Introduction
La fonction principale de la responsabilité civile est d’assurer à la personne lésée la réparation de son dommage1). En ce sens, la rédaction de l’article 1240 CC dispose que « Tout fait quelconque de l’homme qui cause à autrui un dommage oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer », ce qui montre bien la place essentielle accordée à la finalité réparatrice de la dette du responsable.
Traditionnellement, on distingue deux modalités2 de réparation : une réparation en nature et une réparation pécuniaire3. Une réparation en nature permet au responsable de résorber le dommage qu’il a causé, de le faire disparaître pour l’avenir ou de le réduire4. Concrètement et de manière simplifiée, la réparation en nature prend la forme d’actes positifs ou d’abstentions5. La réparation pécuniaire6 accorde à la victime des dommages et intérêts qui dépendent de l’évaluation des préjudices réparables. En pratique, l’indemnisation prend généralement la forme soit d’un capital, soit d’une rente7.
La majorité des droits européens inspirés du droit allemand place au premier rang la réparation en nature8, la réparation pécuniaire n’étant envisagée que dans un deuxième temps lorsque la réparation en nature n’est pas applicable. Le droit français, lui, n’instaure pas de hiérarchie de principe entre la réparation en nature et la réparation en dommages et intérêts9. De plus, certains considèrent que ce diptyque n’a pas forcément d’application alternative et que les modalités de réparation peuvent donc se cumuler10 ou se combiner11. Néanmoins, les modalités de la réparation sont généralement présentées sous la forme d’une réparation en nature d’un côté et d’une réparation pécuniaire de l’autre.
Mais qui opère le choix entre l’une ou l’autre modalité de réparation ? Un libre choix est-il vraiment possible ? Les développements suivants n’ont pas pour vocation de décrire la grande variété de contenus et les contours que peuvent présenter en pratique les deux différents modes de réparation possibles, mais cherchent plutôt à dégager les critères permettant d’attribuer à une ou des personnes la liberté de choisir le mode de réparation pour un cas spécifique donné.
Deux hypothèses principales peuvent être envisagées dans le cadre d’un procès : soit les parties sont d’accord sur la modalité de réparation soit les parties sont en désaccord. Dans le dernier cas, cela signifie que l’une des parties souhaite une réparation en nature tandis que l’autre souhaite une réparation pécuniaire. Qui du juge ou des parties au procès opère alors le choix d’une réparation en nature ou d’une réparation pécuniaire, voir éventuellement d’une sorte de panachage des réparations ?
Cette question est étonnamment peu évoquée par la doctrine. Ceci s’explique par une certaine interférence des règles de droit matériel avec les règles de droit processuel12, tout comme l’existence d’un certain nombre de dispositions éparses relevant du Code de l’environnement ou du Code de la consommation, qui viennent limiter cette liberté de choix des modalités de réparation. De plus, en matière contractuelle, le choix des modalités de réparation par le juge est souvent limité par la loi ou par la jurisprudence et on peut alors se poser la question d’une application par analogie de cette loi ou de cette jurisprudence en matière délictuelle. Ce sujet souligne également une certaine hésitation de la doctrine française, qui est partagée entre la reconnaissance d’une grande liberté d’appréciation du juge et le fait d’accorder à l’image de la plupart des autres droits européens une certaine prééminence à la réparation en nature. L’intérêt du sujet est donc pratique. Le but de cet article est double. Il consiste premièrement à articuler des critères permettant de déterminer les personnes pouvant choisir la modalité de réparation pour un cas donné. Deuxièmement, il propose de dégager une grille de lecture afin de mieux cerner la marge de manœuvre dans le choix des modalités de réparation.
Afin de déterminer les personnes ayant la faculté de choisir les modalités de réparation, la première partie de l’article cherche à évaluer l’influence de la volonté des parties au procès et du juge dans le choix des modalités de réparation (I) alors que la deuxième partie met l’accent sur les limites au libre choix des modalités de réparation (II) dès lors que la ou les personnes compétentes sont désignées.
I- Influence de la volonté des parties et du juge dans le choix des modalités de réparation du préjudice
Lors d’un procès, deux hypothèses peuvent être envisagées : soit les parties sont d’accord, si bien que le choix des modalités de réparation revient aux parties (A), soit les parties sont en désaccord, et le choix revient alors au juge (B).
A- Accord des parties : le choix revient aux parties
Lorsque les parties au procès sont en accord, le choix revient à celles-ci, ce qui souligne l’importance de la volonté des parties (1) et par conséquent l’interdiction pour le juge de modifier les termes du litige (2).
1- Importance de la volonté des parties
L’importance de la volonté des parties au procès s’illustre de deux manières. Soit on accorde, en matière délictuelle, une importance à la volonté commune des parties au procès. Soit on accorde, en matière contractuelle, une importance particulière à la seule volonté du créancier et a fortiori à l’accord des parties au contrat.
En matière délictuelle, certaines dispositions législatives spécifiques font de la volonté commune des parties au procès une condition permettant au juge de prononcer une réparation en nature. En ce sens, l’article L. 322-12 du Code de l’expropriation précise notamment que « le juge de l’expropriation ne peut prononcer une réparation en nature que si les parties y consentent toutes les deux ». A contrario, en l’absence de consentement d’une partie, la réparation en nature ne peut être prononcée. Tel est le cas, dans un arrêt du 21 mars 2019 rendu par la troisième chambre civile de la Cour de Cassation (Cass. 3e civ. 21 mars 2019, n°18-10.745). En l’espèce, à la suite d’une expropriation partielle, l’expropriée a demandé une réparation en nature concrétisée par la réalisation d’un talus par l’expropriant afin de protéger sa propriété demeurant hors emprise de la future zone d’aménagement. L’expropriant n’ayant pas consenti à la réalisation d’un talus, la demande de réparation en nature de l’expropriée n’a pu être accueillie.
En matière contractuelle, dès lors qu’il y a rencontre d’une offre et d’une acceptation par lesquelles les parties manifestent leur volonté de s’engager, le contrat est formé13. Une simple lecture littérale de l’article 1217 CC14 ne permet pas de considérer que la force obligatoire15 du contrat entraîne nécessairement une primauté de l’exécution forcée prévue à l’article 1221 CC16 en cas d’inexécution du contrat. En droit positif, néanmoins, l’exécution forcée en nature, (fausse) jumelle de la réparation en nature17, a une place particulièrement forte18. Par analogie et lorsqu’elle est possible, la réparation en nature ne peut donc être refusée au créancier qui la demande19. A fortiori, lorsque les parties au contrat s’accordent sur une modalité de réparation en nature, il semble que le juge ne puisse pas prononcer une mesure de réparation par équivalent sous la forme de dommages et intérêts.
Comment analyser l’hypothèse inverse ? Le créancier qui demande des dommages-intérêts à son débiteur pour réparer son préjudice né de l’inexécution du contrat, peut-il se voir imposer par le juge une exécution en nature ou sa fausse jumelle, la réparation en nature du préjudice ? La réponse est négative. Ceci est notamment confirmé par un arrêt en date du 28 mai 2013 de la chambre commerciale de la Cour de Cassation20. En l’espèce, l’inventeur d’un procédé permettant de réduire la quantité de sel dans le pain et dans les pâtes alimentaires cède ses droits d’exploitation de l’invention à une société. Il demande ensuite la nullité de ce contrat de cession en raison du caractère potestatif21 d’une condition qu’il contient. Le cessionnaire demande reconventionnellement le paiement de dommages et intérêts en réparation des conséquences dommageables subies en raison du refus du cédant de signer certains documents nécessaires au succès d’une demande de dépôt de brevet aux Etats-Unis. Les juges du fond décident de prononcer, plutôt que les dommages et intérêts demandés, une injonction de faire (donc une réparation en nature) obligeant le cédant de fournir les signatures qu’il n’avait pas spontanément apposées. Cet arrêt est finalement censuré par la Cour de Cassation pour avoir modifié l’objet du litige, dont les parties ont la maîtrise exclusive22. Par conséquent, lorsque les parties au contrat sont d’accord à propos des modalités de réparation (par équivalent en l’espèce), elles peuvent choisir la forme de réparation que bon leur semble, dès lors qu’elles ne dérogent pas à une loi impérative. Ainsi, le juge ne peut donc pas accorder une réparation en nature lorsqu’une réparation en dommages et intérêts est demandée d’un commun accord par les parties et inversement.
2- Interdiction pour le juge de modifier les termes du litige
Comme relevé à juste titre par Monsieur Barbier23, le point le plus délicat tient à savoir si au sein de la réparation, la réparation par équivalent ou la réparation en nature sont deux prétentions distinctes, si bien que le juge ne peut pas prononcer l’une à la place de l’autre sans modifier l’objet du litige, ou si elles sont réunies sous la bannière de l’unique prétention de réparation, à laquelle le juge accède sous la forme qu’il souhaite et sans ainsi modifier l’objet du litige.
On peut rappeler que la définition de l’objet du litige par les parties constitue l’expression première du principe dispositif24. Le principe dispositif recouvre traditionnellement un double aspect qui résulte de l’articulation des articles 425 et 526 du code de procédure civile : positivement, il exprime la liberté des parties de soumettre au juge l’objet du litige qu’elles auront conjointement déterminé et, le cas échéant, ultérieurement précisé ; négativement, il confère à l’objet du litige ainsi déterminé une indisponibilité à l’égard du juge, tenu de le respecter. En pratique, les prétentions sont déterminées par l’acte introductif d’instance et par les conclusions en défense27 : c’est le principe d’immutabilité du litige, selon lequel l’objet du litige ne peut pas être modifié. Seul l’article 4 du CPC prévoit expressément la possibilité de changer l’objet du litige « par les demandes incidentes lorsque celle-ci se rattachent aux prétentions originaires par un lien suffisant ».
Selon la Cour de cassation, le changement de modalité d’une réparation ne modifie cependant en rien l’objet du litige. En ce sens, dans un arrêt en date du 27 mars 201328, un locataire se plaint de la non-réalisation par le bailleur de travaux lui incombant et l’assigne en réparation sous forme de dommages et intérêts de ses préjudices matériels et moraux. Le bailleur lui, offre d’exécuter son obligation en nature. Les juges du fond, eux, déboutent le locataire de sa demande de dommages et intérêts (réparation par équivalence) au profit de la réalisation de travaux (réparation en nature) par le bailleur. Le locataire y voit une modification de sa prétention et donc de l’objet du litige, en contrariété avec l’article 4 du CC. La Cour de Cassation rejette cependant le pourvoi du locataire au motif que l’objet du litige n’a pas été modifié. L’analyse selon laquelle le changement de modalité d’une réparation n’est pas une demande nouvelle est confirmée par la Cour de Cassation, dans le cadre de l’examen de la nouveauté de la demande en appel. Selon l’article 564 CPC, « les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions […]» à peine irrecevabilité de leur demande. L’article 563 CPC nomme les nouvelles prétentions que constituent des moyens nouveaux, la production de nouvelles pièces, ou la proposition de nouvelles preuves. Par conséquent, le changement de modalité d’une réparation ne constitue pas une nouvelle demande ou une nouvelle prétention sur le plan processuel.
Sur le plan matériel, néanmoins, le changement de modalité d’une réparation constitue une nouvelle demande. En effet, dans l’exercice de son contrôle de l’arrêt d’appel en date du 28 mai 201329, la Cour de cassation répond que le juge du fond ne peut pas réparer en nature lorsqu’on lui demande une réparation en dommages-intérêts, sans procéder à une modification du litige et encourir la cassation. La Cour de Cassation suggère ainsi que la réparation en dommages-intérêts et la réparation en nature sont deux prétentions différentes et non interchangeables entre les mains du juge30.
La solution des deux arrêts cités paraît contradictoire. Alors qu’au niveau processuel, la demande liée à un certain mode de réparation est interchangeable avec une demande liée à un autre mode de réparation, cette même demande n’est pas interchangeable au niveau matériel. Se pose ainsi la question de la justification d’une telle différence d’appréciation. Une des explications peut être la suivante. La solution de l’arrêt du 28 mai 2013 ne paraît admissible que dans le cas où le défendeur n’a pas contesté la modalité choisie par le demandeur. Le rôle et l’accord des parties au procès dans le choix du mode de réparation sont ainsi confirmé. On peut alors considérer que l’arrêt du 28 mai 2013 ne contredit pas l’arrêt du 27 mars 2013, puisque ce dernier arrêt tient compte du désaccord des parties. Le critère justifiant la différence d’appréciation des deux arrêts est donc celui d’un accord ou non des parties au procès. Ainsi, le désaccord des parties sur les modalités de réparation oblige le juge à trancher le litige. Son pouvoir d’appréciation se trouve alors accru.
B- Désaccord des parties : le choix revient au juge du fond
C’est donc au juge qu’il incombe de se prononcer, dès lors que les parties au procès n’ont pu s’entendre31. le juge dispose traditionnellement de deux possibilités, dont le choix est laissé à son appréciation: une réparation par équivalent, et une réparation en nature. Ce choix n’étant pas soumis au contrôle de la Cour de Cassation32, il se pose la question de savoir si le juge du fond dispose d’un pouvoir souverain, ou d’un pouvoir discrétionnaire.
1- Un principe : le choix du juge du fond
La cour de cassation a posé en principe que les juges du fond choisissent librement et souverainement entre réparation en nature et dommages et intérêts33.
