Table ronde – L’Union européenne et ses Etats membres, entre identité et souveraineté (dir. Mme Le Professeur Hélène Gaudin), Université Toulouse Capitole IRDEIC/CEEC, 5 mai 2021 – partie 2
Il faut d’abord choisir entre les deux formulations de la question posée. Jusqu’au traité d’Amsterdam, les conditions de fond pour adhérer aux Communautés européennes et à l’Union européenne brillaient par leur simplicité apparente : il fallait être un État et être européen. Autrement dit, voilà ce qu’évoquerait la référence, pour les États membres, à « leur » identité européenne : la condition géographique, qui, si elle a pu marginalement motiver un refus à une demande d’adhésion naguère, n’est en rien éclairante pour « définir » les États membres de l’Union européenne. Il s’agit donc bien de se demander si les États membres se définissent par « une » identité européenne, cette démarche exigeant alors de s’intéresser à la question subsidiaire mais essentielle « quelle identité européenne ? », seule question susceptible finalement de préciser en quoi cela définit les États membres.
A cet égard, la première certitude préalable est que le caractère « européen » de cette identité est double : il signifie d’abord qu’elle est commune aux États membres, définissant le groupe des États membres. Il signifie aussi que le système même de l’intégration européenne repose largement sur cette identité, qui ne peut qu’être imposée, et à défaut supposée par le droit de l’Union.
Mais si un État membre de l’Union européenne peut se définir par ce qu’il a de commun avec tous les autres États membres, en tant que « membre », il peut également et paradoxalement l’être par ce qu’il n’a pas de commun avec ces derniers, c’est-à-dire une identité non européenne, parce que non commune, mais qui définit et révèle alors l’État membre en tant qu’État. Les États membres, parce qu’ils restent des États lorsqu’ils appartiennent à l’Union, peuvent légitimement revendiquer le respect d’éléments identitaires qui ne sont pas imposés ou supposés par le droit de l’Union. Pour autant, si ce n’est pas une identité européenne, cela reste une détermination européenne d’une identité qui ne l’est pas, dans la mesure où c’est le droit de l’Union qui admet ce caractère opposable de l’identité non européenne de l’État membre, et où c’est la nature même de l’intégration qui postule ce maintien et ce respect de l’identité en tant qu’État des États membres.
Tel est à mon sens ce qui rend la question d’une identité qui définirait les États membres fondamentale pour la compréhension et le fonctionnement de l’intégration. Oui, une telle identité existe, et elle est européenne, au travers de ce que les États membres doivent mettre ou avoir en commun ou sont supposés mettre en commun, et nous sommes là dans une prémisse fondamentale du système d’intégration, avec une identité européenne commune aux États membres, en tant que membres. Mais ce qui définit ces États membres, et c’est là l’essence même du projet d’intégration, c’est aussi le maintien d’une identité propre, c’est-à-dire non européenne, qui les définit en tant qu’État.
I- Une identité européenne commune imposée ou supposée par le droit de l’Union, prémisse fondamentale du système d’intégration
Ce qui définit l’État membre de l’Union…c’est qu’il appartient à l’Union…Derrière ce truisme, il faut voir que c’est la réflexion sur l’appartenance qui va permettre de préciser ce qu’est cette identité européenne des États membres et sa signification. Cela signifie, d’une manière ou d’une autre, que les États membres, pour être membres, doivent se caractériser par une forme d’identité commune correspondant à des éléments de conditionnalité de cette appartenance. Le présupposé de cette identité européenne commune permet également de développer sur le plan juridique des conséquences logiques à partir de ces diverses « mises en commun ». Il faut donc évoquer les conditionnalités de l’appartenance (en amont), révélatrices de la substance de cette identité, et les logiques de l’appartenance (en aval), révélatrices de l’importance de cette identité.
A) L’identité imposée : les conditionnalités de l’appartenance
Cela consiste avant tout à conditionner l’adhésion, cette conditionnalité de la possible appartenance apparaissant a priori comme permettant assurément de définir l’État membre par une forme d’identité européenne puisqu’il ne pourra obtenir ce statut que s’il respecte ces conditions. Mais l’État ayant obtenu ce statut doit continuer à revêtir cette même identité, ce qui a longtemps été simplement supposé puis imposé du fait d’une procédure de sanction revenant à conditionner la pleine appartenance au respect de cette identité initiale commune.
a) La conditionnalité de la possible appartenance
La simplicité et le caractère objectif apparent des deux conditions initiales d’adhésion (être un État européen) doivent être dépassés. Dès le départ, la condition « d’européanité » a donné lieu a des appréciations pour lesquelles a été déterminante la dimension politique, au sens à la fois de la forme démocratique du gouvernement et plus largement d’une « société démocratique », ce dont rendent bien compte les chefs d’État et de gouvernement au Conseil européen de Copenhague1, déclarant « solennellement que le respect et le maintien de la démocratie représentative et des droits de l’Homme dans chacun des États membres constituent des éléments essentiels de l’appartenance aux Communautés ».
Dans un deuxième temps, les traités de Maastricht et d’Amsterdam se sont employés à inscrire cette conditionnalité politique large dans le droit primaire, d’abord presque implicitement avec Maastricht, l’article F §1 TUE évoquant les « principes démocratiques fondement des systèmes de gouvernement des États membres » et l’article F§2 visant les droits fondamentaux pouvant résulter des « traditions constitutionnelles communes aux États membres », puis de façon très directe avec Amsterdam, le traité conditionnant alors l’adhésion au travers de la détermination apparente de principes fondateurs de l’Union2 qui non seulement fondent l’Union mais sont « communs aux États membres », l’objectif consistant finalement plus à définir une identité politique des États membres que celle de l’Union, la procédure d’adhésion entérinant ensuite ce conditionnement, l’article 49 UE disposant que « Tout État européen qui respecte les principes énoncés à l’article 6, paragraphe 1er, peut demander à devenir membre de l’Union ».
Le traité de Lisbonne est ambigu à cet égard : on peut en effet penser que le passage des neutres « principes » à des « valeurs » fondatrices exprime plus directement la dimension identitaire politique de ces dernières pour les États membres, d’autant qu’ils doivent désormais non seulement les respecter mais s’engager à les promouvoir en commun. En revanche, le contenu de cette identité politique est désormais moins net : ce n’est plus ce « profil politique », cette carte d’identité très claire qui se dégageait du traité d’Amsterdam mais une sorte de check-list plus détaillée et séparée en deux blocs (valeurs fondatrices et principes sociétaux caractéristiques) à l’homogénéité incertaine. Quoi qu’il en soit, l’évolution a clairement dégagé une sorte de fiche d’identité politique et sociétale des États susceptibles d’appartenir à l’Union européenne, cette identité politique étant donc forcément commune aux États membres et socle d’une possible définition de ces États mais cette identité commune n’étant heureusement en rien spécifique des États membres de l’Union européenne.
