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CAA Bordeaux, 26 avril 2018, requête numéro 15BX02295, Société Eiffage TP SO

Citer : Revue générale du droit, 'CAA Bordeaux, 26 avril 2018, requête numéro 15BX02295, Société Eiffage TP SO, ' : Revue générale du droit on line, 2021, numéro 59765 (www.revuegeneraledudroit.eu/?p=59765)


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Décision citée par :
  • Pierre Tifine, Droit administratif français – Quatrième Partie – Chapitre 2 – Section 2
  • Pierre Tifine, Droit administratif français – Quatrième Partie – Chapitre 2 – Section 1


Cour administrative d’appel de Bordeaux, 1ère chambre – formation à 3, 26/04/2018, 15BX02295, Inédit au recueil Lebon
Cour administrative d’appel de Bordeaux – 1ère chambre – formation à 3
N° 15BX02295
Inédit au recueil Lebon
Lecture du jeudi 26 avril 2018
Président
Mme GIRAULT
Rapporteur
M. Paul-André BRAUD
Rapporteur public
M. NORMAND
Avocat(s)
CABINET CLAISSE & ASSOCIES
Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Eiffage TP SO a demandé au tribunal administratif de Pau de condamner le département des Landes à lui verser la somme totale de 1 189 941,59 euros, assortie des intérêts moratoires à compter du 29 août 2012, en règlement du marché de travaux relatif à la réalisation de trois ouvrages d’art et à la réhabilitation d’une ancienne décharge dans le cadre de l’opération de franchissement routier Est de l’agglomération dacquoise.

Par un jugement n°1301975 du 7 mai 2015, le tribunal administratif de Pau a condamné le département des Landes à verser à la société Eiffage TP SO une indemnité de 435 669 euros assortie des intérêts moratoires à compter du 29 août 2012.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 2 juillet 2015 et le 20 juin 2016, le département des Landes, pris en la personne du président du conseil départemental, représenté par MeC…, demande à la cour :

1°) d’annuler ce jugement du tribunal administratif de Pau en date du 7 mai 2015 ;

2°) de réduire le montant de la condamnation à de plus justes proportions correspondant à la réalité du préjudice allégué ;

3°) de mettre à la charge de la société Eiffage TP SO la somme de 5 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

– le tribunal a omis de statuer sur l’irrecevabilité opposée concernant la demande indemnitaire afférente à l’immobilisation des équipes d’exécution et d’encadrement ainsi que du matériel pendant 9 jours en raison des délais d’intervention des sociétés ERDF et SNCF. Le jugement attaqué n’est donc pas suffisamment motivé ;
– s’agissant des surcoûts de main d’oeuvre d’exécution, s’il ne conteste pas la qualification de sujétions imprévues, la société Eiffage ne peut solliciter le règlement des heures effectuées par les agents d’exécution des sociétés Sendin, Mills et APLM dès lors qu’elle ne justifie pas d’un titre pour agir pour le compte de ces sociétés, qui sont des prestataires ou des sous-traitants. En outre, au regard du nombre d’heures prévues dans l’offre du groupement et du nombre d’heures comptabilisées et rémunérées, le différentiel doit être ramené à 181,55 heures, soit un surcoût de 6 281,23 euros, largement inférieur à la somme de 89 169,44 euros allouée par le tribunal administratif. Le reliquat de la somme demandée n’est nullement justifié, alors que le tribunal administratif ne pouvait se borner à reprendre la somme recommandée par l’avis du comité consultatif de règlement amiable des marchés publics ;
– s’agissant des surcoûts liés à la hausse du prix des aciers, il ne peut être fait application de la théorie de l’imprévision, celle-ci ne concernant que les évènements imprévisibles et extérieurs aux parties et entraînant un bouleversement de l’économie du contrat. En l’espèce, la variation du cours de l’acier n’était pas imprévisible puisqu’elle était prévue par le contrat, qui comporte une clause de révision des prix. De plus, le surcoût ne représente qu’un  » déficit  » de 6,5% du montant total du marché, ce qui ne caractérise pas un bouleversement de son économie au regard du seuil de 10% habituellement retenu par la jurisprudence. Enfin, le montant de l’indemnité due en application de la théorie de l’imprévision ne peut couvrir la totalité du préjudice allégué, contrairement à ce qu’a retenu le tribunal. De plus, s’agissant d’un professionnel avisé, il incombait à la société Eiffage SO d’intégrer cet aléa dans la révision du prix ;
– quant aux demandes réitérées par l’intimée devant la cour, s’agissant des surcoûts de personnel d’encadrement, comme l’a relevé le tribunal, les coûts allégués ont été compensés par une réduction du délai global de réalisation des travaux de génie civil qui ont été achevés début juin 2011 alors que le planning prévisionnel prévoyait un achèvement à la fin du mois de septembre 2011. En tout état de cause, les documents produits ne sont pas insuffisants pour établir la réalité des surcoûts allégués en l’absence de cohérence entre les noms figurant dans le schéma organisationnel du plan d’assurance qualité (SOPAQ) avec ceux des personnes finalement intervenues sur le marché. Cette discordance démontre que les salariés initialement prévus ont travaillé pour un autre chantier. Par ailleurs, les bulletins de paie produits ne permettent pas d’établir un travail à temps plein sur le chantier en l’absence de précisions sur l’affectation des intéressés. Ces coûts supplémentaires ne sont donc pas justifiés ;
– s’agissant des coûts supplémentaires de matériels de coffrage, si le calendrier prévisionnel prévoyait une réalisation simultanée des culées des deux ouvrages, le bordereau des prix unitaires joints à l’offre prévoit deux séries de prix distinctes pour les coffrages. En toute hypothèse, la société n’aurait pu techniquement utiliser les mêmes matériaux de coffrage pour les deux ouvrages qui présentent des géométries différentes tant pour les pieux de la culée que pour les piles et les fûts architecturés. Le coût supplémentaire du troisième moule de préfabrication pour la réalisation des dalles des tabliers est imputable au choix tardif du sous-traitant et au retard qui en a découlé dans le planning de production des dalles. Les factures produites pour justifier ces dépenses ne sont pas cohérentes. En tout état de cause, il n’est pas établi que ces prestations aient été validées par le maître d’oeuvre ;
– s’agissant des coûts supplémentaires de matériaux de levage, le gain entre la somme perçue pour une durée de quinze mois et la durée effective du chantier qui a été de douze mois compense largement la dépense supplémentaire ;
– s’agissant des coûts supplémentaires des travaux de forage de pieux sur l’OA Sud, le groupement s’est engagé à ne pas générer de plus-value par rapport à la solution initiale du marché. En tout état de cause, le prix comprenait les frais de déplacement de l’atelier ;
– s’agissant des prix nouveaux, la fermeture de l’accès à la culée C2 de l’OA Nord a nécessité une surface réduite de grilles de sorte que le coût des deux grilles de sécurité supplémentaires a été compensé. En ce qui concerne la réparation du câble ERDF arraché, la responsabilité incombe à la prestataire puisqu’elle n’a pas respecté les recommandations d’ERDF. En ce qui concerne les aciers spéciaux, la mise en place de coupleurs est un choix de la société qui ne peut donner lieu à rémunération complémentaire, la fourniture et la mise en oeuvre des coupleurs étant rémunérée par les prix des armatures comme le rappelle le bordereau des prix unitaires. Il en va de même de la mise en place de boîtes d’attente qui est également un choix constructif ;
– s’agissant de la révision des prix, la société a approuvé le CCAP lors du dépôt de son offre. L’avenant dont se prévaut la société ne peut être utilement invoqué puisqu’il n’a jamais été approuvé par le département. En outre, cet avenant serait illégal puisqu’il modifie les conditions financières du marché ;
– le pourcentage des frais généraux est de 13,7% et non 14,1%.

Par deux mémoires en défense et un bordereau de production de pièces, enregistrés le 6 mai 2016 et le 26 août 2016, la société Eiffage génie civil, venant aux droits de la société Eiffage, représentée par MeB…, conclut :

– à la réformation du jugement du tribunal administratif de Pau du 7 mai 2015 en tant qu’il n’a pas accueilli l’intégralité de sa demande ;
– à la condamnation du département des Landes à lui verser la somme de 994 934,19 euros hors taxes, soit 1 189 941,59 euros toutes taxes comprises, assortie des intérêts moratoires à compter du 29 août 2012 ;
– à ce que soit mise à la charge du département des Landes la somme de 15 000 euros en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative, ainsi que le timbre fiscal.

Elle fait valoir que :

– elle a été confrontée à des difficultés imprévues ouvrant droit à indemnisation en vertu de la théorie de l’imprévision ;
– le marché, qui devait être notifié le 1er juin 2010, n’a été notifié que le 17 juin 2010 avec date d’effet au 21 juin suivant. Ce retard a impliqué de modifier le calendrier d’exécution afin de pouvoir respecter les dates de lancement des ouvrages. Une fois ce nouveau calendrier remis le 27 juillet 2010, le groupement a été avisé de difficultés concernant des libérations d’emprises faisant obstacle au respect de ce nouveau calendrier. Le groupement a donc remis le 25 août 2010 un nouveau calendrier d’exécution intégrant l’ensemble de ces difficultés et assorti de réserves concernant les conditions économiques d’exécution des appuis. En conséquence de quoi, la date de démarrage notifiée par le maître d’ouvrage, le 23 août 2010, réduit le délai d’exécution, fixé à sept mois dans le calendrier prévisionnel établi par le maître d’oeuvre, à quatre mois. Afin de respecter les dates de lançage prévues par le marché, le groupement a dû proposer de nouvelles modalités d’exécution du marché qui nécessitaient des moyens humains et matériels supplémentaires, modifiant ainsi les conditions économiques de son offre ;
– afin de pouvoir respecter les délais, le nouveau calendrier d’exécution a supprimé le délai de consolidation des sols sous les plateformes de lançage. Le groupement a avisé la maîtrise d’oeuvre des risques induits par la suppression de ce délai. Cette dernière a eu des conséquences sur les conditions d’exécution des appuis, nécessitant la mobilisation de l’équipe d’encadrement chargée de la coordination entre les bureaux et les sous-traitants, et le décalage des travaux de fondations et génie civil dans l’attente de la validation des résultats de la campagne géotechnique ;
– lors de la réunion de chantier du 13 juillet 2010, la SNCF a annoncé ne pas être en mesure de pouvoir rabaisser la caténaire avant les dates de lançage. Cette incertitude, qui n’a été levée que le 16 novembre 2010, l’a privée d’une vision cohérente de l’organisation de son chantier ;
– le groupement a été contraint d’intégrer dans son calendrier d’exécution de l’OA Sud la réalisation de fouilles archéologiques. Au terme de ces fouilles, il lui a été demandé de prendre des mesures conservatoires afin que les archéologues puissent reprendre leurs investigations une fois les travaux de génie civil terminés. Or, il résulte des articles 33.2 et 33.4 du CCAG travaux et de la jurisprudence que les dépenses induites par les fouilles doivent être indemnisées ;
– le marché ne prévoyait pas de travaux de dévoiement de réseaux. Comme le groupement l’avait indiqué, le respect du délai était subordonné à l’achèvement du dévoiement des réseaux à fin juillet 2010. Or le dévoiement de la ligne ERDF de moyenne tension sur l’emprise de l’OA Sud a été différé au 17 septembre 2010, soit postérieurement au démarrage des travaux de remblais de la plateforme de lançage. Cette contrainte, qui a été prise en compte dans le dernier calendrier prévisionnel proposé par le groupement, a modifié l’organisation des travaux et la mobilisation des ressources d’exécution, nécessitant la mise en oeuvre de moyens de levage de capacité supérieure dépassant les conditions économiques de l’offre ;
– de même, la présence de réseaux électriques sous tensions dans l’emprise de l’OA Nord a impliqué, au regard de la date de dévoiement, et selon la décision des maître d’ouvrage et maître d’oeuvre présents en dépit des avertissements du groupement, de réaliser les travaux de forage de pieux en présence dudit réseau. Or l’accrochage du câble électrique lors de ces travaux a impliqué un arrêt du chantier d’une journée. Cet incident relève de la responsabilité du maître d’ouvrage. De plus, l’attente du procès-verbal de retrait de la ligne a généré des immobilisations matérielles et humaines relatives à la réalisation de la pile P1 du 6 au 22 octobre 2010 ;
– la réalisation des pistes d’accès aux piles P3 et P2 de l’OA Sud a connu un aléa géotechnique le 6 septembre 2010 du fait de la découverte de poches d’argile bleue sableuse décomprimée, non identifiées dans les rapports géotechniques du marché. Si les travaux de purge nécessaires ont été rémunérés, ils n’ont pas été pris en compte dans la computation du délai, qui aurait dû être prolongé ;
– de même, la découverte d’une circulation d’eau dans le thalweg a nécessité la mise en oeuvre d’une tranchée drainante non prévue avant la réalisation du remblai. Ces travaux, qui ont nécessité des moyens supplémentaires, n’ont pas davantage été pris en compte dans la computation du délai ;
– l’intervention de la SNCF a provoqué deux immobilisations des équipes. L’une en raison de la découverte d’un mur de soutènement pour lequel la SNCF a sollicité une note justificative complémentaire. L’autre, en raison d’une demande d’arrêt des travaux par la SNCF dans l’attente de la validation de la note de calcul de stabilité du coffrage par ses services. Ces immobilisations, qui ne lui sont pas imputables, n’ont fait l’objet ni de prorogation de délai ni de rémunération complémentaire ;
– l’intervention du contrôle extérieur Ginger a également provoqué une immobilisation des équipes. En effet, son intervention a été décalée de quatre jours en raison d’une panne de son matériel. Selon l’article 4.11.4 du CCTP, cette intervention aurait pu être effectuée dès le 27 octobre 2010, or elle n’a été réalisée que le 2 novembre suivant. Cette immobilisation n’a pas davantage fait l’objet de prorogation de délai et de rémunération complémentaire ;
– selon l’article 3.2 du CCAP, le prix comprend un jour d’intempéries par mois. Or, il y a eu 18 jours d’intempéries sur 4,25 mois sans que cela se traduise par une prorogation de délai, en méconnaissance de l’article 19.22 du CCAG travaux, ou une indemnisation alors que l’exigence du respect des délais a impliqué la mise en oeuvre de moyens supplémentaires. La fréquence élevée des intempéries sur une période très courte revêt le caractère de sujétions imprévues ;
– l’augmentation des indices de révision de prix du marché est très inférieure à l’augmentation réelle des cours de l’acier. Dans ce contexte, le décalage imposé de la date de notification du marché après la date mentionnée au DCE, avec le maintien du délai partiel des lançages des ouvrages, l’a obligée à acheter les aciers au moment où leurs cours étaient les plus élevés. Il était impossible d’anticiper une telle évolution des cours des aciers, entraînant une augmentation de 66,7% par rapport au prix des aciers prévu au marché après révision. Cette charge représente 7,8% du montant initial du marché. Toutes les conditions de l’imprévision sont donc satisfaites. Le montant de cette charge supplémentaire est de 466 638 euros hors taxes, y compris les frais généraux. L’indemnité d’imprévision peut couvrir une part substantielle du préjudice et le tribunal a pu retenir 57 % de sa demande ;
– des aménagements complémentaires ont été nécessaires au parfait achèvement des travaux et n’ont pas été rémunérés. Il s’agit de la fermeture de l’accès à la culée C2 de l’OA Nord avec deux portillons, la réparation du câble électrique arraché par l’entreprise Solétanche et les aciers spéciaux nécessaires aux reprises de bétonnage (coupleurs et boîtes d’attente). Pour la fermeture d’accès à la culée, la diminution des grilles de sécurité ne compense pas la plus-value de pose d’un portillon avec les grilles associées. L’arrachage du câble ne lui est pas imputable puisque le dévoiement du câble aurait dû être effectué antérieurement au forage. Le recours aux aciers spéciaux est la conséquence du calendrier contraint. Cela représente au total une dépense de 32 601,07 euros hors taxes ;
– s’agissant de la révision de prix, l’avenant n° 1 du 11 mars 2011, qu’elle a retourné signé, ne lui a pas été notifié et n’a donc pas été appliqué. Il convient donc de corriger la révision des prix en faisant application de cet avenant et de le corriger en intégrant certains prix nouveaux qui ont été omis. Contrairement à ce qu’a indiqué le tribunal, une modification par voie d’avenant de l’indice de révision est possible en cas d’erreur matérielle évidente, ce qui est présentement le cas. Cela représente un montant total de 13 600 euros hors taxes ;
