La Cour européenne des droits de l’homme (cinquième section), siégeant le 4 juin 2013 en une chambre composée de :
Mark Villiger, président,
Angelika Nußberger,
Boštjan M. Zupančič,
Ann Power-Forde,
André Potocki,
Paul Lemmens,
Helena Jäderblom, juges,
et de Claudia Westerdiek, greffière de section,
Vu la requête susmentionnée introduite le 14 octobre 2009,
Vu les observations soumises par le gouvernement défendeur et celles présentées en réponse par le requérant,
Vu les observations de l’Ordre des avocats au Conseil d’Etat et à la Cour de cassation et celles du Conseil National des Barreaux, que le Président avait autorisés à intervenir dans la procédure écrite (articles 36 § 2 de la Convention et 44 § 2 du règlement),
Après en avoir délibéré, rend la décision suivante :
1. Le requérant, M. François Marc-Antoine, est un ressortissant français, né en 1966 et résidant à Béziers.
2. Les faits de la cause, tels qu’ils ont été exposés par les parties, peuvent se résumer comme suit.
3. Par un décret du président de la République du 22 avril 2002, le requérant fut nommé et titularisé dans le grade de conseiller du corps des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel.
4. A partir du 1er octobre 2002, le requérant exerça les fonctions de conseiller au tribunal administratif de Montpellier.
5. Le 27 juin 2006, le conseil supérieur des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel (CSTACAA) arrêta la liste des conseillers proposés au tableau d’avancement au grade de premier conseiller des tribunaux administratifs et cours administratives d’appel au titre de l’année 2006.
6. Le 31 juillet 2006, le président de la République prit, sur la base de la proposition du CSTACAA, un premier décret portant inscription au tableau d’avancement au grade de premier conseiller, ainsi qu’un second portant nomination au grade de premier conseiller des tribunaux administratifs et cours administratives d’appel.
7. Sa candidature n’ayant pas été retenue, le requérant déposa une requête visant à faire annuler les deux décrets du 31 juillet 2006 et à enjoindre à l’administration de reprendre la procédure tendant à l’établissement du tableau d’avancement.
8. Le 23 février 2009, le requérant reçut du Conseil d’Etat un avis l’informant que l’audience se tiendrait le 6 mars 2009. Cet avis d’audience précisait que seuls les avocats au Conseil d’Etat et à la Cour de cassation pouvaient présenter des observations orales le jour de la séance du jugement.
9. Par un arrêt du 8 avril 2009, le Conseil d’Etat rejeta la requête du requérant.
GRIEFS
10. Invoquant l’article 6 de la Convention, le requérant se plaint de ne pas s’être vu communiquer, contrairement au rapporteur public, le projet de décision du conseiller rapporteur.
11. Le requérant soulève également d’autres griefs, tirés des articles 6, 10, 13, 14 et 17 de la Convention, ainsi que de l’article 1 du Protocole no 12.
EN DROIT
I. SUR LE GRIEF TIRÉ DE LA TRANSMISSION AU RAPPORTEUR PUBLIC DU PROJET DE DÉCISION DU CONSEILLER RAPPORTEUR
12. Le requérant se plaint de ne pas s’être vu communiquer, contrairement au rapporteur public, le projet de décision du conseiller rapporteur. Il invoque l’article 6 § 1 de la Convention, aux termes duquel :
« Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement (…) par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera (…) des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil (…) »
A. Arguments des parties
1. Le Gouvernement
13. Le Gouvernement soutient, à titre principal que l’article 6 de la Convention n’est pas applicable en l’espèce, au regard du lien qu’aurait le litige opposant le requérant à son administration avec l’exercice de la puissance publique. Selon lui, le requérant ne saurait donc se prévaloir d’un droit à caractère civil. Le Gouvernement admet cependant que, depuis l’arrêt Vilho Eskelinen et autres c. Finlande ([GC], no 63235/00, CEDH 2007‑II), la Cour exige, pour qu’un Etat puisse soustraire un fonctionnaire à la protection de l’article 6, l’existence d’une législation excluant spécialement l’accès à un tribunal pour le fonctionnaire en question, et ce pour des motifs objectifs liés à l’intérêt de l’Etat. Si le requérant a certes pu, en l’espèce, agir devant le Conseil d’Etat, de sorte que la première condition n’était pas remplie, le Gouvernement estime cependant que la Cour pourrait admettre, pour les agents participant à l’exercice de la puissance publique, une distinction entre les litiges pécuniaires ou disciplinaires, relevant de l’article 6, et ceux tenant, comme en l’espèce, principalement à l’organisation du service qui ne relèveraient pas de cette garantie.
