RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu, enregistrée à son secrétariat le 4 juillet 1997, l’expédition du jugement en date du 24 juin 1997, par lequel le tribunal administratif de Nancy a renvoyé au Tribunal, par application de l’article 34 du décret du 26 octobre 1849 modifié, le soin de décider sur la question de compétence relative à la demande formée par Mme Marie-Ange X… Veuve Y…, tant en son nom personnel qu’en qualité d’administrateur légal de ses enfants mineurs Sébastien et Jean-Bernard Y…, contre l’Etat français, tendant à l’indemnisation du préjudice occasionné par le défaut de protection policière de Bernard Y…, assassiné le 29 mars 1985 par Jean-Marie Z… ;
Vu l’arrêt, en date du 23 février 1993, par lequel la Cour d’appel de Paris a dit n’y avoir lieu de faire droit à la demande de Mme X… ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi des 16-24 août 1790 et le décret du 16 fructidor an III ;
Vu la loi du 24 mai 1872 ;
Vu le décret du 26 octobre 1849 modifié ;
Vu le code de procédure pénale ;
Après avoir entendu en séance publique :
– le rapport de M. Guerder, membre du Tribunal,
– les observations de la SCP Lyon-Caen, Fabiani, Thiriez, avocat de Mme Bolle Veuve Y…,
– les conclusions de M. Arrighi de Casanova, Commissaire du gouvernement ;
Sur la régularité de la procédure :
Considérant que si la Cour d’appel a dit n’y avoir lieu de faire droit à la demande de Mme X… fondée sur l’article L. 781-1 du code de l’organisation judiciaire, il ressort de la motivation de sa décision qu’elle a entendu décliner la compétence des juridictions de l’ordre judiciaire pour statuer sur cette demande ; que dès lors, le tribunal administratif, saisi de la même demande, a pu faire application des dispositions de l’article 34 du décret du 26 octobre 1849 modifié ;
Sur la compétence :
Considérant qu’à la suite de l’ouverture d’une information pour homicide volontaire de l’enfant Grégory Z…, le juge d’instruction a inculpé Bernard Y…, et placé celui-ci en détention provisoire, du 5 novembre 1984 au 4 février 1985 ; qu’en dépit des menaces proférées par Jean-Marie Z…, père de la victime et partie civile, et de la demande formulée par les avocats de Bernard Y… auprès du procureur de la République, qui en a saisi le préfet du département des Vosges, aucune mesure de protection policière n’avait été mise en place le 29 mars 1985, lorsque Jean-Marie Z… a assassiné Bernard Y… ;
Considérant que l’action de Mme X… ne tendait qu’à la réparation du dommage causé par le défaut de protection de son mari ; qu’en l’absence de mesure privative ou restrictive de liberté décidée par l’autorité judiciaire, la protection d’une personne, serait-elle inculpée ou mise en examen, ne relève pas de la police judiciaire, mais de la police administrative, chargée de préserver la sécurité des citoyens et l’ordre public ; que dès lors, la demande formée par Mme X… ressortit à la compétence de la juridiction administrative ;
Article 1er : La juridiction de l’ordre administratif est compétente pour connaître du litige opposant Mme X…, en son nom personnel et en qualité d’administrateur légal de ses enfants mineurs Sébastien et Jean-Bernard Y…, à l’Etat français.
Article 2 : Le jugement rendu le 24 juin 1997 par le tribunal administratif de Nancy est déclaré nul et non avenu, en ce qu’il a déclaré la juridiction administrative incompétente pour statuer sur le litige. La cause et les parties sont renvoyées devant ce tribunal.
Article 3 : La présente décision sera notifiée au garde des sceaux, ministre de la justice, qui est chargé d’en assurer l’exécution.