– au regard des multiples aléas sus-évoqués, les conditions d’exécution des travaux ont différé de celles prévues dans l’offre du 19 mars 2010. Il résulte de l’article 19.1.3 du CCAG travaux que le maître d’ouvrage aurait dû soit décaler les dates de lançage soit accéder à sa demande de prise en compte des mesures d’accélération mises en oeuvre ;
– il convient de rémunérer les coûts supplémentaires de la main d’oeuvre d’exécution engagés en raison des sujétions imprévues auxquelles le groupement a été confronté. La réalisation des appuis a nécessité 8 410 heures dont 4 317 effectuées par ses soins, 3 050 effectuées par son sous-traitant la société SENDIN armatures, 58 effectuées par son prestataire, la société Mills, et 985 effectuées par son autre prestataire, la société APLM. Dans la mesure où 95 % des effectifs présents étaient affectés à la réalisation des appuis et où le marché prévoyait un nombre d’heures de 3 919,60, il y a eu un dépassement de 4 069,90 heures, ce qui selon le taux horaire appliqué représente une dépense de 140 818,54 euros hors taxes. Selon la jurisprudence, le droit à paiement direct du sous-traitant ne fait pas obstacle à ce que l’entrepreneur principal inclue dans un état d’acompte le montant des travaux sous-traités. Elle a d’ailleurs réglé directement les litiges avec les sociétés Sendin, Mills et APLM ;
– il convient également de rémunérer les coûts supplémentaires d’encadrement. En effet, la réduction des périodes de production a contraint le groupement à mettre en place des moyens d’accélération, ce qui a nécessité un renfort du personnel d’encadrement avec un directeur de travaux, un conducteur de travaux et un chef de chantier supplémentaires. Contrairement à ce que soutient le conseil départemental, les durées globales de mobilisation n’ont pas été diminuées mais ont été augmentées de 30%. Les heures des personnels d’encadrement ne sont pas comptabilisées puisqu’ils sont rémunérés forfaitairement. Il résulte des pièces produites que cette charge supplémentaire s’élève à 134 575 euros hors taxes. Si les noms des personnes ne correspondent pas à ceux mentionnés dans le schéma d’organisation du plan assurance qualité, ce qui n’est d’ailleurs pas exigé par le CCAG travaux, le personnel mobilisé correspond poste par poste aux fiches de salaires et deux personnes de plus ont été mobilisées par rapport à ce que prévoyait le schéma ;
– il convient d’indemniser les coûts des matériels de coffrage supplémentaires. Contrairement à ce qu’a estimé le tribunal, le choix du sous-traitant Bonna Sabla n’a pas été tardif mais a été contraint par la contraction du délai de pré-lançage, et le calendrier prévisionnel ne prévoyait pas de réalisation simultanée des semelles des ouvrages mais uniquement des semelles des piles. Cette réalisation simultanée a donc bien généré des frais supplémentaires. En effet, la géométrie était identique pour les culées et murs en retour, les semelles de pile et les tabliers. Les dépenses supplémentaires s’élèvent à la somme de 28 250 euros hors taxes correspondant non seulement aux achats de coffrage mais aussi au coût des études et vérifications requises ;
– il convient d’indemniser les coûts des matériaux de levage supplémentaires. Le prix relatif aux installations de chantier ne rémunère pas la location des moyens de levage. Les modifications du calendrier d’exécution, notamment les arrêts de chantier et les imprévus précédemment mentionnés, ont modifié le phasage et ont impliqué la mise à disposition à temps plein de deux grues de 35 tonnes utilisées pendant 105 jours. En outre, le dévoiement imprévu et tardif de la ligne ERDF sur l’OA sud a nécessité l’utilisation d’une grue d’une capacité de 200 tonnes au lieu de celle de 140 tonnes envisagée dans l’offre. La durée de réalisation individuelle des trois tranches n’a pas été réduite. Le montant des coûts supplémentaires s’élève donc à 22 870 euros hors taxes ;
– il convient d’indemniser le transfert supplémentaire de la foreuse de pieux sur l’OA Sud, qui a été requis en raison du dévoiement tardif de la ligne ERDF. Le démontage et le transfert représentent un coût de 13 972,80 euros hors taxes. Cette dépense doit être réglée dans la mesure où, conformément à l’engagement du groupement, elle n’a pas généré de plus value par rapport à la solution initiale prévue au marché ;
– conformément à l’article 10.1 du CCAG travaux, les prix unitaires du marché sont constitués d’un pourcentage de frais généraux (14,1%), d’un pourcentage d’assurances (0,8%) et d’un pourcentage de bénéfices (1,5%) qu’il y a donc lieu d’appliquer aux sommes supplémentaires réclamées.