A rebours de cette définition de plus en plus nette d’une identité politique définissant l’État membre puisque conditionnant son adhésion, il faut cependant souligner que la pratique des élargissements a doublement porté atteinte à cette identité politique en tant que « pass » permettant l’adhésion. C’est d’abord en termes de capacité à adhérer et non d’identité que les élargissements se sont échelonnés, telle étant la signification des critères de Copenhague3, et on sait que cette capacité est appréciée non seulement sur le plan politique (où la démarche rejoint celle ayant l’identité pour logique), mais aussi sur le plan économique. Par ailleurs, s’est imposée une vision stratégique des élargissements qui, là encore, relativise la question de l’identité des États candidats et malgré la mise en avant d’un retour aux fondamentaux qui seraient les domaines de l’État de droit, des droits fondamentaux et de la bonne gouvernance4, la communication de 2020 « Renforcer le processus d’adhésion – Une perspective européenne crédible pour les Balkans occidentaux5 » dilue sensiblement l’exigence de l’identité politique de l’État membre et du partage de valeurs en envisageant de « soutenir les réformes fondamentales sur les plans démocratique, économique et de l’état de droit, de même que l’alignement sur les valeurs européennes fondamentales », et en considérant que « la démocratie, l’état de droit et le respect des droits fondamentaux (…) sont également les principaux facteurs d’intégration économique et (…) constituent un ancrage déterminant pour la promotion de la réconciliation et de la stabilité régionales ». Les deux communications soulignent en tous cas que l’élargissement aux Balkans occidentaux est pour l’Union « un investissement géostratégique dans une Europe stable, solide et unie », ce qui est une démarche étrangère à la vérification d’une identité particulière des candidats.
b) La conditionnalité de la pleine appartenance
Si l’on veut définir les États membres par une identité européenne au sens où nous l’avons vu au stade de la candidature de ces États, il importe que cette identité soit toujours la leur au fil de leur appartenance. Pendant longtemps il y avait là un tel présupposé, une telle confiance en cette identité politique des États européens qu’aucune procédure ne venait vraiment sanctionner l’éventuelle distance que pourrait prendre un État membre à cet égard. Il faut admettre un constat évident : ce n’est pas le cas, ou ce n’est plus le cas6…Les acteurs d’un système peuvent-ils être définis par l’adhésion à telle ou telle valeur, à tel ou tel principe dès lors que certains d’entre eux ne les respectent pas ? La réponse est oui, à condition que le système ait mis en place un dispositif permettant de de faire sortir du système ces « déviants », ou au moins un dispositif permettant de les sanctionner de manière à engager un rapide retour du respect de ces valeurs ou principes.
Le débat sur une procédure d’exclusion a existé, en parallèle avec celui sur la procédure de sortie volontaire mais si celui-ci a abouti à l’article 50 TUE avec le traité de Lisbonne, celui-là n’a pas dépassé le cadre et le stade de la Convention sur l’avenir de l’Europe, l’amendement prévoyant une procédure d’expulsion étant rejeté7, la confiance dans cette identité européenne commune, par-delà les accidents conjoncturels ou ponctuels pouvant marquer leur vie politique, conduisant à rester sur la logique du traité d’Amsterdam, c’est-à-dire une procédure très progressive visant à maintenir dans l’Union un tel État dissident sur le fond, en le privant de certains des droits liés à l’appartenance comme le droit de participer à la prise de décision commune, la situation intenable alors d’un État devant continuer à respecter le droit adopté en commun sans plus participer à son adoption devant en principe conduire à une rapide mise au pas. Cette logique est celle d’une arme de dissuasion, dont on pense qu’elle n’a pas forcément vocation à jouer.
On l’a souligné, le temps n’est plus à cette conviction ou illusion, et le lancement de deux procédures fondées sur l’article 7 TUE, à l’encontre de la Pologne et de la Hongrie, ont révélé le caractère dès lors inadapté de cette procédure qui comprend de nombreux verrous dont l’un implique une décision à l’unanimité du Conseil européen pour la constatation de la violation grave et persistante (après approbation du Parlement), l’État visé ne votant pas bien entendu. Mais cela révèle le présupposé du caractère exceptionnel du phénomène c’est-à-dire l’idée que cela ne peut pas arriver et que si cela se produit, cela ne pourra concerner qu’un seul État membre…A partir du moment où il y en a deux, rien ne peut aboutir.
La problématique doit donc se concentrer sur les deux dispositifs palliatifs imaginés pour répondre à ce blocage de la procédure de l’article 7, c’est-à-dire la conditionnalité politique du financement européen aux États membres, et la jurisprudence de la Cour de justice sur le respect de l’État de droit. Il faut essayer de voir en quoi ces tentatives, au-delà des difficultés qu’elles peuvent rencontrer, apportent des précisions sur l’identité de l’État membre. Centrées sur l’une des valeurs fondatrices communes, celle de l’État de droit, érigé en principe matriciel, elles sont sans doute éclairantes en ce qu’elles déclinent pour l’une, et qu’elles concrétisent pour l’autre, cette valeur commune participant de l’identité politique et juridique devant définir l’État membre.
- La sanction financière des violations de l’état de droit et la focalisation sur l’État de droit
L’observation ne pouvait manquer d’être faite… Il y a quelque cynisme, voire impudence, pour des États membres tels que la Pologne ou la Hongrie, à revendiquer leur quant à soi lorsqu’il s’agit de respecter (ou non) les valeurs communes de l’Union, tout en se positionnant parmi les principaux bénéficiaires d’une forme de solidarité européenne se traduisant par l’octroi de financements des fonds structurels de l’Union8. La Commission, le 2 mai 2018, dans le cadre de ses propositions pour la période de programmation financière 2021-202746, a donc présenté une proposition de règlement « relatif à la protection du budget de l’Union en cas de défaillance généralisée de l’état de droit dans un État membre9 » permettant de réduire ou supprimer les versements au profit d’un État membre qui ne respecterait plus le principe de l’État de droit, le règlement étant adopté par le Conseil et le Parlement le 16 décembre 202010. Ce dispositif, au regard de notre problématique, souffle le chaud et le froid.
D’un côté, il fait de l’État de droit le marqueur central de l’identité politique européenne supposée définir l’État membre et il propose une définition de cet État de droit11 pouvant éclairer l’identité européenne définissant les États membres de l’Union : « L’État de droit exige que toutes les autorités publiques agissent dans les limites fixées par la loi, conformément aux valeurs que sont la démocratie et le respect des droits fondamentaux, (…), et sous le contrôle de juridictions indépendantes et impartiales. Il requiert, en particulier, que les principes de légalité, supposant l’existence d’un processus législatif transparent, responsable, démocratique et pluraliste, de sécurité juridique, d’interdiction de l’arbitraire du pouvoir exécutif, d’une protection juridictionnelle effective, (…), et de séparation des pouvoirs soient respectés ».
En revanche, l’adoption du règlement s’est faite dans un cadre politique tel que non seulement la portée du dispositif est largement neutralisée mais la vision de cette identité est brouillée. Le « chantage budgétaire » de la Pologne et de la Hongrie a en effet conduit le Conseil européen, le 11 décembre 2020, à soutenir que la finalité du règlement ne portait pas vraiment sur l’État de droit en tant que tel, mais sur la protection du budget de l’Union, et même à souligner que l’application du règlement devrait se faire sous l’angle du respect de l’identité nationale des États membres, ce qui est à l’opposé d’une idée d’identité commune. Par ailleurs, le Conseil européen a mis en place un dispositif de neutralisation du règlement, la Commission devant élaborer des orientations sur la manière dont elle appliquerait le règlement, orientations élaborées en étroite concertation avec les États membres, et ceci devant attendre un éventuel arrêt de la Cour de justice en cas de recours en annulation contre le règlement, la Commission ne devant pas proposer de mesures de correction financière au titre du règlement (pourtant applicable à partir du 1er janvier 2021) avant l’adoption définitive de ces orientations. La Hongrie et la Pologne ont saisi la Cour de justice, comme de bien entendu, le 11 mars 202112, critiquant entre autres la base juridique, un contournement et donc une violation de l’article 7 TUE, ou le fait qu’un acte de droit dérivé définisse une valeur, l’état de droit, relevant du droit primaire. Dès lors, le cadre défini par le Conseil européen devrait conduire à empêcher toute mise en œuvre du règlement avant l’arrêt de la Cour et l’adoption des orientations de la Commission13.
- La sanction juridictionnelle des violations de l’état de droit et la concrétisation de l’État de droit
Le « palliatif judiciaire14 » est double, puisqu’on peut y distinguer un volet infractionnel et un volet préjudiciel. On ne développera pas le premier, conjuguant les initiatives de la Commission et les multiples arrêts de manquement de la Cour à l’encontre de la Pologne et de la Hongrie15 ; en revanche, la « voie préjudicielle » est très éclairante sur l’idée d’une certaine identité inhérente au statut d’État membre de l’Union, à partir de l’arrêt de base rendu par la Grande Chambre le 27 février 201816, le raisonnement pouvant être synthétisé ainsi : l’Union est fondée sur des valeurs communes aux États membres dont spécialement l’État de droit ; en tant qu’Union de droit, l’Union doit veiller à ce queles justiciables puissent contester en justice la légalité de toute décision ou de tout autre acte national relatif à l’application à leur égard d’un acte de l’Union. L’article 19 TUE, rappelant la structure du système juridictionnel de l’Union et soulignant le rôle des juridictions nationales dans ce cadre, TUE « concrétise la valeur de l’État de droit affirmée à l’article 2 TUE », et « confie la charge d’assurer le contrôle juridictionnel dans l’ordre juridique de l’Union non seulement à la Cour, mais également aux juridictions nationales », celles-ci remplissant ainsi, « en collaboration avec la Cour, une fonction qui leur est attribuée en commun, en vue d’assurer le respect du droit dans l’interprétation et l’application des traités ». Dès lors, il incombe aux États membres, notamment, en vertu du principe de coopération loyale, énoncé à l’article 4, paragraphe 3, premier alinéa, TUE, d’assurer, sur leur territoire, l’application et le respect du droit de l’Union…il appartient aux États membres de prévoir un système de voies de recours et de procédures assurant un contrôle juridictionnel effectif dans lesdits domaines », la Cour ajoutant que « l’existence même d’un contrôle juridictionnel effectif destiné à assurer le respect du droit de l’Union est inhérente à un État de droit ». Dès lors, si un État ne garantit pas, voire menace, l’indépendance de ses juridictions, celles-ci ne peuvent être considérées comme telles et doivent être exclues du mécanisme préjudiciel constituant la « clef de voute du système juridictionnel » de l’Union. La Cour de justice propose finalement un système de sanction pour violation de l’État de droit original qui ne consisterait plus à exclure l’État en cause du système de décision politique de l’Union, comme le fait l’article 7 TUE, mais qui pourrait l’exclure du système juridictionnel caractérisant cet ordre juridique « d’un genre nouveau17 ».
En tous cas, l’identité « imposée » aux États membres au point de pouvoir les définir se ramène désormais clairement et très largement au respect de la valeur de l’État de droit.
B) Les identités supposées : les logiques de l’appartenance
Ici il ne s’agit plus de déduire d’une certaine identité européenne la possibilité d’acquérir ou de conserver pleinement le statut d’État membre, mais il s’agit de déduire de ce statut d’État membre une certaine identité européenne, qui peut être la même que dans la phase précédente…ou non. Autrement dit, l’État membre de l’Union européenne, en tant que tel, ne se définit pas par son identité européenne, ni par une identité européenne mais par deux identités européennes. Et dans les deux cas, ce sont des présupposés essentiels pour l’intégration (puisque sont en cause le modèle même de l’intégration et le fonctionnement du système juridique intégré) qui repose finalement, conceptuellement et en pratique, sur ces logiques déductives. D’une part, explicitement depuis l’avis 2/13, la Cour souligne l’importance, en tant que prémisse « fondamentale », de cette identité politique et sociétale imposée ou supposée des États membres, seule cette mise en commun de valeurs essentielles permettant de concevoir et d’admettre un exercice en commun d’une partie de la souveraineté des États membres, ce qui constitue, il faut en être conscient, l’originalité politique principale du modèle de l’intégration. Mais on peut déceler aussi un autre raisonnement, plus ancien, et tout aussi essentiel pour le fonctionnement du système d’intégration, une logique de l’appartenance liée à la communauté des objectifs ou des intérêts supposés communs pour les États membres, dès lors qu’ils ont adhéré, cette autre identité en tant que membre étant à la base du système juridique intégré de l’Union, puisqu’en dépendent rien moins que la portée et l’effectivité du droit de l’Union.
a) La logique des valeurs communes : présupposé du modèle de l’intégration
Comme la Cour de justice a pu le proclamer, le 18 décembre 2014, dans l’avis 2/13, après avoir présenté les traits identitaires du système juridique caractérisant l’Union européenne, « une telle construction juridique repose sur la prémisse fondamentale selon laquelle chaque État membre partage avec tous les autres États membres, et reconnaît que ceux-ci partagent avec lui, une série de valeurs communes sur lesquelles l’Union est fondée, comme il est précisé à l’article 2 TUE18 ». Il faut concevoir que le modèle même de l’intégration n’est ni acceptable, ni compréhensible, en termes de souveraineté exercée partiellement en commun par des États (ce qui est la véritable originalité du modèle), si ces États partenaires ne sont pas « sûrs » c’est-à-dire ne partagent pas les mêmes valeurs politiques et sociétales essentielles. Le respect de ces principes n’a donc rien d’anecdotique et conditionne non seulement l’adhésion d’un État candidat mais l’ensemble du modèle d’intégration. C’est même là une approche du phénomène particulièrement didactique qui permet d’en comprendre l’originalité et le principe.
Ce partage des valeurs essentielles se matérialise juridiquement sous deux formes, celle des valeurs fondatrices imposées par l’article 2 TUE mais aussi celle des principes généraux communs aux droits des États membres, y compris dans leur strate constitutionnelle (les « traditions constitutionnelles communes ») que « découvre » la Cour de justice au terme d’une démarche n’ayant rien de mécanique ou d’arithmétique mais consistant à dégager un « patrimoine juridique commun » éventuellement sous-jacent19. Dans les deux cas, cette mise en commun est à l’origine de normes de droit primaire et cette logique permet seule de comprendre comment peut fonctionner un ordre juridique d’intégration, avec des mécanismes juridictionnels reposant sur cette logique et transcendant les apparents paradoxes ou impasses d’un tel système ; ainsi de la question des relations entre le droit de l’Union et les constitutions des États membres et de la « translation du contrôle de constitutionnalité »20 dès lors que se pose devant un juge constitutionnel national la question de la conformité d’une norme législative ou administrative mixte (c’est-à-dire ayant une substance en partie européenne21) à un principe constitutionnel ne faisant que traduire une de ces valeurs communes érigées en principes juridiques supérieurs, le juge constitutionnel national devant renvoyer à la Cour de justice le contrôle de la légalité de l’acte européen en cause. Le système de répartition des compétences juridictionnelles est alors particulièrement limpide et repose sur une subsidiarité juridictionnelle inversée : dès lors que le contrôle est possible et efficace au niveau européen, parce que l’on est en présence d’un principe constitutionnel mis en commun, et donc source d’une norme européenne (principe fondateur ou principe général du droit de l’Union), le contrôle doit se faire au niveau européen. Ce n’est que si ceci est impossible (absence d’une telle mise en commun ou absence de contrôle effectif par le juge européen) que le juge constitutionnel national recouvre sa compétence.
b) La logique des objectifs communs : présupposé de l’ordre juridique intégré
Le dernier chapitre de ma thèse22, qui en donne la clé, s’intitule « L’article 5, expression d’un statut de membre de la Communauté ». Cela fait donc bientôt 30 ans que je défends cette idée qu’existe un « statut d’État membre de l’Union » reposant sur la pure logique de l’appartenance, au-delà donc des droits et obligations des États membres au titre du droit primaire ou dérivé, tout en étant juridiquement sanctionné, et utilisant comme vecteur juridique le principe général de coopération loyale et ses expressions (implicites ou explicites) successives dans les traités : article 5 CEE, 10 CE puis 4, §3 TUE. La logique de l’appartenance est claire, la Cour déduisant des obligations juridiques de ce que les États membres les auraient acceptées « du fait de leur adhésion », ou assumés « en vertu de (leur) appartenance23 » ou « en tant qu’État membre de la Communauté24 », ce qui est bien une façon de définir l’État membre par des obligations identitaires.
Il n’est pas question de reprendre ici le contenu de ces obligations de coopération loyale qui mettent les organes des États membres, au titre des obligations de membre de ceux-ci, au service des objectifs de l’Union, par leur coopération en aval de l’action des institutions de l’Union, avec leur rôle essentiel de mise en œuvre des politiques européennes, et leur rôle tout aussi essentiel, s’agissant des juridictions nationales, érigées en juges communautaires de droit commun, pour assurer la portée et l’efficacité du droit de l’Union qui repose clairement, selon la Cour de justice sur cette coopération loyale des juridictions nationales : « l’article 5 du traité impose aux États membres de prendre toutes mesures propres à garantir la portée et l’efficacité du droit communautaire25 ». Contrairement à ce qui est souvent compris, il ne s’agit en rien pour les États membres de prendre toutes les mesures nécessaires pour exécuter et respecter « leurs » obligations mais pour garantir le caractère impératif du droit de l’Union, quel que soit le destinataire des obligations en cause. Ce qui est ici « supposé » est que parce que les États membres sont membres de l’Union, ils font leurs les objectifs de l’Union, et que la réalisation de ces objectifs correspond à un « intérêt commun », à savoir à la fois l’intérêt de l’Union et celui de chaque État membre. Cette dimension apparaît clairement par exemple lorsque le législateur de l’Union, compétent pour prendre telle ou telle décision, n’arrive pas à le faire, la qualité d’État membre conduisant alors ceux-ci non seulement à pouvoir mais à devoir agir en se substituant à l’institution européenne théoriquement compétente, ce qu’ils doivent faire en tant que « gestionnaires de l’intérêt commun26 ». Ici encore, cette « supposition » est essentielle pour le système d’intégration, mais d’un point de vue logistique en quelque sorte : l’Union européenne n’est pas un État, et ne dispose donc ni des prérogatives des États, ni de la logistique administrative et juridictionnelle apte à assurer la mise en œuvre et l’effectivité de ses politiques et de ses normes. Le choix a donc été fait de faire reposer cette mise en œuvre et cette effectivité sur la « coopération loyale » des États membres, ce qui signifie que dès lors qu’ils sont membres de l’Union, les États membres mettent leur appareil d’État au service de cette mise en œuvre et de cette portée juridique. On mesure l’importance de ces missions et elles reposent bien sur une forme d’identité européenne de ces États membres au sens où ces devoirs ne résultent pas de la lettre des traités qu’ils ont signés mais de la logique de leur appartenance à l’Union, de leur qualité, de leur identité de membre. Et comme c’est la portée et l’effectivité du droit de l’Union qui repose sur cette logique et ce principe, c’est bien le fonctionnement et l’existence d’un ordre juridique intégré et d’un droit commun qui repose sur ce présupposé identitaire de ce qu’est un « État membre » de l’Union.
II- Une identité non européenne spécifique opposable au droit de l’Union européenne, essence même du projet d’intégration
C’est ici une identité non européenne en ce sens qu’elle n’est pas commune avec les autres États membres ou distincte de celle de l’Union. Plus exactement, cela signifie que des éléments d’identité constitutionnelle des États membres sont spécifiques au sens où ils sont distincts de l’ordre constitutionnel des autres États membres et surtout distincts de l’ordre constitutionnel de l’Union.
Si, comme on vient de le montrer, un État membre de l’Union se définit sans doute par son identité européenne de membre de l’Union, il se définit aussi en tant qu’État ce qui n’a rien d’une évidence ou d’une tautologie. On le sait, l’intégration européenne se caractérise depuis longtemps par une « limitation définitive des droits souverains » des États membres27, mais il se trouve que les caractéristiques, voire peut-être l’essentiel de l’originalité du modèle communautaire, consiste en ce que ce phénomène affectant le trait principal du statut d’État ne se traduit pas pour autant par la disparition de l’identité d’État des États membres, laquelle est même opposable au droit de l’Union, puisque la protection, par un État membre, de ce qui est la substance de cette identité en tant qu’État, est considérée comme un objectif légitime lui permettant éventuellement d’écarter l’application du droit de l’Union et notamment des libertés fondamentales de circulation. C’est par exemple ce qu’exprimait l’avocat général Miguel Poiares Maduro dans ses conclusions Michaniki, rappelant que « l’essence même du projet européen initié au début des années 1950 (…) consiste à avancer sur la voie de l’intégration tout en préservant l’existence politique des États28 ». On peut ici faire un parallèle avec la théorie de la fédération d’Olivier Beaud dans laquelle les États membres jouissent d’un « droit à l’existence politique29 ».
Le droit communautaire a toujours respecté cette idée, l’obligation de respect de l’identité nationale des États membres n’étant que la 3° génération de dispositif, après les exceptions ou dérogations inscrites dans les traités pour les missions traditionnelles des États (maintien de l’ordre public, santé publique, sécurité publique…) et les jurisprudences admettant, au-delà de ces exceptions, l’invocation d’exigences impératives ou de raisons impérieuses d’intérêt général permettant de légitimer une entrave aux libertés de circulation30.
Par ailleurs, les traités contiennent nombre d’affirmations que telle ou telle dimension de diversité est protégée31. Il faut, dans cet ensemble, mettre en évidence ce qui relève ou non de ces choix de la différence conditionnant le maintien d’un véritable niveau étatique dans l’Union, une communauté nationale faisant des choix politiques et sociétaux à son niveau, cette identification entre des spécificités éventuellement culturelles et celles qui sont véritablement constitutionnelles n’étant pas forcément évidente car le régime juridique de ces cas particuliers est le même : c’est une raison légitime opposable au droit de l’Union sous réserve de respecter le principe de proportionnalité.
C’est cette identification qui sera faite dans un premier temps avant de s’interroger sur la portée juridique de cette obligation pour l’Union de respecter les éléments d’ipséité identitaire des États membres.
A- Le contenu de l’identité spécifique des États membres à respecter
En somme, c’est l’identité constitutionnelle de l’État membre dans ce qu’elle a de spécifique, tant au niveau de la constitution politique que de la constitution sociale.
a) Les choix identitaires en matière de constitution politique
Dans une version stricte c’est tout ce qui concerne l’organisation des pouvoirs publics, au niveau central et aux niveaux régional et local. Dans une version élargie, on peut peut-être admettre ici les choix quant à la langue officielle et au lien de nationalité.
