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TA Paris, 5 novembre 2010, Société 20 Minutes France, requête numéro 0808815, non publié au recueil

Citer : Revue générale du droit, 'TA Paris, 5 novembre 2010, Société 20 Minutes France, requête numéro 0808815, non publié au recueil, ' : Revue générale du droit on line, 2010, numéro 10488 (www.revuegeneraledudroit.eu/?p=10488)


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Décision citée par :
  • Roxane Jurion, Conventions domaniales : plaidoyer pour une obligation de mise en concurrence


REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Le Tribunal administratif de Paris,

(7ème section – 2ème chambre),

 

Vu, I), la requête, enregistrée le 13 mai 2008 sous le numéro 0808815, présentée pour la SOCIETE 20 MINUTES FRANCE, dont le siège est 50/52 boulevard Haussmann à Paris (75009), par la SELARL Wilhelm & Associés ; la SOCIETE 20 MINUTES FRANCE demande au Tribunal :

– d’annuler la décision du 18 septembre 2007 par laquelle le directeur de la REGIE AUTONOME DES TRANSPORTS PARISIENS (RATP) a rejeté l’offre présentée par la SOCIETE 20 MINUTES FRANCE dans le cadre de la consultation lancée pour l’occupation du domaine public de la Régie, ensemble la décision de cette dernière de conclure la convention d’occupation du domaine public avec la société BOLLORE SA ;

– de mettre à la charge de la RATP une somme de 5 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

 

Vu, II), la requête, enregistrée le 13 mai 2008 sous le numéro 0808823, présentée pour la SOCIETE 20 MINUTES FRANCE, dont le siège est 50/52 boulevard Haussmann à Paris (75009), par la SELARL Wilhelm & Associés ; la SOCIETE 20 MINUTES FRANCE demande au Tribunal :

– d’annuler la décision par laquelle le directeur de la RATP a signé la convention autorisant la société BOLLORE SA à occuper son domaine public ;

– d’enjoindre à la RATP, si elle ne peut obtenir de la société BOLLORE SA qu’elle accepte la résolution de la convention d’occupation du domaine public, de saisir le juge du contrat, dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent jugement, afin qu’il constate la nullité de cette convention, sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard ;

– de mettre à la charge de la RATP une somme de 5 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

 

Vu, III), la requête, enregistrée le 13 mai 2008 sous le numéro 0808827, présentée pour la SOCIETE 20 MINUTES FRANCE, dont le siège est 50/52 boulevard Haussmann à Paris (75009), par la SELARL Wilhelm & Associés ; la SOCIETE 20 MINUTES FRANCE demande au Tribunal :

– d’annuler la décision née le 19 mars 2008 par laquelle le directeur de la RATP a rejeté la demande présentée par la SOCIETE 20 MINUTES FRANCE le 19 janvier 2008 et tendant à ce qu’il soit mis un terme à la convention d’occupation du domaine public conclue le 30 novembre 2007 avec la société BOLLORE SA ;

– d’enjoindre à la RATP, si elle ne peut obtenir de la société BOLLORE SA qu’elle accepte la résolution de la convention d’occupation du domaine public, de saisir le juge du contrat, dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent jugement, afin qu’il constate la nullité de cette convention, sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard ;

– de mettre à la charge de la RATP une somme de 5 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

 

Vu les décisions attaquées ;

 

Vu les autres pièces du dossier ;

 

Vu l’arrêté du Vice-président du Conseil d’Etat en date du 18 mars 2009 fixant la liste des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel autorisés à appliquer, à titre expérimental, les dispositions de l’article 2 du décret n°2009-14 du 7 janvier 2009 ;

 

Vu le code de commerce ;

 

Vu le code général de la propriété des personnes publiques ;

 

Vu le code de justice administrative ;

 

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l’audience ;

Après avoir entendu au cours de l’audience publique du 22 octobre 2010 :