14. Le Gouvernement présente ensuite, à titre subsidiaire, l’institution du rapporteur public, qui est membre à part entière de la juridiction. Il souligne que sa mission est d’exposer publiquement, en toute indépendance, pour toutes les affaires inscrites au rôle, son appréciation sur les circonstances de fait et les règles de droit applicables, et de proposer une solution au litige. Il joue un rôle crucial pour la cohérence de la jurisprudence et la qualité de la prise de décision. Il assiste et participe à la séance d’instruction, nom donné à la réunion préparatoire au cours de laquelle les membres de la formation de jugement prennent connaissance des affaires présentées par ceux d’entre eux qui, désignés en qualité de rapporteurs, sont chargés de rédiger un projet d’arrêt. Le rapporteur public reçoit ensuite communication du dossier, y compris de la note et du projet rédigés par le rapporteur. Avant l’audience, les parties ont connaissance du sens des conclusions du rapporteur public. Par son intervention publique à l’audience, il permet ensuite aux parties à la fois de mieux comprendre les termes du débat et de réagir utilement pour faire valoir leurs points de vue respectifs. Selon le Gouvernement, le rapporteur public est donc en fait un juge parmi les autres, exerçant une fonction de second rapporteur.
15. Le Gouvernement soutient notamment que le principe de l’égalité des armes ne saurait jouer entre une partie et une juridiction indépendante, laquelle n’est pas son adversaire. Le rapporteur public ne peut quant à lui être considéré comme un tiers par rapport à la juridiction, puisqu’il en est membre à part entière. Il n’est en aucun cas un représentant de l’administration, celle-ci se faisant représenter par les personnes en charge d’un service public dans le contentieux l’opposant à des administrés. Il n’est pas davantage assimilable à un ministère public, puisqu’il n’est pas distinct de la juridiction et qu’il ne peut se pourvoir contre les décisions de cette dernière. Durant la phase de procédure antérieure à l’audience, il n’y aurait pas non plus de raison de le qualifier de partie au vu des apparences.
16. Le Gouvernement estime également que le secret du délibéré s’oppose à toute communication d’un projet d’arrêt aux parties. Ainsi, en cas de violation de l’article 6 § 1 de la Convention, deux options néfastes pour les justiciables seraient envisageables : soit interdire l’accès du rapporteur public au projet de décision, ce qui aurait des conséquences négatives pour la qualité du travail de la juridiction et la défense des justiciables ; soit supprimer sa prise de parole publique et réserver son intervention à la formation de jugement, ce qui priverait les parties de l’apport de ses conclusions.
2. Le requérant
17. Le requérant soutient que l’article 6 § 1 de la Convention est applicable en l’espèce, le litige l’opposant à son administration ayant de sensibles implications financières et relevant des « conflits ordinaires du travail ».
18. Le requérant estime ensuite que la question soumise à la Cour dépasse le cadre du principe de l’égalité des armes et concerne la notion plus large du procès équitable, ce qui impliquerait la prise en compte de la théorie des apparences.
19. La procédure litigieuse ne permettrait pas aux parties de disposer de toutes les pièces contribuant à l’élaboration de la décision juridictionnelle. Seul le sens des conclusions du rapporteur public étant communiqué aux parties à leur demande, il leur faut attendre de les avoir entendues à l’audience pour être en mesure d’y répondre. Il relève en outre que la note en délibéré doit être lue par la formation de jugement, ce qui ne serait généralement pas le cas, et que seuls les avocats au Conseil d’Etat et à la Cour de cassation ont la possibilité de présenter de brèves observations orales après les conclusions du rapporteur public. D’après le requérant, il n’y aurait d’ailleurs pas lieu de réduire le rôle du rapporteur public pour assurer le respect de l’article 6 : il suffirait d’élargir l’accès au projet de décision aux parties, ce qui leur permettrait de présenter des observations sur celui-ci.