S’agissant de l’organisation centrale des pouvoirs publics, et du choix de la forme républicaine de l’État, on peut s’appuyer sur les arrêts Wittgenstein et Bogendorff32 même si dans les deux cas, de manière assez confuse, la Cour de justice va mélanger deux types de considérations. Les unes, vraiment révélatrices de ce qu’est l’identité nationale, visent « le contexte de l’histoire constitutionnelle autrichienne33 » ou « le contexte du choix constitutionnel allemand34 ». On voit ici que c’est la question du choix de la forme de l’État, en l’occurrence la forme républicaine, ce que l’arrêt Wittgenstein marque clairement : « conformément à l’article 4, paragraphe 2, TUE, l’Union respecte l’identité nationale de ses États membres, dont fait aussi partie la forme républicaine de l’État35 ». Dans les deux arrêts, la suppression des privilèges liés à la noblesse est cependant reliée au principe d’égalité en tant que principe de droit de l’Union, l’entreprise autrichienne étant à ce titre « compatible » avec le droit de l’Union, et le cas allemand révélant un « objectif légitime » au regard du droit de l’Union. Dans les deux cas, il s’agit d’admettre une restriction proportionnée aux droits de libre circulation, et souligner la compatibilité ou la conformité avec le principe d’égalité semble relever de la confusion.
Pour l’organisation interne territoriale, les conclusions rendues dans l’affaire UGT-Rioja constituent sans doute une synthèse éclairante : « en vertu de l’article 6, paragraphe 3 UE, l’Union européenne respecte l’identité nationale de ses États membres. Cela implique que l’Union ne porte pas atteinte à l’ordre constitutionnel d’un État membre, que celui-ci soit centralisé ou fédéral et n’influence pas la répartition des compétences au sein de l’État membre. La nouvelle version de cette disposition adoptée par le traité de Lisbonne souligne expressément le respect des structures constitutionnelles des États membres par l’Union36 ». L’arrêt Digibet et Albers37 est également très explicite : « la répartition des compétences entre les länder…bénéficie de la protection conférée par l’article 4, §2 TUE selon lequel l’Union européenne est tenue de respecter l’identité nationale des États membres inhérente à leurs structures fondamentales, politiques et constitutionnelles », ce qui ressortait déjà, dans la perspective plus large de l’ensemble de l’organisation fédérale, de l’arrêt Allemagne c/ Commission de 2004 : « il n’appartient pas à la Commission de se prononcer sur la répartition des compétences par les règles institutionnelles de chaque État membre et sur les obligations qui peuvent incomber respectivement aux autorités de la République fédérale d’Allemagne et à celles des Länder38 ». On peut donc conclure à une « neutralité de l’ordre juridique communautaire à l’égard de l’organisation structurelle des États39 ». L’arrêt Remondis40 ajoute que cette répartition des compétences au sein d’un État membre n’est pas figée, et que la protection conférée par l’article 4, §2 TUE porte également sur les réorganisations de compétences à l’intérieur d’un État membre (réattribution de compétences d’une autorité à une autre41). La compétence nationale d’organisation est donc aussi une compétence de réorganisation de cette structuration territoriale42.
Pour le régime linguistique, la Cour a « reconnu…l’objectif, poursuivi par un État membre, de défendre et de promouvoir l’une ou plusieurs de ses langues officielles43 ». Cela a d’abord été appréhendé sans lien avec la notion d’identité nationale mais au travers de la dimension culturelle et de la jurisprudence « marché intérieur44 ». Les conclusions Poiares Maduro dans l’affaire Espagne c/ Eurojust45, vont ensuite faire le lien entre la protection de l’identité nationale et la « diversité linguistique ». Et c’est l’arrêt Runevic-Vardyn46 qui admettra que la protection de la ou des langues officielles d’un État relève de son identité nationale, avec des développements significatifs de cette dimension d’identité propre de l’État, les principes constitutionnels lituaniens protégeant la langue officielle nationale état considérés comme exprimant tout un contexte historique particulier à cet État ; pour autant, cela se traduira exactement par le même dispositif juridique que l’arrêt Groener : objectif légitime permettant de restreindre une liberté fondamentale si cette restriction est nécessaire et proportionnée47.
Pour la dimension « composition de la communauté nationale », la jurisprudence est peut-être moins nette, mais la Cour, dans son arrêt du 12 septembre 2006, Royaume d’Espagne c/ Royaume-Uni48, a admis la prise en compte, pour la dimension « citoyenneté nationale », de la « tradition constitutionnelle » du Royaume-Uni, sans que cela soit en rien lié aux traditions constitutionnelles communes, donc dans une logique de spécificité légitime. En tous cas, les avocats généraux sont, quant à eux, catégoriques, évoquant, pour M. Poiares Maduro le « devoir, imposé à l’Union par l’article 6, paragraphe 3, UE, de respecter l’identité nationale des États membres, dont la composition de la communauté nationale constitue, à l’évidence, un élément essentiel49 », ou pour un autre, P. Mengozzi, « le devoir de respecter l’identité nationale des États membres, énoncé à l’article 4, paragraphe 2, TUE, dont la composition de la communauté nationale constitue indubitablement un élément essentiel50 ».
b) Les choix identitaires en matière de constitution sociale
Au-delà des choix en termes de structure ou de forme de l’État, et au-delà des valeurs mises en commun, qui ne peuvent donc plus faire l’objet d’un choix de la communauté nationale visant à les rejeter, à l’image du principe démocratique, ou de l’État de droit, certaines valeurs spécifiques pourront traduire le maintien de l’existence de ce niveau d’organisation politique, la communauté nationale pouvant faire, de manière spécifique, certains choix pouvant plus ou moins s’apparenter à des choix de société qui seront des choix exprimant une identité nationale et non européenne. Les conclusions de J. Kokott dans l’affaire Achbita51 le soulignent à propos du principe français de laïcité, les conclusions soulignant à la fois la présence de ce principe dans l’ordre constitutionnel français et son absence, ou sa moindre importance, dans les ordres constitutionnels des autres États membres. C’est là une manière de voir les choses qui est indirectement correcte mais qui ne permet pas de totalement éliminer un soupçon de mauvaise compréhension. Le principe français de laïcité fait partie de l’identité constitutionnelle spécifique à la France non pas parce que celle-ci est différente de celle des autres États membres mais parce que cette singularité fait que ce principe n’est pas un principe supérieur de droit de l’Union européenne, ni en tant que valeur commune aux États membres, ni en tant que principe général commun au droit des États membres. A cet égard, si l’on reprend le droit primaire, l’article 22 de la Charte des droits fondamentaux précise que « L’Union respecte la diversité culturelle, religieuse et linguistique », ce qui s’applique aux individus mais est aussi significatif au regard des États si sont là en cause des éléments significatifs de leur forme ou de leur nature. A cet égard doit être également pris en compte l’article 17 FUE : « 1. L’Union respecte et ne préjuge pas du statut dont bénéficient, en vertu du droit national, les églises et les associations ou communautés religieuses dans les États membres. 2. L’Union respecte également le statut dont bénéficient, en vertu du droit national, les organisations philosophiques et non confessionnelles ». Sur cet ensemble, et pour correspondre à la démarche significative identifiée plus haut, il semble envisageable de relier aux traits existentiels d’un État en tant que tel, à l’image de son identité linguistique, ce qui concerne son rapport aux confessions religieuses. En revanche, on considèrera que le statut des organisations philosophiques et non confessionnelles relève de l’identité culturelle et ne fait partie de l’ipséité nationale constitutionnelle.