– le rapport de M. Errera, conseiller,

– les conclusions de M. Le Broussois, rapporteur public ;

– les observations de Me Renaux pour la société requérante, de Me Delelis pour la RATP et de Me Liet-Vaux pour la société BOLLORE SA ;

 

Après avoir pris connaissance de la note en délibéré présentée par Me Delelis pour la RATP, enregistrée au greffe le 29 octobre 2010, de la note en délibéré présentée par Me Renaux pour la SOCIETE 20 MINUTES FRANCE, enregistrée au greffe le 3 novembre 2010 et de la note en délibéré présentée par Me Liet-Viaux pour la société Bolloré SA, enregistrée le 4 novembre 2010 ;

 

Considérant que les requêtes susvisées présentent à juger des questions semblables et ont fait l’objet d’une instruction commune ; qu’il y a lieu, par suite, de les joindre pour statuer par un même jugement ;

 

Considérant qu’après un avis d’appel public à candidatures pour l’attribution d’autorisations précaires d’occupation de son domaine public permettant la distribution de journaux périodiques gratuits et à l’issue d’une procédure de mise en concurrence à laquelle la SOCIETE 20 MINUTES FRANCE avait participé, la RATP a, par un courrier en date du 18 septembre 2007, informé la SOCIETE 20 MINUTES FRANCE que son offre était rejetée et a signé avec la société BOLLORE SA, le 30 novembre 2007, une convention d’occupation du domaine public autorisant ladite société à installer sur le domaine public des présentoirs en vue de la distribution de journaux gratuits d’information aux voyageurs ; que la SOCIETE 20 MINUTES FRANCE demande au tribunal d’annuler la décision du 18 septembre 2007 par laquelle le directeur de la RATP a rejeté son offre présentée dans le cadre de la consultation lancée pour l’occupation du domaine public de la Régie, ensemble la décision de cette dernière de conclure la convention d’occupation du domaine public avec la société BOLLORE SA ; que la SOCIETE 20 MINUTES FRANCE demande également au tribunal d’annuler la décision née le 19 mars 2008 par laquelle le directeur de la RATP a rejeté la demande présentée par la SOCIETE 20 MINUTES FRANCE le 19 janvier 2008 et tendant à ce qu’il soit mis un terme à la convention d’occupation du domaine public conclue le 30 novembre 2007 avec la société BOLLORE SA ;

 

Sur la fin de non-recevoir opposée en défense :

Considérant qu’aux termes de l’article R. 421-1 du code de justice administrative :  » Sauf en matière de travaux publics, la juridiction ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision, et ce, dans les deux mois à partir de la notification ou de la publication de la décision attaquée.  » ; et qu’aux termes de l’article R. 421-5 du même code :  » Les délais de recours contre une décision administrative ne sont opposables qu’à la condition d’avoir été mentionnés, ainsi que les voies de recours, dans la notification de la décision.  » ;

Considérant qu’il ressort des pièces du dossier que, si la SOCIETE 20 MINUTES FRANCE a reçu le 18 septembre 2007 notification de la décision rejetant son offre, cette notification ne mentionnait ni les délais ni les voies de recours ouverts à l’encontre de ladite décision ; qu’il résulte des dispositions précitées que l’absence de la mention des voies et délais de recours fait obstacle à ce que les délais fixés par l’article R. 421-1 du code de justice administrative soient opposables à la société requérante ; que la fin de non recevoir opposée par la RATP et tirée de la tardivité du recours dirigé contre la décision de rejet de l’offre de la SOCIETE 20 MINUTES FRANCE doit donc être écartée ;

 

Sur le moyen tiré de l’atteinte à la liberté du commerce et de l’industrie et sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens :

Considérant que s’il appartient à l’autorité administrative affectataire de dépendances du domaine public de gérer celles-ci tant dans l’intérêt du domaine et de son affectation que dans l’intérêt général, il lui incombe en outre, lorsque, conformément à l’affectation de ces dépendances, celles-ci sont le siège d’activités de production, de distribution ou de services, de prendre en considération le principe de liberté du commerce et de l’industrie ainsi que les règles de concurrence dans le cadre desquelles s’exercent ces activités ;

Considérant que la SOCIETE 20 MINUTES FRANCE fait notamment grief à la RATP d’avoir méconnu le principe de la liberté du commerce et de l’industrie en plaçant la société BOLLORE SA, attributaire unique de l’autorisation d’occupation de son domaine public, dans une situation d’exclusivité ; que la SOCIETE 20 MINUTES FRANCE fait également grief à la RATP d’abuser de sa position dominante en opposant à certains postulants un refus d’autorisation d’occupation, évinçant ainsi les autres éditeurs de presse quotidienne gratuite d’information générale du marché concerné ;

Considérant qu’à l’appui du moyen susvisé, la SOCIETE 20 MINUTES FRANCE articule une argumentation reposant notamment sur le constat que la société BOLLORE SA est la seule à bénéficier d’une autorisation d’occupation du domaine public de la RATP ;

En ce qui concerne la situation d’exclusivité de la société BOLLORE SA pour l’ensemble de 176 stations couvrant 80 % de la clientèle du chemin de fer métropolitain et du RER :

Considérant qu’il ressort des pièces du dossier, et notamment du  » cahier des charges relatif à l’autorisation précaire d’occupation du domaine public pour la distribution de journaux périodiques gratuits d’informations et d’actualités générales « , produit au dossier, que le périmètre de distribution concerné par ladite autorisation comprend, aux termes de l’article 2,  » 150 stations de métro et 20 gares de RER (…) qui couvrent 80 % de la clientèle du métro et du RER  » ; que ce chiffre de 170 stations est repris dans le règlement de la consultation, notamment à son article 4.2 ; qu’il ressort de l’article 3 a) de la convention portant autorisation d’occupation du domaine public pour la distribution de périodiques gratuits, conclue le 30 novembre 2007 entre la RATP et la société BOLLORE SA, que le périmètre finalement retenu est de 176 stations, étant précisé que le réseau de la RATP comporte au total 300 stations ;

Considérant que la RATP n’a, à l’issue de la consultation lancée fin 2006, retenu que la seule société BOLLORE SA, alors qu’elle avait reçu des offres venant de plusieurs autres sociétés, dont la SOCIETE 20 MINUTES FRANCE ; qu’ainsi, la société BOLLORE SA a bénéficié d’une situation d’exclusivité concernant la distribution de journaux gratuits sur le domaine public de la RATP dans la mesure où elle a été seule désignée comme bénéficiaire d’une autorisation d’occupation dudit domaine public, ainsi qu’en atteste le communiqué de presse de la RATP en date du 18 septembre 2007, entre le 30 novembre 2007, date de la signature de la convention entre la RATP et la société BOLLORE, et le 15 mai 2008, date de la désignation de la société remportant les lots d’emplacements complémentaires ;

Considérant que si la RATP a, le 31 mars 2008, lancé une nouvelle consultation portant sur deux lots complémentaires comprenant, pour le premier, 117 stations et 22 en option, et, pour le second, 78 stations, il demeure constant que la RATP n’a pas autorisé d’autres éditeurs de journaux gratuits à occuper le périmètre de distribution attribué à la société BOLLORE SA ; qu’ainsi, il y a lieu de constater que, depuis le 30 novembre 2007, la société BOLLORE SA jouit d’une exclusivité concernant la distribution de journaux quotidiens gratuits sur le périmètre de 176 stations du domaine public de la RATP, couvrant 80 % de la clientèle du chemin de fer métropolitain et du RER ;

