lui faire comprendre que ce genre d’attitude ne l’amènera nulle part et que s’il continue ainsi, nous serons dans l’obligation de nous séparer de lui définitivement » ; qu’il résulte de ce courrier et de la sanction prononcée qu’il y a bien eu application du règlement intérieur, que Maurice X… n’en a pas alors contesté l’existence, ni son application ; que par voie de conséquence, c’est à tort que les consorts X… concluent à l’inopposabilité de ce règlement ; que ce même courrier constitue indiscutablement la mise en demeure préalable et nécessaire à la rupture unilatérale d’un contrat en cas de manquement grave de l’une des parties à ses obligations contractuelles dans la mesure où le contrat conclu entre les parties a été reconduit à la rentrée scolaire 2007 ; que le règlement intérieur de l’ISP Tennis Academy prévoit au titre des sanctions disciplinaires que peuvent être prononcées par le chef d’établissement ou le conseil de discipline des mesures de blâme, avertissement écrit envoyé aux parents, exclusion temporaire ou définitive de l’académie ; qu’il précise que toute sanction est notifiée à la famille de l’élève avant son application ; que ce règlement énonce encore que « l’exclusion immédiate de l’internat et du CIV / ISP Academy le cas échéant peut être prononcée par le chef d’établissement pour les motifs suivants … vol et dégradation volontaire » ; que le courrier du 25 octobre 2007 et le mail adressé par Victor X… au directeur de l’lSP le 24 octobre 2007 à 19h 25 établissent que le 24 octobre 2007, le directeur de l’établissement a reçu Victor X…, l’a entendu et a prononcé une mesure d’exclusion définitive notamment pour dégradation de matériel ; que cette sanction est manifestement prévue selon cette procédure par le règlement ; que par un courrier du 25 octobre 2007, le directeur de l’ISP Tennis Academy a notifié aux parents de Victor l’exclusion dans les termes suivants : « nous vous informons que nous ne sommes malheureusement pas en mesure de garder votre fils Victor au sein de notre académie ; La sanction prend effet à compter du 25 / 10 / 2007 et Victor devra quitter sa chambre au plus tard le 26 octobre 2007 … » ; que c’est en vain que Maurice et Victor X… invoquent l’irrégularité manifeste de cette sanction pour non respect du règlement au motif que les parents n’auraient pas été préalablement informés ; qu’il résulte en effet, de ce courrier que la mesure était effective à compter du 25 octobre et la libération de la chambre à compter du lendemain, le 26 octobre 2007 ; qu’il ressort du mail de Victor du 24 octobre 2007 que l’ISP Tennis Academy a prévenu téléphoniquement son père le jour même soit avant la date de la prise d’effet de la sanction ; qu’à cet égard il sera rappelé que la plaquette publicitaire prévoit expressément la possibilité d’un mode de communication téléphonique avec les parents ; que par voie de conséquence alors que la sanction n’a pas été prononcée par une juridiction mais selon une procédure prévue par le règlement, les appelants ne peuvent valablement se prévaloir du défaut d’assistance de l’élève devant le directeur, et du défaut de recours possible contre sa décision pour en soutenir l’illégalité de la mesure prise et invoquer le non respect du droit disciplinaire ; qu’enfin, au vu des attestations Z…, A… (qui déclare avoir vu Victor le 16 octobre 2007 par mauvaise humeur pour avoir perdu, casser volontairement une canne de billard), des fiches de suivi pédagogique, la sanction prise n’est pas manifestement et de manière évidente disproportionnée ; qu’il suit de ce qui précède qu’il n’est pas établi que cette décision soit constitutive d’un trouble manifestement illicite ;
1°) ALORS QUE la décision d’exclusion d’un élève d’un établissement d’enseignement privé doit être prononcée conformément à la procédure contractuellement acceptée par l’intéressé ; que le règlement intérieur ne devient un document contractuel opposable à l’élève et à ses parents que s’il a été porté à leur connaissance et qu’ils l’ont approuvé ; qu’en déduisant en l’espèce l’opposabilité du règlement intérieur de l’ISP ACADEMY, et par suite la régularité de la mesure d’exclusion, du fait qu’il était d’usage qu’un tel établissement se dote d’un règlement intérieur, que les consorts X… ne pouvaient pas l’ignorer et que la plaquette publicitaire de l’établissement faisait référence à un règlement intérieur, la Cour d’appel a violé les articles 1134 et 1184 du Code civil ;
2°) ALORS QUE la société ISP ACADEMY n’avait pas soutenu dans ses conclusions que l’opposabilité du règlement intérieur aux consorts X… résulterait de ce que Victor X… aurait, au cours de l’année scolaire précédente, fait l’objet d’une mesure disciplinaire qui n’aurait pas été contestée ; qu’en relevant d’office ce moyen sans inviter préalablement les parties à faire valoir leurs observations sur la portée de la mesure disciplinaire prononcée le 27 mars 2007, la Cour d’appel a omis de respecter le principe du contradictoire et violé l’article 16 du Code de procédure civile ;
3°) ALORS QUE en toute hypothèse, l’acceptation des stipulations du règlement intérieur d’un établissement d’enseignement privé ne saurait résulter que d’actes manifestant de manière non équivoque la volonté de s’y soumettre ; que la Cour d’appel qui n’a ni constaté qu’un exemplaire du règlement intérieur de l’ISP ACADEMY aurait été remis aux consorts X… lors de l’inscription pour l’année scolaire 2007-2008 ou de l’année scolaire antérieure, ni qu’ils auraient été à un moment quelconque mis en mesure d’en prendre connaissance, n’en a pas moins déduit l’opposabilité à leur égard du règlement intérieur 2007-2008 du fait qu’au cours de l’année scolaire 2006-2007, le jeune Victor X… avait fait l’objet d’une sanction disciplinaire qui n’avait pas été contestée ; qu’en statuant de la sorte la Cour d’appel a violé les articles 1134 et 1184 du Code civil ;
4°) ALORS QUE de surcroît la société ISP ACADEMY s’était fondée sur le règlement intérieur « 2007-2008 », qu’elle a versé aux débats, pour prétendre que la mesure d’exclusion disciplinaire était régulière ; qu’en faisant référence à une procédure disciplinaire de l’année antérieure pour en déduire l’absence à cette occasion de contestation par les consorts X… de l’existence et de l’application d’un règlement intérieur, sans rechercher si les stipulations du précédent règlement intérieur étaient identiques à celles du document invoqué par la société ISP ACADEMY, la Cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article 1134 du Code civil ;
5°) ALORS QUE la méconnaissance des principes fondamentaux du droit disciplinaire constitue un trouble manifestement illicite ; qu’il en est ainsi de la décision d’exclusion définitive prononcée en cours d’année à l’encontre de l’élève d’un établissement d’enseignement privé, accusé de vol et de dégradation volontaire des biens d’autrui, auquel il est refusé le droit de discuter les faits motivant la sanction, le droit d’être assisté et d’être défendu ; qu’en affirmant que la sanction n’ayant pas été prononcée par une juridiction mais selon une procédure prévue par le règlement, les consorts X… ne pouvaient se prévaloir de l’illégalité de la mesure prise pour non-respect du droit disciplinaire tels le droit d’être assisté ou d’exercer un recours, la Cour d’appel a violé l’article 809 du Code de procédure civile, ensemble l’article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme.