CAA de LYON
N° 17LY03895
Inédit au recueil Lebon
2ème chambre – formation à 3
M. BOURRACHOT, président
Mme Emmanuelle TERRADE, rapporteur
M. VALLECCHIA, rapporteur public
ARBOR TOURNOUD PIGNIER WOLF, avocat
lecture du mardi 20 novembre 2018
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Texte intégral
Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
M. C… A… a demandé au tribunal administratif de Grenoble de prononcer la décharge de l’obligation de payer la somme de 85 376,72 euros procédant de la mise en demeure de payer notifiée le 21 janvier 2015, relative aux cotisations supplémentaires d’impôt sur le revenu et contributions sociales laissées à sa charge après dégrèvements partiels au titre des années 1999, 2000 et 2001 et mises en recouvrement le 30 juin 2003, ainsi que la décharge de l’obligation de payer la somme de 85 376,72 euros procédant de l’avis à tiers détenteur notifié le 2 février 2015, relative aux mêmes cotisations supplémentaires d’impôt sur le revenu et contributions sociales laissées à sa charge.
Par un jugement joint n° 1502593-1502818 du 30 octobre 2017, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté ses demandes.
Procédure devant la cour
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 15 novembre 2017 et le 24 janvier 2018, M. A…, représenté par MeE…, demande à la cour :
1°) d’annuler ce jugement du 30 octobre 2017 du tribunal administratif de Grenoble ;
2°) de prononcer la décharge ou la réduction de l’obligation de payer une somme de 85 376 euros procédant de la mise en demeure de payer du 21 janvier 2015 et à défaut la réduction de cette obligation de payer au quantum de la réclamation préalable limité aux bases d’impositions contestées consécutives à la mise en oeuvre du droit de communication par l’administration fiscale que la demande de sursis de paiement ne peut excéder ;
3°) de mettre à la charge de l’Etat une somme de 3 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient :
– à titre principal, que la réclamation contentieuse qu’il a présentée le 11 janvier 2013 à l’encontre des cotisations supplémentaires d’impôt sur le revenu et des suppléments de contributions sociales étant tardive au regard des articles R. 196-1 et R. 196-3 du livre des procédures fiscales, elle n’a pu, de ce fait, suspendre l’exigibilité des impositions contestées, en sorte que toute action en recouvrement de ces impositions était, par suite, en application de l’article L. 274 du livre des procédures fiscales, prescrite à la date à laquelle l’administration fiscale a édicté les commandements de payer litigieux ;
– à titre subsidiaire, que le quantum de sa réclamation préalable était limité aux bases d’impositions consécutives à la mise en oeuvre du droit de communication de l’administration auprès de l’autorité judiciaire ; l’administration fiscale ne peut se prévaloir de ses propres errements en ce qui concerne l’application de la loi.
Par des mémoires en défense, enregistrés le 18 janvier 2018 et le 1er février 2018, le ministre de l’action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.
Le ministre expose qu’aucun des moyens soulevés par M. A… à l’encontre des actes litigieux n’est fondé.
Vu :
– les autres pièces du dossier ;
Vu :
– le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
– le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l’audience ;
Après avoir entendu au cours de l’audience publique :
– le rapport de Mme D…, première conseillère,
– les conclusions de M. Vallecchia, rapporteur public,
– et les observations de Me B…, représentant M. A… ;
Vu la note en délibéré, enregistrée le 25 octobre 2018, présentée par M. A… ;
Considérant ce qui suit :
1. En vue du recouvrement des cotisations supplémentaires d’impôt sur le revenu et de contributions sociales notifiées par l’administration fiscale à l’issue de deux examens de sa situation fiscale personnelle au titre respectivement des années 1999 et 2000 et de l’année 2001, mises en recouvrement le 30 juin 2003, M. A… a été rendu destinataire le 21 janvier 2015 d’une mise en demeure de payer les impositions restées à sa charge après le prononcé de dégrèvements partiels des contributions sociales des années 2000 et 2001. Le 2 février 2015, il a été rendu destinataire d’un avis à tiers détenteur pour le recouvrement de ces mêmes impositions. Son opposition à la poursuite du 13 février 2015 a fait l’objet d’une décision de rejet de l’administration fiscale le 24 mars 2015 que le contribuable a contesté devant le juge de l’impôt par deux requêtes que le tribunal administratif de Grenoble a joint pour y statuer par un seul jugement. Par jugement lu le 30 octobre 2017 dont M. A… relève appel, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté ses demandes tendant à la décharge ou la réduction de l’obligation de payer les sommes dues.
Sur les conclusions aux fins de décharge de l’obligation de payer :
En ce qui concerne l’application de la loi fiscale :
2. Aux termes de l’article L. 275 du livre des procédures fiscales : » La notification d’un avis de mise en recouvrement interrompt la prescription courant contre l’administration et y substitue la prescription quadriennale. Le délai de quatre ans mentionné au premier alinéa est interrompu dans les conditions indiquées à l’article L. 274 « . Aux termes de l’article L. 274 du même livre : » Les comptables du Trésor qui n’ont fait aucune poursuite contre un contribuable retardataire pendant quatre années consécutives, à partir du jour de la mise en recouvrement du rôle, perdent leur recours et sont déchus de tous droits et de toute action contre ce redevable. / Le délai de quatre ans mentionné au premier alinéa, par lequel se prescrit l’action en vue du recouvrement, est interrompu par tous actes comportant reconnaissance de la part des contribuables et par tous autres actes interruptifs de la prescription « . Aux termes de l’article L. 277 de ce même livre, dans sa version alors applicable : » Le contribuable qui conteste le bien-fondé ou le montant des impositions mises à sa charge peut, s’il en a expressément formulé la demande dans sa réclamation et précisé le montant ou les bases du dégrèvement auquel il estime avoir droit, être autorisé à différer le paiement de la partie contestée de ces impositions et des pénalités y afférentes. Le sursis de paiement ne peut être refusé au contribuable que s’il n’a pas constitué auprès du comptable les garanties propres à assurer le recouvrement de la créance du Trésor (…). « . Aux termes de l’article L. 278 du livre des procédures fiscales : » En cas de contestation par un tiers auprès du tribunal administratif du permis de construire ou de la non-opposition à la déclaration préalable, le paiement des impositions afférentes à cette autorisation est différé, sur demande expresse de son bénéficiaire, jusqu’au prononcé d’une décision juridictionnelle devenue définitive. A l’appui de sa demande, le bénéficiaire de cette autorisation doit constituer auprès du comptable les garanties prévues à l’article L. 277. La prescription de l’action en recouvrement est suspendue jusqu’au prononcé de la décision définitive. « . Le prononcé d’une décision juridictionnelle devenue définitive met fin au sursis de paiement. Le bénéfice du sursis de paiement prévu à l’article L. 277 du livre des procédures fiscales n’est ouvert, dans certaines conditions, qu’aux contribuables qui en font la demande à l’occasion d’une réclamation présentée régulièrement, notamment, dans le délai légal.
3. Aux termes de l’article 9 du décret du 28 novembre 1983 désormais codifié à l’article R. 421-5 du code de justice administrative : » Les délais de recours ne sont opposables qu’à la condition d’avoir été mentionnés, ainsi que les voies de recours, dans la notification de la décision. « . L’article R. 190-1 du livre des procédures fiscales dispose que : » Le contribuable qui désire contester tout ou partie d’un impôt qui le concerne doit d’abord adresser une réclamation au service territorial, selon le cas, de la direction générale des finances publiques ou de la direction générale des douanes et droits indirects dont dépend le lieu de l’imposition. « . Aux termes de l’article R*196-1 du livre des procédures fiscales : » Pour être recevables, les réclamations relatives aux impôts autres que les impôts directs locaux et les taxes annexes à ces impôts, doivent être présentées à l’administration au plus tard le 31 décembre de la deuxième année suivant celle, selon le cas : a) De la mise en recouvrement du rôle ou de la notification d’un avis de mise en recouvrement ; (…) « . Aux termes de l’article R*196-3 du même livre : » Dans le cas où un contribuable fait l’objet d’une procédure de reprise ou de rectification de la part de l’administration des impôts, il dispose d’un délai égal à celui de l’administration pour présenter ses propres réclamations. « .
4. Il résulte de ce qui précède que l’absence de mention sur l’avis d’imposition que l’administration adresse au contribuable de l’existence et du caractère obligatoire de la réclamation contre les impositions prévue à l’article R. 190-1 du livre des procédures fiscales, ainsi que des délais dans lesquels le contribuable doit exercer cette réclamation, est de nature à faire obstacle à ce que les délais prévus par les articles R*196-1 et R*196-3 du livre des procédures fiscales soient opposables au contribuable.