Considérant qu’il y a lieu, par ailleurs, de relever que dans un document intitulé  » L’offre de presse quotidienne gratuite référente « , élaboré par Bolloré Intermédia, en date du mois de septembre 2009 et produit au dossier, la société BOLLORE SA présente elle-même sa convention avec la RATP comme une exclusivité, la mentionnant dans la page intitulée  » Des partenariats de distribution exclusifs « , dans les termes suivants :  » Direct Matin et Direct Soir sont présents dans 176 stations de métro-RER à plus fort trafic  » ;

Considérant qu’il y a également lieu de relever que, nonobstant la circonstance que la convention conclue avec la société BOLLORE SA stipule en son article 3 que  » la présente convention ne confère aucune exclusivité à l’occupant « , ladite convention, en son article 8 b), envisage l’hypothèse dans laquelle  » la RATP n’aurait pas accordé des droits d’occupation, pour la même activité, à d’autres éditeurs de la presse gratuite, dans les emprises du métro et du RER « , auquel cas la redevance d’occupation exigée de la société Bolloré sera majorée de 12 500 euros par trimestre ; qu’une telle clause démontre que la RATP n’excluait pas l’hypothèse d’une exclusivité et l’envisageait même explicitement dans la convention ;

Considérant qu’ainsi que l’a relevé le Conseil de la concurrence dans son avis n° 04-A-19 du 21 octobre 2004 rendu précisément au sujet des questions que pose, au regard du droit de la concurrence, l’occupation du domaine public par une activité de distribution de journaux gratuits, la personne publique doit veiller au fait qu’en accordant à l’entreprise retenue une autorisation domaniale exclusive pour y exercer une activité commerciale, elle confère à ladite entreprise un avantage exclusif, notamment par rapport aux concurrents n’ayant pas accès aux stations du réseau de transport urbain pour y installer des présentoirs pour leurs journaux, et qu’il existe un risque que cette situation de monopole constitue une discrimination anticoncurrentielle s’exerçant au détriment des concurrents et qu’elle donne à son bénéficiaire la possibilité d’abuser de cette position extrêmement favorable ;

En ce qui concerne les modalités retenues par la RATP pour l’occupation de son domaine public, et notamment le découpage de son réseau en trois lots d’inégale importance :

Considérant qu’ainsi que l’a relevé le Conseil de la concurrence dans son avis n° 04-A-19 du 21 octobre 2004 précité, au point 31,  » l’accès aux stations des transports en commun, par le contact privilégié obtenu avec un grand nombre de lecteurs potentiels, apparaît ainsi essentiel à la réussite d’une activité de journal gratuit d’information  » ; qu’il est de même observé, au point 32, que  » les stations de transport en commun, qui constituent des espaces disponibles pour l’installation de présentoirs, sont nécessairement en nombre limité et constituent une ressource rare pour les entreprises de distribution de journaux gratuits. Les restrictions d’accès à cette ressource doivent donc être justifiées par des raisons objectives.  » ;

Considérant que dès lors que le domaine public de la RATP est susceptible d’accueillir un nombre d’opérateurs au moins égal au nombre d’opérateurs agissant sur le marché de la distribution de journaux gratuits d’information générale, la décision d’accorder un titre d’occupation à un nombre inférieur à celui-ci, ou à un seul comme c’est le cas en l’espèce, doit être justifiée par des raisons objectives ou des impératifs d’intérêt général ;

Considérant qu’il ressort des pièces du dossier, et qu’il n’est pas contesté par la défense, que, dans les réseaux de transports en commun des autres grandes villes françaises dans lesquelles se pratique la distribution de journaux gratuits, et notamment Lille, Lyon et Marseille, les trois principaux éditeurs de journaux gratuits, à savoir les sociétés 20 Minutes, Métro et Bolloré, sont autorisés à installer leurs présentoirs ; qu’il y a ainsi lieu de relever la singularité des choix arrêtés par la RATP, Paris apparaissant comme l’unique grande ville française où un éditeur de journaux gratuits est seul autorisé à distribuer ses titres, de façon exclusive, dans une partie significative du réseau de transports en commun ;

