Dans l’ensemble, la notion de dignité de la personne humaine soulève plutôt le scepticisme parmi les juristes américains. Trois raisons expliquent leur méfiance devant un concept pourtant auréolé de tant de révérence en Europe. Juridiquement, elle n‘est prévue dans aucun de leurs textes fondateurs, qu’il s’agisse de la Déclaration d’indépendance (1776), de la Constitution fédérale (1787) ou du Bill of Rights (1790). Historiquement, le terme de « dignité » évoque pour les Américains la ‘dignité royale’ (Blackstone, 1765 : 235) qu’ils exécraient, les hiérarchies, les préséances, bref, l’antithèse de l’égalité, valeur fondatrice de la grande République, d’où, quand elle est invoquée, son association constante à la notion d’égalité sous le vocable « d’égale dignité de tous les êtres humains ». Sociologiquement, le concept de dignité humaine peine à convaincre une société qui porte encore, à travers le racisme, les stigmates de l’esclavage, degré zéro de la dignité humaine.
Pourtant, la dignité de la personne humaine, en tant que notion qui n’est pas attachée à un individu pris ut singuli, mais qui est inhérente à la personne humaine et de portée universelle, existe dans le corpus juridique américain, notamment dans la jurisprudence de la Cour suprême. Avant même que cette notion soit expressément visée dans la Charte des Nations-Unies (Préambule) et la Déclaration universelle des droits de l’homme (art. 1), des juges de la Cour suprême l’avaient déjà invoquée dans leurs opinions séparées dans les années 1940. Aujourd’hui, la dignité de la personne humaine a déjà un long passé derrière elle dans la jurisprudence de la Cour. Elle s’y est affirmée peu à peu, en se greffant sur des dispositions constitutionnelles existantes qu’elle est venue éclairer, enrichir, voire dans certains cas, complètement renouveler. L’évolution s’est faite progressivement, à des rythmes inégaux, avec des résultats différents selon les domaines concernés. Il est toutefois un domaine dans lequel la Cour a fait porter l’essentiel de ses efforts. C’est celui de la répression pénale dans lequel elle a fait de la dignité humaine une notion centrale (I) alors que, dans d’autres matières, elle en a fait une notion complémentaire d’autres droits (II).
I – La dignité humaine, notion centrale de la répression pénale
La promotion de la dignité humaine au rang de notion centrale de la répression pénale fut une œuvre de longue haleine, exemplaire du temps judiciaire qui est toujours un temps long et qui, en l’espèce, s’étale sur plus d’un demi-siècle.
A – Les prémices
Quand, au cours des années 1940, des juges de la Cour ont commencé à invoquer dans leurs opinions séparées la nécessité de respecter la dignité humaine, notamment en matière de répression pénale, l’appel à ce concept marqua un tournant car, avant la guerre, la Cour n’avait guère de considération pour la dignité de l’homme. La doctrine américaine (Burgdorf, 1977 : 995) rappelle aujourd’hui avec embarras la triste décision Buck v. Bell (1929) dans laquelle la Cour admit, sans trop se poser de questions, que la stérilisation forcée des faibles d’esprits était parfaitement constitutionnelle, au motif que « le principe qui justifie les vaccinations obligatoires est suffisamment large pour inclure la ligature des trompes de Fallope » et que « trois générations d’imbéciles, ça suffit ! » (per Holmes J.). Une seule opinion dissidente non motivée fut consignée dans cette affaire ; émise par le juge Butler, elle était fondée, semble-t-il, sur l’égalité devant la loi (en l’espèce, seuls les faibles d’esprit internés, sous le contrôle de la puissance publique, étaient concernés, mais pas les autres).
