Introduction
Alors que la première étape du grand chantier de rénovation du droit des obligations s’est achevée par l’adoption de l’ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016 réformant le droit des contrats, ratifiée par la loi n°2018-287 du 20 avril 2018, c’est désormais sur la réforme de la responsabilité civile que les attentions se portent. Le projet de réforme a été présenté par l’ancien Garde des Sceaux le 13 mars 2017 suite à la consultation publique menée en 2016. La même année, à l’issue d’un colloque sur les relations économiques entre droit commun et droits spéciaux, la cour d’appel de Paris a souhaité réunir un groupe de réflexion consacré à la réforme du droit français de la responsabilité civile. Le 25 juin 2019, ce groupe de travail présidé par le Professeur Chagny a rendu public son rapport proposant une analyse de la réforme sous le prisme des relations économiques1. Le texte propose différentes modifications du projet de réforme en faveur d’une meilleure attractivité du droit français. Au titre de ces propositions, le rapport suggère notamment une reformulation de l’article 1234 du projet, consacré à la responsabilité des contractants à l’égard des tiers. Depuis plus de 10 ans, la possibilité pour les tiers à un contrat d’invoquer l’inexécution d’une obligation contractuelle pour engager la responsabilité d’un cocontractant fait l’objet de vives controverses. La question porte plus précisément sur la nécessité pour le tiers, agissant sur le fondement de la responsabilité délictuelle, de rapporter la preuve d’une faute délictuelle. Le tiers peut-il en ce sens se contenter du manquement contractuel ou doit-il démontrer la violation d’un devoir général de prudence et de diligence ? En d’autres termes, peut-on considérer que l’inexécution contractuelle constitue en soi une faute au sens de l’article 1240 (anciennement 1382) ?
La question n’est pas hypothétique. Il n’est en effet pas rare que l’inexécution d’obligations contractuelles soit source d’un préjudice pour les tiers à un contrat. La situation peut notamment résulter d’une certaine proximité juridique ou personnelle entre le tiers et le créancier de l’obligation inexécutée2. Ainsi par exemple du locataire subissant un préjudice du fait de travaux commandés par le propriétaire du logement. La question est par ailleurs complexe tant elle invite à arbitrer entre différentes nécessités. D’un côté, la nécessité d’indemniser les tiers victimes et de sanctionner les comportements dommageables incite à accueillir le plus largement possible les actions en réparation. L’assimilation des fautes contractuelle et délictuelle permettrait partant une meilleure protection des victimes. De l’autre, en vertu du principe de l’effet relatif des contrats, ces derniers ne créent d’obligations qu’entre les parties. L’article 1199 du Code Civil prévoit ainsi que les tiers ne peuvent, par principe, demander l’exécution d’un contrat ou être contraints de l’exécuter (ils n’y sont cependant pas totalement étrangers dans la mesure où l’article 1200 leur impose de respecter la situation juridique créée par le contrat). Le principe de l’effet relatif du contrat devrait impliquer une relativité de la faute contractuelle, celle-ci ne pouvant suffire à engager la responsabilité délictuelle d’un contractant en l’absence de preuve d’une faute extracontractuelle. Admettre l’inverse conduirait à introduire dans les rapports contractuels une personne extérieure à qui le contrat ne se destine pas.
C’est pourtant en faveur du principe d’identité des fautes contractuelle et délictuelle que l’arrêt Myr’Ho rendu par l’Assemblée Plénière de la Cour de Cassation le 6 octobre 20063 a tranché. La solution ainsi posée a cependant continué de diviser la doctrine et la jurisprudence. Tenant compte des nombreuses critiques émises à l’encontre de l’arrêt, le projet de réforme de la responsabilité civile entend revenir sur le principe d’assimilation des fautes contractuelle et délictuelle et rétablir le principe de relativité de la faute contractuelle. L’alinéa 1 de l’article 1234 du projet renverse la solution jurisprudentielle en imposant au tiers victime agissant sur le fondement de la responsabilité extracontractuelle de rapporter la preuve d’une faute. L’alinéa 2 introduit toutefois un important tempérament en prévoyant que « le tiers ayant un intérêt légitime à la bonne exécution d’un contrat peut également invoquer, sur le fondement de la responsabilité contractuelle, un manquement contractuel dès lors que celui-ci lui a causé un dommage ».
Le principe de l’effet relatif des contrats s’impose ainsi concernant l’action délictuelle mais recule aussitôt pour permettre aux tiers de se placer sur le terrain contractuel. La solution proposée est loin de faire l’unanimité notamment en raison du vaste champ du tempérament, accusé de ruiner le principe affirmé au premier alinéa. Pour régler cette difficulté, le rapport du groupe de travail de la cour d’appel de Paris propose de resserrer les conditions d’accès à la voie contractuelle. Nous reviendrons sur ces différents éléments en étudiant les différentes perspectives qui s’ouvrent pour réformer la question de la responsabilité des contractants à l’égard des tiers. La première partie de nos développements sera ainsi consacrée au rétablissement annoncé du principe de relativité de la faute contractuelle (I). La seconde partie s’attachera ensuite plus précisément à étudier la nécessité de circonscrire l’option contractuelle ouverte par le projet de réforme – et les éventuels garde-fous qui pourraient être posés dans cette optique (II.).
I. Vers un rétablissement du principe de relativité de la faute contractuelle
Malgré l’intervention de l’Assemblée Plénière en faveur de l’identité des fautes délictuelle et contractuelle, le principe demeure largement contesté (A.). L’ambition annoncée du projet de réforme est de rétablir le principe de relativité de la faute contractuelle. Pour autant, compte-tenu du tempérament prévu à l’article 1234 al. 2 du projet, l’on peut se demander s’il ne s’agit pas en réalité d’un retour en trompe-l’œil (B.).