Le cas des droits fondamentaux est sans doute particulier. Le respect de ces droits est une valeur fondatrice de l’Union, ce qui implique une mise en commun pour la protection de ces droits. Pour autant, la Charte spécifie que le respect des valeurs communes se fait sans préjudice du respect par l’Union de la diversité culturelle et des traditions des États membres ainsi que de leur identité nationale. Ceci étant, même s’il a pu être soutenu que la protection et le degré de protection d’un droit fondamental dans l’ordre constitutionnel d’un État membre ne participent pas forcément de son identité constitutionnelle52, on peut admettre que puisse être considéré comme identitaire ce degré de protection d’un droit : les droits fondamentaux ne sont en effet pas des absolus53 et leur niveau de protection n’est pas une donnée mais un construit, déterminé par un équilibre identitaire d’une société politique entre le respect des droits individuels et les limitations acceptables au nom de l’intérêt collectif social : « le niveau de protection qui doit … être accordé [aux droits fondamentaux] reflète… les choix d’une société donnée quant au juste équilibre à atteindre entre les intérêts des individus et ceux de la collectivité à laquelle ils appartiennent54 ». Là, il apparaît que le « degré » de protection peut en effet être identitaire.
B) La portée du respect de l’identité spécifique des États membres
On peut distinguer les différents effets juridiques pouvant traduire le respect dû par l’Union à l’identité nationale :
- Eventuelle invalidation du droit de l’Union55: c’est a priorila logique même : dès lors que le droit de l’Union impose clairement une obligation à l’Union européenne, on devrait pouvoir en déduire une condition de validité du droit dérivé. C’est cependant un instrument particulièrement complexe à envisager pour traduire en droit cette obligation de respect de l’identité des États membres, tant procéduralement que sur le fond56.
- Interprétation conforme du droit de l’Union: l’idée est ici que l’obligation de respect de l’identité nationale des États membres n’est pas un critère de répartition des compétences entre l’Union et les États membres au sens où elle pourrait exclure du champ d’application d’un acte de droit dérivé telle ou telle matière, ou tel ou tel domaine. En revanche, dans son application, l’acte de droit dérivé en cause doit être interprété en tenant compte de cette obligation, ce qui pourra autoriser, par exemple qu’une directive ayant pour objet de lutter contre les discriminations, puisse admettre, dans un État ayant un principe identitaire et spécifique de laïcité, et au nom de cette identité, certaines inégalités de traitement qui auraient pu, avec une autre interprétation de la directive, être considérées comme proscrites57.
- On peut aussi penser à un contrôle plus strict de subsidiarité dès lors que serait en cause l’identité nationale d’un État membre. J. Kokott en évoque la possibilité ou la logique dans ses conclusions sous l’arrêt Pologne c/ Parlement et Conseil58 mais sans qu’il y ait une traduction en l’espèce.
Tout ceci est vrai mais le plus souvent, un État membre va se définir en tant qu’État, à l’opposé de son identité européenne, en pouvant invoquer un « but légitime respecté par l’ordre juridique de l’Union59 » lui permettant de déroger au droit de l’Union, sous le contrôle de la Cour de justice que celle-ci exerce avec comme outil principal le principe de proportionnalité. Il ne faut pas se contenter d’une conception quasiment technique du rôle joué ici par l’exigence de proportionnalité. Ce principe est l’instrument qui va commander le jeu extrêmement subtil et délicat entre l’impératif de respect de l’identité des États membres et les impératifs existentiels de l’ordre européen. En fait, on se rend compte que les éléments participant d’une identité « constitutionnelle » ne relèvent pas d’un régime particulier. Comme pour toutes les dérogations liées au respect des prérogatives des États membres, qu’il s’agisse des dérogations expresses en termes d’action pour des raisons d’ordre public, de sécurité publique, ou de santé publique60, comme pour le respect de l’exercice de l’autorité publique61, comme pour l’action légitimée par la poursuite d’exigences impératives d’intérêt général62 ou de raisons impérieuses d’intérêt général63, la démarche consiste à appliquer le même cadre juridique légitimant, certes, ce type d’action unilatérale restreignant le jeu du marché commun pour des raisons liées à l’appréciation par un État de ses responsabilités en tant que tel, mais le soumettant à une conditionnalité reposant sur des principes communautaires essentiels et notamment le principe de proportionnalité. Ceci correspond à la présentation générale faite par l’avocat général dans l’affaire Michaniki : « un État membre peut, dans certains cas et sous le contrôle bien évidemment de la Cour, revendiquer la préservation de son identité nationale pour justifier une dérogation à l’application des libertés fondamentales de circulation ».
Si l’on se concentre maintenant sur ce qui participe vraiment de l’ipséité constitutionnelle, les analyses des avocats généraux, systématiquement, et la jurisprudence de la Cour, lorsqu’elle est explicite, vont toujours dans le même sens : la reconnaissance d’une telle ipséité, y compris pour son « noyau dur » relatif à l’organisation des pouvoirs publics internes ne se traduit pas juridiquement en termes de dérogations acceptées aux obligations communautaires, mais par l’admission d’une entrave nationale poursuivant un objectif légitime dans un cadre juridique défini au niveau communautaire et axé sur les exigences du principe de proportionnalité. Il apparaît d’emblée que derrière l’instrument que constitue le principe de proportionnalité, ce sont des principes existentiels de l’ordre européen qui sont en cause et en balance avec le respect de l’identité de l’État ; on en soulignera deux :
- D’abord, ainsi que cela a déjà été illustré ci-dessus, le principe selon lequel une autorité d’un État membre ne saurait exciper de dispositions, pratiques ou situations de son ordre juridique interne, pour justifier l’inobservation des obligations résultant du droit de l’Union64.
- Par ailleurs, du point de vue des conséquences que les juges internes pourraient tirer d’une éventuelle atteinte à l’identité constitutionnelle nationale, il convient de rappeler que l’invocation d’atteintes portées aux « principes d’une structure constitutionnelle nationale ne saurait affecter la validité d’un acte de la Communauté ou son effet sur le territoire de cet État65», la Cour ayant clairement souligné l’aspect « non négociable » de ce principe : « l’introduction de critères d’appréciation particuliers, relevant…de l’ordre constitutionnel d’un État membre déterminé, du fait qu’elle porterait atteinte à l’unité matérielle et à l’efficacité du droit communautaire, aurait inéluctablement pour effet de rompre l’unité du marché commun et de mettre en péril la cohésion de la Communauté 66». On reconnaît là l’approche développée par la jurisprudence Costa67 et reposant sur la spécificité du droit de l’intégration européenne, dont la Conférence intergouvernementale ayant adopté le traité de Lisbonne a tenu à préciser qu’elle commande toujours la reconnaissance et la portée de la primauté du droit de l’Union68.
C’est donc un équilibre que la Cour va gérer, entre cette part d’autonomie constitutionnelle nationale (traduisant le maintien de l’existence politique des États membres), et les exigences tout autant existentielles de l’Union.
Il faut ajouter qu’une des différences majeures distinguant de façon fondamentale, par-delà les éventuelles ressemblances de ces jurisprudences, la démarche de « contre limite » des cours nationales, pouvant reprendre l’argument de la sanctuarisation d’une identité constitutionnelle de l’État69, et celle de la Cour de justice prenant en considération l’obligation de respect par l’Union de l’identité nationale des États membres, réside dans la réponse différente que donnent ces deux types de jurisprudence à la question de la compétence juridictionnelle, ou du « droit de dernier mot ». Logiquement et évidemment, ce sera le juge national pour les contre limites telles que vues par les cours nationales et ce sera la Cour de justice s’agissant pour elle d’une jurisprudence consistant à contrôler finalement l’équilibre entre deux normes de droit de l’Union. On a pu voir là le siège du caractère irréductible de l’opposition, par-delà les éventuels rapprochements apparents résultant des utilisations respectives des mêmes concepts ou de concepts comparables, entre les différentes cours. Pourtant, il est intéressant de noter que la Cour de justice contrôle la légitimité des restrictions identitaires des États membres à l’aune du principe de proportionnalité, mais qu’elle procède indifféremment de deux façons : soit elle contrôle elle-même la proportionnalité des mesures (arrêt Wittgenstein pour les titres nobiliaires, arrêt Las pour la langue officielle), soit elle renvoie cette appréciation au juge national (arrêt Bogendorff pour les titres nobiliaires, arrêt Runevic Vardyn pour la langue nationale, arrêt Digibet pour l’organisation territoriale). L’important est sans doute qu’il n’y ait pas d’appréciation purement nationale de ce qui est finalement une notion de droit de l’Union.
