CAA de NANTES
N° 13NT01729
Inédit au recueil Lebon
1ère Chambre
M. LENOIR, président
M. Franck ETIENVRE, rapporteur
Mme WUNDERLICH, rapporteur public
KHATCHIKIAN, avocat
lecture du jeudi 26 juin 2014
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Texte intégral
Vu la requête, enregistrée le 17 juin 2013, présentée pour la société par actions simplifiée Panavi (SAS), dont le siège social est à Torcé (35370) au lieudit « Le Haut Montigné », par Me Khatchikian, avocat ; la SAS Panavi demande à la cour :
1°) d’annuler le jugement n° 1200794 du 24 mai 2013 par lequel le tribunal administratif de Caen a, sur demande de M. B… A…, annulé la décision du 17 février 2012 par laquelle le ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social a retiré sa décision portant rejet implicite du recours hiérarchique de la SAS Panavi, a annulé la décision du 25 août 2011 par laquelle l’inspecteur du travail de la 7ème section du Calvados a refusé d’autoriser la SAS Panavi à licencier M. A… et a accordé cette autorisation ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. B… A… devant le tribunal administratif de Caen ;
elle soutient que :
– le jugement attaqué est irrégulier ;
– il est insuffisamment motivé dès lors que le tribunal s’est fondé sur un élément factuel qui est erroné ; les premiers juges ont par ailleurs omis de répondre aux conclusions tendant à la mise en oeuvre de mesures d’instruction ; ce défaut d’instruction entache d’irrégularité le jugement attaqué ;
– c’est à tort que les premiers juges se sont fondés pour annuler la décision du ministre sur ce que son recours hiérarchique n’a pas été communiqué à M. A… dès lors que ce recours a été communiqué à tous les salariés protégés concernés qui ont été reçus par le directeur départemental adjoint du travail dans le cadre de l’instruction de ce recours lors d’une réunion le 24 novembre 2011 ; les dispositions de l’article 24 de la loi du 12 avril 2000 n’ont par suite pas été méconnues ;
– la cour pourra décider pour s’en assurer de mettre en oeuvre toutes les mesures d’instruction nécessaires ;
– les institutions représentatives du personnel ont été régulièrement consultées ;
– le motif économique du licenciement est avéré ; le ministre n’a commis ni d’erreur de droit ni d’erreur d’appréciation ;
– elle a satisfait à ses obligations de reclassement ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 13 février 2014, présenté pour M. B… A…, par Me Loygue, avocat ; il conclut au rejet de la requête et à ce que soit mis à la charge de l’Etat le versement d’une somme de 2 000 euros en application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;
il soutient que :
– la procédure contradictoire prévue à l’article 24 de la loi du 12 avril 2000 n’a pas été respectée dès lors que les salariés n’ont ni été destinataires de la copie du recours hiérarchique de l’employeur ni des pièces produites à son appui ni entendu ni mis à même de faire valoir des observations écrites ;
– la consultation des instances représentatives du personnelle a été faite dans des conditions irrégulières ;
– le licenciement est dépourvu de motif économique ;
Vu le mémoire en réplique, enregistré le 12 mars 2014, présenté pour la SAS Panavi ; elle conclut aux mêmes fins que la requête par les mêmes moyens ;
Vu les pièces du dossier desquelles il résulte que la requête a été communiquée au ministre chargé du travail qui n’a pas produit d’observations ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code du travail ;
Vu la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l’audience ;
Après avoir entendu au cours de l’audience publique du 5 juin 2014 :
– le rapport de M. Etienvre, premier conseiller,
– les conclusions de Mlle Wunderlich, rapporteur public,
– et les observations de Me Legrand, avocat substituant Me Khatchikian, avocat représentant la SAS Panavi ;
1. Considérant que le 27 juin 2011, la société par actions simplifiée Panavi (SAS) a demandé à être autorisée à licencier M. A… pour motif économique ; que le 25 août 2011, l’inspecteur du travail de la 7ème section du Calvados a refusé d’accorder cette autorisation ; que sur recours hiérarchique de la SAS Panavi, le ministre chargé du travail a le 17 février 2012 retiré sa décision portant rejet implicite du recours hiérarchique de la SAS Panavi, annulé la décision du 25 août 2011 et accordé l’autorisation de licenciement sollicitée ; que sur demande de M. A…, le tribunal administratif de Caen a, par jugement du 24 mai 2013, annulé cette décision ; que la SAS Panavi relève appel de ce jugement ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Considérant que le ministre chargé du travail, auteur de la décision attaquée devant le tribunal, ayant été mis en demeure, sur le fondement des dispositions de l’article R. 612-3 du code de justice administrative, par le tribunal de présenter ses observations sur la demande présentée par M. A…, et