La première occurrence de « dignité » entendue comme valeur universelle est apparue dans l’arrêt Glasser v. United States (1942) dans une opinion séparée du juge Frankfurter qui qualifia l’ensemble des garanties du Bill of Rights « de clauses de sauvegarde de la liberté et de la dignité ». La même année, sans toutefois mentionner l’atteinte à la dignité humaine que la punition représentait dans le cas d’espèce, la décision Skinner v. Oklahoma jugea à l’unanimité qu’une vasectomie imposée à un faible d’esprit pour avoir volé quelques poulets était contraire à la clause d’égale protection des lois car ne frappant pas toutes les personnes atteintes de déficience mentale, mais seulement celles qui avaient eu la malchance de se faire prendre. Seul le juge Jackson eut la fortitude de caractère dans cette affaire pour affirmer haut et fort qu’il y avait des limites au pouvoir d’un État de se livrer à des expériences biologiques au mépris de la « dignité d’une minorité ». On savait à l’époque aux États-Unis dans les milieux informés ce qui se passait dans l’Allemagne nazie et l’appel à la dignité humaine par des membres de la plus haute institution morale du pays annonçait un projet que les États-Unis ont conçu et porté de Dumbarton Oaks jusqu’à San Francisco, fait inscrire en 1945 dans la Charte des Nations–Unies, et développé en 1948 dans la Déclaration universelle des droits de l’homme. Ce projet a consisté à fonder le nouvel ordre international non sur la puissance et l’équilibre des forces, mais sur les droits de l’homme et la dignité de la personne humaine.
A la Cour suprême, nombreux sont les juges qui ont marché sur les traces de Frankfurter, rappelant le respect dû à la dignité humaine pour modérer la dureté de la répression pénale. Par exemple, la dignité humaine fut mobilisée à propos des textes qui règlent la poursuite (Quatrième, Cinquième et Quatorzième amendements relatifs aux perquisitions et saisies déraisonnables et à la procédure régulière de droit). Ainsi, la Cour a jugé à l’unanimité que la police ne peut pas rassembler les preuves nécessaires à la poursuite pénale en ayant recours à des méthodes qui font « tellement violence à la dignité humaine … qu’elles choquent la conscience » comme, par exemple, le recours à une pompe stomacale administrée de force à un individu suspecté de trafic de stupéfiants pour lui faire régurgiter deux capsules de morphine avalées au moment de son arrestation pour empêcher la saisie de preuves par la police, Rochin v. California (1952). La Cour a invoqué la dignité humaine pour donner un sens nouveau au Huitième amendement qui interdit les châtiments cruels et inhabituels, sans toujours pouvoir former une majorité pour aller au-delà des formes jusqu’au contrôle de fond, moral et éthique, de la peine encourue. Ainsi n’est-ce pas une majorité, mais une pluralité formée du Président, Earl Warren, rejoint par trois autres juges (Black, Douglas, Whittaker) (Zoller, 2010 : 299), qui affirma dans l’arrêt Trop v. Dulles (1958) relatif à un déserteur de l’armée qui avait été frappé de la peine de déchéance de nationalité que celle-ci était contraire au Huitième amendement qui interdit les châtiments cruels et inhabituels, au motif que le concept à la base de ce texte « n’est rien moins que la dignité de l’homme » et qu’il « tire son sens des standards évolutifs de décence qui jalonnent les progrès d’une société en marche vers la maturité ».
Dans les années 1960, le concept de dignité humaine a inspiré la Cour Warren dans sa refonte de la procédure pénale applicable dans les États. Elle a jugé, par exemple, dans l’arrêt Miranda v. Arizona (1966) que, du chef de la clause de non-incrimination du Cinquième amendement, tout individu placé en garde à vue dispose du droit de se taire, du « droit au silence » comme on dit parfois, et que la police ne peut pas le forcer à parler au moyen d’interrogatoires musclés, intimidants et épuisants, qui, « s’ils n’impliquent pas de violence physique, créent néanmoins autour de lui un climat…tout autant destructeur de la dignité humaine ». Dans la même veine, elle a considéré que « la fonction primordiale du Quatrième amendement (qui concerne l’interdiction des saisies et perquisitions déraisonnables) est de protéger l’intimité personnelle et la dignité contre des intrusions injustifiées de l’État », mais à condition que l’intrusion revête une certaine gravité. En l’espèce, elle a considéré qu’un prélèvement sanguin opéré par voie de piqure hypodermique en milieu hospitalier, entouré de toutes les garanties médicales et sanitaires, n’était pas attentatoire à la dignité humaine (Schmerber v. California, 1966).
