Tribunal des conflits
N° 03060
Publié au recueil Lebon
M. Vught, président
M. Waquet, rapporteur
M. Abraham, commissaire du gouvernement
SCP Boulloche, Avocat, avocats
lecture du lundi 24 novembre 1997
Texte intégral
Vu, enregistrée à son secrétariat le 2 décembre 1996, la requête présentée pour la société de Castro, dont le siège social est …, tendant à ce que le Tribunal, en application de l’article 17 du décret du 26 octobre 1849 modifié, déclare la juridiction administrative compétente pour statuer sur sa demande tendant à faire condamner MM. X… et Y…, ainsi que le Groupe G. 20, assureur de M. X…, à la réparation du dommage subi par elle lors de l’exécution du contrat passé avec l’office public d’HLM de l’Allier portant sur la construction de 14 logements à Gannat, à la suite du conflit négatif résultant de ce que :
1) par un jugement du 28 avril 1995, le tribunal de grande instance de Montluçon a déclaré la juridiction judiciaire incompétente pour connaître de la demande dirigée contre MM. X… et Y… ;
2) par une ordonnance du 23 janvier 1996, le président du tribunal administratif de Clermont-Ferrand, statuant en application des dispositions de l’article L.9 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel, a déclaré la juridiction administrative incompétente pour connaître de la demande dirigée contre MM. X… et Y… et contre le Groupe G. 20 assureur de M. X… ;
Vu les décisions précitées ;
Vu, enregistrées le 27 janvier 1997, les observations du ministre délégué chargé du logement, tendant à ce que la juridiction administrative soit déclarée compétente par les motifs que le litige entre l’entrepreneur et les architectes concerne l’exécution de travaux publics ;
Vu, enregistré le 9 juillet 1997, le mémoire présenté pour M. Y…, tendant àce que la juridiction administrative soit déclarée compétente pour les mêmes motifs ;
Vu les pièces du dossier desquelles il résulte que la requête a été notifiée à M. X… et au Groupe G. 20, qui n’ont pas produit de mémoire ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi des 16-24 août 1790 et le décret du 16 fructidor an III ;
Vu la loi du 24 mai 1872 ;
Vu le décret du 26 octobre 1849 modifié ;
Vu l’article 4 de la loi du 28 pluviôse an VIII ;
Après avoir entendu en séance publique :
– le rapport de M. Waquet, membre du Tribunal,
– les observations de la SCP Boulloche, avocat de M. Y…,
– les conclusions de M. Abraham, Commissaire du gouvernement ;
Sur la saisine du Tribunal :
Considérant que par assignation du 28 septembre 1994, la société de Castro, adjudicataire d’un marché de travaux publics concernant la construction de 14 logements au profit de l’office public d’HLM de l’Allier, a demandé au tribunal de grande instance de Montluçon de condamner MM. X… et Y…, architectes chargés des plans et des métrés, à lui payer des dommages intérêts en réparation du préjudice qu’elle aurait subi à raison des fautes commises par les architectes dans l’exécution de leur mission ; que, par jugement du 28 avril 1995, le tribunal a déclaré la juridiction judiciaire incompétente pour connaître de ce litige ;
Considérant que par requête enregistrée le 20 décembre 1995, la société de Castro a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand de condamner M. X…, son liquidateur, Me Z…, M. Y… et le Groupe G. 20, assureur de M. X…, au paiement des mêmes dommages intérêts pour la même cause ; que par ordonnance du 23 janvier 1996, rendue en application de l’article L. 9 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel, le président du tribunal administratif a rejeté cette requête comme portée devant une juridiction incompétente pour en connaître ;
Considérant qu’il résulte des deux décisions juridictionnelles ainsi intervenues un conflit négatif de compétence entre les deux ordres de juridiction au sens des dispositions de l’article 17 du décret du 26 octobre 1849 modifié ; que, cependant, la société de Castro n’ayant formé devant le tribunal de grande instance de Montluçon aucune demande à l’encontre du Groupe G. 20, assureur de M. X…, la requête, en tant qu’elle demande au Tribunal de renvoyer les parties devant la juridiction administrative pour statuer sur l’action dirigée contre cetassureur, est irrecevable ;
Sur la compétence :
Considérant que le litige né de l’exécution d’un marché de travaux publics et opposant des participants à l’exécution de ces travaux relève de la compétence de la juridiction administrative, sauf si les parties en cause sont unies par un contrat de droit privé ;
Considérant qu’il est établi par les pièces du dossier que la société de Castro, titulaire d’un marché de travaux publics, n’est liée à MM. X… et Y… par aucun contrat de droit privé ;
Considérant qu’il résulte de ce qui précède qu’il appartient à la juridiction administrative de connaître du litige opposant la société de Castro à MM. X… et Y… ;
Article 1er : La requête est déclarée irrecevable en tant qu’elle concerne l’action exercée contre le Groupe G. 20, assureur de M. X….
Article 2 : La juridiction de l’ordre administratif est compétente pour connaître du litige opposant la société de Castro à MM. X… et Y….
Article 3 : L’ordonnance du président du tribunal administratif de Clermont-Ferrand en date du 23 janvier 1996 par laquelle cette juridiction a décliné sa compétence pour statuer sur la demande en tant qu’elle est dirigée contre MM. X… et Y… est déclarée nulle et non avenue.
Article 4 : La cause et les parties concernées, à savoir la société de Castro et MM. X… et Y…, sont renvoyées devant ce Tribunal.
Article 5 : La présente décision sera notifiée au garde des sceaux, ministre de la justice, qui est chargé d’en assurer l’exécution.
Analyse
Abstrats : 17-03-02-03-02-04,RJ1 COMPETENCE – REPARTITION DES COMPETENCES ENTRE LES DEUX ORDRES DE JURIDICTION – COMPETENCE DETERMINEE PAR UN CRITERE JURISPRUDENTIEL – CONTRATS – CONTRATS ADMINISTRATIFS – MARCHES DE TRAVAUX PUBLICS -Litige relatif à l’exécution d’un marché de travaux publics – Compétence de la juridiction administrative (1).
39-06,RJ1 MARCHES ET CONTRATS ADMINISTRATIFS – RAPPORTS ENTRE L’ARCHITECTE, L’ENTREPRENEUR ET LE MAITRE DE L’OUVRAGE -Litige entre l’architecte et l’entrepreneur – Litige relatif à l’exécution d’un marché de travaux publics – Compétence de la juridiction administrative (1).
39-08-005,RJ1 MARCHES ET CONTRATS ADMINISTRATIFS – REGLES DE PROCEDURE CONTENTIEUSE SPECIALES – COMPETENCE -Litige relatif à l’exécution d’un marché de travaux publics – Compétence de la juridiction administrative (1).
Résumé : 17-03-02-03-02-04, 39-06, 39-08-005 Le litige né de l’exécution d’un marché de travaux publics et opposant des participants à l’exécution de ces travaux relève de la compétence de la juridiction administrative, sauf si les parties en cause sont unies par un contrat de droit privé, sans qu’il y ait lieu de rechercher si les parties sont liées au maître de l’ouvrage par un contrat de droit public.
1. Comp. CE, 1986-03-07, Syndicat d’électricité et d’équipement collectif du Jura, p. 64 ; CE, Section, 1995-01-20, Mme Veuve Charvier, p. 37