REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l’arrêt suivant :
Attendu, selon l’arrêt attaqué, que le 9 décembre 2010, l’association le Foyer de la solidarité a adhéré, par l’intermédiaire de la société GLS l’assurances, courtier (le courtier), à la garantie de remboursement des frais médicaux proposée par la société Mutuelle mieux-être (la mutuelle) ; que celle-ci a résilié le contrat à effet du 31 décembre 2011 ; que, reprochant au courtier de lui avoir intentionnellement transmis des informations erronées sur la nature de la population à assurer et le risque pour la conduire à accepter l’adhésion, la mutuelle l’a assigné en indemnisation ; que la société Markel International Limited, assureur responsabilité de celui-ci, est intervenue volontairement à l’instance ;
Sur le moyen unique, pris en sa première branche :
Attendu que la mutuelle fait grief à l’arrêt de rejeter ses demandes, alors, selon le moyen, que la victime d’un dol peut rechercher la responsabilité délictuelle de son auteur ; qu’en l’espèce, elle faisait valoir dans ses conclusions que le comportement dolosif du courtier était établi par l’envoi par celui-ci, d’une part, d’une « liste du personnel », d’autre part, de deux demandes de devis, présentant les membres de l’association comme des salariés ; que la cour d’appel a constaté que le courtier lui avait transmis « une liste du personnel » qui ne mentionnait pas des salariés, mais des membres de l’association souscriptrice, qui ne pouvaient pas bénéficier de la garantie santé litigieuse ; qu’en jugeant néanmoins que le courtier n’avait pas commis de faute, sans rechercher, alors qu’elle y était invitée, si le fait de transmettre un document intitulé « liste du personnel », ainsi que deux demandes de devis, présentant faussement les membres de l’association souscriptrice comme des salariés, n’était pas de nature à caractériser des manoeuvres dolosives de celui-ci, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article 1382, devenu 1240 du code civil ;
Mais attendu qu’ayant relevé que l’ambiguïté de l’article 4 des statuts de la mutuelle quant aux bénéficiaires de ses prestations de santé avait pu générer une méprise chez le courtier, ce dont il résultait que les manoeuvres dolosives reprochées à ce dernier n’étaient pas caractérisées, faute d’élément intentionnel, la cour d’appel, qui n’avait pas à procéder à une recherche que ses constatations rendaient inopérantes, a légalement justifié sa décision de ce chef ;
Mais sur la troisième branche du moyen :
Vu l’article 1382, devenu 1240 du code civil ;
Attendu que, pour rejeter les demandes de la mutuelle, l’arrêt retient qu’il ne saurait être déduit de ce que la société GLS l’assurances est un courtier professionnel qu’elle serait de ce seul fait tenue à l’égard de quelqu’un qui n’est pas son mandant, en l’espèce une société d’assurances, à une obligation de vérifier les conditions nécessaires pour adhérer aux produits proposés par celle-ci ;
Qu’en se déterminant ainsi, sans rechercher, comme il le lui était demandé, si, en proposant à son client, pour assurer ses membres, d’adhérer à une garantie de remboursement de frais de santé complémentaire qui ne pouvait bénéficier qu’à des salariés, le courtier n’avait pas commis un manquement contractuel dont la mutuelle, tiers au contrat, pouvait se prévaloir sur le fondement de la responsabilité délictuelle, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard du texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS et sans qu’il y ait lieu de statuer sur les autres branches du moyen :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l’arrêt rendu le 26 janvier 2016, entre les parties, par la cour d’appel de Paris ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel de Paris, autrement composée ;
Condamne les sociétés GLS l’assurances et Markel International Limited aux dépens ;
Vu l’article 700 du code de procédure civile, rejette leur demande et les condamne à payer à la société Mutuelle mieux-être la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l’arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-neuf septembre deux mille dix-huit. MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Moyen produit par la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat aux Conseils, pour la société La Mutuelle mieux-être.
Il est fait grief à l’arrêt attaqué d’AVOIR débouté la mutuelle Mieux être de ses demandes et de l’AVOIR condamnée à payer aux sociétés GLS et Markel une somme sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens.
