AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l’arrêt suivant :
Statuant sur le pourvoi formé par :
– M. Hervé X…,
– La société Etablissements X…,
contre l’arrêt de la cour d’appel de BORDEAUX, chambre correctionnelle, en date du 8 mars 2016, qui, sur renvoi après cassation (Crim. 24 mars 2015, n° 14-81. 897), pour infractions au code de l’environnement, a condamné le premier à 10 000 euros d’amende, la seconde à 20 000 euros d’amende, et a prononcé sur les intérêts civils ;
La COUR, statuant après débats en l’audience publique du 30 mai 2017 où étaient présents dans la formation prévue à l’article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Guérin, président, Mme Farrenq-Nési, conseiller rapporteur, M. Pers, conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : Mme Hervé ;
Sur le rapport de Mme le conseiller FARRENQ-NÉSI, les observations de la société civile professionnelle WAQUET, FARGE et HAZAN, Me RÉMY-CORLAY, avocats en la Cour, et les conclusions de M. le premier avocat général CORDIER ;
Joignant les pourvois en raison de la connexité ;
Vu les mémoires produits, en demande et en défense ;
Attendu qu’il résulte de l’arrêt attaqué et des pièces de procédure que M. Hervé X… est le gérant de la société Etablissements X… qui exerce notamment une activité de fabrication d’eau de javel ; qu’à quelques huit cents mètres de cet établissement se trouve un cours d’eau rejoignant la Charente ; que, le 12 mai 2011 des agents de l’Office national de l’eau et des milieux aquatiques (ONEMA) ont décelé une odeur de chlore provenant de l’eau s’écoulant d’une buse dans le petit ruisseau ; qu’ils se sont rendus dans l’entreprise de M. X…, ont dressé un constat, effectué des tests et des prélèvements d’eau ; que M. X… et la société ont été poursuivis pour avoir déversé dans les eaux superficielles, souterraines, ou les eaux de la mer dans la limite des eaux territoriales, une ou des substances dont l’action ou les réactions ont, même provisoirement, entraîné des effets nuisibles sur la santé ou des dommages à la flore ou à la faune ; que, par jugement du 9 juillet 2013, le tribunal correctionnel a relaxé les prévenus, motif pris de l’absence de preuve d’un lien de causalité entre les dommages et l’action ou l’inaction d’un représentant de la société suffisamment identifié ; qu’appel a été interjeté par le procureur de la République et l’association France Nature Environnement, partie civile ;
En cet état :
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation de l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme, de l’article préliminaire du code de procédure pénale, ensemble des articles 513, 591 et 593 du code de procédure pénale, violation des droits de la défense ;
» en ce que l’arrêt attaqué, qui ne mentionne pas que la société Etablissements X…, en sa qualité de prévenue, a été effectivement interrogée et mise à même de présenter ses moyens de défense, l’a déclarée coupable des faits visés à la prévention et l’a en conséquence condamnée à une amende de 20 000 euros, et, in solidum avec M. Hervé X…, à payer à la Fédération de pêche et de protection du milieu aquatique de Charente et à l’association France nature environnement la somme de 2 500 euros de dommages et intérêts à chacune ;
» alors que les arrêts de la chambre des appels correctionnels doivent, à peine de nullité, comporter la mention de ce que chaque prévenu a été mis à même de présenter ses moyens de défense ; qu’en l’espèce, en se bornant à mentionner que M. X… avait été interrogé et avait présenté ses moyens de défense, sans indiquer qu’il en avait été de même de la société Etablissements X…, également prévenue, la cour d’appel n’a pas mis la Cour de cassation en mesure d’exercer son contrôle sur la régularité de la procédure suivie à l’audience » ;
