TREIZIEME LEÇON – L’organisation de l’État moderne et la liberté de l’individu.
MESDAMES, MESSIEURS,
Le moment est venu de tirer les conclusions de tout ce qui a été dit dans ces leçons. Dès notre première réunion, je disais qu’à la fin du XVIII siècle, à peu près au même moment, avait été formulées aux États-Unis et en France deux grandes idées, l’une au point de vue politique, le principe de la souveraineté nationale ; l’autre au point de vue social, le principe de la liberté, de l’autonomie de la personne humaine. L’objet essentiel de ces leçons a été d’étudier l’évolution générale de ces deux idées pendant les 130 années qui nous séparent de l’époque où elles ont été solennellement énoncées dans la Déclaration d’indépendance américaine et dans la Déclaration des droits française.
Comment se résume cette évolution?
Pour la notion de souveraineté nationale, j’ai dès le début indiqué le sens de la transformation qui s’est accomplie, en disant que la conception de l’État-nation se substitue à celle de l’État-puissance ; et je crois bien avoir démontré l’exactitude de cette proposition en établissant que ces deux éléments, nation et souveraineté, qui constituent la souveraineté nationale, le premier, l’élément nation, apparaît de plus en plus au premier plan, tandis que le second, l’élément souveraineté, est en une décroissance continue. J’ai montré aussi que cette notion de souveraineté, pouvoir de volonté qui ne se détermine jamais que par elle-même, quel qu’en soit le titulaire, aboutit à des contradictions insolubles, se heurte aux faits les plus certains de la politique contemporaine et fait place de plus en plus à la notion de service public. On a vu qu’au contraire l’élément nation prend de plus en plus la prééminence et que, pendant la grande guerre et dans les événements qui l’ont suivie, elle s’est affirmée avec une évidence éclatante et une force irrésistible.
Parallèlement à cette évolution de la souveraineté s’accomplissait une évolution de la conception de liberté, évolution que j’ai indiquée en disant que la conception de liberté-droit était de plus en plus remplacée par la conception solidariste de liberté-devoir.
Cette double évolution devait se traduire et s’est traduite en effet dans l’organisation de l’État.
D’abord puisque dans la conception de la souveraineté nationale l’élément nation a pris la prépondérance sur l’élément souveraineté, il devait en résulter que la nation elle-même, la nation avec tous ses éléments constitutifs, devait être associée à la direction politique du pays. Et comme, dans les pays modernes, la nation ne peut agir elle-même, mais seulement par des représentants, il en est résulté une tendance très nette dans beaucoup de pays à transformer le système de représentation politique.
D’autre part, puisque la notion de souveraineté fait place à la notion de service public qui implique une limitation positive et négative de l’activité de l’État, puisque la liberté de l’individu, devenant pour lui un devoir, une fonction, lui donne une situation encore plus forte vis-à-vis de l’État, des garanties très solides et très efficaces doivent être organisées et tendent à être organisées dans tous les pays pour établir une sanction à ces obligations et protéger l’individu à la fois contre l’arbitraire et l’abstention de l’État.
Tendance à modifier le régime représentatif dans l’État moderne, tendance à organiser des garanties plus énergiques et plus efficaces au profit de l’individu contre l’État, voilà les deux idées générales auxquelles se rattachent les transformations qui sont actuellement en train de s’accomplir dans l’organisation de l’État moderne. Voilà aussi les deux idées auxquelles je veux rattacher les indications que je donnerai dans cette dernière réunion, lesquelles sont d’ailleurs bien plutôt la présentation d’un programme que l’exposé du sujet.
I
Et d’abord, ai-je dit, apparaît à peu près partout une modification dans l’organisation de la représentation politique.
Sans doute, en 1789, on avait bien affirmé l’existence de la volonté nationale, mais on avait eu en vue une volonté appartenant à un être métaphysique, la nation, personne morale douée de conscience et de volonté et distincte des individus dont elle était formée.
C’est pourquoi on avait dit que le principe de la souveraineté nationale ne conduisait point logiquement et nécessairement à la reconnaissance du suffrage universel égalitaire. On disait seulement qu’il fallait déterminer le moyen le plus propre à dégager la volonté nationale et ne conférer la fonction de voter qu’à ceux qui étaient le mieux placés pour dégager cette volonté.