Par ordonnance du 29 août 2016, la clôture de l’instruction a été fixée en dernier lieu au 27 octobre 2016 à 12 heures.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :
– le code des marchés publics en vigueur avant le 1er avril 2016 ;
– la loi n° 75-1334 du 31 décembre 1975 ;
– le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique :
– le rapport de M. Paul-André Braud,
– les conclusions de M. Nicolas Normand, rapporteur public,
– et les observations de MeA…, représentant le département des Landes et de MeB…, représentant la société Eiffage TP SO.

Considérant ce qui suit :

1. Par un acte d’engagement du 17 juin 2010, le département des Landes a confié à un groupement d’entreprises solidaires, dont la société Eiffage TP SO était le mandataire, un marché de travaux portant sur la réalisation de deux ouvrages d’art, OA Sud et OA Nord, d’un ouvrage annexe dans le prolongement de OA Sud et la réhabilitation d’une ancienne décharge dans le cadre de l’opération de franchissement routier Est de l’agglomération dacquoise. Ces travaux ont été réceptionnés, après levée des réserves, le 8 décembre 2011. Le décompte général du marché a été notifié au groupement le 13 juillet 2012. La société Eiffage TP SO, en sa qualité de mandataire du groupement, a adressé au conseil général des Landes, en sa qualité de maître d’ouvrage, un mémoire en réclamation le 29 août 2012. A la suite du rejet de cette réclamation, le groupement a saisi le comité consultatif interrégional du règlement amiable des litiges relatifs aux marchés publics (CCIRA) de Bordeaux. Par un avis du 25 septembre 2013, ce comité a proposé d’allouer au groupement une indemnité de 342 358,19 euros hors taxes. Le département des Landes ayant refusé de suivre cet avis, la société Eiffage TP SO a saisi le tribunal administratif de Pau afin d’obtenir la condamnation du département des Landes à lui verser, en sa qualité de mandataire du groupement, une indemnité totale de 1 189 941, 59 euros toutes taxes comprises assortie des intérêts moratoires à compter du 29 août 2012. Le département des Landes relève appel du jugement du tribunal administratif de Pau en date du 7 mai 2015 le condamnant à verser à la société Eiffage TP SO une indemnité de 435 669 euros toutes taxes comprises, assortie des intérêts moratoires à compter du 29 août 2012. Par la voie de l’appel incident, la société Eiffage Génie Civil (GC) SO, qui vient aux droits de la société Eiffage TP SO, sollicite la réformation de ce jugement en tant qu’il ne lui a pas accordé l’intégralité de l’indemnité sollicitée.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Aux termes de l’article R. 611-1 du code de justice administrative :  » La requête et les mémoires, ainsi que les pièces produites par les parties, sont déposés ou adressés au greffe. / La requête, le mémoire complémentaire annoncé dans la requête et le premier mémoire de chaque défendeur sont communiqués aux parties avec les pièces jointes dans les conditions prévues aux articles R. 611-3, R. 611-5 et R. 611-6. / Les répliques, autres mémoires et pièces sont communiqués s’ils contiennent des éléments nouveaux. » Aux termes de l’article R. 613-2 de ce code dans sa rédaction alors en vigueur :  » Les mémoires produits après la clôture de l’instruction ne donnent pas lieu à communication et ne sont pas examinés par la juridiction (…) « . Aux termes de l’article R. 613-4 dudit code :  » Le président de la formation de jugement peut rouvrir l’instruction par une décision qui n’est pas motivée et ne peut faire l’objet d’aucun recours. (…) / La réouverture de l’instruction peut également résulter d’un jugement ou d’une mesure d’investigation ordonnant un supplément d’instruction. / Les mémoires qui auraient été produits pendant la période comprise entre la clôture et la réouverture de l’instruction sont communiqués aux parties.  » Il résulte de ces dispositions que lorsqu’il décide de soumettre au contradictoire une production de l’une des parties après la clôture de l’instruction, le président de la formation de jugement du tribunal administratif ou de la cour administrative d’appel doit être regardé comme ayant rouvert l’instruction.

3. Il résulte de l’instruction que la clôture de l’instruction avait été fixée en dernier lieu au 26 janvier 2015 à midi par une ordonnance du 26 décembre 2014. Cependant, postérieurement à cette clôture, le greffe du tribunal administratif de Pau a communiqué au département des Landes le mémoire en réplique n° 2 de la société Eiffage TP SO. Il résulte de ce qui a été énoncé au point 2 que cette communication a eu pour effet de rouvrir l’instruction. Par suite, en s’abstenant de communiquer le mémoire du département des Landes enregistré au greffe du tribunal administratif de Pau le 26 février 2015 alors que celui contenait un élément nouveau, en l’occurrence, une fin de non-recevoir tirée de l’irrecevabilité de la demande indemnitaire afférente aux coûts supplémentaires de main d’oeuvre d’exécution et de personnels d’encadrement en l’absence de qualité pour agir de la société Eiffage TP SO pour le compte des entreprises qui ont été ses prestataires et son sous-traitant pour l’exécution de ce marché, le tribunal a méconnu les dispositions de l’article R. 611-1 du code de justice administrative. Dès lors, en s’abstenant de répondre à cette fin de non-recevoir alors que le jugement a accueilli partiellement la demande de la société Eiffage TP SO, les premiers juges ont, comme le soutient le département des Landes, entaché leur jugement d’une omission à statuer.

4. L’omission à statuer invoquée ne concernant que les conclusions indemnitaires relatives aux coûts supplémentaires de main d’oeuvre d’exécution et de personnels d’encadrement, le jugement attaqué doit être annulé en tant qu’il a statué sur ces conclusions. Il y a donc lieu de se prononcer sur ces conclusions par la voie de l’évocation et de statuer par l’effet dévolutif de l’appel sur les autres conclusions présentées par la société Eiffage TP SO devant le tribunal administratif de Pau.

Sur l’appel principal du département des Landes :

5. Pour condamner le département à verser à la société Eiffage une somme de 435 669 euros toutes taxes comprises, le tribunal a retenu l’indemnisation de sujétions imprévues tenant d’une part, à des surcoûts de main d’oeuvre d’exécution en lien avec des interruptions du chantier pour une somme de 89 169,44 euros hors taxes, d’autre part, à l’emploi de grues de levage d’une capacité non prévue au marché à la suite du dévoiement tardif par ERDF d’une ligne électrique qui n’avait pas été anticipé lors de la préparation du marché pour 7 710 euros hors taxes, et enfin de la hausse imprévisible des prix de l’acier pour 267 392,30 euros hors taxes. Il a rejeté l’ensemble des autres demandes de la société.

6. Aux termes de l’article 20 du code des marchés publics alors applicable :  » En cas de sujétions techniques imprévues ne résultant pas du fait des parties, un avenant ou une décision de poursuivre peut intervenir quel que soit le montant de la modification en résultant (…) « . Ne peuvent être indemnisées au titre des sujétions techniques imprévues que les difficultés matérielles rencontrées lors de l’exécution du marché présentant un caractère exceptionnel, lorsqu’elles étaient imprévisibles lors de la conclusion du contrat et lorsque leur cause était extérieure aux parties. En outre, pour les marchés à forfait, n’ouvrent droit à indemnisation que les sujétions techniques imprévues ayant eu pour effet de bouleverser l’économie du contrat.

