Les obligations relatives à la création d’aires d’accueil des gens du voyage sont relativement originales, et donnent lieu à un contentieux assez abondant.
L’actualité augmente encore, pour des raisons que certains peuvent juger condamnables, « l’indice de bruit médiatique » de cette branche particulière de la police administrative.
La Cour administrative d’appel de Douai a rendu un arrêt le 1er octobre 2013 qui sera publié au recueil (arrêt classé R), dignité assez rare pour un arrêt de CAA pour être notée.
L’intérêt de cet arrêt ne repose pas sur une question de fond relative à l’accueil des gens du voyage, mais à l’articulation entre les compétences en matière de réalisation des aires d’accueil, et l’exercice de la police administrative spéciale qui y est afférente.
En l’espèce, la commune de Douai saisissait la CAA d’un appel contre le jugement du TA d’Amiens qui avait annulé un arrêté préfectoral mettant en demeure des occupants sans titre d’un terrain (dont on suppose qu’il n’appartient pas au domaine public routier) d’avoir à évacuer les lieux.
Le Tribunal administratif, par voie d’exception, avait considéré que l’arrêté préfectoral s’appuyait sur un arrêté municipal lui-même illégal. Rappelons en effet qu’à la condition d’avoir réalisé le nombre de places d’accueil des gens du voyage prescrit pour chaque commune par un plan départemental le maire peut, exerçant ainsi ce que la Cour appelle un pouvoir de police administrative spéciale, interdire le stationnement en dehors des aires d’accueil.
La commune ayant transféré ses compétences en matière d’aires d’accueil des gens du voyage à une intercommunalité, le tribunal avait considéré qu’il n’appartenait plus au maire d’exercer des compétences de police en la matière.
La Cour donne tort au tribunal, et distingue la compétence en matière d’aires d’accueil, et l’exercice des pouvoirs de police.
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Aux termes de la loi du 5 juillet 2000, relative à l’accueil et à l’habitat des gens du voyage, les communes incluses dans un schéma départemental de réalisation d’aires d’accueil des gens du voyage (schéma auquel appartiennent obligatoirement les communes de plus de 5.000 habitants ont l’obligation de réaliser dans un délai déterminé de telles aires.
Dès lors qu’une commune s’est acquittée de ses obligations de réalisation des aires d’accueil, le maire peut adopter un arrêté interdisant « en dehors des aires d’accueil aménagées le stationnement sur le territoire de la commune des résidences mobiles mentionnées à l’article 1er ». Ces résidences mobiles sont celles « des personnes dites gens du voyage et dont l’habitat traditionnel est constitué de résidences mobiles » (sic) (article 1 I).
La compétence en matière de réalisation d’aires d’accueil peut être transférée à un établissement public de coopération intercommunale. Ce dernier peut d’ailleurs réaliser des aires d’accueil en dehors du territoire de la commune lui ayant transféré la compétence et s’acquitter ainsi de ses obligations, à condition que la commune d’implantation « soit incluse dans le secteur géographique d’implantation prévu par le schéma départemental » (Conseil d’Etat, SSR., 5 juillet 2013, Communauté de communes de Dinan, requête numéro 346695).
Le Tribunal administratif d’Amiens avait semble-t-il considéré que le transfert de la compétence à un établissement public à fiscalité propre entraînait le désaisissement du maire de ses pouvoirs de police au profit du président de cet établissement. Le maire n’aurait plus eu de compétence pour adopter l’arrêté qui, une fois réalisées les places en aire d’accueil, lui permet d’interdire le stationnement en dehors de cette aire.
La Cour annule le jugement sur ce point, considérant
qu’en l’absence d’un transfert d’attributions en matière de police spéciale à la communauté d’agglomération en vertu des dispositions précitées de l’article L. 5211-9-2 du code général des collectivité territoriales, le maire de cette commune pouvait faire usage des pouvoirs qu’il tenait des dispositions du I de l’article 9 de cette loi et prendre un arrêté de police pour interdire, sur le territoire communal, le stationnement des résidences mobiles en dehors des aires d’accueil qui y avaient été aménagées ;