Voilà comment aucune des constitutions françaises de l’époque révolutionnaire, à l’exception de la constitution de 1793, qui d’ailleurs n’a jamais été appliquée, n’établissait le suffrage universel. Ce n’est qu’en 1848 que le suffrage universel a été institué et pratiqué en France. Aujourd’hui, le suffrage universel est adopté à peu près dans tous les pays du monde, et c’est la France qui est en retard. Une des premières, elle a pratiqué le suffrage universel, et elle n’a pas encore, et je crains bien qu’elle n’ait pas de longtemps, le suffrage des femmes, quand au contraire les États-Unis, l’Angleterre, l’Allemagne, l’Australie, reconnaissent aux femmes les droits d’électorat et d’éligibilité à peu près dans les mêmes conditions qu’aux hommes. Pourquoi à cet égard la France est-elle restée en retard ? Il y a beaucoup de raisons à cela, sur lesquelles je ne peux pas insister. Je dirai seulement que la principale est la persistance, dans ce pays, de la conception romaine et catholique de la famille, suivant laquelle la femme doit rester au foyer, assurer l’économie domestique, tandis qu’à l’homme est réservée la vie publique.
II
Une transformation plus profonde encore s’accomplit dans l’organisation de la représentation politique. Quand on ne voyait dans la souveraineté nationale qu’une volonté de puissance, je veux dire une volonté commandante en raison de sa nature, on croyait, et cela paraissait logique, que cette volonté était naturellement et seulement exprimée par la majorité numérique des individus composant le corps politique ; et l’on organisait exclusivement la représentation de la majorité. Le pontife de la souveraineté nationale, J.-J. Rousseau, avait d’ailleurs affirmé que la majorité du corps politique exprimait toujours la volonté générale. Il était allé jusqu’à dire : « Quand donc l’avis contraire au mien l’emporte, cela ne prouve autre chose, sinon que je m’étais trompé et que ce que j’estimais être la volonté générale ne l’était pas1. »
Aujourd’hui ce système est de plus en plus abandonné par les législations positives. Elles tendent de plus en plus à créer une représentation non point de la majorité, mais de la nation elle-même, de ses éléments constitutifs, ce qu’on appelle la représentation proportionnelle des partis politiques et la représentation des groupes sociaux, ou représentation professionnelle.
La représentation proportionnelle des partis existe en Belgique, depuis l’année 1899, avec un système très savant, et la Belgique y paraît définitivement attachée. En France, depuis la loi du 12 juillet 1919, nous pratiquons aussi la représentation proportionnelle, mais combinée avec le système majoritaire. La combinaison est assez compliquée ; je ne puis l’expliquer ici ; mais je devais la mentionner. La question de la représentation proportionnelle des partis politiques se pose dans tous les pays. Cela est, à mon sens, une conséquence de la transformation que nous avons constatée dans la conception de la souveraineté nationale. La meilleure preuve en est que les partisans irréductibles de la conception révolutionnaire de la souveraineté nationale, notamment le professeur Esmein, se sont élevés avec vigueur contre tout système de représentation proportionnelle, prétendant qu’elle est contraire à l’indivisibilité de la souveraineté et que seule la majorité numérique des individus peut exprimer cette souveraineté.
Je ne recherche pas si cette affirmation est vraie théoriquement. Ce qui me parait certain, c’est que l’évolution naturelle des choses va directement à l’encontre de cette conception, et que la force qui amène tous les pays les uns après les autres à établir un système plus ou moins développé de représentation proportionnelle des partis est en harmonie parfaite avec la transformation qui s’accomplit dans la notion de souveraineté nationale.