A. La contestation de l’identité des fautes délictuelle et contractuelle
Cette résistance fut finalement vaincue par l’arrêt de l’Assemblée Plénière en 2006. En l’espèce, un immeuble à usage commercial avait été donné à bail à la société Myr’Ho qui avait ensuite confié la gérance de son fonds de commerce à la société Boot shop. Cette dernière cherchait à obtenir la remise en état des lieux et la réparation du préjudice d’exploitation qu’elle subissait en raison du défaut d’entretien du bailleur. Le locataire gérant agissait ainsi sur le fondement de la responsabilité délictuelle contre le bailleur qui n’avait pas correctement exécuté son obligation d’entretien. Le bailleur reprochait aux juges d’appel, qui avaient accueilli la demande du locataire, de ne pas avoir constaté l’existence d’une faute délictuelle. L’argument est rejeté par l’Assemblée Plénière posant le principe selon lequel « « le tiers à un contrat peut invoquer, sur le fondement de la responsabilité délictuelle, un manquement contractuel dès lors que ce manquement lui a causé un dommage ». Le manquement contractuel suffit donc à engager la responsabilité délictuelle, sans avoir à apporter la preuve d’une faute délictuelle.
L’arrêt Myr’Ho cristallise de nombreuses incompréhensions et critiques au sein de la doctrine. L’on reproche tout d’abord à la solution de porter atteinte au principe de l’effet relatif des contrats. Le tiers chercherait ainsi à obtenir l’exécution d’un contrat auquel il n’est, par définition, pas partie. Par des dommages et intérêts, il obtiendrait l’équivalent de l’avantage que le débiteur s’est engagé à fournir au créancier au sein du contrat. Or, en application de l’article 1199 du Code Civil, le contrat ne crée d’obligations qu’entre les parties. L’on peut certainement penser que les dommages et intérêts ont davantage pour objet de réparer le préjudice (indépendamment du fait qu’il soit lié ou non à une inexécution contractuelle) que de permettre une forme d’exécution contractuelle4. Il n’en demeure pas moins que cette réparation intervient en compensation de l’inexécution d’une obligation promise par le débiteur à son créancier. Pour éviter une atteinte trop importante au principe de l’effet relatif des contrats, le conseiller rapporteur avait dans son rapport suggéré une solution médiane de nature à rapprocher les deux courants jurisprudentiels5. Cette approche consistait à tenir compte de « la portée à l’égard du tiers de l’obligation transgressée par le contractant »6. Tout manquement contractuel ne constituerait pas nécessairement une faute délictuelle. Le conseiller rapporteur distingue dans cette optique les obligations purement contractuelles des obligations susceptibles d’intéresser les tiers. Il serait en effet des manquements contractuels « ne dépassant pas la sphère étroite des parties et dont le tiers, qui n’est pas directement intéressé au contrat, ne peut se prévaloir même s’ils lui portent incidemment un préjudice »7. Ces obligations purement contractuelles ne valent qu’entre les parties au contrat. A l’inverse, le contrat peut parfois intégrer des obligations traduisant une règle plus générale de comportement, un devoir de ne pas nuire à autrui. Le conseiller rapporteur cite à cet égard les obligations de sécurité, d’information et de conseil8. L’Assemblée Plénière n’a néanmoins pas entendu mettre en œuvre cette distinction. Au contraire, le principe affirmé en 2006 a été très largement appliqué par la suite à toutes sortes d’obligations9.
La solution de l’Assemblée Plénière aboutit par ailleurs à offrir aux tiers une situation privilégiée comparée à celle des contractants. Il est en effet impossible au débiteur responsable de l’inexécution d’opposer aux tiers les aménagements et limitations contractuels qu’il aurait pu opposer à son cocontractant. Le débiteur est ainsi privé du pouvoir de se prévaloir du contrat afin d’appliquer le régime de réparation prévu, la règle aboutissant à déjouer les prévisions des parties. Différentes clauses sont susceptibles à cet égard de limiter le droit à réparation (ainsi des clauses limitatives ou exclusives de responsabilité) ou d’aménager l’action (clauses attributives de compétence ou clauses d’arbitrage par exemple). Certes, il pourrait sembler assez logique de ne pas opposer aux tiers des clauses auxquelles ils n’ont pas pu consentir. Pour autant, dans ces conditions, l’assimilation des fautes contractuelle et délictuelle permettait au tiers de profiter des avantages du contrat sans en subir ses inconvénients. La solution a été particulièrement critiquée s’agissant des obligations de résultat dans la mesure où le manquement contractuel ne s’accompagne d’aucun comportement fautif. Dans ce cas, l’on déduit du seul constat de l’absence d’obtention du résultat attendu l’existence d’une faute délictuelle (alors même que le débiteur a par hypothèse tout mis en œuvre pour obtenir le résultat). Le mécanisme repose alors, comme le relève le Professeur Ancel, sur une assimilation fictive d’un fait générateur de responsabilité sans faute à une faute délictuelle10.
La jurisprudence semble s’être progressivement détachée de la solution de l’Assemblée Plénière. Les arrêts revenant au principe de la relativité de la faute contractuelle se sont multipliés. Si l’absence ou la faible publicité réservée aux premiers arrêts rendus en ce sens11 a pu faire douter de leur réelle portée12, un arrêt bénéficiant d’une publicité plus large rendu par la troisième chambre civile le 18 mai 2017 a confirmé l’existence d’un mouvement de rétablissement du principe de relativité de la faute contractuelle13. Dans cette affaire, un groupement d’entreprises avait été chargé par un syndicat de copropriétaires et la société locataire d’un lot de ladite copropriété de travaux de chauffage, climatisation et de traitement de l’eau. A l’issue de ces travaux une importante condensation était apparue dans les locaux d’un autre lot, causant des dommages à son propriétaire et au preneur. Ces derniers avaient alors assigné en réparation le syndicat de copropriétaires et le propriétaire du lot dans lequel les travaux ont été effectués. C’est à l’occasion de cette action que l’entreprise chargée de l’entretien des installations de chauffage et de climatisation fut appelée en garantie.