Considérant que la défense de la RATP se caractérise par de nombreuses contradictions et incohérences sur ce point, dans la mesure où elle affirme, d’un côté, n’avoir jamais eu l’intention d’établir une exclusivité, mais où elle affirme également, d’un autre côté, qu’il lui est difficile, pour des raisons de place et de sécurité, d’autoriser plusieurs éditeurs de journaux gratuits à utiliser son domaine public ; que la justification du choix de la RATP de n’accorder d’autorisation d’occupation qu’à un seul éditeur pour le lot principal n’apparaît jamais clairement ; que l’argumentation de la RATP selon laquelle des impératifs de sécurité ainsi que le manque de places disponibles ne permettaient pas de donner une suite favorable à l’offre de la SOCIETE 20 MINUTES FRANCE manque singulièrement de crédibilité au regard de ce qui vient d’être dit concernant les autres grandes villes ;

En ce qui concerne le montant de la redevance :
Considérant que la SOCIETE 20 MINUTES FRANCE soutient que la RATP dispose d’une position dominante sur le marché de l’accès à son domaine public permettant la distribution de journaux gratuits et que la perception, pour l’occupation de ce domaine, d’une redevance qui revêt un montant excessif constitue un abus de position dominante ; qu’à titre de comparaison, la SOCIETE 20 MINUTES FRANCE rappelle que le montant de redevance fixé à Marseille, où des journaux gratuits sont distribués dans le réseau de transports en commun, est de 100 euros par présentoir ;
Considérant qu’aux termes de l’article L. 2125-3 du code général de la propriété des personnes publiques :  » La redevance due pour l’occupation ou l’utilisation du domaine public tient compte des avantages de toute nature procurés au titulaire de l’autorisation.  » ;
Considérant que la redevance imposée à un occupant du domaine public doit être calculée non seulement en fonction de la valeur locative d’une propriété privée comparable à la dépendance du domaine public pour laquelle la permission est délivrée mais aussi en fonction de l’avantage spécifique procuré par cette jouissance privative du domaine public ;
Considérant que la RATP n’apporte aucun élément permettant au juge d’exercer son contrôle sur les bases de calcul retenues et de vérifier ainsi que les montants fixés correspondent à l’avantage que l’occupant en retire, se bornant à indiquer sans plus de précisions que  » n’ayant jusqu’alors jamais ouvert son domaine public à la presse gratuite, [elle] a laissé les éditeurs intéressés proposer le montant de la redevance  » ; que cette argumentation est dépourvue de pertinence dès lors qu’il est constant que plusieurs grandes villes françaises, et notamment Lyon, Marseille et Lille, ont ouvert leur réseau de transports en commun aux éditeurs de journaux gratuits, ce qui permettait à la RATP de disposer d’une base de comparaison pertinente, afin, par exemple, de déterminer un prix moyen par présentoir ;
En ce qui concerne le droit de premier refus accordé à la société BOLLORE SA :
Considérant que l’intention manifeste de la RATP d’accorder un traitement privilégié à la société s’étant vu attribuer le lot principal apparaît également à travers l’article 3 b) de la convention, qui stipule que  » Toutefois dans le cas où la RATP envisagerait la mise à disposition de présentoirs supplémentaires dans les stations figurant à l’annexe 2A, l’occupant bénéficiera d’un droit de premier refus à l’occupation de ces nouveaux emplacements  » ; que cette stipulation s’analyse en un droit de priorité, ou clause de préférence, pour la société s’étant vu attribuer le lot principal, qui se voit ainsi proposer en priorité les nouveaux emplacements et a ainsi la possibilité de préempter ces nouveaux emplacements au cas où ils seraient proposés, au détriment d’éventuels autres éditeurs ; que la RATP n’apporte aucune explication et aucune justification quant à la raison d’être de cette clause de préférence ;
