ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 19 MARS 2020
La société Apave Sudeurope, société par actions simplifiée, dont le siège est […] , a formé le pourvoi n° Z 18-26.360 contre l’arrêt rendu le 13 septembre 2018 par la cour d’appel d’Aix-en-Provence (3e chambre A), dans le litige l’opposant :
1°/ à M. S… I…, domicilié […] ,
2°/ à la société Sheridans, société civile immobilière, dont le siège est […] ,
3°/ à la société Monetec, dont le siège est […] ,
4°/ à la société Sol essais, société anonyme, dont le siège est […] ,
5°/ à la société Paul Roger Pinelli travaux, société à responsabilité limitée, dont le siège est […] ,
6°/ à la Société mutuelle d’assurance du bâtiment et des travaux publics (SMABTP), dont le siège est […] ,
défendeurs à la cassation.
- I… et la SCI Sheridans ont formé un pourvoi provoqué contre le même arrêt ;
La demanderesse au pourvoi principal invoque, à l’appui de son recours, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt ;
Les demandeurs au pourvoi provoqué invoquent, à l’appui de leur recours, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Bech, conseiller, les observations de la SCP Le Bret-Desaché, avocat de la société Apave Sudeurope, de la SCP Boulloche, avocat de la société Sol essais, de la SCP Garreau, Bauer-Violas et Feschotte-Desbois, avocat de M. I…, de la société Sheridans, après débats en l’audience publique du 11 février 2020 où étaient présents M. Chauvin, président, M. Bech, conseiller rapporteur, M. Maunand, conseiller doyen, et Mme Berdeaux, greffier de chambre,
la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
- Selon l’arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 13 septembre 2018), dans la perspective de la construction de deux villas individuelles, la société Sheridans, ayant pour gérant M. I…, a confié la direction des travaux à la société Monégasque d’études de technique urbaine (la société Monetec), la réalisation des travaux de terrassement à la société Paul Roger Pinelli travaux (la société PRPT), une mission de reconnaissance et d’étude du sol en vue du choix des fondations à la société Sols essais et une prestation de contrôle technique à la société Apave Sudeurope (la société Apave). Un glissement de terrain survenu entre la propriété de la société Sheridans et celle, voisine, de M. K… a provoqué le déplacement et l’affaissement d’un mur de soutènement élevé sur ce fonds. Après avoir réalisé des travaux de reprise dans la propriété de M. K… et indemnisé ce dernier, la société Sheridans et M. I… ont, après expertise, assigné les sociétés PRPT, Monetec, Sols essais et Apave en réparation de leurs préjudices.
Examen des moyens
Sur le premier moyen du pourvoi principal, pris en ses troisième et quatrième branches, le second moyen du pourvoi principal, pris en sa troisième branche, et le moyen unique du pourvoi provoqué, réunis
Enoncé du moyen
- Les sociétés Apave et Sheridans et M. I… font grief à l’arrêt de rejeter leurs demandes contre la société Sols essais, alors :
« 1°/ qu’un bureau d’études géotechniques peut voir sa responsabilité engagée si, chargé de s’assurer de la stabilité des sols d’assise et des avoisinants, il valide les travaux de terrassements réalisés par une entreprise au mépris des règles de l’art et de ses préconisations ; qu’en n’ayant retenu aucune intervention causale de la société Sol Essais dans le trouble anormal de voisinage subi, alors que, dans un rapport du 31 mars 2008, elle avait validé les travaux de terrassement réalisés par la société PRPT, la cour d’appel a violé l’article 1382 du code civil et le principe selon lequel nul ne peut causer à autrui un trouble anormal de voisinage ;
2°/ qu’un bureau d’études géotechniques peut voir sa responsabilité engagée s’il a rendu un rapport favorable après la réalisation de terrassements qui ont entraîné un glissement de terrain ; qu’en ayant rejeté toute demande, notamment en garantie formée par la société Apave, à l’encontre de la société Sol essais qui avait pourtant, dans un rapport du 31 mars 2008, rendu un avis de conformité des travaux de terrassement qui avaient été réalisés, la cour d’appel a violé l’article 1382 ancien du code civil ;
3°/ que la responsabilité pour trouble anormal de voisinage est objective, soit sans faute, même si elle est exercée par le maître d’ouvrage par la voie d’un recours subrogatoire intenté contre les locateurs d’ouvrage ; qu’en ayant déchargé la société Sol essais de toute responsabilité, par cela seulement qu’elle n’aurait pas commis de faute, quand sa mission d’étude impliquait celle de la stabilité des avoisinants, de sorte que son activité était en lien causal avec le glissement de terrain survenu, la cour d’appel a violé l’article 1382 ancien du code civil et le principe selon lequel nul ne peut causer à autrui un trouble anormal de voisinage ;