En conclusion, ce qui est frappant, c’est que plus l’on approfondit l’étude de l’identité des États membres, plus on se rend compte que ce qui se révèle est plutôt l’identité de l’Union européenne.
- 8 avril 1978. [↩]
- Principes de la liberté, de la démocratie, du respect des droits de l’Homme et des libertés fondamentales ainsi que de l’État de droit. [↩]
- On sait que le traité de Lisbonne a consacré cette pratique du Conseil européen lui permettant de fixer des « critères d’éligibilité ». [↩]
- « Une perspective d’élargissement crédible ainsi qu’un engagement de l’Union européenne renforcé pour les Balkans occidentaux », COM(2018)65. [↩]
- COM(2020)57. [↩]
- Quand un premier ministre en exercice d’un État membre déclare : « Nous prenons nos distances avec les dogmes de l’Europe de l’Ouest, nous nous en affranchissons… Nous devons abandonner les méthodes et les principes libéraux qui organisent la société. Le nouvel État que nous sommes en train d’édifier est un État » illibéral « , non libéral. « , ajoutant que « la démocratie à l’occidentale [a] fait son temps » (Discours du Premier Ministre hongrois, le 26 juillet 2014), il ne faut plus se payer de mots : c’est un refus brutal de toute idée d’identité politique européenne commune. [↩]
- Voir http://european-convention.europa.eu/docs/Treaty/pdf/46/global46.pdf, p. 5. [↩]
- La Pologne, spécialement, s’est située à la toute première place des États bénéficiaires pour la période 2007-2013 (57,2 milliards d’euros), comme pour la période 2014-2020 (105 milliards d’euros). [↩]
- COM(2018)324. [↩]
- Règlement (UE, Euratom) 2020/2092 du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2020 relatif à un régime général de conditionnalité pour la protection du budget de l’Union, JOUE L 433I du 22 décembre 2020, p.1. [↩]
- Dans son préambule s’appuyant sur la jurisprudence de la Cour de justice. [↩]
- Aff. C-156/21 et C-157/21. [↩]
- Au grand dam de nombreux parlementaires européens agitant la menace d’une action en carence contre la Commission qui semble avoir adhéré à cette suspension du dispositif. [↩]
- Cf. M. Blanquet : « Les chemins de traverse de l’État de droit dans l’Union européenne », in Culture, Sociétés, Territoires, Mélanges en l’honneur du professeur Serge Regourd, Institut universitaire Varenne,2019, spéc. pp. 1289s. [↩]
- Essentiellement des manquements polonais liés à l’indépendance de la justice et des manquements hongrois en matière de liberté d’association ou de liberté académique universitaire [↩]
- Associação Sindical dos Juízes Portugueses, aff. C-64/16, EU:C:2018:117. [↩]
- Avis 2/13 du 18 décembre 2014, EU:C:2014:2454. [↩]
- Pt 168. [↩]
- Un principe appartiendra à ce patrimoine commun dès lors qu’il existe en tant que principe général de droit dans un ou des États membres et que rien ne s’oppose dans les systèmes juridiques des autres États membres à ce qu’il y soit un jour reconnu comme un principe général. Sur cette conception, cf. M. Blanquet : « L’heure de l’embauche : ouverture des ateliers de l’Ecole européenne de droit », in Les principes généraux du droit. Premiers ateliers de l’Ecole européenne de droit, Cahiers de l’IRDEIC n°8/2017, p. 2, et Droit général de l’Union européenne, Sirey, 11° éd. 2018, n°722. [↩]
- Cf. sur ce phénomène M. Blanquet, « Mêmeté et ipséité constitutionnelles dans l’Union européenne », in Mélanges en l’honneur du Professeur Joël Molinier, LGDJ, 2012, spéc. p.69. Sur l’origine de l’expression, cf. les conclusions de M. Guyomar pour l’arrêt du Conseil d’Etat (CE) du 8 février 2007, Société Arcelor Atlantique. Pour une reprise enrichie de cette jurisprudence, cf. CE 21 mai 2021, French Data Network. Pour la mise en œuvre d’une logique comparable par le Conseil constitutionnel, cf. notamment la Décision n° 2004-498 DC, loi relative à la bioéthique ; ou celle du 27 juillet 2006, Loi relative au droit d’auteur, n°2006-543 DC.
[↩]
- Telle qu’une norme de transposition d’une directive ou d’application d’un règlement de l’Union. [↩]
- L’article 5 du traité CEE. Recherches sur les obligations de fidélité des États membres de la Communauté, LGDJ 1994, p. 421. [↩]
- Arrêt du7 février 1973, Commission c/ Italie, aff. 39/72, EU:C:1973:13. [↩]
- Arrêt du 23 mars 1982, Nordsee, aff. 102/81, EU:C:1982:107 [↩]
- Arrêt du 21 septembre 1989, Commission c/Grèce, aff. 68/88, EU:C:1989:339. [↩]
- Arrêt du 5 mai 1981, Commission c/Royaume-Uni, aff. 804/79, EU:C:1981:93. [↩]
- Arrêt du 15 juillet 1964, Costa, aff. 6/64, EU:C:1964:66 (voir aussi sur cette ligne jurisprudentielle l’arrêt du 5 février 1963, Van Gend & Loos, aff. 26/62, EU:C:1963:1, et l’avis 1/91 du 14 décembre 1991, EU:C:1991:490). [↩]
- Conclusions sous l’arrêt Michaniki du 16 décembre 2008, aff. C-213/07, EU:C:2008:544, pt 31. [↩]
- O. Beaud, Théorie de la fédération, Paris, PUF, 2007, p. 322 à 328. [↩]
- Arrêts du 20 février 1979, Rewe Zentral, aff. 120/78, EU:C:1979:42; du 25 juillet 1991, Gouda, aff. C-288/89, EU:C:1991:323, Commission c/Pays-Bas, aff. C-353/89, EU:C:1991:325, et Sager, aff. C-76/90, EU:C:1991:331; du 31 mars 1993, Kraus, aff. C-19/92, EU:C:1993:125; du 30 nov. 1995, Gebhard, aff. C-55/94, EU:C:1995:411; du 15 déc. 1995, Bosman, aff. C-415/93, EU:C:1995:463; ou du 1er juin 1999, Konle, aff. C-302/97, EU:C:1999:271. [↩]
- Art. 3§3 al.4 TUE : « [L’Union]… respecte la richesse de sa diversité culturelle et linguistique… ; art. 167 TFUE : « 1.L’Union contribue à l’épanouissement des cultures des États membres dans le respect de leur diversité nationale et régionale ; Préambule de la Charte des droits fondamentaux : l’Union contribue à la préservation et au développement des valeurs communes « dans le respect de la diversité des cultures et des traditions des peuples de l’Europe », l’article 22 confirmant que « L’Union respecte la diversité culturelle, religieuse et linguistique ; art. 17 TFUE : « 1. L’Union respecte et ne préjuge pas du statut dont bénéficient, en vertu du droit national, les églises et les associations ou communautés religieuses dans les États membres. 2. L’Union respecte également le statut dont bénéficient, en vertu du droit national, les organisations philosophiques et non confessionnelles ». [↩]