En appel, les juges avaient fait une application classique de l’arrêt Myr’Ho en exigeant simplement la preuve d’un manquement à l’obligation de livrer un ouvrage conforme aux prévisions contractuelles et exempt de vices pour engager la responsabilité délictuelle de la société. L’arrêt est cassé par la Cour de Cassation, estimant que le seul manquement à cette obligation contractuelle14 ne peut suffire à caractériser une faute délictuelle. Depuis, la première chambre civile a réaffirmé son attachement au principe de l’assimilation des faute contractuelle et délictuelle15. La divergence de position entre les chambres, disparue en 2006, semble ainsi réapparaître16.Afin de régler la question, le projet de réforme envisage à l’heure actuelle de renverser le principe de l’assimilation et de rétablir le principe de relativité de la faute contractuelle. L’on peut cependant se demander si le tempérament prévu par l’article 1234 du projet ne renverse pas le principe qu’il entend pourtant affirmer.
B. L’ambition annoncée du projet de réforme : un retour en trompe-l’œil ?
Dans sa version initiale, le projet de réforme se contentait d’affirmer le principe de relativité de la faute contractuelle en exigeant du tiers victime la preuve d’une faute extracontractuelle17. Une telle approche restrictive était toutefois critiquée par certains auteurs regrettant une contrariété avec les fonctions indemnitaire et punitive de la responsabilité civile18. Dans sa version enrichie du 13 mars 2017, le projet introduit finalement une exception en faveur de l’action des tiers sur le terrain de la responsabilité contractuelle. Sous réserve de posséder un intérêt légitime à la bonne exécution du contrat, le tiers peut ainsi opter pour la voie contractuelle afin d’obtenir indemnisation de son préjudice. A cet effet, il lui sera possible d’invoquer le seul manquement contractuel dès lors que celui-ci lui a causé un dommage. En contrepartie, toutefois, l’article 1234 du projet prévoit que les conditions et limites de la responsabilité qui s’appliquent dans les relations entre les contractants lui sont opposables. La proposition renoue avec l’idée de l’avant-projet Catala d’ouvrir aux tiers une option : se placer sur le terrain de la responsabilité délictuelle (et apporter la preuve d’une faute) ; ou se placer sur le terrain de la responsabilité contractuelle (et se voir opposer les aménagements contractuels).
L’article conduit à étendre la solution applicable aux chaînes translatives de propriété19. Par le passé, la première chambre civile admettait, pour les groupes de contrats, que « la responsabilité contractuelle régit nécessairement la demande en réparation de tous ceux qui n’ont souffert du dommage que parce qu’ils avaient un lien avec le contrat initial »20. L’Assemblée Plénière était finalement intervenue pour mettre fin à cette théorie, et replacer l’action sur le terrain de la responsabilité délictuelle, dans le fameux arrêt Besse21. L’existence d’une action contractuelle directe ne persiste que pour les chaînes translatives de propriété. Dans ce cas, l’action contractuelle est transmise aux sous-acquéreurs successifs comme accessoire de la chose. Etendre l’action contractuelle aux tiers ayant un intérêt légitime à la bonne exécution du contrat permettrait donc de mettre un terme à cette distinction entre les chaînes de contrats translatives de propriété et les autres groupes de contrats22.
L’idée d’ouvrir la voie contractuelle aux tiers victimes a reçu les faveurs d’une partie de la doctrine. Certains auteurs y ont ainsi vu une juste conciliation entre les intérêts des parties au contrat et ceux des tiers, saluant en ce sens l’œuvre de compromis que la solution accomplit23. Le passage par la responsabilité contractuelle permet notamment de rétablir le respect des prévisions des cocontractants. Car c’est bien là qu’était finalement le véritable nœud du problème : le fondement de la responsabilité délictuelle déjouait les prévisions des parties et privait d’effet le contenu du contrat. Or, l’action sur le fondement de la responsabilité contractuelle autorise précisément le débiteur défaillant à opposer au tiers les conditions et limites contractuelles. A l’opposabilité du contrat par le tiers répond ainsi une opposabilité du contrat au tiers. Le projet de réforme signe ainsi un certain retour à l’orthodoxie : d’un côté, sur le terrain contractuel, les aménagements prévus au contrat sont opposables aux tiers ; de l’autre, sur le terrain délictuel, ces aménagements leur sont inopposables. Dans le second cas, l’action obéit exclusivement aux règles qui régissent la responsabilité délictuelle, imposant par conséquent la preuve d’une faute autonome du manquement contractuel. La logique est implacable tant les aménagements contractuels n’ont vocation à régir que la mise en œuvre de la responsabilité contractuelle.
L’article 1234 confronte cependant le principe de l’effet relatif des contrats24. Ouvrir aux tiers victimes la voie de la responsabilité contractuelle implique en effet d’assimiler ces tiers à une partie au contrat, assimilation qui conduit elle-même à une importante distorsion du principe de relativité des contrats. Au même titre que le créancier, le tiers jouit ainsi d’une action contractuelle lui octroyant un droit à la bonne exécution du contrat. L’idée ne va pourtant de soi. L’article 1217 du Code Civil réserve l’action en responsabilité contractuelle à la seule partie au contrat envers laquelle l’engagement n’a pas été respecté. Derrière cette nouvelle forme de responsabilité, sorte de responsabilité d’un « troisième type » quasi-contractuelle25, ce sont finalement les frontières entre délictuel et contractuel qui se jouent. Le rapport rendu par le groupe de travail réuni par la cour d’appel de Paris soulève par ailleurs une autre difficulté tenant à la réparation des préjudices corporels. L’article 1233-1 du projet de réforme prévoit de réparer les préjudices résultant d’un dommage corporel sur le fondement de la responsabilité extracontractuelle, y compris dans les cas où ils seraient causés à l’occasion de l’exécution d’un contrat. De deux choses l’une : soit l’article 1234 continue de s’appliquer aux tiers victimes de préjudices corporels consécutifs à un manquement contractuel, soit l’article 1233-1 a vocation à l’emporter sur l’article 1234. Dans le premier cas, il faudrait distinguer la situation du tiers victime, bénéficiant d’une option, de celle du créancier victime, tenu d’agir sur le terrain délictuel. Le sort du dommage corporel ne serait dès lors pas unifié par le projet26. Dans le second cas, en revanche, le projet pourrait être à l’origine d’une certaine distorsion entre les tiers victimes d’un préjudice corporel, tenu par le principe de non-cumul, et les autres tiers, continuant de bénéficier de l’option ouverte par l’article 1234. Le rapport précité de la cour d’appel de Paris relève sur ce point le risque de mieux traiter les tiers qui subissent un dommage autre que corporel. En ce sens, l’on peut estimer opportun d’éclaircir la question de l’application de l’article 1233-1 aux tiers.