Attendu qu’il résulte des mentions de l’arrêt attaqué que la société Etablissements X…, dont l’avocat constitué a déposé des conclusions et a été entendu en sa plaidoirie, et dont les prétentions et moyens ont été exposés dans la décision, a été mise en mesure de se défendre au cours du débat oral ;
D’où il suit que le moyen sera écarté ;
Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 216-6, alinéa 1er, du code de l’environnement, 121-3 du code pénal, 591 et 593 du code de procédure pénale, manque de base légale, défaut de motifs ;
» en ce que l’arrêt attaqué a déclaré la société Etablissements X… et M. X… coupables des faits visés à la prévention, et a en conséquence condamné la société Etablissements X… à une amende de 20 000 euros et M. X… à une amende de 10 000 euros, et les a condamnés in solidum à payer à la Fédération de pêche et de protection du milieu aquatique de Charente et à l’association France nature environnement la somme de 2 500 euros de dommages et intérêts à chacune ;
» aux motifs qu’il résulte de la procédure les éléments suivants : la société Etablissement X…, exerce, sur la commune de Mansle (16), à 800 mètres du centre-ville une activité de fabrication et de conditionnement de produits d’entretien, tels qu’eau de javel, détergents et encaustiques ; qu’à quelques 500 mètres de cette usine se trouve un petit cours d’eau, alimenté par la fontaine Poisson et rejoignant le fleuve la Charente qui s’écoule à proximité ; que ce petit ruisseau qui subit un assèchement partiel chaque année en amont de la fontaine correspond à l’exutoire des eaux pluviales de la zone d’activité mais la fontaine contribue à maintenir un écoulement pérenne jusqu’au fleuve ; que le 12 mai 2011, des agents de l’Office national de l’eau et des milieux aquatiques (ONEMA) se trouvant légèrement en amont de la fontaine Poisson ont senti une odeur caractéristique de chlore provenant de l’eau s’écoulant d’une buse située sur la rive gauche ; que cherchant l’origine de cette odeur, ils se sont présentés à l’usine voisine, les établissements X… où ils ont remarqué un flux important dans le fossé sortant de cet établissement et ont constaté qu’une aire de lavage implantée dans l’enceinte de l’usine et située à proximité du fossé venait d’être fréquentée par un ensemble routier (surface trempée) ; que les agents de l’ONEMA qui ont, peu après, été reçus par le fils de M. X… et par M. Y…, responsable environnement de l’entreprise, ont demandé à visiter l’usine et, sur les lieux du conditionnement, situés à l’intérieur des bâtiments, repéré des flaques de liquide dégageant une odeur de chlore dont ils ont constaté qu’elles étaient récupérées par des grilles au sol qui conduisaient à une cuve destinée à être vidangée manuellement vers un dispositif de traitement impliquant le recours à la technique du lagunage ; que M. Y… leur ayant précisé que l’usine utilisait très peu d’eau pour la fabrication d’eau de javel et ajouté que le volume à traiter par les lagunes était faible, les enquêteurs ont décidé de continuer leur visite et se sont retrouvés devant l’aire de lavage où ils ont porté à la connaissance de leurs interlocuteurs les constatations qui avaient provoqué leur intervention en indiquant qu’ils souhaitaient faire des vérifications ; qu’après les avoir avisés du risque d’éclaboussures liées à la présence sur l’aire d’eau de javel, le fils de M. X… a accepté la réalisation d’un test qui a été confiée à M. Y… ; qu’après avoir fait écouler une vingtaine de litres d’eau sur l’aire de dépotage, ce salarié a soulevé la plaque recouvrant le collecteur et les enquêteurs, qui ont immédiatement noté une remontée des eaux à l’intérieur de l’ouvrage, se sont rendus compte que le niveau maximum ayant été rapidement atteint, elles avaient été évacuées grâce à un trop plein permettant d’éviter un remplissage excessif ; qu’après seulement une minute d’attente, les agents de l’ONEMA et les deux personnes précitées ont, ensuite, constaté la hausse du débit dans le fossé situé à proximité, une forte odeur de chlore s’en dégageant et le test effectué