Dans les années 1970, la dignité humaine a pris une forte intensité à la faveur du combat contre la peine de mort mené par les juges libéraux qui survivaient dans une Cour devenue majoritairement conservatrice. Le point d’orgue de leur offensive fut l’arrêt Furman v. Georgia (1972) dans lequel le juge Brennan exposa avec force l’inconstitutionnalité radicale de la peine de mort à la lumière de la dignité humaine qui sous-tend toute la Constitution. Son réquisitoire ne l’emporta point. Il n’y eut que deux juges (Thurgood Marshall et lui) pour juger la peine de mort inconstitutionnelle en elle-même, en toute circonstance. Trois autres juges estimèrent que la totale liberté laissée au jury pour la retenir ou non, ou à l’inverse l’obligation de la prononcer pour certains crimes, aboutissaient à en faire un châtiment imprévisible, décidé au hasard des circonstances et des hommes, bref, arbitraire et, à ce titre, « cruel et inhabituel ». La peine de mort fut bien déclarée contraire la Constitution, mais pour des raisons formelles, pas pour des considérations de fond et sans se préoccuper de sa valeur morale (Zoller, 2010 : 309). De cette jurisprudence centrée sur les procédures, il résultait que la peine de mort n’était pas inconstitutionnelle à partir du moment où elle était administrée dans les formes, conformément à des standards définis à l’avance.
Quatre ans plus tard, la Cour trouva trois États (la Géorgie, le Texas et la Floride) qui s’étaient dotés selon elle de bonnes procédures dans la mesure où ils avaient adopté des lois qui énuméraient des critères précis et qui donnaient des directives claires à l’intention des jurys d’assises pour encadrer leurs décisions, notamment s’agissant de l’admission des circonstances aggravantes. A la lumière de ces nouveaux éléments, elle estima qu’à condition d’être prononcée à l’issue d’une procédure sans faute, irréprochable, ‘ruban bleu’ pour ainsi dire, la peine de mort était constitutionnelle (Gregg v. Georgia, 1976). Mais, avec l’apparition de méthodes de plus en plus sophistiquées pour rechercher les preuves, en particulier, les tests ADN qui mirent à jour de nombreuses erreurs judicaires et de condamnations à mort prononcées sur le fondement de preuves fausses, les nouvelles procédures révélèrent bientôt leurs faiblesses et leurs limites. Tous les jours, il fallait les compléter par d’autres pour atteindre plus d’impartialité, et encore par d’autres pour s’approcher d’une objectivité aussi parfaite que possible. C’est ainsi que, pendant plus de trente ans, la Cour a recherché les standards qui permettraient d’administrer la peine capitale de manière impartiale et sans arbitraire, dans le respect de la procédure régulière de droit, le due process of law. La difficulté est qu’elle n’y est pas parvenue. Comment aurait-elle pu ? La peine de mort traitant l’homme comme un moyen, non comme une fin en soi, elle n’est jamais juste, et toute tentative de la rendre juste est vouée à l’échec (intractable). À la veille de partir à la retraite, le juge Blackmum le laissa entendre quand il confia son soulagement de savoir que, dès le lendemain, il n’aurait plus à bricoler avec la machinerie de la mort (« From this day forward, I no longer shall tinker with the machinery of death », Collins v. Collins, 1994). En 2009, l’American Law Institute est parvenu au même constat en décidant de retirer du Model Penal Code les dispositions relatives aux fameux standards et en renonçant à épauler la Cour dans la recherche d’une procédure irréprochable qu’elle-même avait abandonnée en 2002, année-pivot dans l’histoire de la peine de mort aux États-Unis.
B – La consécration
L’année 2002 a marqué un tournant dans la jurisprudence de la Cour suprême sur la peine de mort. Pour la première fois, la Cour a exercé sur elle un contrôle de fond, et pas seulement un contrôle de forme ; elle a accepté de juger un traitement pénal en lui-même, et pas seulement en fonction des procédures qui lui sont attachées ou en fonction des formes selon lesquelles il est administré. Le 20 juin 2002, s’appuyant sur « la dignité de l’homme » évoquée par le Président Warren dans Trop v. Dulles, la Cour a jugé contraires à la Constitution les « peines excessives » comme la peine de mort infligée à des handicapés mentaux (Atkins v. Virginia, 2002). Huit jours plus tard, elle a donné une illustration concrète de ce que signifie un contrôle matériel du châtiment infligé en jugeant contraire à la dignité la punition qui consiste à attacher un détenu par ses menottes durant sept heures à une barre horizontale fixée placée à 1 m. 50 du sol comme on y attacherait un cheval, sans qu’il puisse s’asseoir, en plein soleil, et sans lui donner accès à des toilettes (Hope v. Pelzer, 2002). Ce contrôle matériel est allé en s’approfondissant. En 2005, la Cour a jugé que la peine de mort infligée à des mineurs de moins de 18 ans est inconstitutionnelle, même s’ils se sont rendus coupables de crimes haineux parce que « le Huitième amendement oblige à respecter la dignité de toutes les personnes » (Roper v. Simmons, 2005). En 2008, elle a jugé que les standards évolutifs de décence visés dans Trop v. Dulles incluent le respect dû à « la dignité de la personne » et que toute peine doit se conformer à cette règle de sorte que la peine de mort est toujours inconstitutionnelle quand elle est administrée sans qu’il y ait eu homicide comme, par exemple, en cas de viol (Kennedy v. Louisiana, 2008).