J’en dirai autant de la représentation professionnelle. Elle se rattache, à coup sûr, au mouvement syndicaliste, dont je vous ai parlé dans notre dernière réunion. Vous vous rappelez que c’est une tendance à la formation, dans l’intérieur d’une même société nationale, de classes organisées, de groupements forts et cohérents, ayant une structure juridique définie et réunissant les individus exerçant la même profession, ou plus exactement et suivant une formule plus générale, les individus accomplissant une besogne de même ordre dans la société nationale. Du moment que de pareils groupements tendent à se constituer et à former ainsi des éléments composant la nation, ils tendent aussi à acquérir une représentation politique, laquelle n’exclut point d’ailleurs la représentation proportionnelle des partis, mais s’établit parallèlement a elle. Je crois que le moment n’est pas éloigné où, dans beaucoup de pays et en France notamment, les deux Chambres composant le parlement, l’une sera élue au suffrage direct et universel, avec représentation proportionnelle des partis politiques, et l’autre élue aussi au suffrage direct et universel, avec représentation des groupes professionnels au sens général que j’ai expliqué. Ici, les choses sont moins avancées que pour la représentation proportionnelle des partis. Mais, en France, se sont produites récemment les manifestations d’un courant assez fort en faveur d’une représentation professionnelle. M. Marc Sangnier a posé la question devant la chambre des députés, et il n’y a point rencontré les résistances qui ne seraient produites avant la guerre. La réforme est défendue par de nombreux et bons esprits ; et autant qu’il est permis de faire des prévisions, je suis disposé à croire qu’elle se réalisera dans un avenir relativement prochain.
III
Quant à l’activité de l’État, elle est limitée par le droit positivement et négativement ; ce qui veut dire qu’il y a des choses que l’État est juridiquement obligé de faire et qu’il y a des choses qu’il lui est interdit juridiquement de faire. Ces obligations et ces défenses doivent être garanties et sanctionnées ; et l’État moderne tend de plus en plus à s’organiser en vue de ces garanties et de ces sanctions.
Le législateur ne peut pas faire certaines lois. Comment donner à l’individu des garanties réduisant au minimum le danger d’une violation par l’État de cette prohibition ? Et pour le cas où l’État ferait de pareilles lois, comment empêcher qu’elles ne s’appliquent ? Au lendemain de la Révolution, les garanties résidaient uniquement dans le système de la représentation majoritaire et aussi dans la composition du parlement : la création de deux chambres se faisant contrepoids. On affirmait enfin que le principe de la séparation des pouvoirs était une forte garantie de l’individu contre l’arbitraire de l’État.
Aujourd’hui on parle encore de séparation des pouvoirs. Mais, dans les pays qui pratiquent vraiment le régime parlementaire, ce n’est plus, à vrai dire, une séparation des pouvoirs, mais bien plutôt une collaboration constante des deux organes de l’Etat, le parlement et le gouvernement, celui-ci agissant, celui-là contrôlant, exerçant l’un et l’autre une action respective l’un sur l’autre, le gouvernement étant responsable devant le parlement, mais pouvant le dissoudre et faire appel au corps électoral. Régime parlementaire, pratiqué en France et en Angleterre, avec des modalités différentes, mais présentant des caractères essentiels identiques que je viens de rappeler ; forme de gouvernement qui, comme toutes les choses humaines, a ses défauts et ses inconvénients, mais qui est cependant le système politique le meilleur et le plus protecteur qu’aient encore inventé les hommes.
Et cependant les garanties qu’il assure ne suffisent plus. On ne se contente plus, contre l’arbitraire de l’État, de garanties préventives ; il faut encore, si je puis ainsi parler, des garanties répressives ; il faut un système qui permette d’écarter l’application d’une loi contraire aux principes de liberté, tels que nous les avons définis, et aussi un système de nature à sanctionner la responsabilité de l’État, soit qu’il fasse une loi contraire au droit, soit qu’il néglige d’organiser les services publics dont le droit lui impose la charge.
Ces garanties ne peuvent résider que dans la compétence reconnue à une haute juridiction, dont le savoir et l’impartialité soient au-dessus de tout soupçon, et devant les décisions de laquelle tout le monde s’incline, gouvernants et gouvernés, et le législateur lui-même, compétence dis-je pour décider si la loi faite est contraire ou conforme au droit et pour annuler les lois illégales.