démontrant, à l’évidence, la réalité d’un rejet fortement chloré ; que les agents de l’ONEMA ont alors dressé constat et rejoint le ruisseau d’où ils venaient pour effectuer, en présence de M. Y…, responsable qualité environnement des établissements X…, et au niveau de la buse par laquelle l’eau s’écoulait, des prélèvements d’abord dans le rejet, puis à vingt mètres en amont et à un vingtaine de mètres en aval et enfin et à 100 mètres en aval du rejet de la buse soit, en tout, quatre prélèvements ; que les agents, toujours en présence de M. Y…, ont constaté une odeur persistante de chlore et fait état de l’impact de cette substance sur la vie aquatique du ruisseau et sur sa flore naturelle en notant la présence d’une mortalité importante d’invertébrés reposant sur le substrat du ruisseau (petits crustacés gammares notamment) et en relevant, en aval immédiat de la buse, qu’ils ne trouvaient pas trace de vie de faune (et) de flore aquatique, les pierres et les graviers étant totalement décapés ; qu’à l’issue des dites constatations, les agents de l’ONEMA ont pris soin de recueillir les déclarations de M. Y… qui a indiqué : « Ce jour nous avons constaté le dysfonctionnement de l’aire de dépotage. Les effluents au lieu de rejoindre en totalité le bac de rétention prévu à cet effet s’écoulent en partie en direction du fossé qui lui est attenant et qui conduit par le bassin de tampon de réception des eaux de la Z4, à la fontaine Poisson. J’ai constaté qu’à cet endroit et jusqu’à la Charente le ruisseau est impropre à la vie aquatique ; que présence de gammares morts et absence de diatomées » ; que lors de son audition ultérieure par les services de gendarmerie, M. Y… qui a cherché à relativiser ses déclarations initiales a indiqué qu’il n’était pas allé, avec les agents verbalisateurs, jusqu’à la Charente en précisant « Je tiens à ajouter que tous les 15 jours nous contrôlons que le trop plein d’eau ne se déverse pas dans le fossé, chose que l’on peut voir facilement car on voit (en soulevant la plaque soulevant le collecteur) si la fosse est pleine. Nous pompons cette fosse que nous reversons vers les bassins de traitement et ce sont les personnes chargées de la maintenance qui s’en chargent » ; que l’analyse des prélèvements effectués le 12 mai 2011 en présence du représentant de l’entreprise X… a été réalisée par le laboratoire départemental d’analyses et de recherches de la Charente, organisme du conseil général de la Charente dépendant de la direction de l’animation et du développement durable ; qu’elle a mis en évidence pour celui correspondant au prélèvement réalisé au niveau de la buse, c’est-à-dire dans le rejet, grâce à un dosage d’eau de javel, la valeur de 78, 1 mg/ L de CL2 (dichlore) soit 2 000 fois la présence naturelle de cette substance dans le milieu aquatique où elle est quasiment inexistante tandis qu’en amont du rejet de la buse, l’eau du ruisseau était exempte de pollution et portait en aval seulement quelques traces de chlore par suite de la dilution de cet élément chimique provoquée par l’apport des eaux de la fontaine Poisson dont le débit avoisine 10 litres seconde ; que les analyses faites postérieurement, à la requête des prévenus, par le laboratoire Analysys sur des prélèvements pratiqués, quant à eux, de façon non contradictoire et à d’autres dates que celle des faits objets de la poursuite, n’étaient pas de nature à venir utilement contredire celles effectuées sur les prélèvements du 12 mai 2011 ; que malgré ces éléments, les prévenus ont choisi de contester l’origine de la pollution en se prévalant d’une attestation du maire de la commune de Mans l’attribuant les pollutions de la fontaine Poisson à d’autres causes et notamment le lavage de voitures et à la réception d’eau de lavage de surfaces commerciales situées sur le parcours du ruisseau La Doue ; qu’il a toutefois été versé à l’enquête un avenant au procès-verbal du 12 mai 2011, réalisé par les agents