Il faut d’ores et déjà souligner la divergence entre la jurisprudence du Conseil d’Etat et la Cour de Cassation. Le Conseil d’Etat érige aujourd’hui encore en principe la réparation sous forme de dommages et intérêts34. Il n’admet les condamnations à réparer en nature que dans des cas exceptionnels35. En revanche, la Cour de Cassation affirme régulièrement le pouvoir souverain des juges du fond quant au choix des modalités de la réparation et en particulier pour choisir entre l’allocation d’une indemnité ou une mesure imposant au responsable un acte ou une abstention (une réparation en nature)36. Cette liberté de choix du juge est appliquée aussi bien dans le domaine contractuel que dans le domaine délictuel. On peut noter que le pouvoir souverain du juge s’accompagne d’une grande liberté de choix de la mesure de réparation en nature. En effet, il peut ordonner une réparation en nature autre que celle qui a été réclamée37. La Cour de Cassation admet aussi parfois que le juge prononce à titre principal une condamnation non pécuniaire, tout en fixant, pour le cas où celle-ci ne serait pas exécutée dans un certain délai, le chiffre des dommages et intérêts38. Enfin, la Cour de Cassation reconnaît souvent aux juges du fond la possibilité de cumuler deux modalités de réparation à condition de s’expliquer sur la destination de chacune et de respecter « le principe de la réparation intégrale sans perte ni profit »39. La liberté du juge du fond est donc très large. Cette liberté est même accrue par la formulation de l’avant-projet de réforme de la responsabilité du 13 mars 2017, puisque l’alinéa 3 de l’article 1261 précise que « le juge peut également autoriser la victime à prendre elle-même les mesures de réparation en nature aux frais du responsable» et ajoute que « celui-ci peut être condamné à faire l’avance des sommes nécessaires ». Néanmoins, s’il semble naturel que le juge soit compétent pour fixer les modalités de la réparation, il ne peut imposer telle ou telle modalité de réparation que si cette dernière est estimée suffisante ou appropriée.
La difficulté consiste à déterminer les critères selon lesquels le juge va choisir l’une ou l’autre des réparations40. La réponse est généralement simple : les juges du fond choisissent la forme de réparation qui leur paraît « adéquate »41. Le rapport du groupe de travail de la Cour d’appel de Paris rendu en avril 2019 confirme cette terminologie en ajoutant un dernier alinéa à l’article 1259 qui dispose désormais que « Le juge détermine, si nécessaire, le ou les modes de réparation les plus adéquats ». Une réparation « adéquate » rejoint l’idée d’une certaine proportion. Mais une proportion ou une adéquation à quoi ? Au dommage ou aux intérêts en conflit ? Très justement, Monsieur Leduc prend le soin d’expliquer qu’il ne s’agit pas uniquement de réaliser une adéquation de la « forme de la réparation » au dommage subi par la victime42. Car, dans ce cas, selon lui, la Cour de cassation ne manquerait alors pas d’imposer la réparation en nature toutes les fois où elle est possible, puisqu’elle seule peut permettre de supprimer le dommage tandis que la réparation pécuniaire ne fait que le compenser.
Ainsi, le pouvoir du juge du fond en la matière donne à ce dernier pour mission de rechercher la forme de réparation la plus adéquate aux intérêts en conflit, en se livrant à un choix d’opportunité, reposant sur une pesée des intérêts antagonistes en présence. L’absence de motivation des décisions43 quant au choix de telle ou telle modalité de réparation permet même de constater l’existence d’un véritable pouvoir discrétionnaire du juge du fond. Ce dernier réalise un équilibre entre les intérêts de la victime, ceux de l’auteur d’un dommage, ceux de certains tiers, ou ceux de l’intérêt général. En somme, on peut même dire que le juge tranchera « en équité »44. Ainsi, le juge du fond jouit d’un grand pouvoir d’appréciation tout comme de la faculté de prendre une décision, qui non seulement échappe au contrôle de la Cour de Cassation, comme toute appréciation souveraine de fait45, mais plus spécifiquement peut se référer, pour motif suffisant, au sentiment d’opportunité du juge. Echappant à tout contrôle du juge de cassation, le choix des modalités de réparation par le juge du fond en droit positif n’est alors qu’une question de fait. Or c’est dans un souci de promouvoir une plus grande sécurité juridique au justiciable que les raisons ayant conduit le juge du fond à adopter telle ou telle modalité de réparation, devraient être mieux explicitées. De lege ferenda, une meilleure justification des choix du juge du fond contribuerait à une plus grande cohérence des décisions. Le juge du fond restant appréciateur des faits, un contrôle de la Cour de Cassation des justifications du juge du fond ferait du choix des modalités de réparation, non plus une simple question de fait, mais une véritable question de droit. Le pouvoir des juges du fond serait alors un simple pouvoir souverain et non plus discrétionnaire. Considérer le choix des modalités de réparation comme une question de droit permettrait d’uniformiser les critères guidant le juge du fond dans ses choix. Ce dernier devrait alors justifier son choix après avoir, dans un souci de proportionnalité, réalisé une balance des intérêts en présence, tout en accordant une importance particulière à la victime.
2- Une exception : impossibilité d’imposer une réparation en nature à l’encontre de la volonté de la victime
La volonté de la victime est d’une grande importance, dès lors que la réparation prend la forme d’une réparation en nature. Il s’agit d’une sérieuse limite au principe de la souveraineté des juges du fond dans le choix de la modalité de la réparation46. Un arrêt de la deuxième chambre civile de la Cour de Cassation rendue le 18 mars 201047 illustre cette prééminance accordée aux intérêts de la victime. En l’espèce, un immeuble a été endommagé à la suite d’une voie de fait48 imputable à la ville de Bordeaux. La victime, propriétaire de l’immeuble, réclame des dommages et intérêts (réparation par équivalence) ; la commune, auteur de la voie de fait, offre quant à elle, de réaliser des travaux de remise en état (réparation en nature). L’arrêt attaqué, qui avait opté en faveur de la réparation en nature en condamnant la ville de Bordeaux à effectuer les travaux de remise en état est censuré, au visa de l’article 4 du Code de procédure civile. On en déduit que la Cour de Cassation accorde une grande importance à la volonté de la victime. On pourrait penser que la portée de cet arrêt a été remise en cause dans un arrêt postérieur, en date du 16 juin 201549, dans lequel la Cour de Cassation approuve les juges du fond qui ont ordonné une réparation pécuniaire, alors que la victime réclamait une réparation en nature, remettant en cause le fait que la volonté de la victime soit systématiquement suivie.
En fait, la portée de l’arrêt exposé en premier lieu est bien réelle mais plus restreinte. En définitive, il semble que la limite apportée par l’arrêt du 18 mars 2010 au principe de la souveraineté des juges du fond dans le choix de la forme de la réparation se ramène à ceci : La réparation en nature ne peut être imposée par le juge à la victime, lorsque celle-ci n’en veut pas. L’accord de la victime est donc important dès lors que la réparation prend la forme d’une réparation en nature50. Le projet de réforme du 13 mars 2017 propose une codification de cette jurisprudence en formulant l’article 1261 al. 1 de la façon suivante : la « réparation en nature ne peut être imposée à la victime ».
Pour conclure, dès lors que la réparation en nature est refusée par la victime, le juge ne peut s’opposer à elle sans violer le principe dispositif codifié à l’article 4 du Code de procédure Civil. Le pouvoir souverain du juge quant au libre choix d’un mode de réparation est ainsi limité.
Les juges et les parties au procès sont donc exposés à une certaine concurrence quant à la faculté ou à la compétence de choisir l’une ou l’autre des modalités de réparation et la loi n’apporte pas de précision, ni par rapport à la répartition des compétences entre le juge et les parties, ni par rapport à la forme ou aux modalités que doivent recouvrir les réparations51. Néanmoins, le juge et les parties doivent faire face aux mêmes difficultés : leur choix est soumis à des limites.
II- Les limites du libre choix des modalités de réparation du préjudice
Pour les juges, la nécessité d’une réparation adéquate limite leur libre choix des modalités de réparation (A). D’autres motivations, qui ne se déduisent pas de la recherche d’une certaine balance des intérêts en présence, justifient une restriction de la liberté de choix des modalités de réparation (B).
A- Limitations du choix du juge par la nécessité d’accorder une réparation adéquate
Pour le juge, la faculté de choisir les modalités de réparation est limitée par des dispositions législatives – a fortiori lorsqu’elles sont impératives – qui l’obligent à faire une balance des intérêts et un choix proportionné (1). Le choix du juge est également limité par la nécessité d’apporter une réponse adéquate aux intérêts antagonistes en présence (2).
1-Apport de dispositions textuelles spécifiques : la liberté de choix du juge tempérée par l’application du principe de proportionnalité
De toute évidence, la loi impérative limite le juge dans sa faculté de choisir les modalités de réparation. C’est le cas d’une disposition du Code de la consommation. On pourrait alors envisager l’hypothèse suivant laquelle, en l’absence d’une loi impérative, les juges sont entièrement libres de choisir les modalités de réparation à leur guise. Tel n’est cependant pas le cas, comme le montre une disposition du Code de l’environnement. Les développements suivants accordent une attention toute particulière à ces deux normes.
Premièrement, l’article L.217-9 du C. cons.52 créé par l’ordonnance n°2016-301 du 14 mars 2016, limite indirectement la liberté de choix des modalités de réparation par le juge du fond. En effet, cette disposition spécifique oblige le juge à écarter une modalité de réparation dès lors que son coût est excessif par rapport à l’enjeu du litige ou disproportionné au regard de l’autre modalité.
Introduite à l’issue de la transposition de la directive 1999/44/CE, qui a eu pour objectif la création d’un socle minimal commun de règles sur les garanties des biens de consommation, valables indépendamment du lieu de vente dans la Communauté européenne53, cette disposition destinée à protéger le consommateur est d’ordre public et donc impérative. En effet, aux termes de l’article L.241-5 du Code de la consommation, « les conventions qui écartent ou limitent directement ou indirectement les droits résultant des articles L.217-1 à L.217-20 relatifs à la garantie de conformité des biens, à la garantie commerciale ou aux prestations de services après-vente, conclues entre le vendeur et l’acheteur avant que ce dernier n’ait formulé de réclamation, sont réputées non écrites ». Le champ d’application de cette protection est limité aux contrats de vente de biens meubles corporels conclus entre professionnels et consommateurs. La garantie légale ainsi codifiée ouvre au consommateur contre son vendeur, quatre droits hiérarchisés : deux remèdes en nature et deux remèdes en valeur.
D’une part, les deux remèdes en nature prennent la forme d’une réparation ou d’un remplacement du bien. A ce propos, la loi n°2020-105 du 10 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire s’est préoccupée d’allonger la durée de la garantie lorsque ces remèdes en nature sont mis en oeuvre. En cas de réparation, le produit réparé bénéficiera désormais d’une extension de garantie de 6 mois. Ces nouvelles dispositions, qui entreront en vigueur à compter du 1er janvier 2022, constituent une incitation à la réparation en nature : elles entrent bien dans l’objectif de lutte contre le gaspillage poursuivi par cette loi54.
D’autre part, les deux remèdes en valeur prennent la forme soit d’une réduction adéquate du prix, soit d’une résolution du contrat avec restitution du prix.
Alors que l’alinéa 1 de l’art. L. 217-9 du C. cons. énonce le principe général selon lequel « en cas de défaut de conformité, l’acheteur choisit entre la réparation (dans le sens d’une remise en l’état) et le remplacement du bien », l’alinéa 2 précise que le vendeur ne peut pas procéder selon le choix de l’acheteur si « ce choix entraîne un coût manifestement disproportionné au regard de l’autre modalité, compte tenu de la valeur du bien ou de l’importance du défaut ». Le vendeur est alors tenu de procéder, sauf impossibilité, selon la modalité non choisie par l’acheteur, ce qui vient nuancer l’importance du rôle de la victime d’un préjudice dans le choix de la modalité de réparation. Cette disposition montre également que le vendeur n’est pas tenu de procéder selon la volonté de l’acheteur, alors même que le Code de la consommation est par essence très favorable au consommateur ou à l’acheteur. De plus, bien que les parties au contrat soient d’un commun accord, l’alinéa 2 de l’article L. 217-9 du C. cons.55 autorise le vendeur à écarter la modalité choisie par l’acheteur en raison de son coût économique disproportionné. Ainsi, l’absence d’adéquation de la réparation permet non seulement de passer outre la volonté de l’acheteur, mais également de la volonté commune des parties. La faculté de choix des parties au contrat est ainsi bien limitée par la nécessité de respecter une réparation proportionnée, prévue par une disposition impérative. A fortiori, le juge est lui aussi tenu de respecter cette disposition impérative.
Lorsque « réparation » et « remplacement » sont impossibles56 ou que la solution résultant de l’application de l’article 217-9 du C. cons. ne peut être mis en oeuvre dans le délai d’un mois après la réclamation ou ne peut l’être sans inconvénient majeur pour l’acheteur, ce dernier peut conformément à l’article L. 217-10 du C. cons. soit rendre le bien et se faire restituer le prix, soit garder le bien et se faire rendre une partie du prix. L’article L. 217-11 C. cons. ajoute par ailleurs que les dispositions évoquées à l’article L. 217-10 C. cons. ne font pas obstacle à l’allocation de dommages et intérêts, ce qui corrobore la thèse selon laquelle les modalités de réparation peuvent se cumuler et que le diptyque « réparation en nature » et « réparation par équivalent » n’est pas forcément d’application alternative57.
Deuxièmement, un autre texte spécifique limite indirectement le juge dans sa faculté de choisir les modalités de réparation. Tout comme à l’article 217-9 du C. cons., la limitation du choix instituée par l’article L.514-20 du Code de l’environnement est justifiée par un souci de proposer une réparation proportionnée et adéquate aux intérêts en conflit. D’une manière générale, l’article L.514-20 du Code de l’environnement dispose que « lorsqu’une installation58 soumise à autorisation a été exploitée sur un terrain, le vendeur de ce terrain est tenu d’en informer par écrit l’acheteur ; il l’informe également, pour autant qu’il les connaisse, des dangers ou inconvénients importants qui résultent de l’exploitation ». L’alinéa 3 de ce texte ajoute qu’« à défaut, l’acheteur a le choix de poursuivre la résolution de la vente ou de se faire restituer une partie du prix ; il peut aussi demander la remise en état du site aux frais du vendeur, lorsque le coût de cette remise en état ne paraît pas disproportionné par rapport au prix de vente ». En d’autres termes, l’acheteur peut demander une réparation en nature, dès lors que celle-ci n’est pas disproportionnée par rapport au prix de vente, c’est-à-dire, lorsque la réparation est en adéquation avec les intérêts du vendeur. L’exigence de transparence59 codifiée par cet article du Code de l’environnement doit prévaloir au bénéfice de l’acquéreur, qui est traditionnellement la partie la plus faible ou l’éventuelle victime, comme en matière de consommation. De même, comme dans le code de la consommation, l’article L.514-20 du Code de l’environnement vient limiter la faculté de choix des modalités de réparation accordée à l’acquéreur d’un terrain qui, dans l’hypothèse spécifique du code de l’environnement, est la victime de dangers ou d’inconvénients résultant de l’exploitation de ce terrain.
Pour conclure, le parallèle entre l’article L. 217-9 du C. cons. et l’article L. 514-20 du Code de l’environnement est frappant. En effet, le point commun de ces deux textes se caractérise par la prise en compte de l’incidence économique de la mesure de réparation choisie dans un contexte contractuel. Les deux textes admettent – sous des formes un peu différentes – que la liberté des parties à un contrat soit tempérée par l’application du principe de proportionnalité.
Par analogie, on peut considérer qu’en matière délictuelle, la mesure la plus coûteuse doit ainsi être écartée lorsqu’elle apparaît excessive par rapport à l’enjeu du litige, c’est-à-dire l’intérêt mis en avant par le demandeur.
Alors que des dispositions textuelles en droit de la consommation et en droit de l’environnement limitent spécifiquement le choix des modalités de réparation des parties au contrat et du juge, une analyse de la jurisprudence permet de constater que la nécessité « d’une réparation adéquate » constitue un critère fréquemment utilisé dans le but de limiter le libre choix des modalités de réparation du juge.
2- Apport de la jurisprudence : le choix du juge limité par la nécessité de proposer une réparation adéquate
Dans un contexte délictuel ou contractuel, les développements précédents ont mis en avant que dans le cas d’un désaccord entre les parties au procès, le juge du fond dispose d’une certaine latitude pour déterminer lui-même les modalités de réparation du préjudice. Selon le groupe de travail de la Cour d’appel60, cette latitude du juge rejoint celle dont bénéficie le juge des référés, lorsqu’il lui appartient de définir le contenu d’une mesure propre à prévenir un « dommage imminent » ou à faire cesser « un trouble manifestement illicite ». C’est ce qui justifie l’ajout de la dernière phrase à l’article 1259 de la proposition d’amélioration de 2019, rédigée comme suit: « Le juge détermine, si nécessaire, le ou les modes de réparation les plus adéquats ». Cette nécessaire « adéquation » des modes de réparation limite donc la marge de manoeuvre du juge quant à sa faculté de choisir librement entre une réparation en nature et une réparation par équivalent. Mais comment déterminer le caractère adéquat d’un mode de réparation ? Quels éléments permettent de caractériser cette adéquation ? Aucune définition n’est prévue dans la loi. Une analyse casuistique de la jurisprudence doit donc être envisagée.
D’un côté, la recherche d’une « réparation d’adéquate » de géométrie variable en pratique, permet de faire obstacle au choix d’une réparation en nature par le juge (a). D’un autre côté, ce même critère de « réparation adéquate » permet de faire obstacle au choix d’une condamnation en dommages et intérêts (b).
a- Le critère de la « réparation adéquate » : un obstacle au choix d’une réparation en nature
La nécessité de proposer une réparation adéquate va obliger le juge à prononcer une réparation par équivalence en dommages et intérêts plutôt qu’une réparation en nature. Comme en matière d’exécution d’une obligation en nature au sens de l’article 1221 CC et suiv. en matière contractuelle, une analyse casuistique permet de constater que la réparation en nature est « inadéquate », dès lors notamment que son coût est manifestement déraisonnable61. Par analogie avec la rédaction de l’article 1221 CC62, ceci est aussi le cas, lorsque la disproportion entre le coût de la réparation pour le responsable et le dommage de la victime est manifeste. Au juge d’apprécier le caractère manifeste de la disproportion.
Les développements suivants analysent des exemples issus de la jurisprudence qui illustrent l’absence d’adéquation d’une réparation en nature qui se traduit premièrement et principalement par la disproportion manifeste décrite ci-dessus entre le coût de la réparation pour le responsable et le dommage de la victime. Cependant, l’absence d’adéquation de la réparation ne se limite pas à cette disproportion manifeste. Les développements précédents ont montré que l’adéquation du mode de réparation se traduit également par une mise en balance des différents intérêts en présence. L’absence d’adéquation de la réparation en nature se manifeste donc deuxièmement par l’absence d’une prise en compte équilibrée des divers intérêts en présence. Tel est le cas notamment en matière de trouble du voisinage ou en matière de concurrence déloyale. Enfin et de manière plus radicale, l’absence d’adéquation se manifeste troisièmement par une impossible réparation en nature.
Premièrement, plusieurs exemples de jurisprudence, en matière de construction et de droit d’auteur permettent de cerner les contours et le contenu du caractère manifeste de la disproportion entre le coût de la réparation pour le responsable et le dommage de la victime. A titre préliminaire, on peut souligner que le simple fait que la réparation en nature coûte plus chère au responsable qu’une autre modalité permettant la réparation totale du préjudice suffit souvent à caractériser le caractère manifeste de la disproportion63.
Concrètement, deux exemples peuvent être cités en matière de construction. Le premier exemple concerne un maître d’ouvrage qui a tenté d’obtenir une réparation en nature au titre des malfaçons constatées dans une construction, en demandant la réfection par l’entrepreneur, de tous les travaux mal exécutés. Aux motifs que « la réfection demandée nécessitait la démolition à peu près complète de l’immeuble et occasionnerait une dépense de beaucoup supérieure au préjudice résultant de la défectuosité desdits travaux »64, la réparation en nature jugée non adéquate a été repoussée par le juge qui a préféré prononcer une réduction du prix et des dommages et intérêts65. Le deuxième exemple traite d’un maître d’ouvrage qui s’est vu refuser une réparation en nature et n’a obtenu qu’une condamnation de l’entrepreneur à des dommages et intérêts, au lieu de la démolition de la construction déficiente qu’il sollicitait. En effet, bien que la construction ait été défectueuse, le juge a considéré qu’une démolition n’était pas adéquate puisque la construction n’en était pas moins réparable et pouvait donc être conservée au moyen de travaux confortatifs66. Plus généralement, il a également été jugé, que le coût de la réparation est « manifestement déraisonnable » et la réparation donc inadéquate, lorsque le juge ne peut pas ordonner une mesure de réparation en nature sans porter atteinte au droit de propriété du débiteur de la réparation67.
Par ailleurs, la réparation en nature est également inadéquate, lorsqu’en raison de la violation d’un droit d’auteur due notamment à la traduction de quatre ouvrages effectuée sans l’accord de l’un des coauteurs, ce dernier souhaite une réparation en nature prenant la forme d’un retrait de la vente et du rapatriement des exemplaires tirés et non vendus. Dans ce cas, le caractère manifestement déraisonnable de la réparation en nature est relevé par la cour d’appel, qui souligne les frais éventuels démesurés de cette réparation tout comme les dommages irréparables pouvant être causés aux tiers de bonne foi qui ont acheté les traductions. A défaut d’une réparation en nature, les juges proposent une réparation par équivalence et soulignent que la compensation du préjudice causé par la poursuite de la vente au-delà du prononcé de l’arrêt et jusqu’à l’épuisement des stocks peut se résoudre en dommages et intérêts68.
Deuxièmement, l’adéquation du mode de réparation se traduit aussi par une mise en balance des différents intérêts en présence. Une réparation en nature permet-elle d’aboutir à un équilibre des intérêts en présence, en cas de troubles du voisinage ? Les solutions jurisprudentielles sont contrastées. Souvent, les tribunaux condamnent l’auteur du trouble à des dommages et intérêts plutôt qu’à une réparation en nature, considérée comme inadéquate69. Tel est le cas dans un arrêt de la Cour d’appel de Saint-Denis de la Réunion en date du 3 juillet 201570. Les juges du fond ont argumenté qu’une indemnisation apparaissait comme un mode de réparation qui n’est ni indirect ni imparfait, mais bien « suffisant » pour compenser le trouble subi par le propriétaire d’une ancienne case créole du fait de la surélévation d’un immeuble abritant un hôtel restaurant exploité sur le fonds contigu. Une réparation par équivalence est également préférée à une réparation en nature, dans l’hypothèse où les troubles du voisinage émanent d’une entreprise créatrice d’emplois. On peut comprendre que le juge soit peu enclin à prononcer une condamnation en nature inadéquate car susceptible d’entraver l’activité de l’entreprise, au nom de la sauvegarde des intérêts individuels de la victime aspirant au calme et à l’air pur. L’intérêt des tiers, en l’occurrence les salariés de l’entreprise, intervient dans la balance des intérêts en présence, d’où procède le choix de la forme de la réparation71. Dans le cas de la fermeture de l’entreprise, l’inadéquation de la réparation en nature, qui se traduit même par une disproportion entre le coût de la réparation en nature pour le responsable de l’usine et le préjudice de la victime, simplement troublée dans son confort par les bruits et les odeurs émanant de l’entreprise, serait manifeste.
En matière de concurrence déloyale, l’adéquation du mode de réparation d’un préjudice se traduit également par une mise en balance des différents intérêts en présence. Appelé à statuer sur la réparation d’un préjudice résultant d’une pratique commerciale trompeuse pour le consommateur, conférant à son auteur un avantage concurrentiel indu par rapport à ses concurrents, la Cour d’appel, conforté par la Cour de Cassation, a évalué l’assiette de la réparation par équivalence devant être allouée à la société Cristallerie de Montbronn spécialisée dans la création et la fabrication de produits d’arts de la table en Cristal, afin de tenir compte de l’économie injustement réalisée par la société Cristal de Paris72. On peut supposer qu’une simple réparation en nature prenant uniquement la forme par exemple, d’une cessation des agissements illicites n’aurait pas permis de prendre en compte avec autant de différenciation, les différents intérêts lésés en présence, composés non seulement des deux entreprises concurrentes, mais aussi des consommateurs. Au contraire, une réparation pécuniaire semble dans ce cas plus adéquate, puisqu’elle permet de prendre en compte les volumes d’affaires respectifs des parties affectées par agissements déloyaux. Le préjudice prenant la forme d’un manque à gagner ou d’une perte de chance de s’approprier une clientèle n’est pas simple à réparer en nature.
L’absence d’adéquation de la réparation en nature ne se limite pas à une disproportion manifeste entre le coût de la réparation pour le responsable et le préjudice de la victime, ni à un déséquilibre dans la prise en compte des différents intérêts. L’inadéquation d’une réparation en nature s’explique troisièmement aussi tout simplement par l’impossibilité de réparer en nature. L’impossibilité peut se traduire de diverses manières. Il peut par exemple s’agir d’une impossibilité matérielle pour le juge d’ordonner une réparation en nature, dans le cas d’une irréversibilité du préjudice73. L’impossibilité est aussi d’ordre matériel, lorsque l’ouvrage promis ne peut être réalisé parce que les matières premières nécessaires à sa fabrication ou à sa construction font défaut74. La réparation en nature se heurte à une impossibilité encore plus radicale, lorsque l’objet perdu est irremplaçable, soit parce qu’il est unique75, soit parce que la fabrication de ce dernier a été arrêtée76. Le juge ne peut alors envisager une réparation autre que pécuniaire car il n’existe pas de réparation susceptible d’agir directement sur ce dommage77. En outre, l’impossibilité peut aussi être d’ordre moral78, écologique ou juridique. Elle est juridique lorsque sa mise en oeuvre se heurte à une interdiction quelconque ou porterait atteinte aux droits d’un tiers de bonne foi79. L’impossibilité est aussi juridique, lorsque la réparation en nature est contraire à la loi. Tel est le cas lorsque l’activité d’une entreprise ayant causé un préjudice a cessé et que la garantie de « parfait achèvement » ne peut s’appliquer puisqu’une des conditions de son application, à savoir la légalité de l’activité de l’entreprise n’est pas remplie80. Aujourd’hui, ces cas d’inadéquation d’une réparation en nature, sont explicitement énoncés à l’article 1261 al. 2 du projet de réforme de la responsabilité civile en date du 13 mars 2017, qui énonce que la réparation en nature « ne peut […] être ordonnée en cas d’impossibilité ou de disproportion manifeste entre son coût pour le responsable et son intérêt pour la victime ».