Plus récemment, la Cour s’est appuyée sur la dignité humaine pour contrôler le régime pénitentiaire et le traitement des détenus. En 2012, elle a approuvé la cour inférieure, spécialement créée pour trouver un remède à une grave situation de surpopulation carcérale (taux d’occupation supérieur à 200%), qui avait ordonné la remise en liberté de 46.000 détenus de manière à atteindre un taux de 137% tout en laissant à l’État une totale discrétion pour choisir ceux qui, de son jugement, seraient les moins à même de compromettre l’ordre et la tranquillité publique. A cette occasion, elle a déclaré à une majorité de cinq voix contre quatre : « Un détenu porte toujours en lui l’essence de la dignité humaine qui est inhérente à toute personne. Le respect de cette dignité est l’âme du Huitième amendement qui interdit les châtiments cruels et inhabituels … Un établissement pénitentiaire qui refuse à ses prisonniers l’accès aux moyens élémentaires de soutien de la vie, est incompatible avec le concept de dignité humaine et n’a pas sa place dans une société civilisée » (Brown v. Plata, 2012). Jamais une majorité de juges sur le siège n’avait parlé à un niveau aussi général et avec une telle solennité de l’essence de la dignité humaine (Zoller, 2013 : 187). Certes, l’arrêt rapporté ne concerne pas la peine de mort, mais seulement les conditions de détention dans les prisons d’États ; il est donc difficile de dire si les nouvelles vues de la Cour sur la dignité humaine auront des incidences sur elle.
Une chose est sûre, la Cour n’a pas l’intention de laisser les États miner les acquis de sa jurisprudence sur la peine de mort en relation avec la dignité humaine. Lors de la dernière session, à propos d’une jurisprudence de la Cour suprême de Floride qui, au bénéfice de la marge d’erreur inhérente à la détermination du QI d’un individu, avait admis l’exécution d’un condamné ayant un QI de 71 (et non de 70 comme fixé dans Atkins), elle a annulé cette interprétation comme incompatible avec sa propre jurisprudence au motif que « si les États pouvaient définir la déficience mentale à leur guise, [notre] arrêt Atkins serait réduit à néant et la protection de la dignité humaine qui est contenue dans le Huitième amendement ne pourrait pas devenir une réalité » (Hall v. Florida, 2014 : 19).
Que la Cour ambitionne de transformer l’idéal du respect de la dignité de la personne humaine en une réalité est une évidence. Il suffit pour s’en convaincre de relever l’exceptionnelle insistance sur ce concept qui est mentionné pas moins de sept fois dans l’arrêt Hall précité. Parmi les extraits les plus significatifs, il faut relever : « Pour faire respecter la protection que la Constitution garantit à la dignité humaine, la Cour s’appuie sur ‘les standards évolutifs de décence qui jalonnent les progrès d’une société en marche vers la maturité’ […] La protection que le Huitième amendement garantit à la dignité humaine est l’expression de la Nation que nous avons été, de celle que nous sommes et de celle que nous aspirons à devenir […] Infliger le plus dur des châtiments à un handicapé mental est une violation de la dignité inhérente qu’il porte en lui en tant qu’être humain […] Si les États devaient être libres de définir le handicap mental à leur guise, la protection que le Huitième amendement garantit à la dignité humaine resterait lettre morte […] La loi de Floride bafoue l’attachement que notre Nation porte à la dignité et à son devoir d’enseigner la décence comme critère d’un monde civilisé. Les États sont des laboratoires, mais les expériences auxquelles ils se livrent ne peuvent pas méconnaître la dignité fondamentale que la Constitution protège » (Hall v. Florida, 2014 : 5, 6, 19, 22)
Depuis une dizaine d’années, la Cour semble avoir choisi de mener contre la peine de mort un travail de sape qui n’est pas sans rappeler celui qu’elle mena pour encadrer la ségrégation raciale dans les écoles avant le coup de tonnerre que fut l’arrêt Brown v. Board of Education en 1954 (Robel et Zoller, 2000 : 41). A la lumière de l’histoire, la question est posée de savoir si la Cour ne prend pas le même chemin à propos de la peine de mort. Si tel était le cas, alors il ne serait pas impossible qu’à la faveur de circonstances politiques favorables comme l’élection d’un(e) Président(e) qui aurait la volonté et les moyens de l’épauler, elle ne soit pas conduite à dire le fond du droit sur la constitutionnalité du châtiment suprême, comme elle l’a dit, en 1954, sur la ségrégation raciale après qu’Eisenhower eût été élu.
