Contexte : Dans cet arrêt rendu le 17 juin 2015, il est rappelé qu’une erreur de diagnostic n’est pas nécessairement fautive.
Litige : Le 14 mai 2007, un patient est hospitalisé, alors qu’il présentait une hémorragie méningée liée à une rupture d’anévrisme, dont il a gardé d’importantes séquelles. Il est reproché au médecin généraliste traitant d’avoir commis une erreur fautive de diagnostic. En première instance comme en appel, l’action en responsabilité est rejetée. Un pourvoi contre l’arrêt de la cour d’appel de Grenoble rendu le 22 avril 2014 est formé devant la Cour de cassation.
Solution : La première chambre civile de la Cour de cassation rejette le pourvoi aux motifs que :
« l’arrêt relève, par motifs propres et adoptés, fondés sur les constatations des experts, qu’aucune négligence ne peut être reprochée à Mme Z… dans la conduite de son examen, qu’elle a consacré le temps nécessaire à son diagnostic, que compte tenu des symptômes observés et des antécédents migraineux de M. X… et de l’amélioration de son état, observée par le médecin, après une injection d’antalgiques, il ne peut être considéré comme fautif d’avoir posé un diagnostic de crise migraineuse ; que l’arrêt ajoute que ce praticien a pris le soin de proposer à l’intéressé une hospitalisation que celui-ci a refusée ; qu’ayant ainsi procédé à la recherche prétendument omise, sans inverser la charge de la preuve ni relever de moyen d’office, la cour d’appel a pu en déduire, sans être tenue de suivre les parties dans le détail de leur argumentation, que la responsabilité Mme Z… n’était pas engagée ».
Analyse : Sans surprise, au regard des constatations souveraines opérées par les juges du fond, la Cour de cassation retient qu’aucune faute ne peut être retenue à l’encontre du médecin généraliste même si celui-ci a commis une erreur de diagnostic lourde de conséquences pour son patient.
L’article R 4127-33 du code de la santé publique (ancien article 33 du code de déontologie médicale) précise que le médecin doit toujours « élaborer son diagnostic avec le plus grand soin, en y consacrant le temps nécessaire, en s’aidant dans toute la mesure du possible des méthodes scientifiques les mieux adaptées et , s’il y a lieu, de concours appropriés ».
Toutefois un diagnostic erroné ou posé tardivement n’est pas nécessairement fautif et n’engage donc pas systématiquement la responsabilité du médecin. Il faut distinguer les comportements révélant une erreur que tout autre médecin aurait pu commettre de ceux manifestant un manquement à l’obligation de dispenser des soins appropriés au regard des connaissances médicales avérées (J. Penneau, Faute et erreur en matière de responsabilité médicale, thèse Paris, 1973). Autrement dit, le juge doit rechercher si le médecin mis en cause, compte tenu des éléments connus par lui et des circonstances, aurait dû agir autrement qu’il ne l’a fait. Il est, par exemple, ainsi lorsqu’un médecin généraliste, qui n’avait pas la qualité de médecin urgentiste, commet une erreur de diagnostic à la lecture des clichés radiographiques alors qu’il est fait déontologiquement obligation à tout praticien de s’abstenir, sauf circonstances exceptionnelles, d’entreprendre ou de poursuivre des soins, ou de formuler des prescriptions dans des domaines qui dépassent ses connaissances, son expérience et les moyens dont il dispose (Cass. 1re civ., 25 nov. 2010, n° 09-68.631). En effet, en présence d’un doute diagnostique, les articles 32 et 33 du code de déontologie médicale font devoir au praticien de recourir à l’aide de tiers compétents ou de concours appropriés (Cass. 1re civ., 27 nov. 2008, n° 07-15.963, Bull. I, n° 273).
En l’occurrence, aucune faute de diagnostic ne pouvait être retenue à l’encontre du médecin généraliste dès lors que celui-ci a procédé à un examen clinique conforme aux règles de l’art et que les antécédents du patient étaient de nature à l’orienter vers un diagnostic erroné et qu’une réaction positive du patient au traitement prescrit était de nature à confirmer. Il faut donc en déduire qu’un autre médecin normalement compétent et diligent, placé dans les mêmes circonstances, aurait commis la même erreur de diagnostic.
Il est également intéressant d’observer que la Cour de cassation relève que l’arrêt ajoute que le médecin avait proposé au patient une hospitalisation que celui-ci a refusé. Il faut sans doute déduire de cette énonciation que, pour les juges du fond comme pour la Cour de cassation, le dommage apparaît en réalité imputable à la propre imprudence du patient qui n’a pas suivi les préconisation de son médecin généraliste.