Le projet de réforme soulève de plus certaines difficultés pratiques, la plupart liées à ce mélange des genres entre délictuel et contractuel. La mise en œuvre des aménagements et limitations contractuels demeure incertaine, notamment lorsque le créancier de l’obligation agit, en parallèle du tiers, contre le débiteur en vue d’obtenir réparation de son propre préjudice. Dans le cas d’une clause dont l’objet est de limiter le montant du préjudice, par exemple, deux lectures peuvent être adoptées. L’on peut tout d’abord estimer que le plafond prévu devrait s’appliquer séparément au créancier et au tiers, auquel cas le débiteur serait tenu à hauteur du plafond à l’égard des deux. Une telle lecture conduirait à imposer au débiteur de payer deux fois, faisant resurgir la question du respect des prévisions contractuelles. Le plafond pourrait ensuite correspondre au montant maximum que le créancier serait tenu de payer, dommages et intérêts du créancier et du tiers confondus. Une telle lecture invite alors à s’interroger sur l’existence d’une hiérarchie entre le créancier et le tiers. Ainsi, doit-on diviser le plafond ou considérer que la réparation du tiers est fonction de ce qu’il reste une fois le créancier indemnisé ? L’on peut également s’interroger sur l’indemnisation du créancier lorsque le plafond est épuisé par une précédente action en réparation d’un tiers au contrat27.
Loin de faire l’unanimité, l’article 1234 soulève donc différentes inquiétudes. Si le caractère restrictif de la solution adoptée dans la première mouture du projet a pu être critiqué, la formulation du tempérament introduit par la dernière version est désormais jugée trop accueillante. Le rapport de la cour d’appel de Paris estime à cet égard que l’exception est de nature à renverser quasiment le principe. Il est vrai que le second alinéa ne précise pas qui sont les tiers jouissant d’un « intérêt légitime à la bonne exécution du contrat ». Le risque est alors que tout tiers subissant un dommage du fait d’une inexécution contractuelle bénéficie de la règle. Afin d’éviter une atteinte disproportionnée au principe de l’effet relatif des contrats, l’ouverture de la voie contractuelle aux tiers victimes devrait par conséquent être entourée d’un certain nombre de garde-fous à même de concilier les intérêts des tiers et les intérêts des débiteurs.
II. L’ouverture de la voie contractuelle : quels garde-fous ?
L’article 1234 du projet de réforme laisse planer certaines interrogations relatives à l’appréhension d’un intérêt légitime du tiers à la bonne exécution du contrat (A.). Pour remédier à ce flou, susceptible d’élargir le champ de l’exception de façon inconsidérée, le récent rapport du groupe de travail de la cour d’appel de Paris propose une nouvelle formulation inspirée de la jurisprudence allemande (B.).
A. L’appréhension d’un intérêt légitime du tiers à la bonne exécution du contrat
Le tiers victime constitue, en l’état actuel du projet de réforme, une sorte d’hybride à mi-chemin entre tiers et partie au contrat (sorte de « quasi-contractant »28). A l’inverse des cocontractants qui sont libres de limiter leur responsabilité, il est impossible d’opposer aux tiers des clauses d’exclusion ou de limitation de la responsabilité contractuelle des parties à l’égard des tiers. L’article 1234 ajoute en effet que « Toute clause qui limite la responsabilité contractuelle d’un contractant à l’égard des tiers est réputée non écrite ». Le risque, on le comprend, est que ce genre de clauses ne se développe de façon systématique dans les contrats. La preuve d’un intérêt légitime des tiers à la bonne exécution de l’obligation contractuelle conduit néanmoins à les assimiler fictivement à une partie au contrat. Parfois, l’intérêt du tiers peut avoir été spécifiquement entré dans le champ contractuel. Les parties ayant alors prévu le risque d’un dommage, la situation ne soulèvera pas de difficultés particulières. Que faire en revanche si l’intérêt du tiers n’a pas été envisagé par les parties ? C’est dans une telle hypothèse que le champ de l’article 1234 interroge. Le peu de précisions qui entourent la notion de tiers intéressé à la bonne exécution du contrat dans le projet de réforme laisse penser que toute personne ayant subi un préjudice du fait d’un manquement contractuel possède un intérêt légitime (tout particulièrement si l’on décide de tenir pour synonyme les notions d’intérêt légitime et d’intérêt licite)29. En effet, dès lors que l’inexécution contractuelle lui cause un dommage, le tiers devrait être en mesure de démontrer que l’exécution de l’obligation présente un intérêt pour lui30. La catégorie des tiers intéressés à l’exécution irait ainsi bien au-delà de celle des seuls sous-contractants, ouvrant très largement la voie contractuelle aux tiers victimes. L’idée qu’il est des obligations dont l’exécution intéresse directement les tiers apparaissait dans le rapport du conseiller rapporteur dans l’arrêt Myr’Ho31. Le rapport propose en effet la distinction, évoquée précédemment, entre les obligations reconnues au bénéfice du seul contractant et celles qui ont une portée plus générale, susceptibles d’intéresser les tiers. Le conseiller rapporteur écrit ainsi que les contrats ont « progressivement intégré un certain nombre d’obligations accessoires dépassant la sphère étroite des parties contractantes, telles que les obligations de sécurité, d’information et de conseil »32. L’alinéa 2 de l’article 1234 semble s’inspirer directement de cette distinction. Cependant, la règle qu’il propose n’en demeure pas moins délicate à mettre en œuvre.
