REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu, enregistrée au secrétariat du Contentieux du Conseil d’Etat le 20 décembre 1995, l’ordonnance en date du 15 décembre 1995 par laquelle le président du tribunal administratif de Nantes transmet, en application de l’article R. 81 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel, la demande présentée à ce tribunal pour la Caisse primaire d’assurance maladie de la Sarthe, la Caisse de mutualité sociale agricole de la Sarthe et la Caisse régionale d’assurance maladie des Pays de Loire ;
Vu la demande, enregistrée le 17 mai 1995 au greffe du tribunal administratif de Nantes, présentée pour la Caisse primaire d’assurance maladie de la Sarthe, la Caisse de mutualité sociale agricole de la Sarthe et la Caisse régionale d’assurance maladie des Pays de Loire, ayant leur siège respectivement au Mans et à Nantes ; la Caisse primaire d’assurance maladie de la Sarthe, la Caisse de mutualité sociale agricole de la Sarthe et la Caisse régionale d’assurance maladie des Pays de Loire demandent au tribunal administratif :
1°) d’annuler la décision de la commission nationale de conciliation de la convention médicale du 10 mars 1995, par laquelle la commission a, sur le recours du docteur X…, annulé la décision de déconventionnement d’un an prise à son encontre ;
2°) de condamner le docteur X… à leur verser une somme de 8 000 F sur le fondement de l’article L. 8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de la sécurité sociale ;
Vu l’ordonnance n° 96-345 du 24 avril 1996 ;
Vu la convention nationale des médecins approuvée par l’arrêté n° 93-1043 du 25 novembre 1993 ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel ;
Vu l’ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
– le rapport de Mme Boissard, Auditeur,
– les observations de la SCP Guiguet, Bachellier, Potier de la Varde, avocat de la Caisse primaire d’assurance maladie de la Sarthe et de la SCP Piwnica, Molinié, avocat de M. Adam X…,
– les conclusions de M. Bonichot, Commissaire du gouvernement ;
Sur la compétence de la juridiction administrative :
Considérant qu’à la différence de sa rédaction antérieure qui donnait compétence aux tribunaux administratifs, l’article L. 162-34 du code de la sécurité sociale, tel qu’il a été modifié par l’article 28-I de l’ordonnance du 24 avril 1996 dispose que : « Les litiges pouvant survenir à l’occasion de la décision d’une caisse primaire d’assurance maladie de placer un professionnel hors de l’une des conventions ou, en ce qui concerne les médecins, du règlement, mentionnés aux sections 1, 2 et 3 du présent chapitre sont de la compétence des tribunaux des affaires de sécurité sociale » ;
Considérant qu’en vertu des dispositions de l’article 34 de la Constitution, la loi fixe les règles concernant les garanties fondamentales accordées aux citoyens pour l’exercice des libertés publiques ; que, par application des dispositions dudit article, relève du domaine de la loi la fixation des limites de la compétence des juridictions administratives et judiciaires ;
Considérant que, si l’article 1er (3°) de la loi du 30 décembre 1995 habilitait le gouvernement, agissant par voie d’ordonnances dans le cadre de l’article 38 de la Constitution, à prendre, pour une durée limitée, toutes mesures modifiant les dispositionsrelatives aux relations entre les organismes de sécurité sociale et les professions médicales et paramédicales, de telles mesures ne pouvaient, selon les termes mêmes de la loi, que viser à « améliorer la qualité des soins et la maîtrise des dépenses de santé » ; que, si, à ce titre, le gouvernement était compétent notamment pour instituer un nouveau dispositif régissant les rapports entre les médecins et les organismes de sécurité sociale, il n’était pas autorisé par la loi à modifier les règles antérieures de répartition de compétences entre les juridictions administratives et judiciaires ;
Considérant qu’il suit de là que l’article 28-I de l’ordonnance du 24 avril 1996 n’a pu légalement modifier les règles de compétence résultant des dispositions de l’article L. 162-34 du code de la sécurité sociale, dans leur rédaction issue de la loi n° 93-8 du 4 janvier 1993 ; qu’ainsi, la juridiction administrative est demeurée compétente pour connaître de la demande de la Caisse primaire d’assurance maladie de la Sarthe, de la Caisse de mutualité sociale agricole de la Sarthe et de la Caisse régionale d’assurance maladie des Pays de Loire tendant à l’annulation de l’avis en date du 10 mars 1995 rendu par la commission nationale de conciliation sur la mesure de déconventionnement prononcée par lesdites Caisses à l’encontre du docteur X… ;
Sur la compétence au sein de la juridiction administrative :