Les États-Unis ont l’honneur d’avoir constitué un système qui assure presque la réalisation de cet idéal ; et la France y sera, je l’espère, parvenue dans un avenir qui ne peut être éloigné. Ce n’est pas ici que j’ai besoin de parler du prestige qui s’attache aux décisions de la Cour suprême de justice fédérale et de l’autorité de son chef éminent, avec lequel j’ai eu l’honneur d’avoir, il y a quelques jours, à Washington, un long entretien. Aux États-Unis, toutes les cours de justice ont compétence pour apprécier la constitutionnalité des lois invoquées devant elles, et lorsque la Cour suprême a décidé qu’elle n’appliquerait pas une loi, parce qu’elle juge qu’elle est inconstitutionnelle, c’est-à-dire contraire au droit supérieur qui s’impose à l’État législateur, bien que ce ne soit qu’une décision d’espèce, tout le monde s’incline, le Congrès tout le premier ; et quoique la loi ne soit point annulée elle devient caduque ipso facto.
Belle et grande institution, très protectrice de la liberté individuelle et de l’indépendance des citoyens, et que je regrette que nous n’ayons pas encore en France, mais vers laquelle je crois que nous marchons. Dans un avenir, qui est peut-être prochain, le même pouvoir que celui qui est reconnu à votre cour suprême de justice sera certainement attribué à notre cour de cassation ou à notre Conseil d’État, et peut-être à ces deux hautes juridictions.
Si nous n’avons pas le système américain permettant aux cours de justice d’apprécier la constitutionalité des lois et de refuser d’appliquer une loi jugée inconstitutionnelle, nous sommes très avancée dans l’élaboration d’un système qui sera éminemment protecteur de l’individu et formera une garantie solide des obligations s’imposant à l’État. Je veux parler de la responsabilité pécuniaire de l’État envers les particuliers lésés, soit par une loi contraire au droit, soit par l’abstention du législateur qui n’a pas organisé certains services publics ou ne les a organisés qu’imparfaitement. C’est le système que nous appelons la responsabilité de l’État législateur et dont notre Conseil d’État a déjà fait de nombreuses applications, que je ne puis que signaler sans y insister.
IV
II ne suffit pas de protéger l’individu contre l’intervention législative de l’État ; il faut aussi le protéger contre l’action administrative, contre l’État gérant les services publics, prenant des décisions individuelles. A cet égard, une conception a profondément pénétré dans tous les États modernes. Si parfois elle est violée, on peut dire cependant qu’elle s’impose avec une force irrésistible à la conscience moderne. C’est ce que j’appelle le principe de légalité, le principe en vertu duquel une décision individuelle quelconque ne peut être prise par une autorité quelconque qu’à la condition qu’elle soit conforme à une disposition générale, c’est-à-dire à la loi, et dans la limite et sous les conditions prévues par la loi.
Vous comprenez comment il y a là une garantie précieuse au profit de l’individu contre l’arbitraire de l’État. En effet, la loi est, par sa nature même, essentiellement protectrice. Étant une disposition par voie générale, édictée d’une manière abstraite, sans considération ni d’espèce ni de personne, elle est par là même impartiale. La décision individuelle, au contraire, risque d’être déterminée par des considérations de personne et de situation, et, par conséquent, si elle pouvait être prise sans limite, il n’y aurait aucune garantie d’impartialité, aucune garantie contre l’arbitraire. Il en est au contraire différemment si l’on admet comme un principe intangible qu’aucune autorité, quelle qu’elle soit, même le parlement, ne peut prendre une décision individuelle sur une matière quelconque que dans les limites prévues et fixées par une disposition générale qui est la loi.
Tel est le principe de légalité. Il est aujourd’hui affirmé et reconnu par tous. Il reste à le sanctionner. Je crois pouvoir dire que nulle part n’existe une sanction aussi savante, aussi complète, aussi étendue, aussi forte que celle qui a été établie en France par l’admirable jurisprudence du Conseil d’État sur le recours pour excès de pouvoir.