Ainsi, la condamnation en nature ne se justifie que si le contenu de la condamnation constitue le mode le plus adéquat de compensation du préjudice. Comme le souligne un auteur, « condamner le responsable à une prestation en nature qui ne soit pas spécifique au préjudice subi, qui ne soit pas liée à lui par un rapport d’équivalence qualitative, serait prononcer une condamnation purement arbitraire ne méritant pas d’être qualifiée de réparation » 81. Aujourd’hui, cette exigence d’équivalence qualitative est explicitement formulée par l’avant-projet de réforme de la responsabilité civile, dont l’article 1260 dispose que « la réparation en nature doit être spécifiquement propre à supprimer, réduire ou compenser le dommage ».
Dès lors que la condamnation en nature n’apparaît pas assez adéquate pour réparer le préjudice, le choix du juge doit s’opérer en faveur d’une réparation pécuniaire. C’est pourquoi, la réparation pécuniaire est la modalité de réparation la plus utilisée en pratique. Mis à part certaines situations exceptionnelles, dans lesquelles le responsable exerce le métier de médecin ou d’artisan et se trouve donc en mesure de réparer lui-même le dommage, la victime doit généralement faire appel à un expert extérieur, qui réparera le dommage ou fournira un article de substitution, contre une rémunération82. La réparation pécuniaire ne s’analyse donc que comme une indemnisation économique des coûts qui ont été ou doivent être engagés pour réparer un intérêt négatif ou un intérêt positif comme une perte de chance83. Avec une simple indemnisation, on prend « acte de l’impossibilité de vraiment réparer »84. La question de savoir si les fonds procurés à la victime ou à la personne lésée sont réellement utilisées à des fins de réparation n’est pas pertinente. En ce sens, la Cour de Cassation se montre particulièrement soucieuse de préserver l’entière liberté des victimes dans l’emploi des fonds destinés à compenser leur dommage corporel et d’éviter tout contrôle du débiteur sur cet emploi. C’est pourquoi les tentatives de certains assureurs pour amener les juges à imposer aux victimes gravement handicapées certaines prestations en nature (comme le matériel nécessaire, les soins etc..) ont toujours échoué85. La liberté décisionnelle et la liberté de la victime de disposer de son corps doit être préservée. Dans le même ordre d’idées, il y a également atteinte à la liberté86 d’une victime et à son intégrité corporelle, dès lors qu’une opération améliorante est imposée à cette dernière. La deuxième chambre civile l’a opportunément rappelé dans un arrêt du 19 mars 199787.
L’inexistence d’une équivalence qualitative et plus largement l’absence d’une adéquation de la réparation au dommage fait donc obstacle au prononcé d’une mesure de réparation en nature. A l’inverse, la nécessaire adéquation de la réparation au dommage peut également faire obstacle au choix d’une réparation par équivalent en dommages et intérêts.
b- Le critère de la « réparation adéquate » : un obstacle au choix d’une réparation pécuniaire par équivalent ?
En principe, l’argent est l’instrument privilégié des échanges de valeur. C’est pourquoi, il est assez rare qu’une réparation pécuniaire soit écartée au profit d’une réparation en nature. Cependant, à la suite de circonstances particulières, comme par exemple, le rationnement de marchandises, une inflation très forte, ou un trouble manifestement illicite88, il n’est pas inconcevable que les juges privilégient par principe la réparation en nature au seul motif qu’elle serait plus adéquate ou plus juste qu’une réparation par équivalent en dommages et intérêts.
Il en va ainsi par exemple dans le monde du travail, où la privation de l’emploi n’est pas réellement compensée par l’octroi d’une indemnité, du moins, lorsque le salarié se trouve dans l’impossibilité de retrouver un travail. C’est ce qui explique en partie les décisions, qui imposent de préférence la réintégration du salarié dans l’entreprise, plutôt que l’octroi d’une indemnisation89. Pour les atteintes au droit de la personnalité aussi, la réparation en dommages et intérêts est bien moins adéquate qu’une mesure de publication90 s’analysant comme une réparation en nature.
C’est surtout à propos du préjudice « écologique pur » que l’inadaptation de la compensation pécuniaire sous forme de dommages et intérêts a particulièrement été soulignée91. Un arrêt en date du 8 novembre 201892 montre l’inefficacité totale d’une condamnation à des dommages et intérêts à « réparer » les atteintes à l’environnement. En l’espèce, en effet, l’association, qui avait assigné les auteurs d’une atteinte à l’environnement de son préjudice moral sur le fondement de l’article 1382 CC, se trouve enrichie par son action en raison d’une réparation pécuniaire, tandis que l’écosystème n’est pas restauré. C’est pourquoi, une réparation en nature se traduisant par une action effective en faveur de l’environnement aurait été bien plus efficace, bien plus adéquate. Outre les difficultés d’évaluation du prix de la nature93, il faut tenir compte des incertitudes relatives à l’ampleur de l’atteinte due aux facultés de régénérescence de la nature et de l’impossibilité de fixer une date de consolidation94. Ainsi, seule une restauration effective de l’environnement atteint, telle que la cessation de l’atteinte, une remise en état des lieux ou une mesure équivalente, peut répondre efficacement à cette sorte de préjudice95.
C’est dans le but notamment de rationaliser la réparation des préjudices écologiques que le législateur est venu consacrer le préjudice « écologique pur » en 2016 dans le cadre de la loi n°2016-1087 du 8 août 2016 sur la reconquête de la biodiversité. Aux articles 1246 et suiv. du CC, le législateur a ainsi mis fin à la fiction selon laquelle une atteinte environnementale cause un préjudice personnel96 aux personnes morales qui en demandent la réparation, et a érigé le rétablissement de l’environnement (réparation en nature) en priorité absolue97. L’allocation de dommages et intérêts (réparation par équivalent), qui risque de virer en un enrichissement d’une personne morale, ne doit donc être envisagée que de manière subsidiaire98.
A première vue, la nécessité de procurer une réparation adéquate en matière environnementale fait donc obstacle au choix d’une réparation pécuniaire en cas de préjudice écologique.
On peut néanmoins souligner la solution inédite rendue par le tribunal correctionnel de Marseille le 6 mars 2020 à propos de la capture, par des chasseurs sous-marins, notamment sur le territoire couvert par le Parc national des Calanques d’oursins, poulpes et mérous, et autres spécimens d’espèces dont certaines protégées99. En l’espèce, le Parc s’est constitué partie civile dans la procédure dirigée à l’encontre des pêcheurs, et demandait réparation, outre de son préjudice moral, de son préjudice écologique. La décision fait droit à la demande du Parc. Le tribunal écarte la réparation en nature qui ne peut être envisagée en l’espèce, en raison de la spécificité et de la fragilité du lieu en cause et opte pour une réparation par équivalent. L’évaluation du préjudice prend pour référence d’une part, la perte de biomasse provoquée par les actes délictueux et d’autre part, les dépenses qui devront être engagées pour en permettre la reconstitution du lieu au fil des années. Ainsi, le tribunal se propose tout d’abord de chiffrer la quantité de matière vivante indûment extraite de son milieu de vie afin de réaliser une évaluation juridique de l’appauvrissement écologique. Ensuite, le tribunal réalise une estimation monétaire des dommages infligés à la nature. Dans cette tâche délicate, le tribunal a choisi de suivre la démarche du Parc national en se basant sur les dépenses engagées pour la préservation des zones de non-prélèvements. Ainsi, si les données comptables du Parc concourent à la monétarisation du préjudice écologique, en permettant l’évaluation de ce dernier, elles participent aussi de sa protection et révèlent l’importance de la démarche de comptage, pour des entités comme les parc nationaux, investis d’une mission de préservation des richesses naturelles100. Dans cette décision, le juge opte donc bien pour une réparation pécuniaire, qui doit cependant strictement servir à remettre en état les lieux. On est donc loin de la décision du 8 novembre 2018 qui soutenait la libre affectation des sommes allouées sans que l’association demanderesse n’ait à justifier d’une restauration effective de l’environnement.
Pour conclure, dans le cas d’un véritable rétablissement de la situation avant-dommage en matière délictuelle101, la condamnation pécuniaire non couplée à une restauration effective de l’environnement peut être écartée au profit d’une réparation en nature au seul motif qu’elle serait radicalement inadéquate. Par conséquent, les parties et le juge ne sont pas totalement libres de leur choix, dès lors que la priorité est accordée à un véritable rétablissement de la situation avant-dommage.
Au-delà de l’argument visant à procurer une « réparation adéquate », le libre choix du juge entre une réparation en nature et une réparation par équivalence est limité par d’autres motivations.
B- Motivations limitant le libre choix des modalités de réparation
Deux motivations limitent le choix des modalités de réparation par le juge. D’une part, le principe de la séparation des autorités administratives et judiciaires justifie la priorité donnée à une réparation pécuniaire et exclue donc une réparation en nature (1). D’autre part, dès lors que l’objectif à atteindre consiste à faire cesser l’illicite et à tarir la source du dommage, la priorité est accordée à une réparation en nature et exclue le prononcé d’une réparation pécuniaire (2).
1- Exclusion de la réparation en nature incitée par le principe de la séparation des autorités administratives et judiciaires
Le droit français connait traditionnellement le principe de la séparation des autorités administratives et judiciaires. Ce principe, également connu par d’autres ordres juridiques, permet de limiter les prérogatives du juge à l’égard de l’administration. En Allemagne, le principe de la séparation des pouvoirs est formellement invoqué pour justifier le caractère généralement pécuniaire des condamnations prononcées contre l’administration102. En France, cette tendance est cependant plus poussée que dans les autres pays européens et elle justifie un certain nombre de restrictions à la possibilité de prononcer des mesures de réparation en nature. Dans le cas d’un dommage, le choix d’une réparation pécuniaire est alors favorisé, dès lors que le juge judiciaire se doit de respecter la réglementation des activités privées autorisées par l’administration. Dans ce contexte, le choix des modalités de réparation est soit limité par la jurisprudence (a), soit par la loi (b).
a- Exclusion de la réparation en nature par la jurisprudence
De façon générale, le juge ne se reconnaît pas le droit de contredire une autorisation administrative103 ou de rendre les conditions de celle-ci plus sévères.
Plus précisément, le juge judiciaire est très rétissant à l’idée d’entraver la poursuite d’une exploitation ayant fait l’objet d’une autorisation administrative. Il est donc impossible pour le juge judiciaire d’interdire par exemple, au titre de la réparation en nature, l’activité d’un établissement ayant fait l’objet d’une autorisation administrative voir même d’ordonner des travaux importants de nature à perturber la poursuite de l’exploitation104.
Ainsi, lorsqu’une installation, exploitée par une personne privée en conformité avec les exigences administratives, occasionne des dommages à des tiers, ces tiers victimes pourront certes saisir le juge judiciaire pour obtenir réparation, mais ils n’obtiendront vraisemblablement qu’une simple compensation de leur préjudice prenant la forme d’une réparation pécuniaire. En effet, le respect des règles de police administrative constitue selon la Cour de Cassation « une sorte de présomption que l’exploitation présente un intérêt social »105 et interdit par là-même aux juges du fond le prononcé d’une réparation en nature, en ordonnant par exemple, la cessation de cette exploitation.
Le principe de la séparation des autorités administratives et judiciaires incite donc le juge judiciaire à respecter les conditions posées par l’administration pour une exploitation donnée, et lui interdit d’imposer des mesures qui seraient en contradiction avec celles prescrites par les autorités administratives106. Le juge judiciaire peut-il néanmoins imposer des conditions supplémentaires ? La réponse est aujourd’hui positive. En effet, la Cour de Cassation estime que les juges du fond peuvent tout à fait ordonner de nouvelles précautions et même imposer des travaux propres à faire disparaître le dommage. Cependant, le pouvoir du juge judiciaire reste limité, puisqu’il ne doit pas aller jusqu’à justifier des mesures qui, par leur coût financier, seraient de nature à entraver gravement la poursuite d’une exploitation par exemple. Cette jurisprudence restreint donc sensiblement la possibilité pour le juge judiciaire d’ordonner des mesures de réparation en nature et limite par là-même son choix lié aux modalités de réparation.
Le choix des modalités de réparation n’est pas uniquement limité par une jurisprudence soucieuse d’appliquer le principe de la séparation des autorités administratives et judiciaires. Légalisant ce principe, certaines dispositions législatives peuvent également limiter le choix des modalités de réparation.
b- Exclusion de la réparation en nature par la loi
De manière explicite, l’article L.480-13 du Code de l’Urbanisme, précise que lorsqu’une construction a été édifiée conformément à un permis de construire, le propriétaire ne peut être condamné par un tribunal judiciaire à la démolir du fait de la méconnaissance des règles d’urbanisme ou des servitudes d’utilité publique. L’article prévoit tout de même une exception, dans le cas où le permis de construire a été annulé pour « excès de pouvoir » par la juridiction administrative et que la construction est située dans certaines zones spécialement protégées qu’énumère le texte. Cet article du Code de l’Urbanisme présente donc, en théorie au moins, un obstacle sérieux aux condamnations en nature par les juges judiciaires visant à démolir l’immeuble irrégulièrement construit107.
La loi limite donc le choix des modalités de réparation des dommages, puisque le juge judiciaire, dans le but de respecter le principe de la séparation des autorités administratives et judiciaires, est amené à prononcer une condamnation en dommages et intérêt par équivalent, ce qui se traduit par une réparation pécuniaire pour la victime. A l’opposé, la priorité est donnée à une réparation en nature, dès lors que l’objectif recherché consiste à « tarir la source du dommage ou à faire cesser l’illicite ».