de l’ONEMA le 20 juin 2013, révélant photos à l’appui que les problèmes constatés deux ans auparavant persistaient au niveau du rejet de la buse concernée ; qu’il ressort également des pièces de la procédure que l’entreprise avait déjà vu son attention appelée sur les rejets de chlore, notamment en 2001 puis en 2008 lors de visites réalisées par la mission inter services de l’eau de la direction départementale de l’agriculture et de la forêt et par l’ONEMA ; (…) que le procès-verbal qui fait foi jusqu’à preuve contraire et les éléments complémentaires qui ont été recueillis sont suffisants pour permettre de déterminer l’origine de la pollution constatée le 12 mai 2011 par les agents de l’ONEMA ; qu’en effet, les agents de l’ONEMA ne se sont pas livrés à des déductions hypothétiques mais ont constaté que le jour de l’établissement du procès-verbal le temps était sec et ensoleillé excluant ainsi tout apport d’eau pluviale dans le petit cours d’eau ; que c’est dans ces conditions que ces agents après avoir constaté une quantité importante de cadavres de petits crustacés dans le cours d’eau à proximité de la fontaine Poisson ont découvert en amont immédiat de cette fontaine une buse dont le déversement avait une odeur caractéristique de chlore ; qu’ils sont remontés jusqu’aux raccordements de cette buse, se sont retrouvés dans la zone d’activité dans laquelle se trouvent les établissements X… ; que c’est là qu’ils ont découvert la présence d’un flux dans le fossé sortant de l’usine et constaté que le sol de l’aire de dépotage était détrempé et que les flaques de liquide dégageaient une odeur de chlore ; que le dispositif normal d’évacuation des eaux de nettoyage des camions consiste à diriger ces flux vers une cuve qui est vidangée de façon manuelle dans des lagunes ; que les agents de l’ONEMA ont constaté que sur l’ensemble des quatre lagunes une seule était remplie alors même qu’un ensemble routier venait d’être lavé ; que c’est ainsi qu’avec l’accord du personnel de l’entreprise à savoir le fils du gérant et l’ingénieur Y… et en leur présence constante qu’il a été procédé à un test particulièrement simple consistant à envoyer de l’eau sur la surface de lavage étant indiqué par les professionnels de l’usine, qu’il fallait prendre garde aux éclaboussures à raison de la présence d’eau de javel sur l’aire de lavage ; que cette eau au lieu d’être uniquement et totalement contenue dans la cuve et de là se déverser dans les lagunes, a augmenté en une minute le débit du fossé et répandu une odeur de chlore ; que la fosse recevant les eaux de lavage est donc reliée au fossé qui dirige les eaux pluviales vers le bassin d’orage de la zone artisanale puis vers le ruisseau à proximité de la fontaine Poisson ; que l’ingénieur Y… qui a accompagné les agents de l’ONEMA jusqu’à la buse a spontanément indiqué que les effluents au lieu de rejoindre dans leur totalité le bac de rétention prévu à cet effet s’écoulaient en partie en direction du fossé qui leur est attenant et qui conduit par le bassin tampon de réception des eaux de la zone d’activités à la fontaine Poisson ; qu’il a émis l’hypothèse d’une fuite dans le béton ; qu’en conséquence, le rejet de substances polluantes trouvant sa cause directe dans le nettoyage sur l’aire de dépotage des véhicules chargés d’approvisionner l’usine en produits toxiques servant à la fabrication notamment de l’eau de javel, les effluents rejoignant une fosse dont le trop plein s’était déjà à plusieurs reprises déversé dans un fossé rejoignant le ruisseau dont la pollution a été constaté ; que l’attestation du maire de la commune où est implantée l’usine et de laquelle il ressort que la pollution a d’autres causes et notamment le lavage de voitures et la réception d’eau de lavage de surfaces commerciales n’est pas de nature à contredire les constatations précises faites le 12 mai 2011 ; qu’à l’audience de la cour, M. X…, gérant de la société Etablissements X… a