II – La dignité humaine, notion complémentaire d’autres droits
Hors du domaine de la répression pénale, la dignité humaine tient une place plus modeste dans les arrêts de la Cour. Celle-ci n’a jamais admis une conception extensive de la dignité comme en Europe et, lorsqu’elle invoque cette notion, c’est généralement pour compléter, amplifier, éclairer d’un jour nouveau des concepts déjà reconnus par le texte de la Constitution comme l’égalité ou la liberté.
A – Le droit à l’égale protection des lois
La même année où le juge Jackson invoquait la dignité humaine pour modérer la répression pénale, le juge Murphy la convoquait aussi pour rappeler l’égale dignité des hommes et l’inconstitutionnalité radicale de toute discrimination fondée sur les origines ethniques ou la couleur de peau. Dans l’arrêt Korematsu v. U.S. (1944) relatif au regroupement forcé des Américains de descendance japonaise dans des camps d’internement installés sur la côte Ouest, le juge Murphy affirma avec une grande fermeté que, quels que puissent être ses buts, valider ce « traitement abject et ignoble de groupes minoritaires [qui consiste à classer les individus par leur race] revient à adopter le plus cruel des moyens trouvés par nos ennemis pour détruire la dignité de l’individu ». Écrite par le juge Black, l’opinion de la Cour n’alla pas jusqu’à dire que le classement des individus à partir de leur race était contraire à la dignité humaine. Elle se contenta de lancer un avertissement solennel en affirmant que tout classement de ce type ferait désormais l’objet d’un contrôle juridictionnel strict, autrement dit, d’un contrôle maximum, ce qui concrètement signifie qu’un État ne peut pas recourir à ce genre de classification sans raisons impérieuses.
Dans les années 1960, les juges les plus libéraux ont repris l’idée du juge Murphy et ils ont invoqué la dignité humaine dans le combat pour l’égalité des droits. Par exemple, dans l’arrêt Heart of Atlanta Motel v. United States (1966) relatif à la constitutionnalité de la loi de 1964 sur les droits civiques et que la Cour a validé sur le fondement bancal de la clause de commerce (parce qu’il n’y en avait pas d’autres dans les pouvoirs énumérés que la Constitution assigne au gouvernement fédéral), le juge Goldberg a pris soin de rappeler que le but de la loi de 1964 n’était pas de promouvoir le commerce, mais de défendre la dignité humaine, et de préciser : « La discrimination, ce n’est pas simplement des dollars et des cents, des hamburgers et des films ; c’est l’humiliation, la frustration, l’embarras que toute personne doit certainement ressentir quand on lui dit qu’elle ne peut pas être acceptée avec le public à cause de sa race ou de sa couleur de peau ». En dépit de ce rappel aux évidences, la Cour a néanmoins justifié la loi de 1964 uniquement sur la base de la clause de commerce. En 1970, le juge Brennan n’eut pas plus de succès en invoquant la dignité humaine pour garantir le maintien dans les lieux et des conditions de vie décentes aux plus démunis menacés d’expulsion au motif que, « depuis ses origines, la Nation s’est attachée à défendre la dignité et le bien-être de toute personne présente sur le territoire » (Goldberg v. Kelly, 1970). La vérité est que la Cour n’a jamais entériné ces approches humanistes du concept de dignité humaine.