3. Les tiers intervenants
a) L’ordre des avocats au Conseil d’Etat et à la Cour de cassation (« ordre des avocats aux Conseils »)
20. L’ordre des avocats aux Conseils estime que le fait, pour le rapporteur public, d’avoir connaissance du projet de décision dont ne dispose pas le requérant ne porte aucune atteinte aux droits de celui-ci : tout au contraire, il en favorise l’exercice. L’égalité stricte avec le rapporteur public, revendiquée par le requérant, n’aurait donc finalement pour effet que de priver les justiciables d’une garantie. Il rappelle également le rôle joué par les rapporteurs publics dans l’évolution de la jurisprudence des juridictions administratives et la compréhension du droit. Il ajoute qu’aucun membre de sa corporation, pourtant en charge de défendre les requérants devant le Conseil d’Etat, pas plus que la doctrine spécialisée ou les autres praticiens du contentieux administratifs, n’ont jamais été amenés à se plaindre du système critiqué par le requérant dans le cadre de son grief. Il souligne d’ailleurs une convergence de point de vue avec la Ligue des droits de l’homme et du citoyen, mais aussi le GISTI (Groupe d’information et de soutien des immigrés) et la CIMADE, qui sont au nombre des associations les plus actives dans le contentieux en matière de droit des étrangers, ou encore avec l’association France nature environnement, toutes peu suspectes de complaisance envers les juridictions et qui lui ont écrit pour lui faire part de leur soutien dans le cadre de la présente tierce intervention.
21. Après avoir rappelé les modalités d’intervention du rapporteur public et noté que les rouages spécifiques de la justice administratives ne peuvent échapper à un requérant qui est lui-même membre d’une juridiction administrative, l’ordre des avocats aux Conseils souligne les garanties dont bénéficient les justiciables : au vu des conclusions du rapporteur public, notamment lorsqu’un moyen envisagé n’émane pas d’eux ou qu’un argument invoqué n’a pas été examiné, ils peuvent présenter à la formation de jugement des observations en réplique ou une note en délibéré qui sera obligatoirement examinée ; ils sont éclairés sur les éléments de fait et de droit pris en compte dans le travail d’instruction de la formation de jugement, couvert par le secret des délibérés, ce qui leur permet, là encore, de réagir si nécessaire ; les rapporteurs publics favorisent l’accès au droit et leurs conclusions, qui constituent l’essentiel de la doctrine publiée en matière de contentieux administratif, permettent aux avocats d’exercer au mieux leur mission, voire d’obtenir des revirements de jurisprudence préconisés par ces rapporteurs ; enfin, outre la connaissance de la jurisprudence qu’elles fournissent, les conclusions des rapporteurs publics offrent dans chaque affaire, par anticipation, une intelligibilité de la décision à venir, en contribuant largement à sa compréhension par les justiciables et leurs avocats.
22. Il en conclut qu’en répondant à un très artificiel objectif d’équilibre de la procédure, un tel bouleversement de la pratique contentieuse constituerait, pour le justiciable, une régression sans précédent dans l’histoire de la juridiction administrative.
b) Le Conseil National des Barreaux français (« CNBF »)
23. Le CNBF soutient également la position du Gouvernement. Selon lui, la justice administrative française actuelle peut être considérée comme un modèle de justice de qualité, qui repose notamment sur un traitement approfondi du dossier par plusieurs personnes en situation de libre et complète discussion. La posture du rapporteur public ne diffère pas, par nature, de celle de la formation de jugement et sa principale vertu réside dans son raisonnement impartial et complet sur l’ensemble du dossier, auquel s’ajoute une importante participation au contrôle de la qualité du travail juridictionnel.
24. En outre, la parole du rapporteur public, parce qu’il reçoit le projet de décision, permet aux parties de saisir le cadre intellectuel à l’intérieur duquel le tribunal va effectivement statuer, et donc de réagir utilement par écrit ou à l’oral. Le CNBF considère que revenir sur ce modèle constituerait un très grave recul de la protection des droits des justiciables, et ce d’autant qu’il leur offre une meilleure connaissance de leur situation juridique.
