REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu l’arrêté, en date du 13 août 1902, par lequel le préfet du département du Rhône a élevé le conflit dans l’instance pendante entre lui et les sieurs Y…, Z… et X… devant la cour d’appel de Lyon ; Vu les lois des 16-24 août 1790 et 16 fructidor an III ; Vu la loi du 1er juillet 1901 et le décret du 25 juillet 1902 ; Vu les ordonnances du 1er juin 1828 et du 12 mars 1831 ; Vu le règlement d’administration publique du 26 octobre 1849 et la loi du 24 mai 1872 ;
Sur la recevabilité de l’arrêté de conflit : Considérant qu’aux termes de l’article 8 de l’ordonnance du 1er juin 1828 le délai de quinzaine dans lequel doit être élevé le conflit court du jour de l’envoi fait au préfet du jugement rendu sur la compétence ;
Considérant que si, d’après l’extrait du registre de mouvement, la copie de l’arrêt du 13 août 1902, qui a rejeté le déclinatoire, a été adressée le 14 août par le procureur général, il n’en résulte pas que le préfet du Rhône n’ait pas eu connaissance de cet arrêt de la cour de Lyon, lorsqu’à la date du 13 août il a pris l’arrêté de conflit qui vise la décision intervenue conformément à l’article 9 de l’ordonnance du 1er juin 1828 ; que, dès lors, l’arrêté de conflit susvisé est recevable ;
Sur la validité de l’arrêté de conflit : Considérant que, par son arrêté en date du 26 juillet 1902, le préfet du Rhône a ordonné l’évacuation immédiate de l’établissement formé à Lyon, rue des Farges, n° 22, par la congrégation des soeurs de Saint-Charles et prescrit l’apposition des scellés sur les portes et les fenêtres de l’immeuble ;
Considérant qu’en prenant cet arrêté d’après les ordres du ministre de l’Intérieur et des Cultes le préfet a agi dans le cercle de ses attributions, comme délégué du pouvoir exécutif, en vertu du décret du 25 juillet 1902 qui a prononcé la fermeture dudit établissement par application de l’article 13, paragraphe 3, de la loi du 1er juillet 1901 ;
Considérant qu’il ne saurait appartenir à l’autorité judiciaire d’annuler les effets et d’empêcher l’exécution de ces actes administratifs ; que l’apposition des scellés, ordonnée comme suite et complément de l’évacuation forcée des locaux, et le maintien temporaire desdits scellés ne constituent pas un acte de dépossession pouvant servir de base à une action devant l’autorité judiciaire. Que, par suite, la demande formée au nom de la société propriétaire de l’immeuble dont il s’agit tendant à obtenir la levée des scellés apposés pour assurer l’exécution des décret et arrêté précités ne pouvait être portée que devant la juridiction administrative, seule compétente pour apprécier la légalité des actes d’administration et pour connaître des mesures qui en sont la conséquence ; que, de ce qui précède, il résulte que la cour d’appel de Lyon, en se déclarant compétente, a violé le principe de la séparation des pouvoirs ;
Considérant, d’autre part, qu’après avoir rejeté le déclinatoire la cour a, dans le même arrêt, passé outre au jugement du fond ; qu’elle a ainsi méconnu les prescriptions des articles 7 et 8 de l’ordonnance du 1er juin 1828 ;
DECIDE : Article 1er : L’arrêté de conflit en date du 13 août 1902 est confirmé. Article 2 : Sont considérés comme nuls et non avenus l’exploit introductif d’instance du 28 juillet 1902, l’acte d’appel et l’arrêt de la cour d’appel de Lyon en date du 13 août 1902. Article 3 : Transmission de la décision au garde des sceaux pour l’exécution.