Dans les années 1980, l’idée selon laquelle le classement des individus selon la race est une violation de la dignité humaine a refait surface. Il semble que le juge Sandra Day O’Connor, première femme nommée à la Cour, soit à l’origine du renouveau. L’idée est clairement énoncée dans l’opinion qu’elle a écrit au nom de la Cour dans l’arrêt City of Richmond v. Croson (1989) qui déclara inconstitutionnels les traitements préférentiels dans l’attribution des marchés publics qui étaient réservés par certaines villes aux petites entreprises possédées par des minorités raciales ou ethniques pour compenser les discriminations passées. A propos du plan de la ville de Richmond qui interdisait aux entrepreneurs de race blanche de concourir sur certains marchés, elle écrit : « Quel que soit le groupe racial auquel ces citoyens appartiennent, leurs ‘droits personnels’ à être traités avec égal dignité et respect sont violés par une règle rigide qui érige la race en critère unique de choix de décisions publiques ». Son analyse critique des classifications raciales, pourtant si communes aux États-Unis, a convaincu. Dix ans plus tard, elle a rassemblé derrière elle une majorité de sept juges pour affirmer que « l’une des principales raisons pour laquelle la race est traitée comme un critère de classement interdit entre individus est qu’elle rabaisse la dignité et la valeur d’une personne et son droit à être traitée selon ses qualités intrinsèques et ses mérites, non selon ses ancêtres », Rice v. Cayetano (2000). Toutefois, la Cour n’est pas encore allée jusqu’à dire que toute prise en compte de la race d’une personne est interdite. La race, quoique réduite à la portion congrue et noyée dans une foule d’autres facteurs, reste un critère valable pour décider de l’admission dans les Universités. En pratique, ses conditions de mise en œuvre sont tellement drastiques qu’elle ne joue qu’un rôle mineur (Zoller, 2014 : 819).
B – Le droit à la liberté des choix intimes et personnels
L’une des particularités du concept de dignité humaine aux États-Unis est qu’il a servi à consolider le droit à l’autonomie de la personne en matière de choix intimes et personnels qui, ailleurs, en France notamment, découle simplement du droit à la liberté individuelle. La raison, purement contingente, tient à l’histoire mouvementée de la clause sur la procédure régulière de droit (due process of law).
En 1973, dans l’arrêt Roe v. Wade qui reconnut le droit de la femme d’interrompre sa grossesse dans les trois premiers mois de la gestation, le juge Blackmun avait cru pouvoir fonder ce droit « dans le concept de liberté personnelle du Quatorzième amendement et les limites aux pouvoirs des États qui en découlent ». En s’appuyant sur « la liberté personnelle du Quatorzième amendement », le juge Blackmun déclencha une tempête. Les conservateurs l’accusèrent d’avoir ressuscité le substantive due process of law, autrement dit, l’interprétation matérielle de la clause de due process relative à la procédure régulière de droit que la Cour pratiqua de 1897 à 1937 en matière de liberté économique et qui lui permit de gouverner à la place des élus. Les contempteurs de Roe v. Wade firent valoir en substance que si on admet Roe v. Wade, il faut admettre aussi Lochner v. New York, l’arrêt de triste mémoire qui, en 1905, annula au nom du principe de l’autonomie de la volonté, une loi d’État qui limitait à 60 heures par semaine le temps de travail dans les boulangeries. A quel titre, demandèrent-ils, le gouvernement des juges serait-il permis en matière de liberté de choix intimes et personnels, mais pas en matière de liberté économique et salariale ? Pourquoi la liberté de la femme enceinte devrait-elle être plus grande que celle d’un entrepreneur dynamique ligoté de toutes parts par une réglementation étouffante ? Pour sortir de la contradiction, il fallait trouver à la liberté de la femme d’interrompre une grossesse une autre base juridique que le droit à la liberté garanti par la clause de due process of law et refonder le droit de la femme d’avorter. Ce fut la dignité.
