VU LA REQUÊTE par le sieur X, employé de bureau à l’atelier de construction de Lyon…, tendant à ce qu’il plaise au Conseil annuler, pour excès de pouvoir, la décision, en date du 27 sept. 1911, par laquelle le ministre de la Guerre l’a classé dans la 4e classe, 3e échelon des employés de bureau dans les établissements militaires du ministère de la Guerre ; ensemble la décision contenue dans une lettre adressée le 29 févr. 1912 au président du syndicat des employés civils de l’artillerie et du génie du 14e corps d’armée et par laquelle le ministre, statuant sur une réclamation dudit syndicat contre le classement et le traitement attribués au sieur X et à plusieurs de ses collègues, a déclaré maintenir purement et simplement sa décision antérieure ; — Ce faire, attendu qu’en vertu des dispositions de l’art. 23 du décret du 11 mai 1907 fixant la situation des employés civils des établissements militaires du ministère de la Guerre, l’expéditionnaire nommé employé de bureau doit être rangé dans la classe et l’échelon des employés de bureau comportant un traitement correspondant à celui qu’il percevait en qualité d’expéditionnaire ; que, par application de cette disposition réglementaire, le sieur X qui, avant sa nomination à la fonction d’employé de bureau exerçait celle d’expéditionnaire de 3e classe, 2e échelon, et percevait comme tel un traitement mensuel total de 145 franc, soit 125 francs à titre de traitement fixe, augmenté de l’indemnité prévue à l’art. 7 du décret de 1907 et qui est à Lyon de 20 francs pour les expéditionnaires, a été rangé dans la 4e classe, 3e échelon des employés de bureau dont le traitement total de 150 francs — 120 francs à titre de traitement fixe augmenté de l’indemnité de 30 francs — est supérieur à celui que touchait le sieur X en qualité d’expéditionnaire ; que le classement auquel il a été ainsi procédé est intervenu en violation du texte de l’art. 23 du décret de 1907 et de l’équité ; qu’en effet, ce texte ne parlant que du traitement et non de l’indemnité spéciale qui s’ajoute au traitement dans certains établissements, il ne doit pas être fait état du montant de cette indemnité tant dans l’évaluation du traitement d’expéditionnaire que dans celle du traitement d’employé de bureau ; que s’il en était autrement, on aboutirait à ce résultat inadmissible que deux expéditionnaires de même classe et même échelon se trouveraient rangés à des échelons différents d’une même classe ou même à des classes différentes dans le personnel des employés de bureau suivant que les établissements où ils seraient nommés sont situés dans des villes comportant ou non une indemnité ; que, par suite, le sieur X, qui touchait comme expéditionnaire un traitement fixe mensuel de 125 francs, devait être rangé dans la 4e classe, 2e échelon comportant le traitement de 135 francs auquel il avait droit, puisque, d’après l’art. 23 du décret, si les traitements d’expéditionnaire et d’employé ne correspondent exactement, le traitement touché antérieurement est majoré de la quantité suffisante pour obtenir la correspondance ; que, dès lors, en rangeant le requérant dans la 4e classe, 3e échelon des employés de bureau, le ministre de la Guerre a fait une fausse application des dispositions du décret de 1907 ;
Vu les observations présentées par le ministre de la Guerre…, tendant au rejet de la requête en la forme et au fond, par les motifs que les conclusions tendant à l’annulation de la décision du 27 sept. 1911 n’ont pas été présentées dans le délai légal de deux mois imparti pour se pourvoir devant le Conseil d’Etat ; que les conclusions dirigées contre la décision du 29 févr. 1912 sont également non recevables comme dirigées contre une décision confirmative d’une précédente décision non attaquée dans le délai réglementaire; qu’au fond, les décisions attaquées sont légalement intervenues ; que les traitements des employés civils des établissements de la guerre se décomposent en deux parties : la première fixe et applicable dans toutes les villes, la seconde qui vient accroître la précédente de manière à assurer, dans chaque ville, l’équivalence du traitement attribué aux employés des établissements militaires au traitement des