Considérant qu’en vertu de l’article L. 162-34 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction légalement applicable, les litiges pouvant survenir à l’occasion de l’application de l’une ou l’autre convention nationale des médecins, sont de la compétence « des tribunaux administratifs » ; qu’il résulte de ces dispositions, comme d’ailleurs des travaux préparatoires des différents textes de loi qui, depuis l’intervention de la loi du 3 juillet 1971, ont posé cette règle, que le législateur a entendu donner compétence, au sein de la juridiction administrative, aux tribunaux administratifs en leur qualité de juge de droit commun du contentieux administratif pour connaître, en premier ressort, des litiges entrant dans le champ des prévisions de l’article L. 162-34 du code précité ; que ces dispositions législatives prévalent nécessairement sur les dispositions de nature réglementaire introduites à l’article 2 du décret du 28 novembre 1953 par le décret du 26 août 1975 et relatives à la compétence en premier et dernier ressort du Conseil d’Etat pour les recours en annulation dirigés contre les décisions administratives des organismes collégiaux à compétence nationale ; qu’ainsi, le jugement de la demande de la Caisse primaire d’assurance maladie de la Sarthe et autres relève normalement du tribunal administratif de Nantes territorialement compétent en vertu de l’article R. 54 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel ;
Sur l’application de l’article R. 83 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel :
Considérant que, selon l’article R. 83 dudit code, le Conseil d’Etat peut, nonobstant les règles de répartition des compétences entre les juridictions administratives, rejeter des conclusions entachées d’une irrecevabilité manifeste non susceptible d’être couverte en cours d’instance ;
Considérant qu’en vertu du 2° du cinquième alinéa de l’article L. 162-6 du code de la sécurité sociale, la décision par laquelle un médecin est placé hors de la convention pour violation des engagements prévus par celle-ci est du ressort de la caisse primaire d’assurance maladie ; que les dispositions de l’article 36 de la convention nationale des médecins approuvée par un arrêté interministériel du 25 novembre 1993 qui instituent une commission nationale de conciliation chargée de notifier « ses conclusions » en cas « d’appel » contre unedécision de placement hors convention d’un praticien prise par une Caisse en application de l’article 35 de la même convention, n’ont pas eu pour objet de conférer un caractère contraignant à la position adoptée par ladite commission nationale ; qu’il suit de là que l’avis rendu par cet organisme à la suite de « l’appel » du docteur X… contre la décision de déconventionnement prise à son encontre ne saurait être regardé, quelque soit le mérite dudit avis, comme une décision faisant grief de nature à faire l’objet d’un recours pour excès de pouvoir ; qu’ainsi, les conclusions de la demande des Caisses requérantes sont entachées d’une irrecevabilité manifeste insusceptible d’être couverte en cours d’instance ; qu’il y a lieu, pour le Conseil d’Etat, d’en prononcer le rejet ;
Sur les conclusions tendant à l’application des dispositions de l’article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 :
Considérant que les dispositions de l’article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 font obstacle à ce que le docteur X…, qui n’est pas dans la présente instance la partie perdante, soit condamné à payer à la Caisse primaire d’assurance maladie de la Sarthe, à la Caisse de mutualité sociale agricole de la Sarthe et à la Caisse régionale d’assurance maladie des Pays de Loire la somme qu’elles demandent au titre des frais exposés par elles et non compris dans les dépens ;
Considérant qu’il n’y a pas lieu, dans les circonstances de l’espèce, de condamner la Caisse primaire d’assurance maladie de la Sarthe, la Caisse de mutualité sociale agricole de la Sarthe et la Caisse régionale d’assurance maladie des Pays de Loire à payer au docteur X… la somme de 8 000 F qu’il demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
Article 1er : La requête de la Caisse primaire d’assurance maladie de la Sarthe, de la Caisse de mutualité sociale agricole de la Sarthe et de la Caisse régionale d’assurance maladie des Pays de Loire est rejetée.
Article 2 : Les conclusions de M. Adam X… tendant à l’application de l’article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 sont rejetées.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à la Caisse primaire d’assurance maladie de la Sarthe, à la Caisse de mutualité sociale agricole de la Sarthe, à la Caisse régionale d’assurance maladie des Pays de Loire, à M. Adam X…, au ministre de l’emploi et de la solidarité et au Premier ministre.