4°/ qu’un maître de l’ouvrage ayant réalisé des travaux ayant causé à autrui un trouble anormal de voisinage est subrogé, après paiement de l’indemnité, dans les droits de la victime et est bien fondé à recourir contre les constructeurs qui par leur action ont été seuls à l’origine des troubles invoqués et leurs assureurs, sans avoir à prouver leur faute ; qu’en écartant le lien de causalité entre l’intervention de la société Sol essais dans l’opération de construction et le dommage et, partant, la condamnation de cette dernière envers le maître de l’ouvrage ayant indemnisé M. K… au titre du trouble anormal de voisinage causé par les opérations de construction, par des considérations inopérantes, tirées de l’absence de faute commise par la société Sol essais dans l’exécution de sa mission au regard des préconisations émises dans son rapport d’étude du sol du 31 mai 2007, la cour d’appel a violé le principe selon lequel nul ne peut causer à autrui un trouble excédant les inconvénients normaux du voisinage ;
5°/ subsidiairement, que le juge est tenu de répondre aux conclusions des parties ; qu’en l’espèce, la SCI Sheridans et M. I… avaient fait valoir que le glissement de terrain était imputable à la faute de la société Sol Essais dès lors que celle-ci avait validé la conformité et la qualité des travaux de terrassement alors même que les préconisations de son rapport initial n’avaient pas été suivies par les différents intervenants et notamment par la société PRPT ; qu’en excluant néanmoins toute responsabilité contractuelle de la société Sol essais sans répondre aux conclusions précitées, la cour d’appel a violé l’article 455 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
- La société Apave n’ayant pas soutenu devant les juges du fond que la société Sols essais avait validé, dans un rapport du 31 mars 2008, les travaux de terrassement réalisés par la société PRPT, le moyen est nouveau, mélangé de fait et de droit.
- Ayant relevé que la société Sols essais avait préconisé dans son rapport la prise de précautions particulières pour la réalisation des terrassements dans les zones de grande hauteur et que, selon l’expert, la cause des désordres litigieux tenait dans la réalisation inconsidérée des terrassements non conformes aux prescriptions de bon sens des études géothermiques et retenu que rien ne permettait de dire que l’intervention de la société Sols essais fût en relation de causalité avec le sinistre, la cour d’appel, devant qui la société Sheridans et M. I… n’avaient pas soutenu qu’elle aurait validé la conformité et la qualité des travaux de terrassement, en a exactement déduit que les demandes des sociétés Sheridans et Apave contre la société Sols essais au titre du trouble anormal du voisinage devaient être rejetées.
- Le moyen, pour partie irrecevable, n’est donc pas fondé pour le surplus.
Mais sur le premier moyen du pourvoi principal, pris en ses deux premières branches
Énoncé du moyen
- La société Apave fait grief à l’arrêt de la condamner, in solidum avec les sociétés PRPT et Monetec, à payer à la société Sheridans la somme de 197 840 euros et de fixer la répartition des responsabilités entre elles, alors :
« 1°/ qu’ un contrôleur technique ne peut voir sa responsabilité engagée, même sur le fondement du trouble anormal de voisinage, que si le trouble revendiqué se trouve en lien avec la mission de contrôle qui lui avait été confiée ; qu’en ayant retenu la responsabilité de la société Apave pour trouble anormal de voisinage, quand la vérification de la stabilité des avoisinants et des terrassements ne rentrait pas dans la mission qui lui avait été confiée, la cour d’appel a violé l’article 1382 ancien du code civil et le principe selon lequel nul ne peut causer à autrui un trouble anormal de voisinage ;
2°/ qu’un contrôleur technique ne peut voir sa responsabilité engagée, même sur le fondement du trouble anormal de voisinage, que si son intervention s’est trouvée en rapport causal avec le trouble revendiqué ; qu’en ayant retenu la responsabilité pour trouble anormal de voisinage de la société Apave, au prétexte que le contrôleur technique aurait donné un avis favorable le 8 avril 2008, sans alerter le maître d’ouvrage sur l’insuffisance des prestations des autres intervenants et en particulier sur celle de la société PRPT, quand l’exposante n’avait jamais émis d’avis relatif à la conformité des terrassements et à la stabilité des avoisinants qui n’entraient pas dans sa mission, la cour d’appel a privé son arrêt de base légale au regard de l’article 1382 ancien du code civil et du principe selon lequel nul ne peut causer à autrui un trouble anormal de voisinage. »
Réponse de la Cour
Vu le principe selon lequel nul ne doit causer à autrui un trouble anormal de voisinage :
- Pour condamner la société Apave, in solidum avec les sociétés Monetec et PRPT, à payer à la société Sheridans une certaine somme au titre de l’indemnisation des préjudices subis par le propriétaire du fonds voisin et fixer les modalités de partage de responsabilité entre elles, l’arrêt retient que le contrôleur technique, dont la mission consistait à vérifier la solidité des ouvrages, la sécurité des personnes en cas de séisme, la sécurité des personnes pour ce qui concerne notamment les installations électriques, de chauffage et de ventilation et l’accessibilité des personnes handicapées, a émis un avis favorable au lieu d’alerter le maître d’ouvrage sur l’insuffisance des prestations des autres intervenants.