ayant également pris connaissance du mémoire de la SAS Panavi présenté le 22 mai 2012 par laquelle cette dernière faisait état d’une enquête contradictoire menée par le ministre, les premiers juges n’ont pas commis d’irrégularité en n’estimant pas nécessaire de procéder à un supplément d’instruction en vue de s’assurer que M. A… avait été destinataire du recours hiérarchique formé par la SAS Panavi ou été entendu, comme le soutenait la SAS Panavi, par le directeur départemental du travail dans le cadre de l’instruction de ce recours au cours d’une réunion s’étant tenue le 24 novembre 2011 ; que les premiers juges n’ont pas davantage commis d’irrégularité en ne répondant pas expressément, compte tenu de son caractère frustratoire, à la demande de la SAS Panavi tendant à ce que le tribunal décide un tel supplément d’instruction et en ne se prononçant pas sur la réalité du motif économique du licenciement dès lors que le principe de l’économie des moyens lui permettait d’annuler pour un vice de procédure la décision contestée sans être tenu d’examiner les autres moyens soulevés par M. A… ;
Sur la légalité de la décision ministérielle :
3. Considérant qu’aux termes de l’article 24 de la loi susvisée du 12 avril 2000 : « Exception faite des cas où il est statué sur une demande, les décisions individuelles qui doivent être motivées en application des articles 1er et 2 de la loi n° 79-547 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l’amélioration des relations entre l’administration et le public n’interviennent qu’après que la personne intéressée a été mise à même de présenter des observations écrites et, le cas échéant, sur sa demande, des observations orales » ; que si, en excluant les décisions prises sur demande de l’intéressé du champ d’application de l’article 24 de la loi du 12 avril 2000, le législateur a entendu dispenser l’administration de recueillir les observations de l’auteur d’un recours gracieux ou hiérarchique, il n’a pas entendu pour autant la dispenser de recueillir les observations du tiers au profit duquel la décision contestée par ce recours a créé des droits ; qu’il suit de là qu’il ne peut être statué sur un tel recours qu’après que le bénéficiaire de la décision créatrice de droits a été mis à même de présenter ses observations, notamment par la communication du recours ;
4. Considérant que la SAS Panavi soutient que, contrairement à ce qu’ont estimé les premiers juges, le recours hiérarchique qu’elle a présenté a été communiqué à l’ensemble des salariés protégés concernés qui ont été entendus selon elle par le directeur départemental du travail dans le cadre de l’instruction de ce recours lors d’une réunion s’étant tenue le 24 novembre 2011 ; que la réalité de cette communication et de cette audition est cependant contestée par M. A… ; que la SAS Panavi ne produit aucun document permettant de justifier de l’existence tant de cette communication que de cette audition ; qu’enfin, le ministre chargé du travail n’a pas davantage produit, alors qu’il y a été invité, le moindre élément permettant de justifier que ses services ont mis M. A…, comme ils y étaient tenus, à même de présenter des observations écrites sur le recours hiérarchique de la SAS Panavi ; que, dans ces conditions, la SAS Panavi n’est pas fondée à soutenir que c’est à tort que les premiers juges se font fondés pour annuler la décision du ministre contestée sur la méconnaissance des dispositions de l’article 24 de la loi du 12 avril 2000 ;
5. Considérant qu’il résulte de ce qui précède que la SAS Panavi n’est pas fondée à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, qui est suffisamment motivé, le tribunal administratif de Caen a annulé, pour ce seul motif, la décision du ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social en date du 17 février 2012 ;
Sur les conclusions tendant au bénéfice des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :
6. Considérant qu’il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge de la SAS Panavi, qui est la partie perdante dans la présente instance, le versement de la somme de 2 000 euros que M. A… demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la SAS Panavi est rejetée.
Article 2 : La SAS Panavi versera à M. A… une somme de 2 000 euros en application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la SAS Panavi, à M. B… A… et au ministre du travail, de l’emploi et du dialogue social.
Délibéré après l’audience du 5 juin 2014, à laquelle siégeaient :
– M. Lenoir, président de chambre,
– M. Francfort, président-assesseur,
– M. Etienvre, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 26 juin 2014.
Le rapporteur,
F. ETIENVRE Le président,
H. LENOIR
Le greffier,
E. HAUBOIS
La République mande et ordonne au ministre du travail, de l’emploi et du dialogue social en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.
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