2- Priorité accordée à la réparation en nature et justifiée par la cessation de l’illicite
Une analyse casuistique de la jurisprudence permet de constater que le juge est limité dans ses choix, dès lors qu’une action en responsabilité a pour but de tarir, voire de supprimer la source ou la cause du dommage et de faire cesser l’illicite. Dans ce cas, le juge n’est plus totalement libre puisqu’il est incité à imposer une réparation en nature (a). Sur le plan juridique ou théorique, en revanche, la limitation du juge dans le choix des modalités de réparation est moins évidente. En effet, en matière délictuelle, la suppression de la situation illicite est souvent appréhendée de manière peu rigoureuse, comme une simple réparation en nature, celle-ci relevant de l’appréciation souveraine du juge. Ce dernier bénéficie alors d’une grande marge de manoeuvre et n’a donc pas nécessairement à imposer une réparation non pécuniaire. Dès lors que dans les faits et concrètement, la réparation en nature permet un rétablissement ou un retour à la légalité, il semble qu’une généralisation et abstraction des manifestations casuistiques serait judicieuse, en admettant que sur le plan juridique aussi, la réparation en nature s’impose au juge, dès lors qu’un certain nombre de conditions sont remplies (b).
a- Manifestations casuistiques de cette priorité
C’est principalement à propos de constructions irrégulières ou d’atteintes au droit de propriété que la Cour de Cassation a imposé aux juges du fond de faire prévaloir sur les dommages et intérêts, la réparation en nature lorsqu’elle est demandée (aa). D’autres décisions plus rares ont aussi amorcé une évolution en ce sens, en cas de méconnaissance d’une clause de non concurrence ou d’une clause d’exclusivité (bb). Enfin, une primauté est parfois accordée à une réparation en nature, dans le cas de troubles manifestement illicites (cc).
aa- Réparation en nature favorisée en cas de constructions irrégulières et d’atteintes au droit de propriété
Deux situations doivent être distinguées. D’une part, les constructions peuvent être qualifiées d’irrégulières dès lors qu’elles ont été réalisées au mépris d’un contrat. Le débiteur de l’obligation bafouée engage donc sa responsabilité contractuelle vis-à-vis du créancier. D’autre part, l’irrégularité d’une construction peut également se manifester par la violation d’un droit réel, comme par exemple l’empiètement d’un droit de propriété ou toute autre atteinte à l’intégrité d’une propriété. Dans ce cas, la victime pourra agir sur le fondement de la responsabilité délictuelle.
Une analyse de la jurisprudence permet de constater qu’à partir des années 60108, la Cour de Cassation a imposé aux juges du fond la destruction ou la mise en conformité d’une construction irrégulière réalisée au mépris d’un contrat, chaque fois que cette demande émanait de la victime. Cette position a été affirmée, par exemple, en cas de construction édifiée au mépris des droits contractuels d’autrui ou en infraction au cahier des charges d’un lotissement ou à un règlement de copropriété109. Une jurisprudence analogue s’est développée sur le fondement des principes de la responsabilité délictuelle. Un certain nombre d’arrêts de la Cour de Cassation ont notamment admis que lorsqu’une construction a été édifiée en violation d’un droit réel, la victime peut exiger la démolition de l’immeuble dans la mesure où elle est nécessaire au respect de son droit110. Le juge n’a alors pas la possibilité de prononcer des condamnations pécuniaires. Les mêmes solutions ont été admises à propos de constructions édifiées au mépris d’une servitude légale imposée dans l’intérêt d’un fonds dominant111.
Par conséquent, cette jurisprudence constitue une exception au pouvoir souverain des juges du fond de choisir entre une réparation en nature et des dommages et intérêts. La suppression de la source du dommage et la cessation de l’illicite sont en fait des objectifs favorisant le prononcé d’une réparation en nature112. A ce propos, on peut souligner que la jurisprudence de la Cour de Cassation faisait même preuve d’une grande fermeté autrefois dans ce domaine. Par exemple, elle a écarté à plusieurs reprises, à propos de cas d’empiètements d’une construction sur la propriété d’autrui, l’objection tirée de la théorie de l’abus de droit. La jurisprudence de la Cour de Cassation s’est néanmoins assouplie, et un arrêt rendu le 15 octobre 2015113 a clairement rompu avec la position antérieure de la haute juridiction. En effet, ce dernier a permis de questionner, si la démolition d’un ouvrage constituait une sanction proportionnée à la gravité des désordres et des non-conformités qui l’affectaient, une question en rupture manifeste avec la position antérieurement adoptée par la Cour de Cassation, hostile à l’admission de la théorie de l’abus du droit. Cependant, la portée de cet arrêt reste incertaine. Laisse-t-il subsister le principe selon lequel la victime peut imposer la démolition des constructions irrégulières ou remet-il en cause le principe lui-même, en restituant aux juges du fond le droit de choisir entre la démolition et les dommages et intérêts ?
Quelques soient les évolutions de la jurisprudence actuelle, la tendance à imposer au juge de choisir la réparation en nature lorsqu’elle est demandée par la victime, s’est également manifestée dans une autre situation : celle qui résulte de la méconnaissance d’une clause de non-concurrence ou d’exclusivité.
bb- Réparation en nature souvent favorisée en cas de méconnaissance d’une clause de non-concurrence ou d’une clause d’exclusivité
Deux arrêts au moins illustrent la tendance à restreindre la liberté de choix des juges du fond en leur imposant de préférer certains procédés de réparation en nature à la condamnation à dommages et intérêts.
Dans une affaire en date du 24 janvier 1979114, la Cour de Cassation a imposé au juge du fond d’ordonner la mesure qui lui avait été demandée par un employeur qui souhaitait voir ordonner la fermeture du fonds de commerce concurrent que venait d’ouvrir un de ses anciens salariés au mépris d’une clause de non-concurrence. On peut noter que cette décision n’est pas isolée, puisqu’une même décision a été consacrée par la chambre commerciale du 21 janvier 1981115.
Ainsi, la réparation en nature dont le but est notamment de faire cesser l’illicite, se concrétise de façon épisodique par la fermeture d’un établissement exploité au mépris d’une clause de non-concurrence présente dans un contrat de travail. Cette jurisprudence s’est donc développée sur le fondement des règles de la responsabilité contractuelle.
Existe-il comme en matière de constructions irrégulières une jurisprudence analogue sur le fondement des principes de la responsabilité délictuelle ? En l’absence de clause de non-concurrence, la responsabilité des commerçants qui se comportent de façon déloyale et illicite vis-à-vis de leurs concurrents est couramment mise en oeuvre sur le fondement de l’article 1240 CC, grâce à l’action en concurrence déloyale. Comme le souligne Madame Viney116, il est logique et cohérent que la Cour de Cassation, en présence d’un acte de concurrence déloyale, impose aux juges du fond de prononcer une condamnation en nature de préférence à une condamnation à dommages et intérêts, dans le but de faire cesser le comportement déloyal ou illicite, dès lors que cette mesure est demandée par la victime. Et en effet, depuis les années 2018, il semble que la Cour de Cassation adopte de plus en plus souvent cette position et se prononce en faveur de la cessation des agissements déloyaux117, c’est-à-dire en faveur d’une réparation en nature. Dans le même sens, la Cour de Cassation veille au respect d’une clause d’exclusivité et n’hésite pas à qualifier le non respect d’une telle clause « de trouble manifestement illicite » et de se prononcer en faveur de la cessation d’une activité contraire à la clause d’exclusivité118.
cc- Réparation en nature parfois favorisée dans le cas d’un trouble manifestement illicite
Dans un arrêt en date du 15 février 2018119, la Cour de cassation a reconnu l’existence d’un trouble manifestement illicite et elle s’est explicitement prononcée en faveur de la cessation de ce trouble, limitant ainsi le choix du juge du fond de choisir entre une réparation en nature et une réparation pécuniaire. En l’espèce, le gérant d’une SCI occupait un appartement avec sa compagne et leur enfant commun. Le gérant étant décédé, la nouvelle gérante de la SCI s’est installée dans l’appartement du gérant dont elle a changé les serrures. La veuve a donc assigné la nouvelle gérante devant le juge des référés, en expulsion des lieux. Ayant retenu que le changement des serrures, sans préavis, ni mise en demeure s’analysait en une voie de fait et constituait un trouble manifestement illicite, la Cour de Cassation s’est prononcée en faveur d’une réparation en nature ayant pour objectif de faire cesser l’illicite. Dans le même ordre d’idée, la Cour de cassation s’est prononcée dans un arrêt en date du 19 septembre 2019120 en faveur de la cessation d’un trouble manifestement illicite émanant d’une société d’exploitation d’un élevage porcin à proximité immédiate d’un établissement accueillant du public, portant ainsi non seulement atteinte au droit de propriété du propriétaire de l’établissement ne pouvant pas réaliser de logements mais aussi aux dispositions réglementaires de l’urbanisme ainsi qu’au règlement sanitaire départemental. In fine, la haute juridiction s’est prononcée en faveur d’une réparation en nature ayant pour but, comme dans la décision précédente de faire cesser l’illicite.
Pour conclure, une analyse de la jurisprudence permet de constater que la suppression de la source du dommage et la cessation de l’illicite sont des objectifs favorisant le prononcé d’une réparation en nature par le juge et restreignent par là-même sa liberté de choix. En matière immobilière, ces réparations en nature se concrétisent par la destruction ou la mise en conformité d’une construction irrégulière et dès lors qu’il y a méconnaissance d’une clause de non-concurrence ou d’exclusivité, ces réparations en nature se concrétisent par la fermeture d’un fonds de commerce illicite ou la cessation d’une activité contraire à la clause d’exclusivité. De plus, une jurisprudence récente montre que la reconnaissance d’un trouble manifestement illicite incite la Cour de Cassation à accorder une priorité à la réparation en nature visant à faire cesser l’illicite. Peut-on généraliser cette tendance casuistique ? On peut se demander si cette tendance n’est pas fondée sur des raisons qui permettraient de lui assigner un domaine plus large.
b- Fondement juridique de cette priorité
Littéralement, « la cessation de l’illicite » ne signifie pas « réparer » un préjudice, mais bien « supprimer » la situation illicite. Il s’agit donc d’une action spécifique distincte de l’action en réparation de droit commun. Il est donc compréhensible qu’un courant doctrinal121 opère une distinction entre une réparation en nature et une cessation de l’illicite. En effet, la réparation en nature agit bien sur le préjudice subi par la victime, qu’elle tend à effacer, atténuer ou à tout le moins compenser, par l’attribution à la victime d’un équivalent en nature. Il en va différemment pour une mesure de cessation de l’illicite : cette dernière n’agit pas directement sur le préjudice lui-même, mais en amont, sur le fait générateur de celui-ci. En pratique, le juge ordonne la cessation pure et simple de l’activité ou de la situation illicite à l’origine du dommage. Or, puisqu’il s’agit précisément d’une mesure qui tend à faire cesser une activité ou une situation contraire au droit, son prononcé devrait revêtir un caractère obligatoire, car sortir de l’illicite est un droit pour la victime et pour le responsable. La cessation de l’illicite a donc un caractère obligatoire. Ce caractère obligatoire de la cessation de l’illicite s’explique notamment par la nécessité de protéger un droit subjectif essentiel, ou la nécessité de réprimer efficacement la fraude. C’est pourquoi la jurisprudence défend de manière intransigeante les droits réels, comme le droit de propriété par exemple. Ainsi, la Cour de Cassation a-t-elle proclamé avec force que « la démolition est la sanction d’un droit réel transgressé »122 et non la réparation d’un droit réel. En d’autres termes, celui dont le droit réel est atteint par l’agissement illicite est en droit d’obtenir la cessation de cet agissement. Ainsi, en cas de construction empiétant sur le terrain d’autrui, la victime de l’empiétement peut exiger la démolition de la construction irrégulière, au titre d’une sanction.
Néanmoins, la « cessation de l’illicite » peut recouvrir une autre nature, et ne correspondre ni à une sanction ni à une réparation en nature au sens strict.
Cette hypothèse repose sur le postulat de départ selon lequel la destruction d’une construction empiétant sur la propriété d’autrui relève bien de la matière délictuelle. En effet, la construction n’a pas été édifiée au mépris d’une stipulation contractuelle, mais bien d’une règle posée par la loi, à savoir, le droit de propriété prévu à l’article 544 CC. En revanche, une construction édifiée ou un fonds de commerce ouvert au mépris d’une clause contractuelle qui l’interdisait relève bien de la matière contractuelle. Or, en matière contractuelle, la destruction d’un édifice ou la fermeture d’un fonds de commerce remet les choses dans l’état où elles auraient été, si l’obligation contractuelle avait été exécutée. En matière contractuelle par conséquent, la réparation en nature équivaut à l’exécution de l’obligation contractuelle, qui est de droit. Ainsi, cette exécution en nature ne peut être refusée par le juge qui n’a pas la possibilité de lui préférer une simple réparation sous la forme de dommages et intérêts.
En matière délictuelle, la situation apparaît différente ; en l’absence d’obligations réciproques permettant d’exiger l’exécution d’une obligation de la part d’un débiteur en faveur d’un créancier, la réparation en nature prenant la forme de la destruction d’une construction irrégulière au mépris d’une règle posée par la loi, n’équivaut pas à une inexécution, mais à « la cessation de l’illicite ». Pour simplifier, on peut donc faire une analogie entre l’exécution contractuelle et la « cessation de l’illicite » en matière délictuelle. Selon la thèse de Mme Roubée123, lorsque le juge ordonne la cessation de l’activité illicite en matière délictuelle, il tarit la source du dommage, exactement comme il le fait en matière contractuelle, lorsqu’il ordonne l’exécution.