- En statuant ainsi, alors qu’un contrôleur technique n’est responsable de plein droit d’un trouble anormal du voisinage que s’il a réalisé une mission en relation directe avec celui-ci, la cour d’appel, qui n’a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé le principe susvisé.
Et sur le second moyen du pourvoi principal, pris en ses deux premières branches
Énoncé du moyen
- La société Apave fait grief à l’arrêt de la condamner, in solidum avec les sociétés PRPT et Monetec, à payer à la société Sheridans la somme de 11 330,90 euros et à M. I… la somme de 5 000 euros et de fixer la répartition des responsabilités entre elles, alors :
« 1°/ que la responsabilité contractuelle de droit commun d’un contrôleur technique suppose l’administration de la preuve d’une faute qu’il a commise ; qu’en retenant la faute de l’Apave Sudeurope dans la survenance du glissement de terrain, alors que la stabilité des avoisinants et des terrassements ne rentrait pas dans la mission de contrôle L, PS, SH et Hand qui lui avait été confiée, la cour d’appel a violé l’article 1147 ancien du code civil ;
2°/ que la responsabilité contractuelle de droit commun d’un intervenant à une opération de construction suppose, concernant un contrôleur technique dont l’obligation n’est que de moyens, la preuve d’une faute de sa part ; qu’en ayant retenu la responsabilité pour trouble anormal de voisinage de la société Apave, au prétexte que le contrôleur technique aurait donné un avis favorable le 8 avril 2008 sans alerter le maître d’ouvrage sur l’insuffisance des prestations des autres intervenants et en particulier sur celle de la société PRPT, quand la société Apave n’avait jamais donné le moindre avis sur la stabilité des avoisinants dont le contrôle ne lui avait pas été confié, la cour d’appel a privé son arrêt de base légale au regard de l’article 1147 ancien du code civil. »
Réponse de la Cour
Vu l’article 1147, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, et l’article 1382, devenu 1240, du code
civil ;
- Aux termes du premier de ces textes, le débiteur est condamné, s’il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts, soit à raison de l’inexécution de l’obligation, soit à raison du retard dans l’exécution, toutes les fois qu’il ne justifie pas que l’inexécution provient d’une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu’il n’y ait aucune mauvaise foi de sa part.
- Aux termes du second, tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.
- Pour condamner la société Apave, in solidum avec les sociétés PRPT et Monetec, à payer à la société Sheridans une somme au titre des dépenses consécutives au glissement de terrain et à payer à M. I… une somme au titre de son préjudice moral, l’arrêt relève que le contrôleur technique, dont la mission consistait à vérifier la solidité des ouvrages, la sécurité des personnes en cas de séisme, la sécurité des personnes pour ce qui concerne notamment les installations électriques, de chauffage et de ventilation et l’accessibilité des personnes handicapées, a émis un avis favorable au lieu d’alerter le maître d’ouvrage sur l’insuffisance des prestations des autres intervenants et que les fautes des sociétés Apave, PRPT et Monetec conjuguées sont à l’origine des préjudices.