précisé qu’il n’avait pas consenti de délégation de pouvoirs ; qu’en s’abstenant de donner des consignes suffisantes de prévention notamment en ne faisant pas vérifier le bon fonctionnement du système de lagunage des eaux de l’aire de lavage, M. X… a contribué à créer la situation ayant permis la réalisation du dommage et n’a pas pris les mesures permettant de l’éviter en sorte qu’il a commis une faute caractérisée créant un risque d’une particulière gravité à même d’engager la responsabilité de la personne morale, la société Etablissements X… dont il est le gérant ; qu’il s’ensuit que le jugement est infirmé et que les deux prévenus sont déclarés coupables des faits à eux reprochés dans les termes de la prévention ; qu’en répression, la cour inflige à M. X… une amende de 10 000 euros et à la société Etablissements X… une amende de 20 000 euros ;
» 1°) alors que le délit de pollution des eaux n’est caractérisé que s’il existe un lien de causalité certain entre le déversement constaté et les dommages relevés relativement à la flore ou à la faune ; qu’en l’espèce, pour tenir, pour établir le lien de causalité entre le déversement des eaux provenant de l’aire de nettoyage des camions dans le fossé jouxtant le site de la société Etablissements X…, et la présence d’une quantité importante de cadavres de petits crustacés à proximité de la fontaine Poisson, 500 mètres plus loin, la cour d’appel s’est bornée à énoncer que le fossé dirigeait les eaux pluviales vers le bassin d’orage de la zone artisanale puis vers le ruisseau situé à proximité de la fontaine Poisson ; qu’en statuant ainsi, par voie de simple affirmation et sans préciser le ou les éléments de preuve fondant une telle affirmation, la cour d’appel n’a pas mis la Cour de cassation en mesure d’exercer son contrôle, privant sa décision de toute base légale au regard des textes susvisés ;
» 2°) alors que le délit de pollution des eaux n’est caractérisé que s’il existe un lien de causalité certain entre le déversement constaté et les dommages relevés relativement à la flore ou à la faune ; qu’en l’espèce, en déduisant de la présence d’une quantité importante de cadavres de petits crustacés à proximité de la fontaine Poisson, le fait que le déversement provenant de la surface de nettoyage des camions et supposé aboutir à cet endroit, présentait un caractère polluant, sans mieux s’expliquer sur la nature intrinsèquement polluante des eaux de nettoyage constitutives d’un tel déversement, la cour d’appel n’a pas suffisamment motivé sa décision sur l’existence d’un lien de causalité certain ;
» 3°) alors que la personne physique à qui est imputée une faute d’imprudence ou de négligence, qui n’a pas causé directement le dommage mais qui a créé ou contribué à créer la situation qui en a permis la réalisation, ou qui n’a pas pris les mesures permettant de l’éviter, ne peut voir sa responsabilité pénale engagée, en l’absence de violation manifestement délibérée d’une obligation particulière de prudence ou de sécurité prévue par la loi ou le règlement, qu’en cas de commission d’une faute caractérisée et qui exposait autrui à un risque d’une particulière gravité qu’elle ne pouvait ignorer ; qu’en l’espèce, en déduisant l’existence d’une faute caractérisée commise par M. X… du fait qu’il avait, en s’abstenant de donner des consignes suffisantes de prévention notamment en ne faisant pas vérifier le bon fonctionnement du système de lagunage des eaux de l’aire de lavage, contribué à créer la situation ayant permis la réalisation du dommage et n’avait pas pris les mesures permettant de l’éviter, la cour d’appel a exposé sa décision à la censure au regard des textes susvisés ;