Puisque l’exécution d’une obligation contractuelle est un droit, on peut considérer par analogie que la cessation de l’illicite apparaît également comme un droit en matière délictuelle124, d’où le caractère obligatoire de la condamnation en nature pour le juge. C’est pourquoi on peut en déduire que sur le plan juridique et théorique, la cessation de l’illicite ou la condamnation en nature doit être préférée à une condamnation pécuniaire, a fortiori lorsque le demandeur le réclame.
Par conséquent, il semble qu’une priorité naturelle doit être accordée à la condamnation en nature au détriment de la condamnation pécuniaire, qui n’apporte qu’une simple compensation mais laisse subsister le dommage. La condamnation en nature ou la cessation de l’illicite est à distinguer d’une simple réparation en nature, puisqu’elle propose un véritable rétablissement de la situation antérieure. Ce n’est que si la réparation en nature comprise au sens large permet de tarir à la fois la source du trouble et de supprimer l’illicite, qu’elle devrait être prioritaire sur une condamnation pécuniaire125. C’est en ce sens aussi que l’article 1244 al. 2 du projet de 2017 propose une cessation de dommages et non une simple réparation au sens strict.
Si on admet ce point de vue, il y a lieu alors de préconiser une extension de la tendance actuelle à imposer au juge du fond la mesure de réparation en nature de préférence aux dommages et intérêts. Dans le domaine contractuel, cela pourrait être le cas lorsque le créancier demande la réfection d’un travail mal exécuté ou la remise d’une chose exactement identique à celle qui ne lui a pas été livrée. Dans le domaine délictuel, par exemple, dans les cas de concurrence déloyale ou illicite, il peut être mis fin par la cessation de l’activité du comportement incriminé. De même en va-t-il souvent pour les atteintes aux droits de la personnalité ou aux droits de propriété incorporelle.
Pour conclure, l’affirmation du droit à la cessation de l’illicite devrait amener la Cour de Cassation à restreindre la liberté de choix des juges du fond en leur imposant de faire prévaloir la mesure de réparation en nature chaque fois qu’elle présente la double caractéristique de tarir la source du dommage et faire cesser l’illicite. Le juge de la Cour de Cassation devrait aller jusqu’à imposer126 une réparation en nature, dès lors qu’il estime celle-ci appropriée et alors même que la victime aurait préféré des dommages et intérêts127. Une solution semblable a été retenue par le droit allemand128.
Comme en droit français, le propre de la responsabilité civile en droit allemand est de « rétablir, aussi exactement que possible, l’équilibre détruit par le dommage et de replacer la victime dans la situation où elle se serait trouvée si l’acte dommageable n’avait pas eu lieu, sans perte, ni profit pour elle »129. En ce sens, le § 249 BGB I accorde une priorité à la réparation en nature et dispose comme principe dans son premier alinéa que « celui qui est tenu à la réparation d’un dommage doit rétablir l’état des choses qui aurait existé si le fait d’où résulte l’obligation de réparer n’était pas survenu »130. La rédaction de ce paragraphe contient une double déclaration131. D’une part, elle met l’accent sur le principe de la réparation intégrale, sans compromis. D’autre part, l’emploi de la terminologie du « rétablissement de l’état des choses », indique que le législateur donne une primauté à la réparation en nature. La réparation en nature prime ainsi sur la réparation par équivalent et n’est limitée que par le principe de proportionnalité. Ainsi, en cas d’efforts disproportionnés en vue d’une réparation en nature, la réparation par équivalence sous la forme d’une compensation est autorisée.
Il s’ensuit que – par exemple, en cas de dommage d’une chose – l’obligation de remplacement ne s’épuise pas par le simple rétablissement de la chose, mais va plus loin, et nécessite le rétablissement de l’état qui – d’un point de vue économique – correspond à la situation dans laquelle se trouverait la victime en l’absence de la survenance du dommage132. Si on prend l’exemple d’un dommage concernant les véhicules automobiles, cela signifie, par exemple, que la réparation doit non seulement englober les coûts dûs à la réparation même du véhicule, mais également la perte de la capacité d’utilisation du véhicule durant l’intervalle de temps de sa réparation. Cet exemple illustre une réparation en nature qui prend la forme d’actes positifs. La réparation en nature peut également prendre la forme d’actes d’abstentions. La formulation de l’article 1004 du BGB permet d’expliciter une certaine assimilation entre la cessation de l’illicite et la réparation en nature, puisque le droit allemand y précise que « s’il est porté atteinte à la propriété autrement que par éviction ou rétention de la possession, le propriétaire peut exiger de l’auteur de cette atteinte qu’il élimine. Si de nouvelles atteintes sont à redouter, le propriétaire peut agir en justice en vue d’obtenir leur cessation »133.
Toutefois, même lorsque ces conditions permettant de faire prévaloir la réparation en nature sont réunies, il paraît souhaitable de laisser subsister la barrière de l’abus de droit. En effet, lorsque celui qui se prévaut du droit à la cessation de l’illicite n’a pas de véritable intérêt à obtenir cette mesure plutôt qu’une indemnité et qu’elle est excessivement coûteuse pour l’autre partie ou nuisible à l’intérêt général, il n’y a qu’avantage à permettre au juge de déclarer abusive la prétention formulée et de lui substituer une indemnité. Ce serait une application tout à fait normale du principe de proportionnalité qui d’ailleurs trouve dans la législation récente plusieurs applications. Ainsi, l’article 1266 du projet de 2017 précise qu’en matière extracontractuelle, indépendamment de la réparation du préjudice éventuellement subi, le juge peut prescrire les mesures raisonnables (qui renvoient à l’idée de proportionnalité) propres à prévenir le dommage ou faire cesser le trouble illicite auquel est exposé le demandeur. De même, l’article 1244 du projet 2017, dispose que « lorsqu’une activité dommageable a été autorisée par voie administrative, le juge peut […] ordonner les mesures raisonnables permettant de faire cesser le trouble »134.
Par conséquent, la limite du principe de proportionnalité semble naturelle et, à condition qu’elle ne soit appliquée que de façon exceptionnelle, elle ne devrait pas restreindre le mouvement d’extension de la réparation en nature qui, dans certains domaines, est effectivement souhaitable. En ce sens on pourrait reformuler l’article 1259 du projet de réforme de 2017 tout comme de la proposition de loi du Sénat du 29 juillet 2020 et proposer la rédaction suivante : « Une priorité doit être accordée à la réparation en nature. La réparation peut aussi prendre la forme de dommages et intérêts. Ces deux types de mesures peuvent aussi se cumuler afin d’assurer la réparation intégrale du préjudice ».
- Traité de droit civil, sous la direction de J. GHESTIN, Les effets de la responsabilité, par G. VINEY, P. JOURDAIN et S. CARVAL, 4e éd., LGDJ, 2017, p. 7. (Ci-après, ce traité est cité de la manière suivante : Les effets de la responsabilité, par G. VINEY, P. JOURDAIN et S. CARVAL, 4e éd., 2017 [↩]
- O. BOSKOVIC, La réparation du préjudice en droit international privé, Bibliothèque de droit privé, Tome 407, LGDJ, p. 85, « La notion de modalités de réparation est plus étroite que celle de réparation, dont elle constitue un aspect ». [↩]
- D. LECZYKIEWICZ, Le préjudice et sa réparation dans le projet de réforme de la responsabilité civile, Revue des contrats 4, décembre 2019, Colloque sur les regards comparatistes sur le droit français de la responsabilité civile, p. 225 ; O. BOSKOVIC, La réparation du préjudice en droit international privé, Bibliothèque de droit privé, Tome 407, LGDJ, p. 84 ; Dalloz action, Droit de la construction, §1 Choix du mode de réparation. [↩]
- L. ANDREU, N. THOMASSIN, Cours de droit des obligations, 4e éd., Gualino, 2019-2020, p. 564. V. en ce sens, l’art. 1260 du projet de réforme de la responsabilité civile présenté le 13 mars 2017 qui dispose que « La réparation en nature doit être spécifiquement propre à supprimer, réduire ou compenser le dommage ». [↩]
- M. FABRE-MAGNAN, Droit des obligations, Responsabilité civile et quasi-contrats, 4e éd., Presses Universitaires de France, 2019, p. 501. [↩]
- Egalement nommée réparation en valeur ou par équivalent, voir en ce sens, M. FABRE-MAGNAN, Droit des obligations, Responsabilité civile et quasi-contrats, 4e éd., Presses Universitaires de France, 2019, p. 501. [↩]
- M. FABRE-MAGNAN, Droit des obligations, Responsabilité civile et quasi-contrats, 4e éd., Presses Universitaires de France, 2019, p. 504. [↩]
- V. en ce sens, le droit allemand qui selon le § 249 BGB (Bürgerliches Gesetzbuch, Code civil allemand) précise que « Quiconque est tenu de réparer doit rétablir l’état qui aurait existé si la circonstance l’obligeant à la réparation n’était pas survenue ». V. aussi le droit autrichien, qui accorde une priorité à la réparation en nature (Primat der Naturalrestitution) selon le § 1323 ABGB (Allgemeines bürgerliches Gesetzbuch, Code civil autrichien). Le droit suisse, lui, n’instaure pas de hiérarchie de principe entre les modalités de réparation. V. en ce sens I. SCHWENZER, Schweizerisches Obligationenrecht Allgemeiner Teil, 7ème éd., Stämpfli Verlag, Bern, 2016, p. 97, n°15.01.