AUX MOTIFS QUE « Sur la responsabilité du courtier à l’égard de l’assureur : Considérant que la MME reproche au courtier un dol pour lui avoir intentionnellement transmis des informations erronées sur la nature de la population et le risque et lui en réclame réparation sur le fondement de l’article 1382 du code civil ; Considérant que la société GLS, soutenue par la société MARKEL, estime n’avoir commis aucune faute, n’ayant fourni qu’une liste du personnel et les statuts de la MME pouvant s’interpréter comme visant tant les salariés que les membres d’une association ; Considérant qu’il ne saurait, en effet, être déduit de ce que la société GLS est un courtier professionnel qu’elle serait de ce seul fait tenue à l’égard de quelqu’un qui n’est pas son mandant, en l’espèce une société d’assurances, à une obligation de vérifier les conditions nécessaires pour adhérer aux produits proposés par celle-ci ; Que si sa responsabilité délictuelle peut être recherchée sur le fondement de l’article 1382 du code civil, ne caractérise pas une faute le fait d’avoir transmis au courtier de l’assureur le 15 décembre 2010 « une liste du personnel » du Foyer de la solidarité ; Que le courtier GLS, à la lecture de l’article 4 des statuts de la mutuelle, qui disposent que « les personnes bénéficiaires des prestations de la mutuelle sont les personnes physiques ayant adhéré individuellement à un (aux) règlement(s) mutualiste(s) ainsi que les personnes physiques membres ou salariées de personnes morales ayant souscrit à un règlement mutualiste ou à un contrat collectif à adhésion individuelle ou à caractère obligatoire », pouvait penser que ce texte permettait de faire bénéficier les membres de l’association le Foyer de Solidarité des prestations de santé de la mutuelle nonobstant le fait que l’article 3 du règlement mutualiste de la garantie « Msanté » ne visait que le personnel salarié ; Que cette ambiguïté a ainsi pu générer une méprise chez le courtier sans pour autant que celle-ci puisse être considérée comme une faute ; Que le jugement déféré sera, en conséquence, infirmé et la société MME déboutée de ses demandes ».
1) ALORS QUE la victime d’un dol peut rechercher la responsabilité délictuelle de son auteur ; qu’en l’espèce, la MME faisait valoir dans ses conclusions (page 12, dernier §, et page 13, 1er §) que le comportement dolosif de la société GLS était établi par l’envoi par celle-ci d’une part d’une « liste du personnel » et d’autre part de deux demandes de devis, présentant les membres de l’association comme des salariés ; que la cour d’appel a constaté que la société GSL avait transmis à la MME « une liste du personnel » qui ne mentionnait pas des salariés, mais des membres de l’association souscriptrice, qui ne pouvaient pas bénéficier de la garantie santé litigieuse ; qu’en jugeant néanmoins que la société GSL n’avait pas commis de faute, sans rechercher, alors qu’elle y était invitée, si le fait de transmettre un document intitulé « liste du personnel », ainsi que deux demandes de devis, présentant faussement les membres de l’association souscriptrice comme des salariés, n’était pas de nature à caractériser des manoeuvres dolosives de la société GLS, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article 1382 du code civil.
2) ALORS en tout état de cause QUE le courtier d’assurance, en tant que professionnel de l’assurance, a une obligation générale de diligence et de prudence au titre de laquelle il est tenu de connaitre et de déclarer fidèlement la situation de son client et de vérifier si celui-ci remplit les conditions pour souscrire à l’assurance qu’il lui propose ; qu’en affirmant que le courtier professionnel n’est pas tenu à l’égard de quelqu’un qui n’est pas son mandant de vérifier les conditions nécessaires pour adhérer aux produits proposés, et en estimant qu’en conséquence la méprise de la société GLS quant aux personnes pouvant bénéficier de la garantie santé de la MME n’était pas fautive, la cour d’appel a violé l’article 1382 du code civil.
3) ALORS QUE le tiers à un contrat peut invoquer, sur le fondement de la responsabilité délictuelle, un manquement contractuel, dès lors que ce manquement lui a causé un dommage ; que le courtier d’assurance a pour obligation de vérifier la réunion de toutes les conditions nécessaires à la validité du contrat d’assurance qu’il propose à son client ; qu’en l’espèce, il était constant que la société GLS avait proposé à son client, l’association le Foyer de la solidarité, pour assurer les membres de celle-ci, une garantie de santé qui ne pouvait en réalité bénéficier qu’à des salariés ; qu’il en résultait que la société GLS avait commis un manquement vis-à-vis de son client ; qu’en jugeant que la société GLS ne pouvait pas être tenue à l’égard de quelqu’un qui n’est pas son mandant, en l’espèce une société d’assurances, d’une obligation de vérifier les conditions nécessaires pour adhérer aux produits proposés par celle-ci, la cour d’appel a violé l’article 1382 du code civil.
4) ALORS QUE le courtier d’assurance, en tant que professionnel de l’assurance, ne peut ignorer que seuls les règlements mutualistes d’une mutuelle, et non ses statuts, définissent le contenu des engagements contractuels entre la mutuelle et ses participants ; qu’il en résulte qu’un courtier d’assurance qui se base sur les statuts d’une mutuelle plutôt que sur son règlement mutualiste pour déterminer les conditions d’adhésion à un produit d’assurance commet une faute ; qu’en l’espèce, la cour d’appel a retenu que la société GLS avait commis une méprise consistant à penser, au vu des statuts de la MME, que les membres de l’association pouvaient bénéficier de la garantie litigieuse, tout en relevant que le règlement mutualiste de cette garantie ne visait que les salariés ; qu’en estimant qu’il existait une ambiguïté ayant pu générer une méprise non fautive de la part de la société GLS, alors que celle-ci, en tant que professionnel de l’assurance, ne pouvait légitimement se méprendre, la cour d’appel a violé l’article 1382 du code civil