Le travail de reconstruction commença dans l’opinion du juge Blackmun (ce qui n’est pas indifférent puisqu’il est l’auteur de Roe) dans l’affaire Thornburgh v. American College of Obstetricians and Gynecologists (1986). Là, parlant au nom d’une majorité et faisant à peine référence à la liberté qui jouait un si grand rôle dans Roe, le juge Blackmun substitua ‘autonomie’ à ‘liberté’ et refonda le droit à l’IVG en ces termes : «[P]eu de décisions sont plus personnelles et intimes, plus vraiment privées ou plus fondamentales à la dignité et à l’autonomie de la personne que celle par laquelle la femme, avec l’assistance de son médecin et dans les limites fixées par Roe, décide de mettre fin ou de poursuivre sa grossesse. Le droit de la femme d’opérer ce choix librement est fondamental ». Six ans plus tard, dans l’arrêt Planned Parenthood of Southeastern Pennsylvania v. Casey (1992), la Cour a endossé comme base juridique du droit à l’avortement le respect de l’autonomie de la personne inhérente à sa dignité d’être humain qui l’autorise à faire les choix personnels qui la concernent elle-même, seule, en son âme et conscience. Toutefois elle donna à la dignité une portée considérable puisqu’elle en étendit les conséquences bien au-delà du droit à l’avortement jusqu’à y rattacher un droit à la réalisation de soi :
« Notre droit accorde une protection constitutionnelle aux décisions personnelles qui concernent le mariage, la procréation, la contraception, les relations familiales, les soins aux tout-petits et l’éducation. Notre jurisprudence a reconnu ‘le droit de l’individu, marié ou célibataire, d’être protégé contre toute ingérence arbitraire de l’État dans des questions qui touchent à l’intimité même de la personne, comme la décision de porter ou d’engendrer un enfant’. Nos précédents ‘ont respecté l’espace privé de la vie de famille dans lequel l’État ne peut s’immiscer’. Ces questions mettent en jeu les choix les plus intimes et personnels qu’un individu puisse faire dans sa vie, choix qui sont déterminants de la dignité et de l’autonomie personnelle, et qui sont centraux à la liberté protégée par le Quatorzième amendement. Au cœur de cette liberté réside le droit de définir sa propre conception de l’existence et de la signification de l’univers ainsi que le mystère de la vie humaine. Si elles devaient se former sous l’égide de l’État, les convictions que chacun entretient sur ces problèmes ne pourraient pas définir les caractéristiques de la personnalité de chacun ».
En 2003, le patient travail de reconstruction de la liberté en autonomie personnelle a trouvé son point d’aboutissement dans l’arrêt Lawrence v. Texas qui invalida les lois d’États qui criminalisaient l’homosexualité au motif que : « La liberté présuppose l’autonomie du sujet qui comprend la liberté de pensée, de conscience, d’expression et la liberté de comportement dans l’intimité … [L]es adultes ont le droit de choisir d’avoir une relation de ce type chez eux, dans leur vie privée, et néanmoins conserver leur dignité d’hommes libres… ». Ce faisant, la Cour a renversé le précédent Bowers v. Hardwick (1986) (Zoller, 2010 : 812) qui avait refusé de consacrer un droit à l’homosexualité (Zoller, 2000 : 1055). Toutefois, elle n’a pas pour autant reconnu ledit droit, ce qui n’est sans conséquence car, si l’homosexualité ne relève que de la liberté de chacun, mais sans constituer un droit, l’État n’a pas d’autre obligation pour en protéger l’exercice que de garantir à ceux qui s’y livrent les principes du due process of law et l’égale protection des lois; il n’est pas obligé de la consacrer par le mariage.
L’égale dignité de tous les êtres humains quels que soient leur apparence, leurs modes de vie, leurs choix personnels, a pour conséquence de conférer à chacun un droit à la différence opposable à tous, lesquels ne peuvent ni le dénigrer, ni l’interdire. L’arrêt United States v. Windsor (2013) relatif à la loi fédérale DOMA (Defense of Marriage Act, 1996) est exemplaire de l’importance de la reconnaissance de la dignité humaine pour la cohésion sociale. Sous prétexte de défendre le mariage entre homme et femme, le Congrès avait interdit de reconnaître tout effet juridique aux mariages entre personnes de même sexe. La Cour a invalidé cette loi mesquine au motif que :
« Des travaux préparatoires comme du texte même de la loi DOMA, il ressort que l’atteinte à l’égale dignité des mariages homosexuels et des mariages hétérosexuels qu’elle cause n’est pas un simple effet incident à son adoption ; c’est le but même qu’elle vise […] Son but est d’envoyer un message à tout État qui déciderait de célébrer des mariages homosexuels que de telles unions seront considérées en droit fédéral comme des mariages de seconde zone […] La loi DOMA inscrit l’inégalité dans tous les articles du Code des lois des États-Unis […] Elle infériorise les couples dont les choix moraux et sexuels sont protégés par la Constitution … et auxquels leur État [de résidence] a voulu donner une dignité. Et elle humilie les dizaines de milliers d’enfants qui sont aujourd’hui élevés par des couples de même sexe ».