B. Appréciation de la Cour
25. La Cour rappelle, concernant l’exception soulevée par le Gouvernement, que, comme le relève ce dernier, pour qu’un Etat défendeur puisse, selon les termes de l’arrêt Vilho Eskelinen (précité), invoquer l’appartenance d’un requérant à la fonction publique pour le soustraire à la protection offerte par l’article 6, deux conditions doivent être remplies : d’une part, le droit interne de l’Etat concerné doit avoir expressément exclu l’accès à un tribunal s’agissant du poste ou de la catégorie de salariés en question ; d’autre part, cette dérogation doit reposer sur des motifs objectifs liés à l’intérêt de l’Etat.
26. En l’espèce, la Cour constate, et cela ne prête pas à controverse entre les parties, que le requérant a eu accès à un tribunal en vertu du droit national, ce que démontre la procédure interne.
27. L’article 6 § 1 est donc applicable et l’exception du Gouvernement doit être rejetée.
28. La Cour rappelle ensuite qu’elle a observé, dans sa décision Flament c. France ((déc.), no 28584/03, 21 mars 2006), que le rapport du conseiller rapporteur devant le Conseil d’Etat ne contient qu’un « simple résumé des pièces » du dossier. Elle a également relevé, à l’occasion de cette affaire, que les demandeurs au pourvoi sont en possession des pièces du dossier, notamment des mémoires échangés entre les parties : elle en a déduit qu’il ne saurait être valablement soutenu devant la Cour que la lecture par le commissaire du gouvernement, désormais appelé rapporteur public, ou même la possession d’un document résumant lesdites pièces, puisse fournir davantage d’informations que la possession des pièces elles-mêmes et que, partant, aucune situation de net désavantage eu égard à l’une ou l’autre des parties ne pouvait être constatée de ce fait (voir égalementAssociation Avenir d’Alet c. France, no 13324/04, 14 février 2008).
29. Certes, le requérant critique en l’espèce la communication au seul rapporteur public non pas de ce rapport qui ne contient qu’un « simple résumé des pièces » du dossier, mais du projet de décision du conseiller rapporteur.
30. Sur ce point, la Cour rappelle que le principe de l’égalité des armes – qui constitue également l’un des éléments de la notion plus large de procès équitable – requiert que chaque partie se voie offrir une possibilité raisonnable de présenter sa cause dans des conditions qui ne la placent pas dans une situation de net désavantage par rapport à son adversaire (voir, parmi beaucoup d’autres, Nideröst-Huber c. Suisse, 18 février 1997, § 23, Recueil des arrêts et décisions 1997-I). Par ailleurs, le droit à une procédure contradictoire – l’un des éléments de la notion plus large de procès équitable –, implique en principe « la faculté pour les parties aux procès, pénal ou civil, de prendre connaissance de toute pièce ou observation présentée au juge, même par un magistrat indépendant, en vue d’influencer sa décision et de la discuter » (voir, notamment, les arrêts Van Orshoven c. Belgique, 25 juin 1997, Recueil 1997‑III, J.J. c. Pays-Bas, 27 mars 1998, § 24, Recueil 1998‑II, et Flament c. France (déc.), no 28584/03, 21 mars 2006).
31. S’agissant tout d’abord du projet de décision du conseiller rapporteur, lequel est un magistrat de la formation de jugement chargé d’instruire le dossier, la Cour note qu’il ne s’agit pas d’une pièce produite par une partie et susceptible d’influencer la décision juridictionnelle, mais d’un élément établi au sein de la juridiction dans le cadre du processus d’élaboration de la décision finale. Partant, un tel document de travail interne à la formation de jugement, couvert par le secret, ne saurait être soumis au principe du contradictoire garanti par l’article 6 § 1 de la Convention.