Certains auteurs soulignent qu’à l’inverse des droits inspirés du droit allemand, le droit suisse considère la réparation en espèces (donc pécuniaire) comme le mode ordinaire de la réparation, alors que la réparation en nature serait exceptionnelle. V. L. THEVENOZ, F. WERRO, Commentaire Romand, Code des obligations I, 2e éd., Helbing Lichtenhahn, Bâle, 2012, p. 405 et suiv. , n°4 et n°9. [↩]
- Les effets de la responsabilité, par G. VINEY, P. JOURDAIN et S. CARVAL, 4e éd., 2017, p. 118. [↩]
- V. en ce sens l’art. 1259 du projet de réforme de la responsabilité civile présenté le 13 mars 2017 qui dispose que « La réparation peut prendre la forme d’une réparation en nature ou de dommages et intérêts, ces deux types de mesures pouvant se cumuler afin d’assurer la réparation intégrale du préjudice ». [↩]
- V. en ce sens, le droit suisse. L. THEVENOZ, F. WERRO, Commentaire Romand, Code des obligations I, 2e éd., Helbing Lichtenhahn, Bâle, 2012, p. 407, n°10. [↩]
- V. art. 4 du Code de procédure civile (CPC), art. 5 CPC, art. 563 CPC, art. 564 CPC. [↩]
- V. art. 1113 du CC. [↩]
- art. 1217 CC : La partie envers laquelle, l’engagement n’a pas été exécutée, ou l’a été impérativement, peut : refuser d’exécuter ou suspendre l’exécution de sa propre obligation ; poursuivre l’exécution forcée en nature de l’obligation etc […]. [↩]
- La force obligatoire est codifiée à l’art. 1103 du CC. [↩]
- art. 1221 CC : Le créancier d’une obligation peut, après mise en demeure, en poursuivre l’exécution en nature sauf si cette exécution est impossible ou s’il existe une disproportion manifeste entre son coût pour le débiteur de bonne foi et son intérêt pour le créancier. [↩]
- V. en ce sens, O. BOSKOVIC, La réparation du préjudice en droit international privé, Bibliothèque de droit privé, Tome 407, LGDJ, p. 88, « En réalité, à la réflexion il apparaît que la notion de réparation, qu’il faut opposer à celle d’exécution forcée, est spécifique aux obligations extracontractuelles ». [↩]
- H. BARBIER, Le créancier demandeur de dommages-intérêts peut-il se voir imposer une prestation en nature ?, RTD Civ. 2013, p. 603. [↩]
- Cass. 3e civ. 11 mai 2005, n° 03-21.136, D. 2005. [↩]
- Cass. com. 28 mai 2013, n°12-16861. [↩]
- Le caractère potestatif dépend de la volonté d’une personne. [↩]
- Répertoire de procédure civile, Dalloz, 2020, n°80. [↩]
- H. Barbier, Le créancier demandeur de dommages-intérêts peut-il se voir imposer une prestation en nature ?, RTD Civ. 2013, p. 603. [↩]
- Répertoire de procédure civile, Dalloz, 2020, n°81. [↩]
- Art. 4 CPC dispose que « L’objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties. Ces prétentions sont fixées par l’acte introductif d’instance et par les conclusions en défense. Toutefois l’objet du litige peut être modifié par des demandes incidentes lorsque celles-ci se rattachent aux prétentions originaires par un lien suffisant ». [↩]
- Art. 5 CPC dispose que « Le juge doit se prononcer sur tout ce qui est demandé et seulement sur ce qui est demandé ». [↩]
- Répertoire de procédure civile, Dalloz, 2020, n°88. [↩]
- Cass. 3e civ., 27 mars 2013, n°12-13.734. [↩]
- Cass. com., 28 mai 2013, n°12-16.861. [↩]
- H. Barbier, Le créancier demandeur de dommages-intérêts peut-il se voir imposer une prestation en nature ?, RTD Civ. 2013, p. 603. [↩]
- Répertoire de droit civil, n°285, « S’agissant du mode de réparation […], si les parties ne s’entendent pas sur le type de mesures à prescrire, le juge dispose ici d’un pouvoir souverain pour opérer un choix entre les mesures de réparation en nature et/ou pécuniaire ». [↩]
- P. JOURDAIN, RTD Civ. 2018, p. 923. [↩]
- V. notamment : Cass. crim. 12 juin 2019, n°18-81.874 ; Cass. 3e civ. 8 mars 2000, n°98-15.345 ; Cass. 2e civ., 21 mai 1997 : Resp. civ. et assur. 1997, comm. 265 ; Cass. 2e civ., 9 juillet 1981 : Gaz. Pal. 1981, I, 109, note F. Chabas ; Cass. 2e civ., 29 juin 1961 : Bull. civ. 1961, II, n°285. Les effets de la responsabilité, par G. VINEY, P. JOURDAIN et S. CARVAL, 4e éd., 2017, p. 121; Dalloz action, Droit de la responsabilité et des contrats, libre choix du juge : «De lege lata, le juge apprécie souverainement la forme de la réparation». Le rôle central du juge dans le choix des modalités de réparation est également prévu par le droit suisse. V. en ce sens l’art. 43 al. 1 OR (Obligationenrecht, droit suisse des obligations) qui dispose que « le juge détermine le mode ainsi que l’étendue de la réparation, d’après les circonstances et la gravité de la faute ». Pour une analyse de cet article en droit suisse, V. Berner Kommentar, Kommentar zum schweizerischen Privatrecht, BREHM Roland, Band VI, Obligationenrecht, Allgemeine Bestimmungen, Die Entstehung durch unerlaubte Handlungen, art. 41-61 OR, 3. Aufl., Stämpfli Verlag AG Bern, 2006. [↩]
- F. LEDUC, J.-Cl., Code Civil, art. 1382 à 1386- Fasc. 201, Régime de la réparation. – Modalités de la réparation. – Règles communes aux responsabilités délictuelle et contractuelle. – Principes fondamentaux, n° 40. [↩]
- Les effets de la responsabilité, par G. VINEY, P. JOURDAIN et S. CARVAL, 4e éd., 2017, p. 121. [↩]
- V. notamment, Cass. 2e civ., 29 juin 1961, Bull. civ. II, n°285, 1961 ; Cass. 3e civ., 10 janv. 1983, RDI, p. 191 ; Cass. 3e civ. 16 juin 2015, n°14-12548, RDC 2015, p. 839, note T. GENICON. [↩]
- CA Paris, 5 janv. 1972 : D. 1972, p. 445, note J. DUTERTRE ; RTD civ. 1973, obs. G. Durry. [↩]
- Cass. 3e civ. 10 janvier 1990, Bull. civ. III, n°6. [↩]
- V. notamment, art. 1258 du projet de réforme de la responsabilité civile, mars 2017. [↩]
- CA Saint-denis de la Réunion, ch. civ., 3 juill. 2015, n°15/503. Cet arrêt emploi par exemple la formulation suivante : « Le choix des modalités de réparation des troubles anormaux de voisinage relève du pouvoir souverain d’appréciation des juges du fond qui ont le choix entre condamner l’auteur du trouble, éventuellement sous astreinte, à le faire cesser ou octroyer seulement des dommages et intérêts ». Aucun critère de répartition n’est nommé. [↩]
- F. LEDUC, J.-Cl., Code Civil, art. 1382 à 1386- Fasc. 201, Régime de la réparation. – Modalités de la réparation. – Règles communes aux responsabilités délictuelle et contractuelle. – Principes fondamentaux, n° 41. [↩]
- F. LEDUC, J.-Cl., Code Civil, art. 1382 à 1386- Fasc. 201, Régime de la réparation. – Modalités de la réparation. – Règles communes aux responsabilités délictuelle et contractuelle. – Principes fondamentaux, n° 41. [↩]
- V. par exemple : CA Saint-denis de la Réunion, ch. civ., 3 juill. 2015, n°15/503 ; Cass. 3e civ. 21 mars 2019, n°18-10.745. [↩]
- F. LEDUC, J.-Cl., Code Civil, art. 1382 à 1386- Fasc. 201, Régime de la réparation. – Modalités de la réparation. – Règles communes aux responsabilités délictuelle et contractuelle. – Principes fondamentaux, n° 41. [↩]
- V. G. CORNU, Vocabulaire juridique, Presses Universitaires de France, Paris, 2014. [↩]
- F. LEDUC, J.-Cl., Code Civil, art. 1382 à 1386- Fasc. 201, Régime de la réparation. – Modalités de la réparation. – Règles communes aux responsabilités délictuelle et contractuelle. – Principes fondamentaux, n° 46. Cette limite est également connu du droit suisse. V. en ce sens, L. THEVENOZ, F. WERRO, Commentaire Romand, Code des obligations I, 2e éd., Helbing Lichtenhahn, Bâle, 2012, p. 405, n°5. [↩]
- Cass. 2e civ., 18 mars 2010, n° 09-13.376. [↩]
- La voie de fait correspond en droit administratif français à une irrégularité manifeste portant atteinte au droit de propriété ou à une liberté publique, commise par l’administration dans l’accomplissement d’une opération matérielle d’exécution. V. en ce sens, Vocabulaire juridique, G. CORNU, Presses Universitaires de France, 1987. [↩]
- Cass. 2e civ., 16 juin 2015, n°14-12.548. [↩]
- V. en ce sens, Dalloz action Droit de l’exécution des peines, Modalités de réparation, § 429.63 Exécution en nature : accord de l’intéressé et de la victime. [↩]
- Il en va de même en droit suisse. V. Berner Kommentar, Kommentar zum schweizerischen Privatrecht, BREHM Roland, Band VI, Obligationenrecht, Allgemeine Bestimmungen, Die Entstehung durch unerlaubte Handlungen, art. 41-61 OR, 3. Aufl., Stämpfli Verlag AG Bern, 2006, p. 210. [↩]
- L’article L. 217-9 du Code de la Consommation est complété par une loi n°2020-105 du 10 févr. 2020, dont l’article 22 entrera en vigueur le 1er janv. 2022. [↩]
- L. LEVENEUR, J.-Cl. Concurrence-Consommation, Fasc. 1060 : Garantie de conformité des meubles vendus aux consommateurs. – Garantie légale de conformité. – Garantie commerciale. 21 Juillet 2020. [↩]
- L. LEVENEUR, J.-Cl. Concurrence-Consommation, Fasc. 1060 : Garantie de conformité des meubles vendus aux consommateurs. – Garantie légale de conformité. – Garantie commerciale. 21 Juillet 2020, point 38. [↩]
- Pour un commentaire plus détaillé de cet article, voir J. JULIEN, Droit de la consommation, 2e édition, précis, LGDJ, p. 450 et suiv. [↩]
- V. la cour de cassation qui a jugé « impossible » le remplacement d’un animal de compagnie, par définition « irremplaçable », Cass. 1re civ., 9 déc. 2015, n°14-25910, JCP G 2015, 345. [↩]
- V. art. 1259 de la proposition de loi du Sénat portant réforme de la responsabilité civile, enregistrée à la Présidence du Sénat le 29 juillet 2020. [↩]
- Une installation se comprend ici dans le sens d’une entreprise, d’un établissement, ou d’une exploitation. [↩]
- V. en ce sens J. MESTRE ; B. FAGES, RTD civ. 2007, p. 334. Selon eux, l’article L. 514-20 du code de l’environnement codifie l’obligation pour le vendeur d’un terrain, sur lequel était exploitée une installation soumise à autorisation, de remettre éventuellement le site en état. [↩]
- Groupe de travail de la Cour d’appel de Paris, rapport sur « La réforme du droit français de la responsabilité civile et les relations économiques », 25 juin 2019. [↩]
- Remarque : certains auteurs sont cependant hostiles à cette limite. T. GENICON, Contre l’introduction du « coût manifestement déraisonnable » comme exception à l’exécution forcée en nature, Droit et patrimoine, 2014, n°240, p. 63 ; M. MEKKI, Les remèdes à l’inexécution dans le projet d’ordonnance portant réforme du droit des obligations – répertoire de droit civil. [↩]
- Art. 1221 CC: « Le créancier d’une obligation peut, après mise en demeure, en poursuivre l’exécution en nature sauf si cette exécution est impossible ou s’il existe une disproportion manifeste entre son coût pour le débiteur et son intérêt pour le créancier ». [↩]
- M. FABRE-MAGNAN, Droit des obligations, Responsabilité civile et quasi-contrats, 4e éd., Presses Universitaires de France, 2019, p. 502. [↩]
- Cass. req., 23 mars 1909 : DP 1910, 1, p. 343. [↩]
- F. LEDUC, J.-Cl., Code Civil, art. 1382 à 1386- Fasc. 201, Régime de la réparation. – Modalités de la réparation. – Règles communes aux responsabilités délictuelle et contractuelle. – Principes fondamentaux, n° 43. [↩]
- Cass. 3e civ., 31 mars 1971 : Bull. civ. 1971, III, n°223 ; D. 1971. [↩]
- Cass. 2e civ., 27 janv. 1993, D. 1994, p. 97 note B. ESPESSON. [↩]
- CA Paris, 10 juin 1986, D. 1987, somme. p. 153, obs. C. COLOMBET. [↩]
- V. notamment, en faveur d’une indemnisation (donc réparation par équivalent) des préjudices sur le fondement de troubles anormaux du voisinage. Cass. 3e civ., 16 janv. 2020, n°16-24.352. Contra : Cass. 3e civ., 15 févr. 2018, n°16-17759. Dans cet arrêt, les juges précisent que « la seule mesure nécessaire et proportionnée à la cessation du trouble était la remise en l’état des lieux », c’est-à-dire une réparation en nature. [↩]
- CA de Saint-denis de la Réunion, ch. civ., 3 juillet 2015, n°15/503. [↩]
- F. LEDUC, J.-Cl., Code Civil, art. 1382 à 1386- Fasc. 201, Régime de la réparation. – Modalités de la réparation. – Règles communes aux responsabilités délictuelle et contractuelle. – Principes fondamentaux, n° 44. [↩]
- Cass. ch. com. 12 févr. 2020, n°17-31614. [↩]
- X. PRADEL, Le préjudice dans le droit civil de la responsabilité, Préface P. JOURDAIN, LGDJ, Bibliothèque de droit privé, 2004, p. 17. [↩]
- Les effets de la responsabilité, par G. VINEY, P. JOURDAIN et S. CARVAL, 4e éd., 2017, p. 128. [↩]
- V. Cass. 1ère civ., 9 déc. 2015 : Ayant relevé que le chien en cause était un être vivant, unique et irremplaçable, et un animal de compagnie destiné à recevoir l’affection de son maître, sans aucune vocation économique, le tribunal, qui a ainsi fait ressortir l’attachement de l’acquéreur pour son chien, en a exactement déduit que son remplacement était impossible. [↩]
- Cass. com, 5 oct. 1993, Bull. civ. IV, n°313. [↩]
- Par exemple : impossibilité de réparer en nature en préjudice moral. V. en ce sens, CA d’Aix-en-Provence, Pôle 01 ch. 03, 13 juin 2019, n°2019/266. [↩]
- R. AZEVEDO, D. CUBA, V. TOURNAIRE, Les modalités de la réparation en nature, Etude librement accessible en ligne. V. implicitement en ce sens : Cass. 3e civ. 6 déc. 2018, n°17-18.566, Impossibilité de réparer en nature les désordres et malfaçons survenus lors de travaux de construction d’un immeuble, d’où une demande de réparation pécuniaire ;