- En statuant ainsi, alors que les responsabilités contractuelle et délictuelle de la société Apave ne pouvaient être engagées qu’en raison d’une faute commise dans l’accomplissement de sa mission en relation de causalité avec les préjudices pris en considération, la cour d’appel a violé les textes susvisés.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
Met hors de cause la société Sols essais ;
Rejette le pourvoi provoqué ;
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu’il condamne la société Apave Sudeurope, in solidum avec les sociétés Monetec et Paul Roger Pinelli travaux, à payer à la société Sheridans les sommes de 197 840 euros et 11 330,90 euros et à M. I… la somme de 5 000 euros et ce qu’il fixe les modalités du partage de responsabilité entre les société condamnées, l’arrêt rendu le 13 septembre 2018, entre les parties, par la cour d’appel d’Aix–en-Provence ;
Remet, sur ces points, l’affaire et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d’appel d’Aix-en-Provence autrement composée ;
Condamne la société Sheridans et M. I… aux dépens ;
En application de l’article 700 du code de procédure civile, condamne les sociétés Apave Sudeurope et Sheridans et M. I… à payer à la société Sols essais la somme de 3 000 euros et rejette les autres demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l’arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, signé par M. Maunand, conseiller doyen, conformément aux dispositions des articles 456 et 1021 du code de procédure civile, en remplacement du conseiller empêché et Mme Besse, greffier de chambre qui a assisté au prononcé de l’arrêt et par le président en son audience publique du dix-neuf mars deux mille vingt.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt
Moyens produits par la SCP Le Bret-Desaché, avocat aux Conseils, pour la société Apave Sudeurope, demanderesse au pourvoi principal.
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
IL EST FAIT GRIEF A l’arrêt infirmatif attaqué d’avoir condamné in solidum, sur le fondement du trouble anormal de voisinage, les sociétés PRPT, Monetec et Apave Sudeurope, à payer à la SCI Sheridans, maître d’ouvrage subrogée dans les droits du voisin qu’elle avait indemnisé, la somme de 197 840 € et d’avoir, en conséquence, fixé la répartition finale des responsabilités entre les locateurs d’ouvrage et d’avoir rejeté toutes demandes formées à l’encontre de la société Sol Essais.
AUX MOTIFS QUE I) Sur l’action subrogatoire exercée par S… I… et la SCI Sheridans, à l’encontre des locateurs d’ouvrage, sur le fondement du trouble anormal de voisinage : le pré-rapport de l’expert U… X…, ordonné dans le cadre d’une procédure distincte, engagée par R… K… à l’encontre de S… I… et de la SCI Sheridans, aux opérations duquel les locateurs d’ouvrage et la société SMABTP, assureur de la société PRPT, assignés dans la présente instance, n’ont pas, pour certains d’entre eux, participés, constitue néanmoins un élément de preuve soumis à l’appréciation de la cour qui peut y puiser des renseignements, dès lors, d’une part, que, s’agissant d’une pièce parmi d’autres, il n’est pas une source de détermination exclusive et, d’autre part, qu’il a été régulièrement communiqué aux parties qui ont pu en débattre contradictoirement. Il est établi par ce pré-rapport d’expertise, corroboré par de nombreux autres documents figurant au dossier, qu’à l’issue des travaux de terrassement entrepris par la SCI Sheridans et à la suite d’un important épisode pluvieux, s’est produit, mai 2008, un glissement de terrain entre les deux fonds voisins qui a provoqué la dislocation de l’ouvrage de soutènement récemment construit en amont sur le fonds K… et l’affaissement des plates-formes correspondantes et des terrains proches de l’assise de fondation de la villa. Postérieurement à ce sinistre, R… K… et la SCI Sheridans ont signé, le 23 décembre 2012, un protocole d’accord transactionnel, régulièrement versé aux débats (pièce n° 63 du bordereau de communication de la SCI) aux termes duquel : – la SCI Sheridans s’engage à réaliser, à sa charge exclusive, les travaux de sécurisation du site, sous le contrôle de bonne fin de la société Socotec, – la SCI concède une servitude au profit de R… K…, relative au drainage des eaux pluviales, – la SCI s’engage à verser à R… K… la somme forfaitaire de 150 000 €, à titre d’indemnité globale forfaitaire et définitive, compensant l’ensemble des préjudices matériels et moraux que R… K… a subis ; en contrepartie, R… K… se déclare rempli de tous ses droits et demandes et s’engage à renoncer au bénéfice de l’hypothèque conservatoire provisoire prise sur les biens de la SCI, à Eze sur Mer et à toute action ou instance. La SCI Sheridans justifie par de nombreuses pièces qu’elle a réalisé un mur de