employés de l’industrie privée et qui varie, par suite, suivant les villes ; que l’ensemble des deux fractions constitue le traitement des employés des établissements militaires ; que, par suite, lorsqu’il y a lieu de comparer deux traitements pour l’application des dispositions du décret de 1907 et notamment de l’art. 23 dudit décret, aucune distinction ne doit être faite entre le traitement fixe et sa portion variable, et qu’il faut tenir compte, comme l’a fait le ministre, à la fois des deux éléments ; que, par suite, c’est à bon droit que le sieur X qui, en qualité d’expéditionnaire, percevait un traitement de 145 francs, a été rangé dans la 4e classe, 3e échelon des employés de bureau au traitement de 150 francs ;
Vu (la loi du 13 avr. 1900; le décret du 11 mai 1907; la loi du 24 mai 1872);
Sur la fin de non-recevoir opposée par le ministre : —Cons. qu’il n’est pas établi par l’instruction qu’à la date à laquelle le président du syndicat des employés civils de l’artillerie et du génie du 14e corps d’armée a, au nom du sieur X, adressé une réclamation au ministre de la Guerre, plus de deux mois se fussent écoulés depuis la notification à l’intéressé de la décision attaquée ; que, dans ces conditions, le sieur X qui s’est pourvu, en temps utile, contre la nouvelle décision prise par le ministre sur la réclamation présentée en son nom, est recevable à déférer au Conseil d’Etat, pour excès de pouvoir, en même temps que cette dernière décision, celle qui est intervenue le 27 sept. 1911 ;
Sur la légalité des décisions attaquées : — Cons. qu’en vertu de l’art. 23 du décret du 11 mai 1907, les expéditionnaires qui passent dans le personnel des employés de bureau et qui ont, comme expéditionnaires, un traitement inférieur au traitement minimum des employés de bureau, entrent dans la quatrième classe avec le traitement minimum de cette classe ; l’expéditionnaire qui au moment de sa nomination aux fonctions d’employé de bureau est en possession d’un traitement supérieur au minimum de l’échelle des tarifs des employés de bureau, passe dans la classe qui correspond à son traitement ; si ce traitement ne correspond pas exactement à un des échelons de l’échelle des tarifs de la classe en question, il sera majoré de la quantité suffisante pour obtenir la correspondance ;
Cons. que les dispositions réglementaires ci-dessus rappelées n’envisagent, pour le classement dans le personnel des employés de bureau des expéditionnaires nommés à ce poste, que les traitements perçus par ces agents avant leur nomination comme employés de bureau de même que les traitements qu’ils touchent dans leur nouvel emploi ; qu’il s’agit, par suite, des traitements attachés aux emplois dont s’agit, abstraction faite de l’indemnité prévue à l’art. 7 du décret, laquelle indemnité varie suivant les villes et même n’existe pas dans toutes ; que si l’art. 53 du décret de 1907 porte que la comparaison des traitements anciens avec les traitements nouveaux se fait en incorporant à ceux-ci l’indemnité prévue à l’art. 7, cette règle vise exclusivement les dispositions transitoires et l’application de l’art. 53 et qu’aucune disposition ne l’a étendue à l’application des autres articles du décret et notamment à l’art. 23 ;
Cons. que de ce qui précède, il résulte que le sieur X qui, en qualité d’expéditionnaire de 3e classe, 2e échelon, recevait un traitement mensuel de 125 francs, abstraction faite de l’indemnité de 20 francs s’ajoutant au traitement des expéditionnaires à Lyon, devait être rangé dans la classe et l’échelon des employés de bureau dont le traitement, abstraction également faite de l’indemnité, correspond à celui qu’il touchait antérieurement et, à défaut de correspondance, dans la classe et l’échelon comportant le traitement immédiatement supérieur, c’est-à-dire dans la 4e classe, 2e échelon, au traitement mensuel de 135 francs ; que, dès lors, en plaçant le requérant dans le 3e échelon de la même classe, le ministre de la Guerre a fait une fausse application des dispositions ci-dessus rappelées du décret de 1907 ; que, par suite, le sieur X est fondé à demander l’annulation des décisions attaquées;… (Décisions annulées, en tant qu’elles concernent le sieur X).