CAA de PARIS
N° 16PA03417
Inédit au recueil Lebon
4ème chambre
M. EVEN, président
M. Bernard EVEN, rapporteur
Mme ORIOL, rapporteur public
BASCOULERGUE, avocat
lecture du lundi 19 novembre 2018
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Texte intégral
Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B…A…a demandé au Tribunal administratif de Paris d’annuler la décision du
31 mai 2011 par laquelle l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (INSERM) a décidé de ne pas renouveler son contrat à durée déterminée et le rejet de son recours gracieux, et d’enjoindre à l’INSERM de transformer son contrat en contrat à durée indéterminée.
Par un jugement n° 1404693/5-3 du 28 septembre 2016, le Tribunal administratif de Paris a rejeté cette demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, des mémoires et des pièces enregistrés les 25 novembre 2016, 9 mars 2018, 23 mars 2018, 3 avril et 9 avril 2018, M.A…, représenté par MeC…, demande à la Cour :
1°) d’annuler le jugement du Tribunal administratif de Paris du 28 septembre 2016 ;
2°) d’annuler la décision du 31 mai 2011 par laquelle l’INSERM a mis fin à son contrat et la décision de rejet opposé à son recours gracieux ;
3°) d’enjoindre au Président Directeur-Général de l’INSERM de rétablir la relation de travail et de reconstituer sa carrière, dès notification de l’arrêt à intervenir, sur la base d’un contrat à durée indéterminée à compter du 1er septembre 2010, sous astreinte de 200 euros par jour de retard ;
4°) et de mettre à la charge de l’INSERM la somme de 3 000 euros au titre de ses frais de première instance et 3 000 euros au titre de ses frais d’appel sur le fondement de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
– le jugement est irrégulier car le tribunal administratif a omis de statuer sur le moyen tiré de ce que son dernier contrat aurait dû être regardé comme ayant été conclu à durée indéterminée en application de l’article 4 de la loi de 1984 portant statut de la fonction publique d’Etat ;
– il justifie de circonstances particulières de nature à faire obstacle à ce que sa saisine de première instance soit considérée comme tardive ;
– son dernier contrat aurait dû être regardé comme ayant été conclu à durée indéterminée ;
– l’INSERM ne l’a pas fait bénéficier du protocole d’accord relatif à la sécurisation des parcours professionnels des contractuels de la fonction publique du 31 mars 2011, ni de la loi
n° 2012-347 du 12 mars 2012 ;
– la décision litigieuse est entachée de détournement de pouvoir en ce qu’elle a été prise afin de l’empêcher de bénéficier des dispositions de la loi n° 2012-347 du 12 mars 2012 ;
– la décision litigieuse est entachée d’une erreur manifeste d’appréciation.
Par un mémoire en défense et un mémoire complémentaire, enregistrés les 7 février 2018 et 6 avril 2018, l’INSERM conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les conclusions de première instance étaient tardives et qu’aucun des moyens invoqués par le requérant n’est fondé.
Par un mémoire en défense, enregistré le 19 mars 2018, la ministre de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les conclusions de première instance étaient tardives et qu’aucun des moyens invoqués par le requérant n’est fondé.
Un mémoire, présenté par l’INSERM, a été enregistré le 29 octobre 2018.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
– la loi du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l’amélioration des relations entre l’administration et le public ;
– la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ;
– la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l’Etat ;
– la loi n° 2012-347 du 12 mars 2012 relative à l’accès à l’emploi titulaire et à l’amélioration des conditions d’emploi des agents contractuels dans la fonction publique, à la lutte contre les discriminations et portant diverses dispositions relatives à la fonction publique ;
– le décret n°86-83 du 17 janvier 1986 relatif aux dispositions générales applicables aux agents non titulaires de l’Etat pris pour l’application de l’article 7 de la loi n° 84-16 ;
– le protocole portant sécurisation des parcours professionnels des agents contractuels dans les trois versants de la fonction publique du 31 mars 2011 ;
– le code de l’éducation ;
– le code de la santé publique ;
– le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.