soutènement sur le fonds K… pour sécuriser le terrain, sous la maîtrise d’oeuvre de l’architecte D…, moyennant le prix de 47 840 € TTC, se décomposant ainsi : – certificat pour paiement N° 01 du 28 février 2012, d’un montant de 7176 € TTC, – certificat pour paiement N° 02 du 10 mai 2012, d’un montant de 9568 euros TTC, – certificat pour paiement N° 03 du 22 juin 2012, d’un montant de 3 1 096 € TTC. La SCI Sheridans établit en outre par la production d’un décompte en date du 1er février 2013 émanant de son notaire, qu’elle a remis à R… K… l’indemnité d’un montant de 150 000 €, prévue au protocole. Il s’évince de ce qui précède que la SCI Sheridans qui a, à ce jour, désintéressé le tiers lésé, est régulièrement subrogée, à hauteur des paiements intervenus, dans les droits et actions de celui-ci, victime par son fait, d’un trouble anormal de voisinage et qu’elle est en conséquence recevable à rechercher, sur ce fondement, la garantie des locateurs d’ouvrage, auteurs du trouble et dont la responsabilité vis-à-vis d’elle n’exige pas la démonstration d’une faute. Il apparaît à l’examen des éléments objectifs figurant au dossier que la réalisation des missions confiées par le maître d’ouvrage à la société BET Monetec, chargée de la direction des travaux, selon contrat en date du 7 mai 2007, à la société PRPT, chargée des travaux de terrassement généraux des deux villas, suivant devis accepté du 5 septembre 2007 et enfin à la société Apave, chargée du contrôle technique, est en relation de cause directe avec le glissement de terrain subi par le fonds voisin supérieur appartenant à R… K… et constitutif, à son endroit, d’un trouble excédant les inconvénients normaux du voisinage. Rien en revanche ne permet de dire que l’intervention de la société Sol Essais est en relation de causalité avec le sinistre. Cette société s’exprimait en effet ainsi dans son rapport d’étude de sol en date du 31 mai 2007 : « le projet comporte des terrassements de déblais d’amplitude limitée, mais ces derniers seront exécutés au sein de terrains hétérogènes dont la cohésion, même à court terme, peut s’avérer précaire. On proscrira donc toute ouverture de fouilles en grande masse, à l’avance et sans précautions particulières, au profit d’un travail par petites parties, avec reprise progressive des poussées dans des éléments d’infrastructure des maisons ou dans les ouvrages de soutènement prévus à cet effet. Dans les zones de terrassement de grande hauteur (supérieur à 3,50 m par exemple), il semble prudent de privilégier des ouvrages de soutènement plus sophistiqués de type berlinois par exemple ». Le pré-rapport d’expertise judiciaire fait en revanche clairement apparaître l’imputabilité du glissement de terrain à l’intervention de la société PRPT. Selon l’expert, les terrassements de déblais de grande hauteur ont été réalisés en masse, sans précautions particulières, en profitant vraisemblablement d’une période réputée favorable. Selon l’expert, il n’y a pas lieu de chercher ailleurs la cause des désordres. Il s’agit, d’après lui d’une malfaçon dans la mise en oeuvre inconsidérée des terrassements qui s’avèrent non conformes aux préconisations de bon sens des études géotechniques préalables. La société Monetec, qui avait notamment pour mission de contrôler si les travaux de terrassement exécutés par la société PRPT étaient conformes aux préconisations de la société Sol Essais, a également contribué à la production du dommage. Le contrôleur technique Apave dont la mission consistait à vérifier la solidité des ouvrages, la sécurité des personnes en cas de séisme et la sécurité des personnes, en ce qui concerne notamment les installations électriques, le chauffage et la ventilation et l’accessibilité pour les personnes handicapées, doit aussi voir sa responsabilité retenue, en ce qu’il a émis, le 8 avril 2008, un avis favorable, au lieu d’alerter le maître d’ouvrage sur l’insuffisance des prestations des autres intervenants et en particulier de la société PRPT, dont les terrassements défectueux sont considérés par l’expert comme étant la cause prépondérante et de premier ordre du sinistre. Les sociétés Monetec, PRPT et Apave doivent en conséquence être condamnées in solidum à payer à la SCI Sheridans la somme de 197 840 € (150 000 € + 47 840 €) ; 3) Sur les appels en garantie des locateurs d’ouvrage entre eux : la société PRPT dont l’intervention a joué un rôle prépondérant dans la survenue du glissement de terrain doit se voir attribuer une part de responsabilité de 80 %. La société Monetec et la société Apave se partageront par parts égales les 20 % restants, à raison de 10 % chacune, aucune immixtion fautive ne pouvant être reprochée au maître d’ouvrage dans le déroulement des travaux litigieux ;