5. M. A… soutient, à titre principal, qu’à la date d’édiction des commandements de payer contestés, les 21 janvier et 2 février 2015, l’action en recouvrement du comptable public était prescrite en application des dispositions de l’article L. 274 du livre des procédures fiscales. Il fait valoir que sa réclamation préalable présentée le 11 janvier 2013 à l’encontre des impositions et des pénalités mises en recouvrement par un avis du 30 juin 2003 était tardive au regard des articles R*196-1 et R*196-3 du livre des procédures fiscales et, par suite, irrecevable. Dans ces conditions, le contribuable estime que la demande de sursis de paiement présentée en application de l’article L. 277 du livre des procédures fiscales dont sa réclamation était assortie n’a pu valablement interrompre le délai de prescription quadriennale de l’action en recouvrement des impositions objets des avis d’imposition du 30 juin 2003. Il résulte, toutefois, de l’instruction ainsi d’ailleurs que le contribuable l’a fait valoir au soutien de sa réclamation, que les avis d’imposition du 30 juin 2003 ne comportaient pas la mention du délai ouvert aux contribuables vérifiés par l’article R*196-3 du livre des procédures fiscales pour présenter une réclamation. Cette circonstance était de nature à rendre inopposable les délais prévus par les articles R*196-1 et R*196-3 du livre des procédures fiscales, en sorte que la demande de sursis de paiement assortissant sa réclamation présentée régulièrement, a valablement interrompu le délai de prescription du recouvrement des impositions en litige. Par suite, le moyen tiré de la prescription de l’action en recouvrement doit être écarté.
En ce qui concerne l’interprétation de la loi fiscale :
6. Aux termes de l’article L. 80 A du livre des procédures fiscales : » Il ne sera procédé à aucun rehaussement d’impositions antérieures si la cause du rehaussement poursuivi par l’administration est un différend sur l’interprétation par le redevable de bonne foi du texte fiscal et s’il est démontré que l’interprétation sur laquelle est fondée la première décision a été, à l’époque, formellement admise par l’administration. » Aux termes de l’article L. 80 B du même livre : » La garantie prévue au premier alinéa de l’article L. 80 A est applicable : / 1° Lorsque l’administration a formellement pris position sur l’appréciation d’une situation de fait au regard d’un texte fiscal « .
7. Il n’existe pas, en contentieux fiscal, une règle générale de procédure en vertu de laquelle une partie ne pourrait, après avoir adopté une position claire ou un comportement non ambigu sur sa future conduite à l’égard de l’autre partie, modifier ultérieurement cette position ou ce comportement d’une façon qui affecte les rapports de droit entre les parties et conduise l’autre partie à modifier à son tour sa position ou son comportement.
8. En considérant à tort comme tardive et, par suite, irrecevable la réclamation préalable présentée par M. A… dans le cadre de la procédure contentieuse, l’administration fiscale n’a pas formellement pris position sur l’appréciation d’une situation de fait au regard d’un texte fiscal, invocable sur le fondement des dispositions de l’article L. 80 B du livre des procédures fiscales.
Sur le quantum des impositions dues :
9. M. A… soutient que le quantum de sa réclamation préalable était limité aux bases d’impositions consécutives à la mise en oeuvre du droit de communication de l’administration auprès de l’autorité judiciaire. Il résulte de l’instruction que sa réclamation vise l’ensemble des impositions mises en recouvrement par les avis du 30 juin 2003. La circonstance que les moyens soulevés par le contribuable dans sa réclamation ne visaient que certaines des impositions mises en recouvrement par les avis d’imposition litigieux est sans incidence sur l’étendue du litige et le quantum des impositions contestées, concernées par la demande de sursis de paiement. La demande de sursis de paiement a donc valablement interrompue le délai de prescription de l’action en recouvrement de l’ensemble des impositions restées à sa charge. Par suite, les actes de poursuite litigieux n’ont pas excédé le quantum des impositions restant dues ayant fait l’objet d’un acte interruptif de prescription de l’action en recouvrement.
10. Il résulte de ce qui précède que M A… n’est pas fondé à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions tendant à l’application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. A… est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C… A…et au ministre de l’action et des comptes publics. Copie en sera adressée au directeur du contrôle fiscal de Rhône-Alpes-Bourgogne.
Délibéré après l’audience du 23 octobre 2018, à laquelle siégeaient :
M. Bourrachot, président de chambre,
Mme Menasseyre, présidente-assesseure,
Mme D…, première conseillère.
Lu en audience publique le 20 novembre 2018.
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N° 17LY03895
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Analyse
Abstrats : 19-01-05-01-005 Contributions et taxes. Généralités. Recouvrement. Action en recouvrement. Prescription.