En ce qui concerne les surcoûts liés à la hausse des prix des aciers :

7. L’augmentation du coût des aciers après la notification différée du marché a constitué un aléa du contrat qui doit rester à la charge du cocontractant et ne peut dès lors motiver l’allocation d’une indemnité au titre de l’imprévision que si, nonobstant l’application de la clause de révision des prix, l’économie du marché s’est trouvée bouleversée. Or si l’augmentation du coût des aciers a été significative, et n’avait que très partiellement influencé l’indice de révision du prix du contrat, ce que la société ne pouvait ignorer, elle représente un surcoût estimé par la société Eiffage à 466 638 euros hors taxes pour un marché, après signature de l’avenant n°1, de 6 267 415 euros hors taxes, soit 7,4 % du montant du marché. Le département des Landes est, dans ces conditions, fondé à soutenir que c’est à tort que les premiers juges ont regardé ce surcoût comme ayant bouleversé l’économie du marché.

En ce qui concerne les coûts supplémentaires de la main d’oeuvre d’exécution :

8. Il résulte de l’instruction que selon l’offre du groupement, la réalisation des appuis nécessitait 3 919,60 heures de main d’oeuvre. Or la société Eiffage a fait valoir qu’en raison des sujétions imprévues auxquelles a été confronté le groupement, la réalisation des appuis a nécessité 8 410 heures de main d’oeuvre, dont 4 317 heures effectuées par la société Eiffage GC SO, 3 050 heures effectuées par la société Sendin Armatures, sous-traitant de la société Eiffage GC SO, 58 heures effectuées par la société Mills, prestataire de la société Eiffage GC SO pour les échafaudages et 985 heures effectuées par la société APLM, prestataire de la société Eiffage GC SO pour la conduite des grues. Si le département des Landes soutient que la société Eiffage ne justifie pas d’un mandat ou d’une subrogation dans les droits de son sous-traitant et de ses prestataires, ce n’est au contraire que dans l’hypothèse d’un paiement direct du sous-traitant que l’entrepreneur principal ne peut réclamer le montant de la prestation du sous-traitant. De même, en l’absence de droit au paiement direct des prestataires de l’entrepreneur principal, ce dernier peut solliciter le règlement des charges exposées pour l’exécution du marché, lesquelles peuvent inclure les sommes versées à ses prestataires, lorsqu’elles correspondent à des charges comptabilisées dans l’offre ou à des charges qui ont dû être engagées en raison de sujétions techniques imprévues. Dès lors, en l’absence de droit au paiement direct pour la société Sendin Armatures au titre de travaux non inclus dans le montant agréé, la société Eiffage GC SO est fondée à solliciter le règlement des coûts supplémentaires de main d’oeuvre d’exécution exposés par son sous-traitant et ses prestataires, sous réserve que ceux-ci soient dûment justifiés et qu’ils relèvent effectivement de sujétions techniques imprévues.

9. La société Eiffage GC SO soutient que les 4 490,40 heures supplémentaires effectuées, justifiées, contrairement à ce que soutient le département, par les journaux de chantier et les fiches de pointage chantier, résultent des sujétions techniques imprévues auxquelles le groupement a été confronté lors de l’exécution du marché. Elle invoque notamment à ce titre la réalisation partielle de la culée C0 depuis le pied de la plateforme de lançage, les intempéries exceptionnelles et les immobilisations des équipes et matériaux liés à ERDF sur l’OA Nord, à la SNCF, et à l’intervention décalée du contrôle extérieur. Ces sujétions ont réduit  » les temps productifs  » et ont désorganisé l’ordonnancement des tâches, impliquant que le groupement mette en oeuvre des moyens supplémentaires afin de respecter l’échéance prévue par le marché, soit le lancement des tabliers au-dessus des voies en janvier 2011 comme négocié deux ans à l’avance avec la SNCF. Il résulte de l’instruction, et notamment de l’avis émis par le CCIRA de Bordeaux le 25 septembre 2013, que si la géométrie des appuis est restée identique sur l’OA Nord et si celle de l’OA Sud a été optimisée, le travail à réaliser est demeuré identique à celui prévu par le marché. Cependant, les arrêts de chantiers imprévisibles du 22 au 28 octobre 2010 lié au dévoiement d’une ligne électrique par ERDF et du 26 octobre au 2 novembre 2010 lié aux vérifications d’un mur de soutènement à la demande de la SNCF ont effectivement perturbé le bon déroulement du chantier et ouvrent droit à indemnisation à due concurrence de la durée d’interruption du chantier, soit 13,5 jours d’immobilisation, ce qui représente un coût supplémentaire de 40 711,57 euros hors taxes de personnel d’exécution et de 36 675,28 euros hors taxes de personnel d’encadrement. Par ailleurs, il résulte de l’instruction que le décalage de quatre jours de l’intervention du contrôle extérieur de l’appui P1 de l’OA Sud en raison de sondes cassées présente les caractéristiques d’une sujétion technique imprévue et a provoqué, selon le courrier du 28 octobre 2010, l’immobilisation de l’équipe génie civil semelle composée de onze personnes. Eu égard à la durée de l’immobilisation, au volume horaire moyen de ces effectifs de 9 heures par jour et à leur rémunération de 34,60 euros par heure, cette immobilisation se traduit par un coût supplémentaire en main d’oeuvre de 13 701,60 euros hors taxes. Ainsi, l’indemnité due s’élève à la somme de 91 088, 45 euros hors taxes.