D’abord, il n’est pas évident de distinguer les obligations purement contractuelles des obligations de portée plus générale. Concernant l’obligation d’information, citée par le conseiller rapporteur dans l’affaire Myr’Ho au titre des obligations de portée générale33, l’on peut sérieusement douter qu’elle soit l’expression d’un devoir général d’informer autrui34. De sorte que « si l’obligation d’information déborde certainement le contrat, elle n’en demeure pas moins essentiellement liée à la conclusion ou à l’exécution de la convention ainsi qu’à la situation particulière des parties »35. Certaines obligations peuvent par ailleurs traduire un devoir plus général de ne pas nuire à autrui mais être pensées dans le strict cadre du rapport contractuel. L’obligation de sécurité, archétype de l’obligation de portée générale, peut ainsi faire l’objet d’aménagements contractuels spécifiques. Or, dans une telle hypothèse, l’obligation doit-elle cesser d’être de portée générale pour redevenir une obligation strictement contractuelle ?36 Ensuite, la notion d’ « intérêt légitime à la bonne exécution du contrat » semble s’éloigner quelque peu de la distinction proposée par le conseiller rapporteur dans l’affaire de 2006. Il faut dire que la perspective est légèrement différente car elle invite à tenir compte de la relation qu’entretient le tiers avec le contrat plutôt que de la nature de l’obligation. Certes, lorsqu’une obligation de portée générale dépasse le seul enjeu contractuel, le tiers sera logiquement intéressé à sa bonne exécution. Rien ne semble néanmoins interdire une obligation d’être purement contractuelle, au sens où elle est souscrite au profit du seul cocontractant, mais intéresser malgré tout un tiers. Le tiers peut par exemple être intéressé à la bonne exécution d’une obligation strictement contractuelle lorsqu’il entretient une certaine proximité juridique ou personnelle avec le créancier. Ainsi, concernant l’obligation d’entretien du propriétaire, l’on peut estimer qu’il s’agit davantage d’une obligation souscrite au profit du seul locataire des locaux que d’une obligation souscrite au titre d’un devoir plus général de prudence et de diligence37. Pour autant, toute personne qui utilise le bien, par hypothèse le locataire-gérant, constituera naturellement un tiers intéressé à la bonne exécution du contrat et notamment de l’obligation d’entretien. Il s’agit donc de critères différents qui ne se recoupent qu’imparfaitement. Et il n’est pas interdit de penser que l’intérêt légitime du tiers à la bonne exécution du contrat soit entendu de façon plus accueillante qu’une obligation de portée générale.
L’idée d’ouvrir la voie contractuelle aux tiers victimes n’est pas en soi condamnable. L’on peut considérer que l’option ouverte par le projet de réforme ne soulève pas de difficultés eu égard au principe de non cumul des responsabilités. Ce dernier, rappelé à l’article 1233 tel qu’envisagé par le projet, a en effet vocation à empêcher les parties à un contrat de contourner les règles de la responsabilité contractuelle. Il ne concerne donc pas les tiers subissant un préjudice du fait d’une inexécution contractuelle. L’atteinte au principe de l’effet relatif des contrats est indéniable, mais la solution n’est pas impensable dans une recherche de juste compromis entre le respect des prévisions des parties et la nécessité de réparer les dommages subis par les tiers. Dans cette optique, afin de circonscrire davantage ce recours à la responsabilité contractuelle, plusieurs auteurs ont proposé une conception plus restrictive de l’intérêt légitime. La légitimité pourrait ainsi être conditionnée à la preuve d’une relation de proximité entre le tiers et le contrat impliquant que le dommage ait été prévisible pour le débiteur38. Une telle proximité existera notamment dans le cadre d’une chaîne de contrats, qu’elle soit translative ou non de propriété. Le critère pourrait s’inspirer de la théorie des groupes de contrats qui avait admis la possibilité pour les tiers « qui n’ont souffert du dommage que parce qu’ils avaient un lien avec le contrat initial » d’agir sur le terrain contractuel. L’idée générale, développée par le Professeur Dugué dans ses travaux, est que le tiers ne doit pas avoir subi le préjudice de façon accidentelle ou fortuite39. Le tiers doit pouvoir légitimement attendre le bonne exécution du contrat (ce qui permet d’inclure les membres d’un groupe de contrats mais pas seulement)40. Le Professeur Bacache définit plus précisément la notion de tiers intéressé comme la personne jouissant par un autre contrat d’une obligation identique à celle dont l’inexécution est à l’origine de son préjudice41. Différents critères, plus ou moins restrictifs, sont donc envisageables. Afin d’empêcher que le second alinéa ne prive le principe de sa substance, le rapport du groupe de travail de la cour d’appel de Paris propose de s’inspirer du droit allemand afin d’encadrer strictement la réparation sur le fondement de la responsabilité contractuelle.