Ont été entendus au cours de l’audience publique du 5 novembre 2018 :
– le rapport de M. Even,
– et les conclusions de Mme Oriol, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. M. A…fait appel du jugement du 28 septembre 2016 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l’annulation de la décision du 31 mai 2011 par laquelle l’INSERM a mis fin à son contrat et de la décision de rejet opposé à son recours gracieux, et d’enjoindre à l’INSERM de rétablir la relation de travail et de reconstituer sa carrière.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. M. A…a soutenu à l’appui de sa demande, dans le cadre de son mémoire en réplique, que son dernier contrat aurait dû être regardé comme ayant été conclu à durée indéterminée en application de l’article 4 de la loi du 11 janvier 1984 portant statut de la fonction publique d’Etat. Le tribunal administratif ne s’est pas prononcé sur ce moyen, qui n’était pas inopérant. L’intéressé est dès lors fondé à soutenir que ce jugement est entaché d’une omission à statuer et doit être annulé.
3. Il y a lieu d’évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. A…devant le Tribunal administratif de Paris.
Sur les fins de non-recevoir opposées par l’INSERM et la ministre de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation aux conclusions de première instance :
4. Le principe de sécurité juridique, qui implique que ne puissent être remises en cause sans condition de délai des situations consolidées par l’effet du temps, fait obstacle à ce que puisse être contestée indéfiniment une décision administrative individuelle qui a été notifiée à son destinataire, ou dont il est établi, à défaut d’une telle notification, que celui-ci a eu connaissance. En une telle hypothèse, si le non-respect de l’obligation d’informer l’intéressé sur les voies et les délais de recours, ou l’absence de preuve qu’une telle information a bien été fournie, ne permet pas que lui soient opposés les délais de recours fixés par le code de justice administrative, le destinataire de la décision ne peut exercer de recours juridictionnel au-delà d’un délai raisonnable. En règle générale et sauf circonstances particulières dont se prévaudrait le requérant, ce délai ne saurait, sous réserve de l’exercice de recours administratifs pour lesquels les textes prévoient des délais particuliers, excéder un an à compter de la date à laquelle une décision expresse lui a été notifiée ou de la date à laquelle il est établi qu’il en a eu connaissance.
5. Il ressort des pièces du dossier que M. A…n’a pas retiré à la Poste les plis contenant la décision contestée du 31 mai 2011, par laquelle l’INSERM l’a informé de ce que son contrat ne serait pas renouvelé, qui ont été adressés à sa dernière adresse connue. Il doit donc être regardé comme ayant reçu notification de cette décision au plus tard le 20 juillet 2011, date de présentation du dernier pli. Si cette notification était incomplète, faute de mentionner les voies et délais de recours, et si, par suite, le délai de deux mois fixé par l’article R. 421-1 du code de justice administrative ne lui était pas opposable, M. A…n’a saisi le Tribunal administratif de Paris que le 24 mars 2014.
6. Si pour expliquer cette saisine tardive, M. A…se prévaut d’une grave dépression, il ressort du certificat médical produit par l’intéressé, qu’il ne s’agissait que de troubles du sommeil et d’un état dépressif remontant au début des années 2000, antérieurs à la date de cessation de son contrat. En outre, l’état de santé de sa compagne ne justifie pas qu’il ait pu se dispenser de retirer son courrier à la Poste et attendre plus de deux ans pour saisir le tribunal administratif. L’absence de ressources invoquée est également sans incidence. Sa demande adressée au tribunal administratif excède le délai raisonnable durant lequel il pouvait l’exercer, et doit donc être considérée comme tardive. Enfin, la décision de l’INSERM du 18 juin 2012 rejetant expressément le recours gracieux dirigé contre la décision du 31 mai 2011, présente le caractère d’une décision purement confirmative de la décision initiale, qui ne peut donc avoir eu pour effet de rouvrir le délai du recours contentieux au profit de l’intéressé.
7. Il résulte de ce qui précède que, les conclusions de M.A…, à fin d’injonction, ainsi que celles présentées sur le fondement de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu’être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1404693/5-3 du 28 septembre 2016 du Tribunal administratif de Paris est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M. A…est rejetée.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B…A…, au directeur général de l’INSERM et à la ministre de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation.
Délibéré après l’audience du 5 novembre 2018, à laquelle siégeaient :
– M. Even, président de chambre,
– Mme Hamon, président assesseur,
– Mme d’Argenlieu, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 19 novembre 2018.
Le président rapporteur,
B. EVEN Le président assesseur,
P. HAMON
Le greffier,
I. BEDRLa République mande et ordonne à la ministre de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation en ce qui la concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.
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N° 16PA03417
Analyse
Abstrats : 54-01-07-02-03 Procédure. Introduction de l’instance. Délais. Point de départ des délais. Circonstances diverses déterminant le point de départ des délais.