En d’autres termes, le respect de l’égale dignité de tous les êtres humains oblige chacun à accepter les différences de l’autre, à réfréner ses pulsions haineuses et à pratiquer la tolérance. La Cour est la grande éducatrice de la démocratie américaine.
Conclusion
Il y a trente ans, la doctrine peinait à dégager une cohérence dans les usages que la Cour suprême faisait du concept de dignité humaine. Elle n’y décelait guère plus que des « tendances générales » qu’elle rapportait d’ailleurs plus à des applications de règles du droit international qu’à des règles de droit interne (Paust, 1984 : 150). Aujourd’hui, le paysage s’est éclairci. Une vue globale de l’évolution depuis les années 1940 montre que le concept de dignité humaine a permis à la Cour d’introduire dans le droit fédéral des États-Unis des valeurs qui ne s’y trouvaient pas et qui sont propres au droit de la CEDH ou au droit constitutionnel allemand. Ainsi, sa jurisprudence en matière de répression pénale a limité, en partie, certains « traitements inhumains et dégradants », à l’exception toutefois de la peine de mort. Ses décisions relatives à l’autonomie personnelle et à la liberté des choix intimes et personnels ont introduit en droit fédéral la même idée qui fonde le droit au libre développement de la personnalité outre-Rhin. Plus généralement, la Cour s’est servie du concept de dignité humaine pour actualiser la portée de règles juridiques anciennes et permettre de répondre aux problèmes de société du moment.
Le rapprochement avec l’Europe qui se dessine à travers cette jurisprudence divise aux États-Unis. Certains le voient favorablement et pensent que le concept de dignité humaine est encore trop sous-utilisé aux États-Unis (Neumann, 2000 : 249 ; Jackson, 2004 : 17 ; Goodman, 2006 : 740). D’autres s’en inquiètent parce que, hostiles au concept de dignité humaine qu’ils tiennent pour un produit importé de la ‘vieille Europe’, ils jugent ces emprunts incompatibles avec les valeurs fondatrices des États-Unis. À les en croire, la dignité serait une valeur aristocratique qui aurait pris corps dans une société européenne alors féodale, inégalitaire, hiérarchisée, aux antipodes des valeurs d’égalité qui fondent la République américaine (Whitman, 2004 : 1165). Pour certains, dans la mesure où elle est d’inspiration unificatrice, solidariste, ‘communautariste’ au sens de fraternelle, la dignité humaine serait étrangère aux valeurs individualistes de la société américaine (Rao, 2008 : 201). Pour d’autres, le concept de dignité serait même dangereux car, s’il devait être introduit en droit constitutionnel, il ruinerait le droit à la liberté d’expression qui fait la singularité des États-Unis (Carmi, 2007 : 997).
Quoi qu’en disent ses adversaires, la dignité humaine fait déjà partie du corpus constitutionnel des États-Unis et la Cour suprême a déjà rapproché sa jurisprudence des positions de la Cour européenne des droits de l’homme et de celles de la Cour constitutionnelle allemande. Il est probable qu’elle l’en rapprochera encore parce qu’il y va du leadership moral et politique des États-Unis dans le monde. Toutefois elle procédera pas à pas, selon un processus cher à l’esprit de common law qui n’avance jamais par grands bonds en avant, mais à coups de pouce. Que ce soit la Cour suprême qui aille vers l’Europe comme ici en matière de dignité humaine, ou que ce soit l’Europe qui se rapproche des États-Unis comme ce fut le cas pour la liberté d’expression (Zoller, 2008 : 26), il s’agit toujours de protéger les valeurs les plus fondamentales de l’humanisme et il faut s’en féliciter.
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United States v. Windsor, 570 U.S. — (2013)
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