CA de Nancy, ch. civ. 01, 28 mai 2019, n°18/00319, Impossibilité de réparer en nature les désordres et malfaçons dans le cadre de travaux de réalisation d’une salle de bain, en raison d’un manque de confiance envers l’entreprise ayant réalisé les travaux, d’où une demande de réparation pécuniaire. [↩]
- Les effets de la responsabilité, par G. VINEY, P. JOURDAIN et S. CARVAL, 4e éd., 2017, p. 128. [↩]
- CA de Pau, ch. civ., 4 févr. 2020, n°17/02080. [↩]
- Cette expression est empruntée à la thèse de Mme Marie-Eve Roujou de Boubée. V. M.-E. ROUJOU de BOUBEE, Essai sur la notion de réparation, préface P. HEBRAUD, LGDJ, Bibliothèque de droit privé, 1974. [↩]
- R. BREHM, Berner Kommentar, Kommentar zum schweizerischen Privatrecht, Obligationenrecht, Allgemeine Bestimmungen, Stämpfli Verlag AG Bern, 2006, Art. 43 OR., p. 210 ; A. VIGNON-BARRAULT, Projet de réforme de la responsabilité civile du 13 mars 2017 et indemnisation du dommage corporel, RDSS 2019, p.1033. [↩]
- Par analogie, la perte d’une chance de guérir, d’éviter des séquelles ou de mourir est également un préjudice réparé sous forme pécuniaire. V. P. SARGOS, Responsabilité civile – Perte de chance en matière médicale : préjudice en découlant et modalités de réparation, JCP G, n°41, 8 octobre 1997, II 22921. [↩]
- F. EWALD, Qu’est-ce qu’une juste indemnisation ? Un point de vue archéologique. Document en ligne sur www. courdecassation.fr, 2006. [↩]
- V. notamment, Cass. crim., 22 févr. 1995 : RTDciv. 1996, p. 402, note P. Jourdain : cassation de l’arrêt qui avait ordonné le versement de la rente à l’établissement de soins où séjournait la victime, au motif que le juge ne peut sans excéder ses pouvoirs décider de l’affectation de sommes allouées à celle-ci ; Cass. 2e civ., 8 juill. 2004 : Bull.civ. 2004, II, n°391 ; Cass. 2e civ., 7 juill. 2011, n°10-20.373 ; V. aussi, Cass. ch. crim. 17. déc. 2019, n°18-85.191, qui précise qu’on ne saurait exclure par principe, le droit à l’indemnisation de dépenses de santé futures destinées à acquérir et à renouveler une prothèse esthétique et une prothèse de sport. [↩]
- La liberté suggérée est celle de disposer de son corps, au sens de l’art. 8 de la CEDH. [↩]
- P. JOURDAIN, RTD Civ. 1997, p. 675. [↩]
- Cass. 3e civ. 15 févr. 2018, n°16-17759 : « la seule mesure nécessaire et proportionnée à la cessation du trouble était la remise en état des lieux ». [↩]
- Les effets de la responsabilité, par G. VINEY, P. JOURDAIN et S. CARVAL, 4e éd., 2017, p. 127. [↩]
- Cass. 3e civ. 4 janv. 1990. [↩]
- M. BACACHE, Quelle réparation pour le préjudice écologique ? Environnement n°3, Mars 2013, étude 10. [↩]
- Cass. 3e civ. 8 novembre 2018, n°17-26180, publié au Bulletin. [↩]
- Sur les difficultés d’évaluation écologique et économique des dommages causés à l’environnement : V. M. BOUTONNET, Les chefs de préjudices causés à l’environnement, in La nomenclature des préjudices environnementaux présentée par L. Néyret et G. J. Martin, LGDJ 2012, p. 163. [↩]
- Ph. BRUN, Temporalité et préjudices liés au dommage environnemental, in La nomenclature des préjudices environnementaux, op. cit., p. 181. [↩]
- F.-G. TREBULLE, Les fonctions de la responsabilité environnementale : réparer, prévenir, punir. in La responsabilité environnementale : prévention, imputation, réparation, Dalloz 2009; V. aussi la rédaction de la directive du 21 avril 2004 qui ne met pas en oeuvre les mécanismes de la responsabilité civile mais opte pour un régime de police administrative. Les modalités de la réparation qu’elle retient, sont néanmoins adaptés aux préjudices écologiques objectifs : Directive 2004/35/CE du Parlement européen et du conseil du 21 avril 2004, sur la responsabilité environnementale en ce qui concerne la prévention et la réparation des dommages environnementaux. [↩]
- Les « préjudices écologiques purs » sont objectifs en ce sens qu’il n’atteignent aucun sujet de droit. V. M. BACACHE, Quelle réparation pour le préjudice écologique ? Environnement n°3, Mars 2013, étude 10, point 2. [↩]
- L. NEYRET, La consécration du préjudice écologique dans le code civil, Recueil Dalloz 2017, p. 924 et s. [↩]
- M. BACACHE, Quelle réparation pour le préjudice écologique ? Environnement n°3, Mars 2013, étude 10, point 17. [↩]
- Tribunal correctionnel de Marseille, 06-03-2020, n°18330000441, Recueil Dalloz 2020, p. 1553 et s. Préjudice écologique : une des premières applications jurisprudentielles. [↩]
- G. LERAY, J. BARDY, G.J. MARTIN, S. VANUXEM, Réflexions sur une application jurisprudentielle du préjudice écologique, Recueil Dalloz 2020, p. 1553. [↩]
- En matière contractuelle au contraire, la marge de manoeuvre des parties et du juge semble plus grande, puisque ces derniers ne sont limités que par la justification de leur choix qui doit être adéquat : la modalité de la réparation doit être choisie de manière à replacer la victime autant qu’il est possible dans la situation où elle se serait trouvée, si le contrat avait été exécutée comme prévu. [↩]
- V. Les effets de la responsabilité, par G. VINEY, P. JOURDAIN et S. CARVAL, 4e éd., 2017, p. 130. [↩]
- V. par exemple, l’accord d’un permis de construire, Cass. 3e civ., 7 juillet 2015, n°13-27.471. [↩]
- F. LEDUC, J.-Cl., Code Civil, art. 1382 à 1386- Fasc. 201, Régime de la réparation. – Modalités de la réparation. – Règles communes aux responsabilités délictuelle et contractuelle. – Principes fondamentaux, n° 45. [↩]
- V. notamment : Cass. 1re civ., 23 janv. 1996 : Bull. civ. 1996, I, n°43; Cass. 3e civ., 7 juill. 2015, n°13-27.471 : en l’espèce, « M. et Mme Y n’avaient pas agi en nullité du permis de construire et du permis modificatif devant le tribunal administratif », si bien que la demande en démolition formée devant le juge judiciaire est irrecevable. [↩]
- V. T. confl., 17 déc. 2007, n°3586, Delhaye : JurisData n°2007-352797, commentaire de G. PELLISSIER, Des garanties efficaces au terme d’une procédure complexe : réflexions sur les modalités de réparation des dépossessions irrégulières de la propriété privée, Revue juridique de l’économie publique, n°654, juin 2008, comm. 29 : « la division entre deux ordres de juridictions […] liées à la réparation d’une même atteinte à une même propriété apparaît comme une source importante de complexité. Lorsque, comme en l’espèce, le propriétaire entend obtenir à titre principal le rétablissement de l’intégrité de sa propriété par le déplacement de l’ouvrage mais souhaite également présenter des conclusions indemnitaires au cas où l’intérêt général exigerait le maintien de l’ouvrage public, il doit saisir deux juges. Or, le caractère par nature souvent incertain de la ba balance des intérêts publics et privés dont dépend la réponse aux conclusions aux fins de déplacement de l’ouvrage public incite fortement à présenter également des conclusions subsidiaires aux fins d’indemnisation. Si ces conclusions sont présentées en même temps aux juges administratif et judiciaire, le second, à supposer qu’il ait connaissance des conclusions principales, doit surseoir à statuer jusqu’à ce que le juge administratif se soit prononcé sur les conclusions aux fins de déplacement de l’ouvrage ». [↩]
- Cass. 3e civ. 19 févr. 1992 ; Cass. 3e civ., 7 juillet 2015, n°13-27.471. [↩]
- Les effets de la responsabilité, par G. VINEY, P. JOURDAIN et S. CARVAL, 4e éd., 2017, p. 134. [↩]
- Les effets de la responsabilité, par G. VINEY, P. JOURDAIN et S. CARVAL, 4e éd., 2017, p. 135. [↩]
- Cass. 3e civ., 5 déc. 2001 et 20 mars 2002, D. 2002, p. 2507, note B. MALLET-BRICOURT ; CA Versailles, 11 févr. 2004, D. 2004, p.2819, note J.-C. PLANQUE ; Cass. 1ère civ., 28 juin 2005, Resp. civ. et assur. 2005, com. 277 ; Cass. 3e civ., 14 déc. 2005, JCP G 2006, IV, 1091 obs. H. PERINET-MARQUET, D. 2006 ; Cass. 3e civ., 30 nov. 2009, RDI 2010, p. 204, note J.-L.BERGEL. [↩]
- Cass. 3e civ., 12 nov. 1975, JCP 1976, II, 18400, note G. GOUBEAUX. [↩]
- Exemples concernant la cessation de l’illicite : V. G. PELLISSIER, Des garanties efficaces au terme d’une procédure complexe : réflexions sur les modalités de réparation des dépossessions irrégulières de la propriété privée, Revue juridique de l’économie publique, n°654, juin 2008, comm. 29 : « l’indemnisation du préjudice résultant de la dépossession n’est donc plus la seule voie de réparation lorsque cette dépossession découle de la présence d’un ouvrage public irrégulièrement implanté; il peut également, sous réserve de l’absence de procédure de régularisation et d’une atteinte excessive à l’intérêt général, être procédé à la démolition ou au déplacement de l’ouvrage, afin de restituer au propriétaire l’intégrité de sa propriété ». [↩]
- Cass. 3e civ., 15 oct. 2015, n°14-23612, D.2015, p. 2423, note C. DUBOIS. [↩]
- Cass. soc., 24 janv. 1979, D.1979, p. 619, note Y. SERRA. [↩]
- Cass. com., 21 janv. 1981, Bull. civ. IV, n°41. [↩]
- Les effets de la responsabilité, par G. VINEY, P. JOURDAIN et S. CARVAL, 4e éd., 2017, p. 139. [↩]
- V. depuis 2018 : Cass. 3e civ. 11 oct. 2018, n°17-23902 ; Cass. 3e civ. 15 fer. 2018, n°16-17759 ; Cass. 3e civ. 15 fer. 2018, n°16-25335 ; Cass. 3e civ. 19 sept. 2019, n°18-12826. [↩]
- Cass. 3e civ. 11 oct. 2018, n°17-25772. [↩]
- Cass. 3e civ. 15 févr. 2018, n°16-25335. [↩]
- Cass. 3e civ. 19 sept. 2019, n°18-12826. [↩]
- M.-E. ROUJOU DE BOUBEE, Essai sur la notion de réparation : LGDJ 1974, p. 161 et suiv. ; C. BLOCH, La cessation de l’illicite. Recherche sur une fonction méconnue de la responsabilité civile extracontractuelle : Dalloz 2018, coll. Nouvelle bibliothèque de thèses. ; F. LEDUC, Cessation de l’illicite, exécution forcée en nature et réparation en nature, in Hommage en l’honneur de G. Forest : Dalloz 2014, p. 121 s. Ph. BRUN, Responsabilité civile extracontractuelle : Litec, 3e éd. 2014, p. 405 s., n°603 s.; G. VINEY et P. JOURDAIN, Les effets de la responsabilité : LGDJ, 3e éd. 2010, p.107s. n°34s. Ces deux types de mesures devraient, suivant cette opinion, obéir à un régime juridique différent. [↩]
- V. Cass. 3e civ., 17 déc. 2003, n°02-10.300, Bull. civ. 2003, III, n°241.; Cass. 3e civ. 19 juill. 1995, n°93-17.134, Bull. civ. 1995, III, n°207.; Cass. 1re civ., 16 mars 1964, n°62-11.703, Bull. civ. 1964, I, n°159. [↩]
- M.-E. ROUJOU DE BOUBEE, Essai sur la notion de réparation, préface P. HEBRAUD, LGDJ, Bibliothèque de droit privé, 1974, p. 218 et suiv. [↩]
- Même en tant que sanction, la cessation de l’illicite est un droit. [↩]
- Les effets de la responsabilité, par G. VINEY, P. JOURDAIN et S. CARVAL, 4e éd., 2017, p. 139. Le traité précise qu’il y a une priorité naturelle de la réparation en nature sur les dommages et intérêts chaque fois qu’elle remplit la double fonction de tarir la source du dommage et de supprimer l’illicite ». [↩]
- M. FABRE-MAGNAN, Droit des obligations, Responsabilité civile et quasi-contrats, 4e éd., Presses Universitaires de France, 2019, p. 502. [↩]
- Ceci n’est pas le cas actuellement en France. V. Cass. crim. 12 juin 2019, n°18-81.874. Cet arrêt contraste avec les propositions doctrinales invitant le juge à ordonner la cessation de l’illicite, puisqu’il montre que malgré l’illicite de la construction, le juge n’a pas l’obligation d’imposer une mesure de remise en état consistant dans la démolition. [↩]
- EBERT in : Erman, BGB, 15. Aufl. 2017, § 249 BGB. [↩]
- Concurrence déloyale (responsabilité civile) : évaluation de la réparation du préjudice, Actualités/Droit des affaires, Concurrence-Distribution, Recueil Dalloz, 20 février 2020, n°6, p. 333. V. aussi notamment, Cass. ch. com. 12 févr. 2020, n°17-31614. [↩]
- V. Traduction in : G. LARDEUX, R. LEGEAIS, M. PEDAMON, C. WITZ, Code civil allemand, Bürgerliches Gesetzbuch, BGB, Editions Dalloz, Paris 2010. [↩]
- STAUDINGER/SCHIEMANN (2017) §249, n°1. [↩]
- Tel ne semble pas être le cas, en droit suisse. V. en ce sens, A. KOLLER, Schweizeriches Obligationenrecht Allgemeiner Teil, Handbuch des allgemeinen Schuldrechts, 4e éd., Stämpfli Verlag Bern, 2017, p. 789, n°46. [↩]
- V. Traduction in : G. LARDEUX, R. LEGEAIS, M. PEDAMON, C. WITZ, Code civil allemand, Bürgerliches Gesetzbuch, BGB, Editions Dalloz, Paris 2010, p. 351. Pour un commentaire approfondi du § 1004, voire STAUDINGER/THOLE (2019) n°1 et suiv. [↩]
- Le rapport du groupe de travail de la cour d’appel de Paris intitulé « la réforme du droit français de la responsabilité civile et les relations économiques », propose de modifier la rédaction de l’alinéa 2 de l’article 1244 CC sans en changer significativement la signification, comme suit : « Lorsqu’une activité dommageable a été autorisée par voie administrative, le juge peut cependant, dans le respect de cette autorisation, accorder des dommages et intérêts ou ordonner les mesures raisonnables permettant de diminuer ou de faire cesser le trouble ». [↩]
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