32. Concernant ensuite la question de sa transmission au rapporteur public, la Cour observe que celui-ci est un membre du Conseil d’Etat, auquel il accède selon les mêmes modalités que ses collègues siégeant dans les formations de jugement, dont ne le distinguent que les fonctions particulières qui lui sont confiées de façon temporaire. La Cour relève en outre que, pour remplir son rôle, qui consiste à exposer publiquement, et en toute indépendance, son opinion sur les questions que présentent à juger les requêtes et sur les solutions qu’elles appellent, il procède à une analyse du dossier comparable à celle faite par le rapporteur. Elle souligne que le rapporteur public, qu’il partage ou non l’orientation du conseiller rapporteur, s’appuie notamment sur le projet de décision de celui-ci pour arrêter la position qu’il soumet publiquement à la formation de jugement. La Cour peut donc admettre que les conclusions du rapporteur public, en ce qu’elles intègrent l’analyse du conseiller rapporteur, sont de nature à permettre aux parties de percevoir les éléments décisifs du dossier et la lecture qu’en fait la juridiction, leur offrant ainsi l’opportunité d’y répondre avant que les juges n’aient statué. La Cour est donc d’avis que cette particularité procédurale, qui permet aux justiciables de saisir la réflexion de la juridiction pendant qu’elle s’élabore et de faire connaître leurs dernières observations avant que la décision ne soit prise, ne porte pas atteinte au caractère équitable du procès. Au surplus, la Cour note que le requérant ne démontre pas en quoi le rapporteur public serait susceptible d’être qualifié d’adversaire ou de partie dans la procédure, condition préalable pour être à même d’alléguer une rupture de l’égalité des armes.
33. La Cour relève d’ailleurs que les tiers intervenants, à savoir l’ordre des avocats au Conseil d’Etat et à la Cour de cassation, ainsi que le Conseil National des Barreaux, deux organismes représentatifs des professionnels en charge de la défense des justiciables devant les juridictions internes, notamment administratives, contestent la position du requérant et soutiennent celle du Gouvernement. Souhaitant le maintien du système actuel et dénonçant les conséquences négatives que sa disparition entraînerait, ils estiment qu’il permet d’offrir des garanties accrues aux parties, tout en permettant d’assurer une justice administrative de qualité.
34. En tout état de cause, la communication du projet de décision au rapporteur public n’a placé le requérant dans aucune situation de désavantage par rapport à quiconque, pas plus qu’il n’a été préjudiciable pour la défense de ses intérêts civils, seuls en cause en l’espèce, dans le cadre de cette procédure administrative.
35. Concernant les objections du requérant, au soutien de son grief, quant à la possibilité de répondre aux observations du rapporteur public à l’audience (paragraphe 19 ci-dessus), la Cour relève que, le 23 février 2009, il a été informé non seulement de la date d’audience, mais également du fait qu’il devait être représenté par un avocat au Conseil d’Etat et à la Cour de cassation (paragraphe 8 ci-dessus), ce qu’il ne pouvait de toute façon ignorer compte tenu de sa qualité de conseiller de tribunal administratif.
36. Or, la Cour rappelle que la spécificité de la procédure devant une cour suprême, considérée dans sa globalité, peut justifier de réserver aux seuls avocats spécialisés le monopole de la prise de parole (Meftah et autres c. France [GC], nos32911/96, 35237/97 et 34595/97, § 47, CEDH 2002‑VII, G.L. et S.L. c. France (déc.), no 58811/00, CEDH 2003‑III (extraits), etBassien-Capsa c. France, no 25456/02, § 48, 26 septembre 2006). En tout état de cause, le requérant conservait la possibilité de produire une note en délibéré (Kress c. France [GC], no 39594/98 du 7 juin 2001, § 76, CEDH 2001‑V) et il n’établit pas en quoi il en aurait été empêché dans les circonstances de l’espèce.
37. Compte tenu de ce qui précède, la Cour estime que le requérant ne saurait prétendre avoir été placé, du fait de la communication du projet de décision du conseiller rapporteur au rapporteur public, dans une situation contraire aux exigences de l’article 6 § 1 de la Convention.
38. Il s’ensuit que ce grief est manifestement mal fondé et doit être rejeté en application de l’article 35 §§ 3 (a) et 4 de la Convention.
II. SUR LES AUTRES GRIEFS
39. Le requérant soulève également d’autres griefs tirés des articles 6, 10, 13, 14 et 17 de la Convention, ainsi que de l’article 1 du Protocole no 12.
40. Compte tenu de l’ensemble des éléments en sa possession et dans la mesure où elle est compétente pour connaître des allégations formulées, la Cour ne relève aucune apparence de violation des droits et libertés garantis par la Convention ou ses Protocoles.
41. Il s’ensuit que cette partie de la requête doit être rejetée en application de l’article 35 §§ 3 (a) et 4 de la Convention.
Par ces motifs, la Cour, à l’unanimité,
Déclare la requête irrecevable.