1°) ALORS QU’ un contrôleur technique ne peut voir sa responsabilité engagée, même sur le fondement du trouble anormal de voisinage, que si le trouble revendiqué se trouve en lien avec la mission de contrôle qui lui avait été confiée ; qu’en ayant retenu la responsabilité de la société Apave pour trouble anormal de voisinage, quand la vérification de la stabilité des avoisinants et des terrassements ne rentrait pas dans la mission qui lui avait été confiée, la cour d’appel a violé l’article 1382 ancien du code civil et le principe selon lequel nul ne peut causer à autrui un trouble anormal de voisinage ;
2°) ALORS QU’ un contrôleur technique ne peut voir sa responsabilité engagée, même sur le fondement du trouble anormal de voisinage, que si son intervention s’est trouvée en rapport causal avec le trouble revendiqué ; qu’en ayant retenu la responsabilité pour trouble anormal de voisinage de la société Apave, au prétexte que le contrôleur technique aurait donné un avis favorable le 8 avril 2008, sans alerter le maître d’ouvrage sur l’insuffisance des prestations des autres intervenants et en particulier sur celle de la société PRPT, quand l’exposante n’avait jamais émis d’avis relatif à la conformité des terrassements et à la stabilité des avoisinants qui n’entraient pas dans sa mission, la cour d’appel a privé son arrêt de base légale au regard de l’article 1382 ancien du code civil et du principe selon lequel nul ne peut causer à autrui un trouble anormal de voisinage ;
3°) ALORS QUE la responsabilité pour trouble anormal de voisinage est objective, soit sans faute, même si elle est exercée par le maître d’ouvrage par la voie d’un recours subrogatoire intenté contre les locateurs d’ouvrage ; qu’en ayant déchargé la société Sol Essais de toute responsabilité, par cela seulement qu’elle n’aurait pas commis de faute, quand sa mission d’étude impliquait celle de la stabilité des avoisinants, de sorte que son activité était en lien causal avec le glissement de terrain survenu, la cour d’appel a violé l’article 1382 ancien du code civil et le principe selon lequel nul ne peut causer à autrui un trouble anormal de voisinage ;
4°) ALORS QUE (subsidiairement) un bureau d’études géotechniques peut voir sa responsabilité engagée si, chargé de s’assurer de la stabilité des sols d’assise et des avoisinants, il valide les travaux de terrassements réalisés par une entreprise au mépris des règles de l’art et de ses préconisations ; qu’en n’ayant retenu aucune intervention causale de la société Sol Essais dans le trouble anormal de voisinage subi, alors que, dans un rapport du 31 mars 2008, elle avait validé les travaux de terrassement réalisés par la société PRPT, la cour d’appel a violé le texte et le principe susvisés.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
— IL EST FAIT GRIEF A l’arrêt infirmatif attaqué d’avoir condamné in solidum les sociétés PRPT, Monetec et Apave Sudeurope, à payer à la SCI Sheridans la somme de 11 330,90 € et à M. I…, la somme de 5 000 €, et d’avoir, en conséquence, fixé la répartition finale des responsabilités entre les locateurs d’ouvrage et d’avoir rejeté toutes demandes formées à l’encontre de la société Sol Essais ;
— AUX MOTIFS QUE 2) Sur l’action contractuelle exercée par la SCI Sheridans et […] contre les locateurs d’ouvrage aux fins d’indemnisation de leur préjudice : le coût des travaux de soutènement et les frais annexes s’y rapportant, exposés par la SCI Sheridans, ne constituent pas un poste de préjudice réparable dès lors qu’ils sont dus à la configuration des lieux et à l’hétérogénéité du sol d’assise et que, loin d’être rendus nécessaires par le glissement de terrain, ils auraient dû, en toute hypothèse, être entrepris, dans le cadre de l’opération immobilière conduite par la SCI Sheridans. Étant sans lien de cause directe avec le dommage, les demandes indemnitaires élevées de ce chef par la SCI Sheridans doivent être rejetées, à l’exception cependant des frais d’étude de sol, d’état des lieux, de géomètre expert et d’huissier de justice, consécutifs au sinistre (7654,40 euros + 3676,50 euros). La société PRPT, la société Monetec et la société Apave, dont les fautes conjuguées sont à l’origine de ce préjudice, doivent être condamnées in solidum, sur le fondement des dispositions de l’article 1 147 du Code civil à payer à la SCI Sheridans la somme de 1 1 330,90 euros, à titre de dommages et intérêts. S… I… a dû faire face aux poursuites de R… K… qui a inscrit une hypothèque provisoire sur ses biens immobiliers et l’a assigné en référé-expertise dès le 5 septembre 2008. Il y a mis un terme en signant, après une longue période de négociations, la transaction du 23 février 2012. Les nombreux tracas en résultant sont à l’origine d’un préjudice moral qui sera justement réparé par l’octroi à son profit de la somme de 5000 € ; 3)Sur les appels en garantie des locateurs d’ouvrage entre eux : la société PRPT dont l’intervention a joué un rôle prépondérant dans la survenue du glissement de terrain doit se voir attribuer une part de responsabilité de 80 %. La société Monetec et la société Apave se partageront par parts égales les 20 % restants, à raison de 10 % chacune, aucune immixtion fautive ne pouvant être reprochée au maître d’ouvrage dans le déroulement des travaux litigieux ;