B. Les perspectives ouvertes par le rapport sur la réforme de la responsabilité civile : le modèle allemand
Craignant qu’un accueil trop large de l’action en responsabilité contractuelle des tiers victimes ne nuise à l’attractivité du droit français, le rapport sur la réforme de la responsabilité civile rendu public le 25 juin 2019 explore deux options. La première consiste à supprimer l’alinéa 2 de l’article 1234 du projet. Le principe de relativité de la faute contractuelle serait ainsi fermement affirmé. La solution, qui était celle retenue par l’avant-projet de réforme de 2016, permettrait de mettre un terme à l’assimilation des fautes contractuelle et délictuelle. Si cette solution semble retenir les faveurs du rapport, une seconde option est néanmoins proposée cette fois inspirée d’un mécanisme allemand. Tout comme le droit français, le droit allemand reconnaît le principe de l’effet relatif des contrats. La jurisprudence a cependant construit la théorie du contrat avec effet protecteur pour les tiers permettant à ces derniers d’agir en réparation sur le fondement de la responsabilité contractuelle en raison de l’inexécution42. La théorie conduit à inclure des tiers dans la sphère de protection du contrat. Les tiers sont ainsi autorisés à se prévaloir de la protection offerte par le contrat de sorte qu’en cas d’inexécution ils peuvent agir en leur propre nom afin d’obtenir réparation de leur préjudice. Toutes les limites du contrat leur seront applicables dans une telle hypothèse. Historiquement, cette théorie jurisprudentielle allemande est apparue pour compenser la difficulté d’obtenir réparation sur le fondement de la responsabilité délictuelle. Le Code Civil allemand, le BGB, encadre en effet de façon stricte les conditions de réparation43. Le contrat avec effet protecteur pour les tiers aurait ainsi pour objet de compenser les insuffisances de la responsabilité délictuelle44. Le mécanisme est en revanche rigoureusement encadré. Quatre conditions doivent être réunies afin de faire bénéficier les tiers des règles de la responsabilité contractuelle.
Pour appliquer la théorie du contrat avec effet protecteur pour les tiers, il faut tout d’abord démontrer l’existence d’une certaine proximité entre le tiers et le contrat. Le tiers doit en effet, comme le créancier, être exposé au dommage. La perspective est proche de la figure du tiers intéressé adoptée par le projet de réforme. Il convient ensuite d’apporter la preuve de l’intérêt du créancier à ce que le tiers bénéficie de l’obligation contractuelle. Cette condition a trait plus spécifiquement aux relations que le tiers entretient avec le créancier de l’obligation. Ces relations peuvent être de différentes natures, notamment économiques ou personnelles. La théorie jurisprudentielle a donc vocation à s’appliquer dans des hypothèses variées : lorsque le tiers est le salarié du créancier, lorsqu’il fait partie de sa famille (ainsi pour la famille du locataire et résidant sous le même toit), ou lorsque le créancier est tenu d’un devoir d’assistance envers le tiers. L’action contractuelle des tiers est en outre conditionnée au caractère prévisible du dommage subi. Le débiteur doit en ce sens avoir pu prévoir le risque que sa responsabilité soit engagée. Il doit avoir eu conscience que l’inexécution de l’obligation était susceptible de causer un préjudice à autrui. C’est pourquoi la relation créancier/tiers doit être connue du débiteur de manière à ce qu’il puisse calculer le risque. La condition rappelle l’article 1231-3 du Code Civil prévoyant que le débiteur n’est tenu que des dommages et intérêts qui ont été prévus ou qui pouvaient être prévus lors de la conclusion du contrat. Enfin, pour engager la responsabilité contractuelle du débiteur, le tiers doit démontrer l’existence d’un réel besoin de protection. Le tiers ne doit ainsi bénéficier d’aucune autre action possible qui lui permettrait d’arriver au même résultat. La théorie n’a plus de raison d’être lorsque le tiers dispose par ailleurs d’une autre action en réparation de son préjudice, notamment à l’encontre du créancier de l’obligation. L’action en réparation des tiers tirée du contrat n’a par conséquent qu’un caractère subsidiaire45.
Les conditions posées par le droit allemand sont bien plus restrictives que ce que prévoit le projet de réforme de la responsabilité civile. S’inspirant de ce cadre, le groupe de travail de la cour d’appel de Paris propose la formulation suivante :
« Toutefois, un tiers peut aussi agir contre le débiteur sur le fondement des règles de la responsabilité contractuelle, en se soumettant le cas échéant aux stipulations du contrat, à condition qu’il ait eu un lien particulier avec la prestation devant être fournie par le débiteur, que le créancier ait eu intérêt à ce qu’il soit protégé par le contrat, que le débiteur ait eu connaissance de son existence et que ce tiers ne dispose d’aucune autre action en réparation pour le préjudice qu’il a subi du fait de la mauvaise exécution du contrat. »
Le rapport suggère ainsi de reprendre les quatre conditions entourant en droit allemand le contrat avec effet protecteur pour les tiers. Un tel encadrement aurait certainement le mérite de resserrer les conditions d’action sur le fondement de la responsabilité contractuelle. Dans la recherche d’un compromis entre les intérêts des tiers et des contractants, il semble que la volonté de protéger les prévisions des parties au contrat l’emporte nettement dans une telle formulation. C’est la raison pour laquelle l’idée de transposer en droit français la solution allemande avait été précédemment critiquée par le Professeur Ancel dans un article consacré au contrat avec effet protecteur pour les tiers. Si le législateur français devait se montrer aussi sévère que la jurisprudence allemande, il y a fort à parier qu’une telle solution aboutisse à une nette régression de la protection des tiers victimes46.
Finalement, aucune solution ne semble faire l’unanimité. Le retour au principe de relativité de la faute contractuelle, solution applicable avant l’intervention de l’Assemblée Plénière en 2006, présente le défaut, comme nous l’avons précédemment relevé, de restreindre les conditions d’indemnisation des tiers victimes47. Et alors que la formulation du projet de réforme soulève certaines inquiétudes en raison du flou qui entoure la notion d’intérêt légitime du tiers à la bonne exécution du contrat, la transposition du cadre allemand en droit français présente le risque de tomber dans l’excès inverse. Une autre voie se dessine toutefois entre les deux, consistant à transposer une partie seulement des conditions de mise en œuvre de la responsabilité contractuelle par les tiers en droit allemand. La quatrième condition tenant à l’absence d’autre action en réparation du préjudice subi par le tiers pourrait en ce sens être opportunément laissée de côté. Il est en revanche tout à fait envisageable de garder, ainsi que le suggère le Professeur Dugué dans ses travaux48, deux critères tenant à la proximité du tiers avec la prestation ou le créancier de l’obligation, et au caractère prévisible du dommage. Le premier critère réunit en réalité les deux premières conditions posées par la jurisprudence allemande (proximité avec le contrat et intérêt du créancier à ce que le tiers bénéficie de la prestation). Le second pourrait directement prendre appui sur l’article 1231-3 du Code Civil.