Je ne puis qu’en indiquer le principe. Tout acte d’une autorité, qu’on prétend être contraire à la loi, soit parce qu’il a été fait par un fonctionnaire incompétent, soit parce qu’il a été fait sans les formes exigées par la loi, soit parce qu’il viole une disposition légale quelconque, soit même parce que l’auteur de l’acte a été déterminé par un but autre que celui que la loi avait en vue en lui donnant sa compétence, tout acte atteint d’illégalité peut être attaqué par le recours par excès de pouvoir porté directement devant le Conseil d’État. Cette haute juridiction peut prononcer l’annulation de l’acte avec toutes les conséquences de droit, c’est-à-dire que, l’acte étant annulé, les choses seront à l’égard de tout le monde, gouvernants et gouvernés, administrateurs et administrés, comme s’il n’avait jamais été fait. Cette demande d’annulation peut être formée par toute personne ayant un intérêt, un simple intérêt éventuel, un simple intérêt moral ; et le Conseil d’État se montre de plus en plus large dans l’appréciation de cet intérêt.
Il y a dans la théorie du recours pour excès de pouvoir une création jurisprudentielle qui fait le plus grand honneur à notre Conseil d’État et qui laisse bien loin derrière elle les créations tant vantées du préteur romain.
Ce n’est pas tout. La jurisprudence du Conseil d’État a aussi élaboré une théorie de la responsabilité de l’État administrateur, laquelle est essentiellement protectrice de l’individu contre l’arbitraire, les erreurs, les fautes, les simples négligences de l’administration, responsabilité qui, à ma connaissance, n’existe à un tel degré dans aucun pays, qui particulièrement n’existe point dans les pays anglo-saxons, qui reconnaissent la responsabilité des fonctionnaires, mais point celle de l’État. En France, à coté de la responsabilité de l’État, nous admettons la responsabilité personnelle des fonctionnaires, quand il y a ce que nous appelons faute personnelle, que nous distinguons de la faute fonctionnelle ou faute de service. Distinction très savante et très délicate, mais qui a permis d’édifier un système juridique répondant véritablement aux besoins pratiques et éminemment protecteur des intérêts individuels.
V
Comme je l’ai fait observer au début de cet entretien, dans tout ce que je dis aujourd’hui, il n’y a vraiment que l’indication d’un programme. Les institutions que je viens d’esquisser mériteraient de longs développements. Je ne sais pas ce que l’avenir me serve, mais, si les circonstances me permettaient un jour ou l’autre de revenir dans cette Université, ce serait pour moi une satisfaction profonde d’y exposer, comme suite aux conférences de cette année sur l’évolution de la souveraineté et de la liberté, les procédés organisés dans les divers pays, et particulièrement en France, pour protéger la liberté et les intérêts des citoyens contre l’action de l’État.
Satisfaction profonde, dis-je, car j’emporte un souvenir précieux, inoubliable, de mon séjour ici et de l’enseignement que j’ai eu l’insigne honneur de donner à l’Université Columbia. Ma gratitude s’adresse à l’Université, à son chef, à tous les collègues qui m’ont si bien et si cordialement accueillis. Mais elle s’adresse surtout à vous, Mesdames, Messieurs, à vous qui pendant trois mois avez suivi, avec une fidélité et une attention qui ne se sont pas démenties un seul jour, ces leçons portant sur des sujets austères, et qui, j’en avais le sentiment, étaient parfois bien arides.
Vous avez bien voulu m’apporter votre sympathie attentive et bienveillante. Je puis vous affirmer qu’à défaut d’autre chose je vous ai apporté ma conviction scientifique et ma foi profonde, inébranlable, au progrès humain, malgré les victoires momentanées, malheureusement trop fréquentes, de la sottise et du mal.
Je ne puis croire que notre collaboration ne porte pas quelques fruits. Elle a resserré assurément les liens existant déjà entre l’Université Columbia et les Universités françaises. Permettez-moi d’ajouter qu’elle a créé une indissoluble amitié entre l’Université Columbia et l’Université de Bordeaux. Puisse aussi notre collaboration rapprocher encore la pensée française et la pensée américaine, et contribuer à transformer l’amitié traditionnelle de nos deux grands pays en une alliance politique, qui est dans nos vœux à tous, qui est conforme à la raison et à la sagesse, et qui seule peut assurer triomphe définitif du droit dans le monde.
- Contrat social, livre IV, chap. II. [↩]
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