1°) ALORS QUE la responsabilité contractuelle de droit commun d’un contrôleur technique suppose l’administration de la preuve d’une faute qu’il a commise ; qu’en retenant la faute de l’Apave Sudeurope dans la survenance du glissement de terrain, alors que la stabilité des avoisinants et des terrassements ne rentrait pas dans la mission de contrôle L, PS, SH et HAND qui lui avait été confiée, la cour d’appel a violé l’article 1147 ancien du code civil ;
2°) ALORS QUE la responsabilité contractuelle de droit commun d’un intervenant à une opération de construction suppose, concernant un contrôleur technique dont l’obligation n’est que de moyens, la preuve d’une faute de sa part ; qu’en ayant retenu la responsabilité pour trouble anormal de voisinage de la société Apave, au prétexte que le contrôleur technique aurait donné un avis favorable le 8 avril 2008, sans alerter le maître d’ouvrage sur l’insuffisance des prestations des autres intervenants et en particulier sur celle de la société PRPT, quand l’exposante n’avait jamais donné le moindre avis sur la stabilité des avoisinants dont le contrôle ne lui avait pas été confié, la cour d’appel a privé son arrêt de base légale au regard de l’article 1147 ancien du code civil ;
3°) ALORS QU’un bureau d’études géotechnique peut voir sa responsabilité engagée s’il a rendu un rapport favorable après la réalisation de terrassements qui ont entraînés un glissement de terrain ; qu’en ayant rejeté toute demande, notamment en garantie formée par l’Apave Sudeurope, à l’encontre de la société Sol Essais qui avait pourtant, dans un rapport du 31 mars 2008, rendu un avis de conformité des travaux de terrassement qui avaient été réalisés, la cour d’appel a violé l’article 1382 ancien du code civil.
Moyen produit par la SCP Garreau, Bauer-Violas, Feschotte-Desbois, avocat aux Conseils, pour Monsieur I… et la SCI Sheridans, demandeurs au pourvoi provoqué.
Le moyen reproche à l’arrêt attaqué d’avoir rejeté les demandes formées par la SCI Sheridans et M. S… I… à l’encontre de la société Sol Essais ;
Aux motifs que « la SCI Sheridans qui a, à ce jour, désintéressé le tiers lésé, est régulièrement subrogée, à hauteur des paiements intervenus, dans les droits et actions de celui-ci, victime par son fait, d’un trouble anormal de voisinage et qu’elle est en conséquence recevable à rechercher, sur ce fondement, la garantie des locateurs d’ouvrage, auteurs du trouble et dont la responsabilité vis-à-vis d’elle n’exige pas la démonstration d’une faute. Il apparaît à l’examen des éléments objectifs figurant au dossier que la réalisation des missions confiées par le maître d’ouvrage à la société BET Monetec, chargée de la direction des travaux, selon contrat en date du 7 mai 2007, à la société PRPT, chargée des travaux de terrassement généraux des deux villas, suivant devis accepté du 5 septembre 2007 et enfin à la société Apave, chargée du contrôle technique, est en relation de cause directe avec le glissement de terrain subi par le fonds voisin supérieur appartenant à R… K… et constitutif, à son endroit, d’un trouble excédant les inconvénients normaux du voisinage. Rien en revanche ne permet de dire que l’intervention de la société Sol Essais est en relation de causalité avec le sinistre. Cette société s’exprimait en effet ainsi dans son rapport d’étude de sol en date du 31 mai 2007 : « le projet comporte des terrassements de déblais d’amplitude limitée, mais ces derniers seront exécutés au sein de terrains hétérogènes dont la cohésion, même à court terme, peut s’avérer précaire. On proscrira donc toute ouverture de fouilles en grande masse, à l’avance et sans précautions particulières, au profit d’un travail par petites parties, avec reprise progressive des poussées dans des éléments d’infrastructure des maisons ou dans les ouvrages de soutènement prévus à cet effet. Dans les zones de terrassement de grande hauteur (supérieur à 3,50 m par exemple), il semble prudent de privilégier des ouvrages de soutènement plus sophistiqués de type berlinois par exemple ». Le prérapport d’expertise judiciaire fait en revanche clairement apparaître l’imputabilité du glissement de terrain à l’intervention de la société PRPT. Selon l’expert, les terrassements de déblais de grande hauteur ont été réalisés en masse, sans précautions