Une telle solution, qu’il faudrait certainement approfondir, serait peut-être de nature à réconcilier les différents intérêts en jeu. D’un côté, sur le terrain de la responsabilité délictuelle, elle mettrait un terme à l’assimilation des fautes contractuelle et délictuelle en affirmant la nécessité d’apporter la preuve d’une faute autonome du manquement contractuel. De l’autre, l’ouverture de l’action en responsabilité contractuelle s’inscrirait dans une recherche de compromis entre la fonction indemnitaire de la responsabilité civile et le respect des prévisions des parties au contrat. Les conditions tenant à la proximité du tiers avec la prestation ou son bénéficiaire et la prévisibilité du dommage agiraient comme garde-fous permettant de s’assurer que la voie contractuelle ne soit pas ouverte sans distinction à l’ensemble des tiers auxquels une inexécution contractuelle cause un préjudice. La question de la mise en œuvre des aménagements et limitations contractuels mériterait néanmoins d’être clarifiée, notamment concernant les clauses limitant le montant du préjudice.
Si le projet de réforme semble clairement affirmer son intention de revenir sur la solution de l’arrêt Myr’Ho, de nombreuses interrogations demeurent par conséquent sur l’opportunité d’ouvrir ou non la voie contractuelle aux tiers victimes et les conditions dans lesquelles une telle ouverture pourrait être réalisée. La question pourrait bien devenir l’un des enjeux principaux de la réforme de la responsabilité civile49.
- Rapport sur la réforme du droit français de la responsabilité civile et les relations économiques, groupe de travail de la cour d’appel de Paris, Université de Versailles, St-Quentin-en-Yvelines, avril 2019. [↩]
- Mazeaud (V.), « Une responsabilité d’un troisième type ? Regards sur la responsabilité des contractants à l’égard des tiers dans l’avant-projet de réforme de la responsabilité civile », Rev. Lamy Droit civil févr. 2018, n°156. [↩]
- AP, 6 oct . 2006, n°05-13.255. [↩]
- Sur ce point, Ancel (P.), « Faut-il « faire avec » ? » Revue des contrats, avril 2007, n°2, p. 538. [↩]
- Rapport M. Assié, Conseil rapporteur devant la Cour de Cassation, rendu à l’occasion de l’arrêt AP, 6 oct . 2006, n°05-13.255. [↩]
- Ibid. [↩]
- Ibid. [↩]
- Bien que l’on puisse être plus réservé concernant l’obligation d’information tant il ne semble pas exister de devoir général d’informer les tiers. Voir infra. [↩]
- Le principe a ainsi été rappelé par la première chambre civile concernant l’obligation d’un avocat de former surenchère dans le respect des délais fixés : Cass. Civ. 1ère, 18 mai 2004, n°01-13.844, Bull. n°141. [↩]
- Ancel (P.), « Faut-il « faire avec » ? », préc. Voir contra pour qui le manquement à une obligation de résultat n’en demeure pas moins fautif que le manquement à une obligation de moyens : Juen (E.), « Le droit des tiers à la réparation du dommage causé par une faute contractuelle », Revue des contrats sept. 2017, n°3, p. 533. [↩]
- Voir notamment Cass. Civ. 3ème, 22 oct . 2008, n°07-15.583 ; Cass. Civ. 1ère, 15 déc. 2011, n°10-17.691 ; Cass. Com., 18 janv. 2017, n°14-16.442. [↩]
- Notamment en raison de l’absence ou de la faiblesse de publicité. Lire en ce sens Mazeaud (D.), « La responsabilité du débiteur contractuel à l’égard des tiers : évolution de la jurisprudence de la Cour de Cassation ? », D. 2012, p. 659. [↩]
- Cass. Civ. 3ème, 18 mai 2017, n°16-11.203. [↩]
- Cette référence à la nature « contractuelle » de l’obligation avait fait resurgir la question de l’opportunité de consacrer la distinction entre obligations strictement contractuelles et obligations de portée générale, d’autant que l’obligation de livraison conforme semble bien appartenir à la catégorie des obligations strictement contractuelles : Chénedé (F.), « La relativité de la faute contractuelle : revirement ou bris de jurisprudence à l’horizon ? », AJ Contrat 2017, p. 377 ; Houtcieff (D.), « Toute faute contractuelle n’est pas nécessairement délictuelle à l’égard du tiers », D. 2017, p. 1225. [↩]
- Cass. Civ. 1ère, 24 mai 2017, n°16-14371 ; Cass. Civ. 1ère, 9 juin 2017, n°16-14096. [↩]
- L’Assemblée Plénière de la Cour de Cassation, saisie à l’occasion du pourvoi formé contre l’arrêt rendu le 5 avril 2017 par la cour d’appel de Saint-Denis de la Réunion (pourvoi n°1 17-19.963), se prononcera le 13 décembre prochain sur la question. Arrêt de renvoi de la chambre commerciale du 9 avril 2019. [↩]
- Avant-projet de loi, réforme de la responsabilité civile, 29 avril 2016. [↩]
- Notamment, Bacache (M.), « Relativité de la faute contractuelle et responsabilité des parties à l’égard des tiers », D. 2016, p. 1454. [↩]
- Raison pour laquelle la modification de l’article 1603 du Code Civil, ajoutant que : « Les obligations du vendeur peuvent être invoquées par les acquéreurs successifs du bien, fut-il incorporé à un autre, et ce quel que soit le contrat à l’origine de l’acquisition, dans la double limite des obligations du vendeur et des droits de l’acquéreur » disparaît dans la version du projet de mars 2017. [↩]