En ce qui concerne les coûts des matériaux de levage supplémentaires :

10. La société Eiffage GC SO soutient que pour la réalisation des appuis, elle avait prévu l’utilisation d’une grue de 35 tonnes pendant 82 jours et d’une grue de 140 tonnes pendant 16 jours. En raison des arrêts de chantier et des difficultés auxquelles le groupement a été confronté, la réalisation des appuis a nécessité l’utilisation d’une grue de 35 tonnes pendant 105 jours, d’une grue de 80 tonnes pendant 3 jours, d’une grue de 140 tonnes pendant 18 jours et d’une grue de 200 tonnes pendant 2 jours. Il résulte du bordereau des prix unitaires, et notamment des rubriques 1010 et 10 010, que le prix rémunère forfaitairement les frais d’installation de chantier, lesquels comprennent  » tout moyen de levage et notamment les grues fixes ou mobiles « . Dans ces conditions, il n’y a lieu d’indemniser que l’utilisation des grues non prévues au marché à raison des arrêts de chantier qualifiés de sujétions techniques imprévues au point 9, surcoût dont il n’est pas établi qu’il aurait été compensé par les modalités de rémunération des autres engins de levage incluses dans les prix. Par conséquent, le département des Landes n’est pas fondé à soutenir que c’est à tort que le tribunal a indemnisé l’utilisation des grues de 80 tonnes et de 200 tonnes, qui est imputable au dévoiement tardif de la ligne ERDF et qui représente un coût supplémentaire de 7 710 euros hors taxes.

Sur l’appel incident de la société Eiffage :

En ce qui concerne les coûts supplémentaires du personnel d’encadrement du marché :

11. La société Eiffage GC SO soutient qu’en raison des évènements énoncés au point 9, l’exécution du marché a nécessité de renforcer le personnel d’encadrement du marché en y affectant un directeur de travaux à temps plein (au lieu de 25% prévu) pendant 7 mois, ainsi qu’ un conducteur de travaux et un chef de chantier supplémentaires pendant respectivement 4 et 5 mois. Cependant, ce personnel supplémentaire n’a été requis que pendant les phases de préparation et de réalisation des appuis, et le groupement a exécuté le marché, y compris les tranches conditionnelles affermies, en réduisant de 4 mois le délai global de 17 mois initialement prévu. Si, comme le soutient à juste titre la société Eiffage GC SO, notamment au regard des feuilles de pointage et des bulletins de paie produits, ces dépenses supplémentaires n’ont été que partiellement compensées par la réduction du délai global des travaux de génie civil de la tranche ferme, seule une partie des évènements invoqués par la société Eiffage GC SO peut être qualifiée de sujétions techniques ouvrant droit à indemnisation. Dans ces conditions, et au regard des pièces jointes à l’instruction, il y a lieu de considérer que les seules dépenses supplémentaires de personnel d’encadrement du marché résultant des évènements qualifiés de sujétions techniques imprévues ont été intégralement compensées par la réduction du délai global du marché de quatre mois.

En ce qui concerne les coûts supplémentaires de matériels de coffrage :

12. La société Eiffage GC SO soutient que les délais de réalisation des appuis ayant été réduits en raison des difficultés auxquelles a été confronté le groupement sans pouvoir différer la date à laquelle devait être lancé le franchissement des voies, sous peine de pénalités de retard de 400 000 euros, il a fallu doubler les matériaux de coffrage traditionnel pour l’exécution conjointe des deux appuis Nord et Sud , modifier les matériaux par rapport à ceux prévus dans l’offre pour permettre une réalisation plus rapide et acheter un moule de préfabrication complémentaire pour accélérer la fabrication des dalles des tabliers. Il résulte de l’instruction, et notamment des calendriers prévisionnels du 19 mars 2010, joint à l’offre du groupement, et du 28 mai 2010, antérieur à la signature de l’acte d’engagement, que globalement la réalisation des appuis des deux ouvrages d’art était déjà concomitante. Si, comme le soutient la société Eiffage GC SO, les phases de réalisation des culées n’étaient pas simultanées, il résulte cependant du bordereau des prix unitaires que les matériaux de coffrage des deux ouvrages ont été enregistrés selon des séries de prix distinctes et que, selon les articles 1.4 et 1.5 du cahier des clauses techniques particulières, la géométrie des piles et des culées des deux ouvrages diffère, de sorte que les deux ouvrages nécessitaient, dès la signature du marché, des matériaux distincts. En outre, s’il est soutenu qu’il a fallu recourir à un coffrage spécifique non prévu dans le marché pour aller plus vite, il n’est pas établi qu’un tel coffrage était effectivement requis. Par ailleurs, s’agissant de l’acquisition d’un moule de préfabrication supplémentaire, elle n’a été requise qu’en raison du retard d’un mois du sous-traitant dans le démarrage de la production des dalles. Si la société Eiffage GC SO soutient que ce retard est exclusivement imputable à la contraction du délai de pré-lançage, elle n’établit nullement ce lien alors que l’opération de production des dalles est indépendante des opérations réalisées sur le chantier.

En ce qui concerne le transfert supplémentaire de la foreuse de pieux sur l’OA Sud :
13. La société Eiffage GC SO soutient que le dévoiement tardif de la ligne électrique ERDF sur la culée C0 a rendu nécessaire un démontage/transfert supplémentaire de la foreuse de pieux sur l’OA Sud. A supposer même que, comme le soutient la société Eiffage GC SO, le calendrier initial ne nécessitait qu’un seul transfert de matériel de forage, il résulte des rubriques n° 2121, 11 061 et 21 061 du bordereau de prix unitaires que le marché rémunère forfaitairement les frais d’amenée, d’installation, de déplacements et de repliements de l’atelier de forage. Dès lors, quand bien même ce transfert supplémentaire résulterait de sujétions techniques imprévues, il n’est ni établi ni même allégué que ce transfert, dont le coût est évalué à la somme de 13 972,80 euros hors taxes, ait bouleversé l’économie du marché dont le montant s’élève à 6 267 415 euros hors taxes. Par suite, cette dépense ne peut ouvrir droit à indemnisation.