Considérant qu’ainsi que l’a relevé le Conseil de la concurrence dans sa décision n° 98-D-52 du 7 juillet 1998 relative à des pratiques relevées dans le secteur du mobilier urbain, au sujet d’une clause similaire figurant dans les contrats de mobilier urbain et ainsi libellée  » (…) pendant la durée de la convention, la ville pourra installer ou laisser installer du mobilier de type ou d’usage défini dans la présente convention aux emplacements qui devront avoir été offerts à la société JC Decaux aux conditions des présentes et refusés par celle-ci après un délai de trois mois à compter de la date de la notification par la ville à la société JC Decaux  » :  » Ces dispositions, reprises de celles du contrat-type, confèrent donc au groupe Decaux un droit d’exclusivité, puisqu’il conserve, s’il le souhaite, une priorité sur toute autre entreprise pour l’installation de mobiliers supplémentaires, même sur celles qui proposent à prestations égales des conditions financières plus intéressantes.  » ; que, dans la décision précitée, le Conseil de la concurrence a relevé que cette clause participait d’une stratégie délibérée du groupe en question visant à lui éviter d’être confronté à la concurrence, et qu’elle a eu, combinée avec d’autres clauses, pour objet et pour effet de restreindre artificiellement le jeu de la concurrence sur le marché concerné ; que le Conseil de la concurrence a constaté les effets anticoncurrentiels de ces pratiques et a, dans ladite décision, enjoint aux sociétés du groupe Decaux de ne pas proposer aux collectivités publiques souhaitant contracter avec elles l’insertion d’une clause leur reconnaissant un droit de priorité pour toute installation de mobilier supplémentaire ;
Considérant, ainsi, qu’il ressort des pièces du dossier que la RATP a entendu privilégier l’installation sur son domaine public de la société s’étant vu attribuer le lot principal, au détriment des autres opérateurs, ainsi que cela apparaît notamment à travers des éléments tels que la définition du périmètre des différents lots, l’existence d’un lot principal représentant 80 % du trafic et 59 % des stations, et de deux lots secondaires ne présentant qu’un intérêt limité par rapport au lot principal, l’attribution du lot principal à un seul éditeur, ainsi que dans les délais séparant l’attribution du lot principal de celle des lots secondaires ; que les décisions attaquées, et notamment celle rejetant l’offre de la SOCIETE 20 MINUTES FRANCE, ne sont justifiées par aucune considération d’intérêt général ou touchant à la sécurité du réseau ; qu’il ne ressort pas des pièces du dossier que les décisions auraient été justifiées par l’intérêt patrimonial de la RATP, dans la mesure où il n’est pas établi que la RATP, en accordant des autorisations d’occupation de son domaine public à trois éditeurs plutôt qu’à un seul, n’aurait pas pu obtenir un montant de redevance égal ou supérieur à celui versé par la société BOLLORE SA ;
Considérant, de surcroît, que l’élargissement de l’offre de journaux gratuits permis par l’attribution d’emplacements dans l’enceinte du réseau aux trois opérateurs permettait, notamment grâce à la mise à disposition des voyageurs d’un choix varié de titres, de rendre un service supplémentaire aux usagers dudit réseau ;
Considérant que, contrairement ce que soutiennent la RATP et la société BOLLORE SA en défense, le fait que les autres opérateurs de journaux gratuits conservent la faculté de distribuer leurs titres par colporteurs à l’entrée des stations du chemin de fer métropolitain ne saurait en rien les mettre sur un pied d’égalité avec la société BOLLORE SA, du fait du coût supérieur engendré par la distribution par colporteurs à l’entrée des stations, distribution qui ne peut de surcroît se faire que quelques heures par jour, alors que la distribution par présentoirs n’induit aucun coût de personnel en dehors des opérations ponctuelles de réapprovisionnement et est permanente dans le temps, et du fait, relevé par la SOCIETE 20 MINUTES FRANCE dans ses écritures, qu’en raison des correspondances, le trafic de voyageurs à l’intérieur des stations du réseau est supérieur au trafic de voyageurs à l’entrée des stations ;