- Civ. 1ère, 8 mars 1988, n°86-18.182. [↩]
- AP, 12 juillet 1991, n°90-13/602. [↩]
- L’on sait que la distinction ne va pas toujours de soi, comme en témoigne le cas de l’action du maître d’ouvrage contre un fournisseur qui a fourni les matériaux défectueux au sous-traitant et non à l’entrepreneur principal : Leveneur-Azémar (M.), Etude sur les clauses limitatives ou exonératoires de responsabilité, LGDJ, Lextenso éd., 2017, p.381. Dans ce cas, la solution diffère selon qu’un sous-traitant s’intercale ou non entre le fournisseur et l’entrepreneur). Voir sur ce point, Bacache (M.), « Relativité de la faute contractuelle et responsabilité des parties à l’égard des tiers », préc. [↩]
- Bigot (R.), « Feu de la relativité de la faute contractuelle du courtier ? », D. actualité 9 oct ; 2018, comm. Civ. 1ère, 19 sept. 2018, n°16-20.164 ; Juen (E.), « Le droit des tiers à la réparation du dommage causé par une faute contractuelle », préc. ; Chantepie (G.), « Contrats : effets », Répertoire de droit civil, janv. 2018, n°126. Voir également, avant que le texte du projet de réforme ne soit présenté, voyant dans l’ouverture de la voie contractuelle par l’avant-projet Catala une solution empreinte de pragmatisme : Mazeaud (D.), « La responsabilité du débiteur contractuel à l’égard des tiers : évolution de la jurisprudence de la Cour de Cassation ? », préc. [↩]
- Borghetti (J.-S.), « La responsabilité des contractants à l’égard des tiers dans le projet de réforme de la responsabilité civile », D. 2017, p. 1846. [↩]
- Mazeaud (V.), « Une responsabilité d’un troisième type ? Regards sur la responsabilité des contractants à l’égard des tiers dans l’avant-projet de réforme de la responsabilité civile », préc. [↩]
- Borghetti (J.-S.), « La responsabilité des contractants à l’égard des tiers dans le projet de réforme de la responsabilité civile », préc. [↩]
- Voir Deshayes (O.), « La nouvelle mouture de l’avant-projet de loi de réforme de la responsabilité civile : retour sur la responsabilité des parties à l’égard des tiers », Revue des contrats juin 2017, n°2, p. 238. [↩]
- Mazeaud (V.), « Une responsabilité d’un troisième type ? Regards sur la responsabilité des contractants à l’égard des tiers dans l’avant-projet de réforme de la responsabilité civile », préc. [↩]
- Borghetti (J.-S.), « La responsabilité des contractants à l’égard des tiers dans le projet de réforme de la responsabilité civile », préc.. Lire également, constatant que le plus grand flou entoure la notion de tiers intéressé, Chénedé (F.), « La relativité de la faute contractuelle : revirement ou bris de jurisprudence à l’horizon ? », préc. [↩]
- Viney (G.), « La responsabilité du débiteur à l’égard du tiers auquel il a causé un dommage en manquant à son obligation contractuelle », D. 2006, p. 2825. [↩]
- Rapport M. Assié, préc. [↩]
- Ibid. [↩]
- Ibid. [↩]
- Ancel (P.), « Faut-il « faire avec » ? », préc. [↩]
- Houtcieff (D.), « Toute faute contractuelle n’est pas nécessairement délictuelle à l’égard du tiers », préc. [↩]
- Viney (G.), « La responsabilité du débiteur à l’égard du tiers auquel il a causé un dommage en manquant à son obligation contractuelle », préc. [↩]
- Sur cette question, Péglion-Zika (C.-M.), « Responsabilité délictuelle du contractant à l’égard des tiers : le réveil de la relativité de la faute contractuelle », Rev. Lamy droit civil, 1er sept. 2017, n°151. [↩]
- Juen (E.), « Le droit des tiers à la réparation du dommage causé par une faute contractuelle », préc. [↩]
- Dugué (M.), L’intérêt protégé en droit de la responsabilité civile, LGDJ 2019, Lextenso éd., p. 194. [↩]
- Leveneur-Azémar (M.), Etude sur les clauses limitatives ou exonératoires de responsabilité, préc., p.378. [↩]
- Bacache (M.), « Relativité de la faute contractuelle et responsabilité des parties à l’égard des tiers », préc. [↩]
- BGH, 28 janv. 1976, NJW 1976, 712. [↩]
- Article 823 BGB. [↩]
- En ce sens, Ancel (P.), « Le contrat avec effets protecteurs pour les tiers », Revue des contrats avril 2004, n°2, p. 471. Le droit allemand ne reconnaît pas, par exemple, de responsabilité générale du fait des choses. Voir également pour une analyse de droit comparé, Popineau-Dehaullon (C.), « Regards comparatistes sur la responsabilité du contractant à l’égard d’un tiers, victime de l’inexécution du contrat », Revue des contrats avril 2007, n°2, p. 622. [↩]
- Ancel (P.), « Le contrat avec effets protecteurs pour les tiers », préc. [↩]
- Ibid. [↩]
- La solution est cependant évoquée par le Professeur Borghetti : Borghetti (J.-S.), « Responsabilité des contractants à l’égard des tiers : Boot shop en bout de course ? », Revue des contrats sept. 2017, n°3, p. 425. [↩]
- Dugué (M.), L’intérêt protégé en droit de la responsabilité civile, préc., p. 192 et s. [↩]
- En témoigne le fait que les propositions du groupe de travail de la cour d’appel de Paris relatives à la responsabilité des contractants à l’égard des tiers figurent dans la partie consacrée à la synthèse des propositions en début du rapport. [↩]
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