En ce qui concerne les prix nouveaux :

14. La société Eiffage GC SO soutient que le groupement a dû réaliser des travaux complémentaires nécessaires à la bonne exécution du marché qui n’ont pas été rémunérés. Il en va ainsi de la fermeture de l’accès à la culée C2 de l’OA Nord à l’aide de deux portillons dont le prix total est de 1 000 euros hors taxes. Il résulte de l’instruction, et notamment de l’avis émis par le comité consultatif interrégional de règlement amiable des litiges relatifs aux marchés publics de Bordeaux, que cette dépense supplémentaire a été compensée par la réduction de 4, 44 m² de la surface des grilles représentant une économie de 2 595 euros hors taxes. Si la société Eiffage GC SO conteste cette compensation, elle ne produit aucun élément permettant de contredire ce calcul. Dès lors, cette prestation ne saurait ouvrir droit à indemnisation.

15. La société Eiffage GC SO sollicite également l’indemnisation des travaux de réparation réalisés à la suite de l’arrachage d’un câble électrique en raison du non dévoiement du réseau ERDF sous l’appui P1 avant le début des travaux. Il résulte de l’instruction que sur les plans transmis par ERDF la ligne électrique en cause apparaissait comme étant aérienne, et ce n’est que le 17 septembre 2010 qu’il a été constaté que cette ligne était en réalité enterrée. Dans l’attente des travaux de dévoiement de la ligne, ERDF a donné son accord pour réaliser les pieux à une distance de 1,50 mètre de la ligne. Si à cette occasion un câble a été arraché, le marché n’avait pas fait mention de cette difficulté qui présente un caractère imprévisible et est extérieure aux parties. Si le département des Landes soutient que le sous-traitant du groupement n’a pas respecté les recommandations d’ERDF, cette allégation n’est pas établie. Par suite, il y a lieu d’accorder une indemnité correspondant au montant desdits travaux, soit la somme de 3 248 euros hors taxes.

16. La société Eiffage GC SO soutient enfin qu’en raison des aléas auxquels a été confronté le groupement, il a fallu modifier les méthodes d’exécution et ainsi recourir à des coupleurs et des boîtes d’attente dans des aciers spéciaux non prévus au marché mais nécessaires aux reprises de bétonnage. Cependant, et alors que le département des Landes soutient qu’il s’agit d’un simple  » choix constructif « , l’instruction ne permet pas d’établir que la nécessité du recours à ces aciers spéciaux résulte des sujétions imprévues auxquelles a été confronté le groupement. Par suite, cette dépense non prévue au marché ne saurait être indemnisée.

En ce qui concerne la révision des prix :

17. L’article 3.3 du cahier des clauses administratives particulières stipule que les prix sont révisables en appliquant les index nationaux des travaux publics TP.02, TP.03, TP.09 et TP.13 et recense l’ensemble des rubriques de prix du bordereau de prix unitaires concernées par chacun de ces indices. La société Eiffage GC SO soutient que les listes des rubriques concernées par chaque indice sont entachées d’erreurs et qu’elle avait donc sollicité une rectification en ce sens. Cependant le projet d’avenant y afférent n’a pas été signé par le maître d’ouvrage. Dès lors, en l’absence de stipulations en ce sens dans le marché, la société Eiffage GC SO ne peut solliciter l’application de ces rectifications au seul motif qu’elles corrigeraient des erreurs de plume.

18. Il résulte de tout ce qui précède que le département des Landes est fondé à solliciter la réduction de l’indemnité mise à sa charge par le jugement attaqué à la somme de 102 046,45 euros hors taxes. Il y a lieu d’appliquer à cette somme une taxe sur la valeur ajoutée au taux de 19,6% applicable à la date de réalisation des travaux, soit 20 001,10 euros, ce qui porte à 122 047, 55 euros le montant à verser à la société Eiffage. L’appel incident de celle-ci doit donc être rejeté.

Sur les intérêts :

19. La société Eiffage GC SO a droit aux intérêts moratoires prévus dans les conditions fixées par le code des marchés publics sur la somme de 122 047, 55 euros à compter du 29 août 2012, date de notification de son mémoire en réclamation.

Sur les frais exposés par les parties à l’occasion du litige :

20. Il n’y a pas lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge de la société Eiffage GC SO la somme que le département des Landes demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la somme demandée à ce titre et au titre du droit de timbre par la société Eiffage GC SO soit mise à la charge du département des Landes, qui n’est pas la partie perdante dans la présente instance.
DECIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Pau en date du 7 mai 2015 est annulé en tant qu’il a statué sur les conclusions indemnitaires afférentes aux coûts supplémentaires de main d’oeuvre d’exécution et de personnels d’encadrement.
Article 2 : L’indemnité que le département des Landes a été condamné à verser à la société Eiffage est ramenée de 435 669 euros à 122 047,55 euros toutes taxes comprises, augmentée des intérêts moratoires à compter du 29 août 2012.
Article 3 : Le jugement du tribunal administratif de Pau en date du 7 mai 2015 est réformé en ce qu’il a de contraire au présent arrêt.
Article 4 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié au département des Landes et à la Société Eiffage GC SO.
Délibéré après l’audience du 15 mars 2018 à laquelle siégeaient :
Mme Catherine Girault, président,
M. Jean-Claude Pauziès, président-assesseur,
M. Paul-André Braud, premier conseiller,
Lu en audience publique, le 26 avril 2018

Le rapporteur,
Paul-André BRAUD
Le président,
Catherine GIRAULTLe greffier,
Virginie MARTY
La République mande et ordonne au préfet des Landes en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution du présent arrêt.

13
N° 15BX02295

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