Considérant qu’il résulte de ce qui précède que, par l’effet conjugué du découpage des lots, de la sélection d’un seul éditeur pour le lot principal et de l’exclusivité accordée à cet éditeur, de l’absence de tout critère objectif dans la détermination du montant de la redevance, de l’existence de clauses faisant obstacle à l’installation de concurrents et visant à favoriser le candidat ayant remporté le lot principal, la RATP a porté une atteinte excessive à la liberté du commerce et de l’industrie ; que, par suite, la décision du 18 septembre 2007 rejetant l’offre de la SOCIETE 20 MINUTES FRANCE et la décision de la RATP de signer la convention avec la société BOLLORE SA doivent être annulées ; qu’eu égard à la nature du vice entachant ces actes détachables, l’annulation de ces décisions implique nécessairement la résolution de la convention d’occupation du domaine public signée le 30 novembre 2007 entre la RATP et la société BOLLORE SA ; qu’il suit de là que la décision du directeur de la RATP rejetant la demande présentée par la SOCIETE 20 MINUTES FRANCE et tendant à ce que la convention soit résiliée est illégale et doit donc être également annulée ;
Sur les conclusions à fin d’injonction :
Considérant que la requérante demande au tribunal d’enjoindre à la RATP, si elle ne peut obtenir de la société BOLLORE SA qu’elle accepte la résolution de la convention d’occupation du domaine public, de saisir le juge du contrat afin qu’il constate la nullité de cette convention ;
Considérant qu’il résulte de ce qui a été dit plus haut qu’au regard des motifs pour lesquels les décisions susmentionnées sont annulées, la SOCIETE 20 MINUTES FRANCE est fondée à demander au tribunal d’enjoindre à la RATP, si elle ne peut obtenir de la société BOLLORE SA qu’elle accepte la résolution de cette convention d’un commun accord des parties, de solliciter du juge du contrat cette résolution dans le délai d’un mois à compter de la notification de la présente décision ; qu’il n’y a pas lieu d’assortir cette injonction d’une astreinte ;
Sur les conclusions tendant à l’application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la SOCIETE 20 MINUTES FRANCE, qui n’est pas la partie perdante dans la présente instance, soit condamnée à verser à la RATP et à la société BOLLORE SA la somme que celles-ci demandent au titre des frais exposés par elles et non compris dans les dépens ; qu’il y a lieu, en revanche, de faire droit aux conclusions présentées par la SOCIETE 20 MINUTES FRANCE au titre de ces mêmes dispositions et de condamner la RATP à lui verser la somme de 3 000 euros ;
D E C I D E :
Article 1er : La décision du 18 septembre 2007 par laquelle le directeur de la RATP a rejeté l’offre présentée par la SOCIETE 20 MINUTES FRANCE, la décision du directeur de la de la RATP de conclure la convention d’occupation du domaine public avec la société BOLLORE SA et la décision née le 19 mars 2008 par laquelle le directeur de la RATP a rejeté la demande présentée par la SOCIETE 20 MINUTES FRANCE le 19 janvier 2008 et tendant à ce qu’il soit mis un terme à convention d’occupation du domaine public conclue le 30 novembre 2007 avec la société BOLLORE SA sont annulées.
Article 2 : Il est enjoint à la RATP, si elle ne peut obtenir de la société BOLLORE SA qu’elle accepte la résolution de la convention d’occupation du domaine public conclue avec elle, de saisir le juge du contrat dans le délai d’un mois à compter de la notification de la présente décision aux fins de voir prononcer la résolution de ladite convention.
Article 3 : La RATP versera à la SOCIETE 20 MINUTES FRANCE la somme de 3 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Les conclusions présentées par la RATP et par la société BOLLORE SA sur le fondement des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : Le présent jugement sera notifié à la SOCIETE 20 MINUTES FRANCE, à la RATP et à la société BOLLORE SA.

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