particulières, en profitant vraisemblablement d’une période réputée favorable. Selon l’expert, il n’y a pas lieu de chercher ailleurs la cause des désordres. Il s’agit, d’après lui d’une malfaçon dans la mise en oeuvre inconsidérée des terrassements qui s’avèrent non conformes aux préconisations de bon sens des études géotechniques préalables. La société Monetec, qui avait notamment pour mission de contrôler si les travaux de terrassement exécutés par la société PRPT étaient conformes aux préconisations de la société Sol Essais, a également contribué à la production du dommage. Le contrôleur technique Apave dont la mission consistait à vérifier la solidité des ouvrages, la sécurité des personnes en cas de séisme et la sécurité des personnes, en ce qui concerne notamment les installations électriques, le chauffage et la ventilation et l’accessibilité pour les personnes handicapées, doit aussi voir sa responsabilité retenue, en ce qu’il a émis, le 8 avril 2008, un avis favorable, au lieu d’alerter le maître d’ouvrage sur l’insuffisance des prestations des autres intervenants et en particulier de la société PRPT, dont les terrassements défectueux sont considérés par l’expert comme étant la cause prépondérante et de premier ordre du sinistre. Les sociétés Monetec, PRPT et Apave doivent en conséquence être condamnées in solidum à payer à la SCI Sheridans la somme de 197 840 € (150 000 € + 47 840 €) » (arrêt, p. 6 à 8) ;
Et aux motifs que « sur l’action contractuelle exercée par la SCI Sheridans et […] contre les locateurs d’ouvrage aux fins d’indemnisation de leur préjudice: le coût des travaux de soutènement et les frais annexes s’y rapportant, exposés par la SCI Sheridans, ne constituent pas un poste de préjudice réparable dès lors qu’ils sont dus à la configuration des lieux et à l’hétérogénéité du sol d’assise et que, loin d’être rendus nécessaires par le glissement de terrain, ils auraient dû, en toute hypothèse, être entrepris, dans le cadre de l’opération immobilière conduite par la SCI Sheridans. Étant sans lien de cause directe avec le dommage, les demandes indemnitaires élevées de ce chef par la SCI Sheridans doivent être rejetées, à l’exception cependant des frais d’étude de sol d’état des lieux, de géomètre expert et d’huissier de justice, consécutifs au sinistre (7654,40 euros + 3676,50 euros). La société PRPT, la société Monetec et la société Apave, dont les fautes conjuguées sont à l’origine de ce préjudice, doivent être condamnées in solidum, sur le fondement des dispositions de l’article 1147 du Code civil à payer à la SCI Sheridans la somme de 11 330,90 euros, à titre de dommages et intérêts. S… I… dû faire face aux poursuites de R… K… qui a inscrit une hypothèque provisoire sur ses biens immobiliers et l’a assigné en référé-expertise dès le 5 septembre 2008. Il y a mis un terme en signant, après une longue période de négociations, la transaction du 23 février 2012. Les nombreux tracas en résultant sont à l’origine d’un préjudice moral qui sera justement réparé par l’octroi à son profit de la somme de 5000 € ;
1/ ALORS QU’un maître de l’ouvrage ayant réalisé des travaux ayant causé à autrui un trouble anormal de voisinage est subrogé, après paiement de l’indemnité, dans les droits de la victime et est bien fondé à recourir contre les constructeurs qui par leur action ont été seuls à l’origine des troubles invoqués et leurs assureurs, sans avoir à prouver leur faute ; qu’en écartant le lien de causalité entre l’intervention de la société Sol Essais dans l’opération de construction et le dommage et, partant, la condamnation de cette dernière envers le maître de l’ouvrage ayant indemnisé M. K… au titre du trouble anormal de voisinage causé par les opérations de construction, par des considérations inopérantes, tirées de l’absence de faute commise par la société Sol Essais dans l’exécution de sa mission au regard des préconisations émises dans son rapport d’étude du sol du 31 mai 2007, la cour d’appel a violé le principe selon lequel nul ne peut causer à autrui un trouble excédant les inconvénients normaux du voisinage ;
2/ ALORS, SUBSIDIAIREMENT, QUE le juge est tenu de répondre aux conclusions des parties ; qu’en l’espèce, la SCI Sheridans et M. I… avaient fait valoir que le glissement de terrain était imputable à la faute de la société Sol Essais dès lors que celle-ci avait validé la conformité et la qualité des travaux de terrassement alors même que les préconisations de son rapport initial n’avaient pas été suivies par les différents intervenants et notamment par la société PRPT (concl. d’appel, pp. 21-22) ; qu’en excluant néanmoins toute responsabilité contractuelle de la société Sol Essais sans répondre aux conclusions précitées, la cour d’appel a violé l’article 455 du code de procédure civile.