- Arrêt du 22 décembre 2010, Wittgenstein, aff. C-208/09, EU:C:2010:806. Arrêt du 2 juin 2016, Bogendorff, aff. C-438/14, EU:C:2016:401. [↩]
- Arrêt Wittgenstein. [↩]
- Arrêt Bogendorff. [↩]
- Pt 92. [↩]
- Conclusions J. Kokott présentées le 8 mai 2008 sous l’arrêt du 11 septembre 2008, Unión General de Trabajadores de la Rioja, aff. C-428/06 à C-434/06, EU:C:2008:262, pt 54. [↩]
- Arrêt du 12 juin 2014, aff. C-156/13, EU:C:2014:1756. [↩]
- CJCE 4 mars 2004, Allemagne c/ Commission, aff. C-344/01, EU:C:2004:121. [↩]
- Conclusions V. Trstenjak sous l’arrêt du16 juillet 2009, Horvath, aff. C-428/07,EU:C:2009:47. [↩]
- Arrêt du 21 décembre 2018, aff. C-51/15, EU:C:2016:985. [↩]
- On peut voir aussi l’arrêt du 18 juin 2020, Porin Kaupunki, aff. C-328/19, EU:C:2020:483, pour un transfert de responsabilités entre communes à l’une d’entre elles pour l’organisation de services. [↩]
- Le principe est ici général et doit être considéré comme la liberté des États membres quant à la répartition territoriale de leurs pouvoirs publics. Pour autant, la question se pose presque toujours au premier niveau territorial (États fédérés, communautés autonomes, régions), certains ayant pu essayer d’appuyer le raisonnement relatif au respect de l’ipséité structurelle sur la reconnaissance par le droit de l’Union de l’importance du niveau régional reconnue dans le traité lui-même : art. 39, § 2, TFUE (politique agricole commune), art. 46 (marché intérieur), article 91, § 2, et art. 96, § 2, TFUE (transports), art. 107, § 3, TFUE (aides d’État), art. 167, § 1, TFUE (culture), art. 170, § 2, TFUE (réseaux transeuropéens) et art. 191, §§ 2 et 3, TFUE (environnement) ; cf. conclusions M. Bobek dans l’affaire C-352/19P, EU:C:2020:588. On peut, sur un autre plan, envisager la question comme proche de la problématique du contrôle exclu pour les mesures d’ordre intérieur : l’idée serait que le système juridictionnel national serait seul compétent pour contrôler ce type de répartition de pouvoirs. On trouve dans l’arrêt Porin Kaupunki précité la formule « acte d’organisation interne, couvert par l’article 4, paragraphe 2, TUE » (pt 48). [↩]
- Arrêt du 5 mars 2009, UTECA, aff. C-222/07, EU:C:2009:124, pt 27, avec référence aux arrêts du 28 novembre 1989, Groener, aff. C‑379/87, EU:C:1989:599, pt 19, ainsi que du 13 décembre 2007, United Pan-Europe Communications Belgium e.a., aff. C‑250/06, EU:C:2007:783, pt 43. [↩]
- Arrêt Groener précité. [↩]
- Aff. C-160/03, EU:C:2004:817, pt 24. [↩]
- Arrêt du 12 mai 2011, aff. C-391/09, EU:C:2011:291. [↩]
- Idem pour l’arrêt du 16 avril 2013, Las, aff. C-202/11, EU:C:2013:239. On peut aussi souligner ici que cette question de la langue n’a pas été retenu comme motif légitime d’entrave pour non proportionnalité dans deux affaires luxembourgeoises, l’arrêt du 2 juillet 1996, aff. C-473/93, EU:C:1996:263,qui est la première concrétisation en jurisprudence de l’obligation inscrite dans les traités de respecter l’identité nationale des États membres (enseignants), et l’arrêt du 24 mai 2011 (notaires), aff. C-51/08, EU:C:2011:336. [↩]
- Aff. C-145/04, EU:C:2006:543. [↩]
- Conclusions M. Poiares Maduro rendues le 30 septembre 2009 sous l’arrêt du 2 mars 2010, Rottmann, aff. C-135/08, EU:C:2009:588, pt 25. [↩]
- Conclusions présentées le 12 juillet 2018, affaire C-221/17, arrêt du 12 mars 2019, Tjebbes e.a., EU:C:2018:572, pt 107. [↩]
- Conclusions présentées le 31 mai 2016, EU:C:2016:382; arrêt du 14 mars 2017, aff. C-157/15. [↩]
- Cf. spécialement les conclusions Bot dans les affaires MAS et MB, EU:C:2017:564, pt 197, ou Melloni, EU:C:2012:600, pt 142. [↩]
- Sauf exception. [↩]
- Conclusions précitées de l’Avocat général Y. Bot dans l’affaire MAS et MB, pt 151. [↩]
- O. Dubos, « Inconciliable primauté. L’identité nationale : sonderweg et self-restraint au service du pouvoir des juges ? » in (L. Potvin-Solis dir.) La conciliation des droits et libertés dans les ordres juridiques européens, Bruylant, 2012, p. 437. [↩]
- Procéduralement, on peut penser que les États membres seraient les principaux intéressés et si on peut l’envisager au soutien d’un recours en annulation, en revanche, on sait que cela pourra très difficilement emprunter la voie d’une exception d’illégalité tentant de répondre à un recours en manquement, la Cour de justice étant particulièrement fermée à ce genre d’arguments de défense dans ce contexte. Les particuliers pourraient sans doute le faire aussi, soit directement mais on connaît les limites qui s’imposent à eux, soit devant le juge national pouvant les relayer par voie préjudicielle. En toute hypothèse, ce sera très délicat sur le fond, dans la mesure où il faudra compter avec la traditionnelle jurisprudence selon laquelle l’invocation d’atteintes portées aux « principes d’une structure constitutionnelle nationale ne saurait affecter la validité d’un acte de la Communauté ou son effet sur le territoire de cet État » (arrêt du 17 décembre 1970, Internationale Handelsgesellschaft, 11/70, EU:C:1970:114) de sorte que la Cour pourra difficilement manœuvrer pour se départir de cet imposant précédent. [↩]
- les conclusions précitées de J. Kokot, dans l’affaire Achbita, pt 32. [↩]
- C-358/14, EU:C:2015:848 point 148. [↩]
- Arrêt précité Commission c/ Luxembourg, aff. C-51/08, pt 124. [↩]
- Art. 36, 45§3, 52, 62 TFUE. [↩]
- Art. 45§4 et 51 TFUE. [↩]
- Jurisprudence Rewe Zentral précitée. [↩]
- Jurisprudences Gouda, Commission c/Pays-Bas, Sager, Kraus, Gebhard, Bosman, Konleprécitées. [↩]
- les arrêts du 10 juin 2004, Commission c/Italie, aff. C‑87/02, EU:C:2004:363, pt 38, pour « l’ordre interne » ; du 16 décembre 2004, Commission c/Autriche, aff. C‑358/03, EU:C:2004:824, pt 13, et du 26 octobre 2006, Commission c/Autriche, C‑102/06, EU:C:2006:691, pt 9 pour « l’organisation fédérale » de cet ordre interne. [↩]
- Arrêt précité du 17 décembre 1970, Internationale Handelsgesellschaft. [↩]
- Arrêt du 13 décembre 1979, Hauer, aff. 44/79, EU:C:1979:290. [↩]
- Arrêt précité. [↩]
- Déclaration n°17 relative à la primauté. [↩]
- Les autres contre limites consistent à sanctionner un ultra vires de l’Union ou à raisonner en termes d’équivalence de niveau de protection des droits. [↩]
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