» 4°) alors que la personne physique à qui est imputée une faute d’imprudence ou de négligence, qui n’a pas causé directement le dommage mais qui a créé ou contribué à créer la situation qui en a permis la réalisation, ou qui n’a pas pris les mesures permettant de l’éviter, ne peut voir sa responsabilité pénale engagée, en l’absence de violation manifestement délibérée d’une obligation particulière de prudence ou de sécurité prévue par la loi ou le règlement, qu’en cas de commission d’une faute caractérisée et qui exposait autrui à un risque d’une particulière gravité qu’elle ne pouvait ignorer ; qu’en l’espèce, en déduisant l’existence d’une faute caractérisée commise par M. X… du fait qu’il avait, en s’abstenant de donner des consignes suffisantes de prévention notamment en ne faisant pas vérifier le bon fonctionnement du système de lagunage des eaux de l’aire de lavage, contribué à créer la situation ayant permis la réalisation du dommage et n’avait pas pris les mesures permettant de l’éviter, sans indiquer en quoi une telle faute caractérisée aurait exposé autrui à un risque d’une particulière gravité qu’il ne pouvait ignorer, la cour d’appel a exposé sa décision à la censure au regard des textes susvisés » ;
Attendu que pour déclarer les prévenus coupables du délit de pollution des eaux, l’arrêt attaqué, après avoir détaillé les constatations et investigations réalisées par les agents de l’ONEMA, relève que le trop plein de la fosse recevant les eaux de l’aire de lavage des camions située dans l’enceinte de l’usine s’écoule dans un fossé sortant de l’établissement qui dirige les eaux pluviales vers le bassin d’orage de la zone artisanale puis vers le ruisseau dont la pollution a été constatée, à proximité de la fontaine Poisson ; que les prélèvements effectués dans le ruisseau le jour de l’infraction ont révélé, au niveau d’une buse dont le déversement avait une odeur caractéristique de chlore, la présence de dichlore en quantité deux mille fois supérieure à la présence naturelle de cette substance dans le milieu aquatique, l’eau en amont de la buse étant exempte de pollution ; que les enquêteurs ont constaté à ce même endroit une quantité importante de cadavres de petits crustacés et, en aval immédiat de la buse, l’absence de trace de vie de faune et de flore aquatique, les pierres et les graviers étant totalement décapés ; que les juges mentionnent également que l’entreprise avait déjà vu son attention appelée sur les rejets de chlore, en 2001 et 2008 lors de visites réalisées par l’administration et par l’ONEMA, et qu’ils persistaient toujours au niveau de la buse deux ans plus tard, en juin 2013 ; qu’ils en déduisent que le rejet de substances polluantes trouve sa cause directe dans le nettoyage sur l’aire de dépotage de véhicules chargés d’approvisionner l’usine en produits toxiques servant à la fabrication, notamment, de l’eau de Javel ; qu’ils retiennent que M. X…, gérant de la société, qui n’avait pas consenti de délégation de pouvoirs, en s’abstenant de donner des consignes suffisantes de prévention, notamment en ne faisant pas vérifier le bon fonctionnement du système de lagunage des eaux de l’aire de lavage, a contribué à créer cette situation ayant permis la réalisation du dommage et n’a pas pris les mesures permettant de l’éviter, en sorte qu’il a commis une faute caractérisée créant un risque d’une particulière gravité ;
Attendu qu’en l’état de ces énonciations, la cour d’appel, qui a fait l’exacte application de l’article 121-3, alinéa 4, du code pénal, et caractérisé, par des motifs dénués d’insuffisance et de contradiction, en tous ses éléments matériels et intentionnel le délit de pollution de l’eau dont elle a déclaré les prévenus coupables, a justifié sa décision ;
D’où il suit que le moyen ne saurait être accueilli ;
Et attendu que l’arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi ;
FIXE à 3 000 euros la somme globale que la société Etablissements X… et M. X… devront payer à l’association France Nature Environnement au titre de l’article 618-1 du code de procédure pénale ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le vingt-huit juin deux mille dix-sept ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.